Traité de Butre

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Traité de Butre
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Copie du Traité de Butre (1656) entre les Provinces-Unies et les Ahantas.
Type de traité Création d'un protectorat
Dépôt Chefs des Ahanta, Directeur général de la Côte-de-l'Or néerlandaise
Langue néerlandais
Signé 27 août 1656
Butre, Ahanta (Ghana)
Effet 27 August 1656
Expiration 6 avril 1872
Parties
Signataires États généraux des Provinces Unies

Compagnies des Indes néerlandaises occidentales

Gouvernement de Butre et Hau Ahanta

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Le traité de Butre entre les Provines Unies et Ahanta est signé à Butre (orthographe historique : Boutry), Côte-de-l'Or néerlandaise (actuel Ghana) le 27 août 1656. Le traité réglemente la juridiction des Pays-Bas et de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales sur la ville de Butre et la région environnante du Haut Ahanta, créant un protectorat néerlandais sur la région et permettant l'établissement de Fort Batenstein. Le traité dure jusqu'au départ des Néerlandais de la Côte de l'Or en avril 1872.

Contexte[modifier | modifier le code]

Le pays d'Ahanta, dans ce qui est aujourd'hui la région occidentale de la République du Ghana, comprend une puissance régionale sous la forme d'une confédération de chefferies qui entre en contact précoce avec les nations européennes s'installant sur la Côte de l'Or à des fins commerciales[1].

Au XVIIe siècle, les Compagnie hollandaise des Indes occidentales, les colonies portugaises et la Compagnie suédoise d'Afrique sont concurrentes dans la région Ahanta sur la Côte de l'Or. Au début du XVIIe siècle, le Portugal possède quelques comptoirs ainsi qu'un Fort à Elmina, à l'extrémité du territoire Ahanta. Les Hollandais refusent de reconnaître le monopole Portugais défini par les Traité de Tordesillas et Traité d’Alcáçovas et s'emparent du Fort d'Elmina en 1637 durant la guerre néerlando-portugaise. Afin de chasser les Portugais, les activités des hollandais s'étendent vers l'ouest, en territoire Ahanta[2]. Ils développent un comptoir dans ville voisine d'Axim depuis 1642, tandis que les Suédois s'installent à Butre en 1650. Les puissances européennes s'allient aux États et chefs africains afin d'acquérir une domination durable dans la région.

Dans leurs efforts pour déloger les Suédois de Butre, les Néerlandais nouent différentes alliances tactiques avec les chefferies d'Ahanta et le Grand Inkassa (en) (ou Encasser), une entité politique peu connue[3].

Ruines du Fort Batenstein

Après que les Néerlandais aient chassé les Suédois de Butre, le directeur général de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, dont le siège est à St. George de la Mine, dans le centre de la Côte de l'Or, décide qu'il serait avantageux de négocier un traité avec la politique locale afin d'établir une relation de leadership pacifique à long terme. Les dirigeants d'Ahanta trouvent tout aussi avantageux de conclure un tel accord. Le traité de 1656 marque le changement définitif de juridiction européenne dans la région jusqu'en 1872[4],[5].

Le traité et les termes du protectorat s'avèrent très stables, probablement en partie parce que les Néerlandais ne souhaitent pas s'immiscer dans les affaires des États d'Ahanta, à l'exception de la ville de Butre, où ils construisent un fort (Fort Batenstein). Le traité peut être interprété comme un traité d'amitié et de coopération, plutôt que comme un traité établissant un protectorat néerlandais. Les Néerlandais travaillent en étroite collaboration avec le chef local, qui est également en deuxième ligne dans la direction politique de ce qui est devenu connu sous le nom de Royaume d'Ahanta et a sa capitale dans la ville balnéaire voisine de Busua[4],[6],[7].

En 1750, les Britanniques accusent les Provinces-Unies d'approvisionner des troupes locales Ahantas afin de mener des attaques sur leurs positions coloniales en Côte de l'Or, notamment à Dixcove. Cependant, les actions menées par les Ahantas semblent indépendantes puisqu'ils mènent également des attaques sur des positions hollandaises comme le Fort Orange à Sékondi[8].

Badu Bonsu II, portrait par F. Douchez (1839) Causeries sur la Côte de Guinée

Au début du XIXe siècle, les hollandais augmentent leur degré d'implication dans les tensions régionales et dévie des objectifs du traité pour focaliser ses échanges sur l'approvisionnement en armes à feu des Ashantis pour combattre les Mfantsiman. Cette violation du traité et cette ingérence augmente la tension chez les Ahantas représentés par leur roi Baidoo Bonsoe II (Badu Bonsu II)[9].

En 1837, le roi d'Ahanta Badu Bonsu II se rebelle contre le gouvernement néerlandais (en) et tue plusieurs officiers, dont le gouverneur par intérim Hendrik Tonneboeijer. Le gouvernement néerlandais utilise le traité comme base d'une action militaire et un corps expéditionnaire est envoyé contre les Ahantas. Le 30 juin 1838, le Major-General Jan Verveer ordonne que plusieurs villes comme Takoradi et Busua soient incendiées et y organise des massacres en répression[10]. Au terme du conflit, le roi Baidoo Bonsoe II est capturé, condamné pour meurtre et pendu. Il sera ensuite décapité et sa tête envoyée aux Pays-Bas[11],[N 1]. Les Néerlandais réorganisent l'État d'Ahanta, après la rébellion, nommant le chef de Butre comme régent, gardant le pays sous contrôle étroit avec une présence militaire et civile élargie[12].

Vue sur Butre et son Fort depuis l'estuaire, Gramberg, 1861

Lorsque les Néerlandais revendent leurs possessions sur la Côte de l'Or aux Britanniques le 6 avril 1872, le traité de 1656 est toujours en vigueur, ayant réglementé les relations politiques entre les Néerlandais et Ahanta pendant plus de 213 ans. Le traité est l'un des plus anciens entre un État africain et un État européen[6].

Avec les possessions néerlandaises, les Britanniques reprennent toutes les obligations légales, y compris les traités et contrats existants. Après le transfert, les Britanniques commencent à développer leurs propres politiques envers les possessions désormais unies de la Côte de l'Or. Ahanta résiste à la prise de contrôle britannique, avec pour résultat que la Royal Navy britannique bombarde Butre en 1873 pour obtenir une soumission politique. En 1874, la Grande-Bretagne déclare toute la Côte de l'Or – y compris Ahanta – colonie de la Couronne, mettant fin de jure et de facto à toutes les anciennes obligations diplomatiques et juridiques[6].

Contenu[modifier | modifier le code]

Titre[modifier | modifier le code]

Le traité est intitulé « Dédicace du Haut Ahanta et de Butre » (Opdracht van Hooghanta ende Boutry), ce qui indique immédiatement la nature du contrat, à savoir l'établissement d'un protectorat[4],[7].

Fort Batenstein à Butre, quartier général néerlandais à Ahanta (Côte de l'Or néerlandaise), 1709. Lithographie.

Lieu et date[modifier | modifier le code]

Le traité est signé à la fois par les Ahantas et les délégués néerlandais à Butre le 27 août 1656 et prend effet immédiatement[7].

Partenaires contractuels[modifier | modifier le code]

Les parties contractantes du côté néerlandais sont : la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales, pour elle-même, et par l'intermédiaire de son directeur général représentant les États généraux, puissance souveraine du pays, pour la République des Provinces-Unies[4]. Les signataires sont Eduard Man et Adriaan Hoogenhouck, commissaire au service de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales[7].

Les cocontractants côté Ahanta sont Cubiesang, Aloiny, Ampatee et Maniboy, chefs du Pays Anta. Ils sont également les signataires du traité, avec Ladrou, Azizon, Guary et Acha. Harman van Saccondé, Menemé et Rochia, capitaines de Boutry sont mentionnés comme parties supplémentaires dans le traité, et ils ratifient le traité, avec Tanoe[4].

Conditions[modifier | modifier le code]

Étant une dédicace, le traité est plutôt unilatéral dans ses termes. Ahanta déclare qu'au vu des anciennes bonnes relations avec le gouvernement néerlandais établies dans le passé à Axim, et au vu des circonstances défavorables causées par la guerre avec Encasser, il est décidé d'inviter le directeur général néerlandais d'Elmina à venir à Butre et accepter la possession de ce qui lui est offert. Ahanta se place sous la protection à la fois des États généraux des Provinces-Unies et de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. Cela est fait à la condition que les Néerlandais fortifient et défendent les lieux sous leur protection, et gardent l'Ahanta à l'abri des dangers de la guerre[4].

Remarque[modifier | modifier le code]

Le contenu du traité est rédigé en néerlandais et traduit oralement aux représentants Ahantas. Des historiens soulignent qu'il soit peu probable que les chefs tribaux acceptent de se considérer comme vassaux d'un pays étranger, alors que les conditions du traité sont claires sur ce point. L'hypothèse d'une traduction erronée (volontairement ou non) est appuyée tout comme celle de signature forcée[8].

Controverses actuelles[modifier | modifier le code]

Le contexte qui mène les Ahanta à la révolte, derrière Badu Bonsu II, en 1837 est propice à quelques critiques soulevant les potentiels abus colonialistes des hollandais ainsi que la traite négrière. Les termes et conditions du traité de Butre auraient été violés afin de mener une politique esclavagiste. La redécouverte de la tête décapitée de Badu Bonsu II, en 2005, soulève plusieurs interrogations et renforce ces controverses, évoquant des massacres durant la guerre Ahanto-hollandaise[13]. Aujourd'hui encore, les Ahantas réclament que la tête de Badu Bonsu II revienne dans leur territoire, celle-ci étant actuellement conservée à Accra, ainsi que des excuses pour l'implication des Pays-Bas dans l'esclavage[14]. En mars 2009, Mark Rutte et le chef suprême Ahanta Baidoo Bonsoe XV, descendant direct de Badu Bonsu II, signent un pacte à La Haye afin de restituer la tête[15]. Le 19 décembre 2022, le premier ministre néerlandais Mark Rutte s'exprime sur le rôle et l'implication historique des Pays-Bas dans le commerce d'être humains et présente des excuses aux archives nationales[16]. Le roi Badu Bonsu II est perçu comme un héro par les Ahantas, et sa rébellion légitime, prétendant que celle-ci a permis de mettre au jour les violations du traité et la traite négrière qui en aurait découlé[17],[N 2].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Elle est redécouverte au Centre médical universitaire de Leiden par Arthur Japin en 2005 et renvoyée, pour un enterrement approprié, lors d'une cérémonie le 23 juillet 2009 à La Haye.
  2. Les sources relatives à la traite négrière chez les Ahantas sont maigres. Cependant, les interactions diplomatiques modernes (excuses officielles pour l'esclavage) permettent de donner du crédit aux propos de la communauté Ahanta.

Références[modifier | modifier le code]

  1. van Dantzig, Forts and castles of Ghana, 21–24 p.
  2. (en) Harvard University, A History of the Gold Coast of West Africa, Chapman and Hall, ld., (lire en ligne)
  3. van Dantzig, Forts and castles of Ghana, 25–26 p.
  4. a b c d e et f Doortmont et Smit, Sources for the mutual history of Ghana and the Netherlands, 281 p.
  5. Doortmont et Smit, Sources for the mutual history of Ghana and the Netherlands, 255–256 p.
  6. a b et c Doortmont; Savoldi (eds.), The castles of Ghana, pp. 106–109
  7. a b c et d See text of treaty at Wikisource
  8. a et b (en) John Kwadwo Osei-Tutu et Victoria Ellen Smith, Shadows of Empire in West Africa: New Perspectives on European Fortifications, Springer, (ISBN 978-3-319-39282-0, lire en ligne)
  9. « Ancient Mfantse Heroes And King Badu Bonsu - Opera News », sur gh.opera.news (consulté le )
  10. (en) « Histoire des Ahanta »
  11. « Badu Bonsu II, le roi qui a tenu tête aux colons néerlandais », sur Histoire d'Afrique et des Peuples Noirs, (consulté le )
  12. Doortmont et Smit, Sources for the mutual history of Ghana and the Netherlands, 279, 282–283
  13. (en-US) « Ahanta people deserve more than apologies from the Dutch government for their role in slavery and colonialism - MyJoyOnline.com », sur www.myjoyonline.com, (consulté le )
  14. (en) « We demand that the head of Badu Bonso II be returned to Ahanta as the Dutch govt apologises for their role in slavery », sur GhanaWeb, (consulté le )
  15. (en-US) « Badu Bonsu II; The King whose head was Preserved in a jar in a laboratory », sur Ghanaian Museum, (consulté le )
  16. (nl) Ministerie van Algemene Zaken, « Speech by Prime Minister Mark Rutte about the role of the Netherlands in the history of slavery - Speech - Government.nl », sur www.government.nl, (consulté le )
  17. (en) Yewande Ade, « The Man Whose Life Was Taken Because He Rebelled Against The Dutch », sur Medium, (consulté le )

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Michel R. Doortmont et Jinna Smit, Sources for the mutual history of Ghana and the Netherlands. An annotated guide to the Dutch archives relating to Ghana and West Africa in the Nationaal Archief, 1593-1960s, Leiden, Brill, (ISBN 978-90-04-15850-4)
  • Albert van Dantzig, Forts and castles of Ghana, Accra, Sedco Publishing, (ISBN 9964-72-010-6)

Voir aussi[modifier | modifier le code]