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Thor Heyerdahl

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Thor Heyerdahl
Dans les années 1980.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 87 ans)
Colla Micheri (en) (Andora)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Université d'Oslo (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Père
Thor Heyerdahl (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Alison Martine Lyng (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoints
Liv Rockefeller (d) (de à )
Yvonne Dedekam-Simonsen (d) (de à )
Jacqueline Beer (de à )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Thor Heyerdahl (d)
Bjorn Heyerdahl (d)
Marian Heyerdahl (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Distinctions

Thor Heyerdahl, né le à Larvik en Norvège et mort le à Andora en Italie, est un archéologue et navigateur norvégien, devenu internationalement célèbre en 1947 à la suite de l'expédition du Kon-Tiki, tentative de rallier les îles polynésiennes sur un radeau partant des côtes d'Amérique du Sud afin d'expliquer le peuplement de l'Océanie. Il a démontré par l'exemple qu'il était possible de naviguer en haute mer avec des embarcations en balsa, en papyrus et en roseaux.

Jeunesse et formation

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Le Kon-Tiki.

Thor Heyerdahl naît en 1914 dans la petite ville norvégienne de Larvik. Il s'intéresse très tôt à la zoologie, puis à l'ethnographie.

En 1937, il entreprend avec son épouse Liv Torp-Heyerdahl (1916-1969) un voyage d'exploration zoologique aux îles Marquises. Ils vivent un an et demi à Fatu Iva, d'abord à Omoa, puis à Ouia, une vallée aujourd'hui déserte de la côte est de l'île. Officiellement chargés par l'université d'Oslo d'effectuer des recherches sur la répartition et la diffusion des espèces animales entre les îles polynésiennes, ils ont pour objectif plus personnel, pour ce voyage qui est aussi celui de leur noce, de « courir les mers du sud » et ne jamais revenir. Le couple débarque à Omoa en 1937, mais trouve la civilisation encore trop présente à leur goût. Ils traversent alors l'île pour s'installer à Ouia, sur la côte est de l'île, une vallée anciennement habitée par les Marquisiens. Au bout d'un an et demi cependant, les moustiques, maladies et intempéries ont raison de leur enthousiasme. Impressionné par les sculptures monumentales qui s'y trouvent, il refuse de croire qu'elles sont l'œuvre de Polynésiens[1],[n 1]. Il commence alors à se passionner pour l'étude du peuplement ancien des îles polynésiennes. À l'encontre de la théorie admise jusqu'alors d'un peuplement venant de l'Asie du Sud-Est, en se fondant notamment sur des mythes populaires très proches en Polynésie et en Amérique latine[2], il émet l'hypothèse d'une expansion dans l'océan Pacifique à partir de l'Amérique.

Sa théorie, qui sera publiée en détail en dans Indiens d'Amérique dans le Pacifique : La théorie derrière l'expédition Kon-Tiki[3] affirme que les principales civilisations d'Amérique précolombienne puis de Polynésie ont été fondées par des « hommes blancs barbus », adorateurs du Soleil, descendants de colons ayant traversé l'Atlantique. L'un d'eux, identifié au dieu inca Viracocha (également appelé « Kon-Tiki ») a fondé les premières civilisations de Polynésie après avoir été chassé de Tiwanaku vers avec ses hommes. Ces premiers polynésiens auraient ensuite été vaincus ou assimilés par une deuxième vague de migrants « Maori-Polynésiens » eux aussi venus d'Amérique d'après Heyerdahl, mais originaires d'Asie via le détroit de Béring et de langue austronésienne[1].

L'expédition du Kon-Tiki

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Cette nouvelle théorie est accueillie fraîchement ; il décide donc de l'étayer en essayant de reproduire, dans les conditions de l'époque, le voyage d'Amérindiens à la dérive à travers le Pacifique. En 1947, il part de Callao au Pérou avec cinq équipiers sur un radeau de troncs de balsa, baptisé Kon-Tiki ; au bout de trois mois, il atteint les îles Tuamotu : lui et ses compagnons échouent sur l'atoll Raroia.

Le livre qu'il écrit, L'Expédition du Kon-Tiki, connaît un succès international. Il poursuit ses recherches en organisant en 1953 une campagne de fouilles sur les îles Galápagos, où il découvre des vestiges d'origine inca, ce qui, d'après lui, confirme sa théorie. Des fragments de poteries Huancavilca provenant de la côte équatorienne ont été découvertes en 1956 par Thor Heyerdahl et Arne Skjølsvold qui les ont interprétés comme d'origine incaïque. En 1956, il affirme que les reliefs du tiki Maki'i Tau'a Pepe, dans les îles Marquises, étaient des lamas ou des pumas, pour renforcer sa théorie selon laquelle la Polynésie a été colonisée depuis Amérique du Sud. Plus tard, des écrivains non identifiés et des rumeurs ont insinué que Heyerdahl avait délibérément modifié et dégradé les images dans son processus de restauration. À partir de cette même année, il dirige une équipe de 23 chercheurs principalement norvégiens qui réalisent d'importantes fouilles archéologiques sur l'île de Pâques ; il trouve là encore des indices qui le confortent[réf. nécessaire] dans sa théorie, mais les milieux scientifiques restent généralement sceptiques sur la validité des conclusions de Thor Heyerdahl[4] :

  • d'une part les découvertes faites ne concernent que deux des îles les plus proches du continent américain ;
  • les découvertes faites avant et après l'expédition du Kon-Tiki contredisant l'hypothèse de Thor Heyerdahl sont bien plus nombreuses, en particulier l'étude archéologique des poteries Lapita, et établissent la chronologie du peuplement des îles de l'océan Pacifique à partir de l'Asie[5] ;
  • le développement des études génétiques semble corroborer l'hypothèse du peuplement de la Polynésie à partir de l'Asie[6].
  • les auteurs récents remarquent le racisme qui sous-tend la théorie de Heyerdahl, dans laquelle les Austronésiens sont culturellement inférieurs en tout point à leurs prédécesseurs blancs[1].

Expédition sur l'île de Pâques

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Dans les années 1950, Thor Heyerdhal et une équipe de six personnes commencent à tailler un moaï avec des outils de l’époque. Même s’ils s’arrêtent avant d’avoir terminé l’excavation de leur statue, Heyerdhal calcule qu’il faudrait environ 12 à 15 mois pour extraire un moaï de taille moyenne[7]. Pour redresser le moaï, Heyerdhal demande aux Rapanuis de trouver un moyen, et ceux-ci érigent une rampe de pierres en pente douce pour tirer la statue la base en avant. Puis ils soulèvent la tête de la statue de quelques centimètres grâce à des leviers de rondins. Dans l’espace créé, les ouvriers glissent des pierres, qui maintient la tête de la statue. De degrés en degrés, la statue est ainsi élevée jusqu’à sa position verticale. Selon cette hypothèse, les moaï surmontés de leur pukao sont érigés en une fois, c’est-à-dire que le pukao est déjà assemblé à son moaï dans sa position couchée, l’ensemble maintenu par un châssis[8], plutôt que d’être élevé sur la tête de son moaï, une fois celui-ci debout. Il est le découvreur du moaï Tukuturi.

En 1955, Thor Heyerdahl recrute l'archéologue américain William Mulloy et son associé chilien, Gonzalo Figueroa García-Huidobro, pour rétablir les moaï d'Ahu Akivi dans leur position d'origine ; ils les avaient trouvées renversées en 1950[9].

Des graines du toromiro qui ont été identifiées dans le cratère Rano Kau par Thor Heyerdahl durant son expédition sur l'île de Pâques puis ont été emmenées en Europe[10].

Des Égyptiens en Amérique ?

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Ra II au musée du Kon-Tiki à Oslo.

En 1969, il tente d'appliquer sa méthode de démonstration par l'exemple en utilisant cette fois des bateaux en papyrus des anciens Égyptiens qu'il pense aptes à traverser l'océan Atlantique. Une première expérience à bord du échoue après 5 000 km en mer, mais l'année suivante le bateau de papyrus Râ II, parti du Maroc et poussé par les courants marins, atteint la Barbade, démontrant que les anciens Égyptiens, s'ils étaient partis du Maroc (à plus de 3 500 km de l'Égypte), auraient pu influencer les civilisations pré-colombiennes. À noter cependant qu'on n'a pas trouvé de traces d'un passage des anciens Égyptiens à l'ouest de l'Égypte.

Le Thor Heyerdahl (de), bateau nommé en l'honneur de Thor Heyerdahl, dans le fœrde de Kiel.
« Borders? I have never seen one. But I have heard they exist in the minds of some people. »
Citation de Thor Heyerdahl affichée à l'extérieur du musée du Kon-Tiki à Oslo.
Traduction : « Des frontières ? Je n’en ai jamais vu aucune. Mais j’ai entendu dire qu’elles existent dans l’esprit de certaines personnes ! »

Dernières explorations

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En 1977 — il a alors 63 ans —, il entreprend avec un bateau de roseaux, le Tigris, d'étudier les routes commerciales maritimes et les échanges culturels dès l'an 3000 av. J.-C. entre Sumer, en Mésopotamie, et d'autres civilisations du Moyen-Orient, d'Afrique du Nord-Est et du Pakistan, avec la civilisation de la vallée de l'Indus.

Enfin, il se consacre à des recherches archéologiques aux Maldives, aux îles Canaries, et à Túcume au Pérou, où vingt-cinq pyramides sont exhumées. En ce qui concerne les Maldives, selon lui[réf. nécessaire], des populations de Lothal, dans la vallée de l'Indus, seraient venues sur ces îles et y auraient construit des pyramides à degrés. Puis leurs descendants seraient allés d'un côté en Égypte, comme en témoignerait la pyramide de Saqqarah, de l'autre vers le Mexique.

Dans les années 1990, Thor Heyerdahl, après avoir visité le site de Túcume au Pérou, lance un projet de recherche (auquel participent les archéologues Daniel Sandweiss et Alfredo Narváez) qui aboutit à la création d'un musée du site de Túcume.

En , il étudie les pyramides de Güímar et découvre qu’elles ne pouvaient pas être formées de pierres mises au hasard. Par exemple, les pierres situées aux angles des pyramides montrent des marques dues à l’homme, et le sol a été surélevé avant la construction des pyramides. Les pierres ne proviennent pas des champs environnants mais de roches volcaniques. Toutes les pyramides ont des escaliers, permettant l’accès aux plates-formes situées au sommet. Il postule que les Canaries servaient de base pour les navires naviguant entre la Méditerranée et l’Amérique. La route la plus rapide entre ces deux régions passait par les Canaries. Christophe Colomb l’empruntait notamment. Malgré ces découvertes, Heyerdahl n'a pas pu déterminer ni l’âge des pyramides, ni l’identité de leur constructeur.

Sans avoir arrêté son activité, il meurt à 87 ans à Colla Micheri, hameau de la commune italienne d'Andora.

Il a publié de nombreux ouvrages de vulgarisation et d'aventure traduits dans de nombreuses langues qui lui ont assuré une renommée internationale.

Distinctions

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  • (no) Pa Jakt Efter Paradiset, Gyldendal, Oslo, 1938
  • L'Expédition du Kon-Tiki [« Kon-Tiki Ekspedisjonen »] (trad. du norvégien par Marguerite Gay et Gerd de Mautort), Paris, Albin Michel, — réédité en 2002 par Phébus (ISBN 2-85940-850-9)
  • (en) American Indians in the Pacific, The Theory behind the Kon-Tiki Expedition, éd. George Allen & Unwin, Londres, 1952
  • (en) Objects and Results of the Kon-Tiki Expedition, Proceedings of the 30th International, Congress of Americanists, p. 76-81, Cambridge, 1952
  • Expéditions Râ, Paris, Presses de la Cité, — réédité en 2023 chez Libretto (ISBN 978-2-36914-836-4)
  • Aku-Aku, Le secret de l'île de Pâques [« Aku-Aku - Påskeøyas hemmelighet »] (trad. du norvégien par Marguerite Gay et Gerd Mautort), Albin Michel, (1re éd. 1958) (ISBN 2-7529-0088-0)
  • Fatu Hiva, le retour à la nature [« Fatu-Hiva - Back to Nature »] (trad. de l'anglais par Aliette Henri Martin), Papeete, Les éditions du Pacifique, (ISBN 2-85700-061-8) — réédition et adaptation du premier ouvrage écrit en 1938 en langue norvégienne Pa Jakt Efter Paradiset (à la recherche du Paradis)
  • Tigris : à la recherche de nos origines, Albin Michel, (ISBN 2-226-00881-0)
  • Île de Pâques, l'énigme dévoilée, Albin Michel, (ISBN 2-226-03529-X)
  • Le Mystère des Maldives, Albin Michel, (ISBN 2-226-02936-2)

Notes et références

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  1. Comme beaucoup d'hommes de sa génération, Thor Heyerdahl a été influencé par les nombreux articles de presse qu'a inspiré l'essai Arische Weltanschauung (« La vision du monde aryenne », 1905) de Houston Stewart Chamberlain qui, à partir de références du Rig-Véda mal interprétées, pensait que les peuples indo-européens nordiques, désignés de manière impropre par le terme « Aryens », auraient migré à travers le monde et fondé toutes les civilisations majeures, diffusant en particulier l'art du mégalithisme ; on retrouve des influences de cette théorie dans la littérature chez des auteurs comme Pierre Carnac, Robert Charroux ou Serge Hutin, et dans la bande dessinée chez le scénariste belge Jean Van Hamme qui, dans le cycle du Pays Qâ de la série d'albums Thorgal (Le Pays Qâ, Les Yeux de Tanatloc, La Cité du dieu perdu et Entre terre et lumière) attribue le mégalithisme des grandes civilisations précolombiennes à une aristocratie nordique, elle-même venue de l'espace. Cf.: (en) Edwin F. Bryant (éd.) et Laurie L. Patton (éd.), Indo-Aryan Controversy: Evidence and Inference in Indian History, Routledge/Curzon, (ISBN 0-7007-1463-4).

Références

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  1. a b et c (en) Victor Melander, « David’s Weapon of Mass Destruction: The Reception of Thor Heyerdahl’s ‘Kon-Tiki Theory’ », Bulletin of the History of Archaeology,‎ (lire en ligne).
  2. L'Expédition du Kon-Tiki, Éditions Albin Michel (1951), ou Éditions Phébus, 2002, (ISBN 2-85940-850-9).
  3. (en) Thor Heyerdahl, American Indians in the Pacific: The theory behind the Kon-Tiki expedition, Oslo, Gyldendal, .
  4. ROBERT C. SUGGS, « LE MYTHE DU « KON-TIKI » », Revue des Deux Mondes (1829-1971),‎ , p. 354–368 (ISSN 0035-1962, lire en ligne, consulté le ).
  5. Matthew Spriggs, Chapter 6. The Lapita Culture and Austronesian Prehistory in Oceania - An Outline of Archaeological Prehistory.
  6. Melanesian and Asian Origins of Polynesians: mtDNA and Y Chromosome Gradients Across the Pacific, Molecular Biology and Evolution, Volume 23, Issue 11, 1 November 2006, Pages 2234–2244
  7. Easter Island: Giant Stone Statues Tell of a Rich and Tragic Past, Caroline Arnold, p. 27
  8. Crépuscule sur l'île de Pâques, dans Effondrement de Jared Diamond
  9. « Easter Island: stones, history. Easter Island », Lost Civilizations.net (consulté le ).
  10. Le Moniteur, « Le miracle du "Sophora toromiro" », www.lemoniteur.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Bibliographie

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  • Erik Hesselberg, Les Compagnons du Kon-Tiki, éditions Julliard, Paris, 1952.
  • Bengt Danielsson, From Raft to Raft, Allen and Unwin, Londres, 1960 (traduit en français sous le titre : Le Dernier Rendez-vous d'Eric de Bisschop, Julliard, Paris, 1962 ; ce livre est principalement consacré à l'expédition d'Éric de Bisschop sur le radeau Tahiti-Nui II, de février à août 1958).
  • Arnold Jacoby, Heyerdahl, de Kon-Tiki à Râ II, éditions Arthaud, Paris, 1970
  • Christopher Ralling, The Kon-tiki man, Thor Heyerdahl, BBC Books, 352 p., 1990 (ISBN 978-0563209201)
  • Snorre Evensberget, Thor Heyerdahl: The Explorer, J.M.Stenersen, Oslo, 1994.
  • Ben R. Finney, Voyage of Rediscovery: a cultural odyssey through Polynesia, University of California, Los Angeles, 1994.
  • Donald P. Ryan, Thor Heyerdahl et l'expédition du Kon-Tiki : mythe et réalité, in Bulletin de la Société des Études Océaniennes no 275, p. 22-35, septembre 1997, [lire en ligne]

Articles connexes

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Liens externes

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