Théorie du champ moyen dynamique

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La théorie du champ moyen dynamique (DMFT) est une méthode utilisée pour déterminer la structure électronique de systèmes fortement corrélés. Dans ces systèmes, les fortes corrélations électron-électron rendent impossible le traitement de chaque électron comme une particule indépendante agissant dans un potentiel effectif, comme c'est usuellement le cas dans des calculs de structure de bandes conventionnels comme en théorie de la fonctionnelle de la densité. La théorie du champ moyen dynamique est une méthode non-perturbative de la matière condensée qui traite toutes les interactions locales entre les électrons et permet de faire le pont entre la limite du gaz d'électrons quasi-libres et la limite de la localisation atomique[1].

La DMFT est utilisée pour projeter le problème d'un réseau à plusieurs corps sur un problème local à plusieurs corps, appelé un modèle d'impureté[2]. Typiquement, on utilise le modèle d'impureté d'Anderson. La projection sur un autre modèle ne constitue pas en soi une approximation, c'est plutôt afin de résoudre ce dernier qu'il faut avoir recours à une méthode de résolution qui implique une approximation. Dans le cas de la DMFT, l'approximation clef est que la self énergie du réseau initial est indépendante de la quantité de mouvement, en d'autres termes, c'est une quantité dite locale. Cette approximation devient exacte dans la limite où le réseau à une coordinence infinie[3].

L'un des principaux succès de la DMFT est de décrire la transition de phase entre un métal et un isolant de Mott, lorsque la force des corrélations électroniques est augmentée. C'est ainsi que plusieurs matériaux ont été simulés avec succès, en combinaison avec l'approximation de la densité locale en théorie de la fonctionnelle de la densité[4],[5].

Relation à la théorie du champ moyen[modifier | modifier le code]

Le traitement DMFT des modèles de réseaux quantiques est similaire au traitement de la théorie du champ moyen (MFT) pour les modèles classiques comme le modèle d'Ising[6]. Dans le modèle d'Ising, le réseau est projeté en un problème effectif d'un seul site, dont l'aimantation reproduit l'aimantation du réseau à travers un champ moyen effectif. Cette condition est appelée condition d'auto-cohérence et elle stipule que les observables à un site devraient reproduire les observables "locales" du réseau en utilisant le champ effectif. Tandis que le Hamiltonien d'Ising à N-sites est difficile à résoudre analytiquement, le problème à un site est facilement résoluble (à ce jour, des solutions analytiques du modèle d'Ising n'existent qu'en 1D et 2D).

Similairement, la DMFT projette un problème de réseau (par exemple le modèle d'Hubbard) sur un problème à un site. L'observable locale est la fonction de Green locale et la condition d'auto-cohérence est que la fonction de Green de l'impureté doit reproduire la fonction de Green locale du réseau à travers un champ moyen effectif qui, en DMFT, est la fonction d'hybridation du modèle d'impureté. La méthode prend son nom du fait que son champ moyen dépend du temps, donc est dynamique. Cette caractéristique pointe du même coup sur une différence fondamentale entre le MFT d'Ising et la DMFT: le MFT d'Ising prend un problème à N-spin et le ramène à un problème à un site, à un spin; la DMFT projette le problème d'un réseau sur un problème à un site, mais ce dernier reste fondamentalement un problème à N-corps qui capture les fluctuations temporelles causées par les corrélations électron-électron.

Description de la DMFT pour le modèle d'Hubbard[modifier | modifier le code]

La projection DMFT[modifier | modifier le code]

Le modèle d'Hubbard à une orbitale[modifier | modifier le code]

Le modèle d'Hubbard décrit la répulsion coulombienne ressentie par deux électrons de spin opposés qui se trouvent sur le même site. Cette interaction est décrite par un unique paramètre , appelée l'énergie de double occupation. L'Hamiltonien de Hubbard peut alors prendre la forme suivante:

est un opérateur d'annihilation (création) d'un électron de spin sur l'orbitale localisée , dénote l'ensemble des premiers voisins, est le terme de saut qui décrit l'amplitude de probabilité qu'un électron passe d'un site vers un site et . Si on voulait inclure plus de voisins dans le terme de saut, on pourrait généraliser .

Problème auxiliaire: le problème d'impureté d'Anderson[modifier | modifier le code]

Le modèle d'Hubbard est en général impossible à traiter avec des techniques d'expansions perturbatives habituelles. La DMFT projette ce modèle sur réseau sur le modèle d'impureté d'Anderson (AIM). Ce dernier décrit l'interaction d'un site (l'impureté) avec un bain de niveaux électroniques (décrient par les opérateurs de création et d'annihilation et ) à travers la fonction d'hybridation. Le Hamiltonien du modèle d'Anderson à une seule orbitale s'écrit

avec

  • l'Hamiltonien décrivant l'ensemble des états du bain d'électrons non-corrélés d'énergie ;
  • l'Hamiltonien décrivant l'orbitale de l'impureté, avec le potentiel chimique associé;
  • l'Hamiltonien décrivant le couplage entre le bain et l'impureté à travers les termes d'hybridation .

Références et notes[modifier | modifier le code]

  1. Antoine Georges, Gabriel Kotliar, Werner Krauth et Marcelo J. Rozenberg, « Dynamical mean-field theory of strongly correlated fermion systems and the limit of infinite dimensions », Reviews of Modern Physics, vol. 68, no 1,‎ , p. 13–125 (DOI 10.1103/RevModPhys.68.13, lire en ligne, consulté le )
  2. Antoine Georges et Gabriel Kotliar, « Hubbard model in infinite dimensions », Physical Review B, vol. 45, no 12,‎ , p. 6479–6483 (DOI 10.1103/PhysRevB.45.6479, lire en ligne, consulté le )
  3. Walter Metzner et Dieter Vollhardt, « Correlated Lattice Fermions in $d=\ensuremath{\infty}$ Dimensions », Physical Review Letters, vol. 62, no 3,‎ , p. 324–327 (DOI 10.1103/PhysRevLett.62.324, lire en ligne, consulté le )
  4. G. Kotliar, S. Y. Savrasov, K. Haule et V. S. Oudovenko, « Electronic structure calculations with dynamical mean-field theory », Reviews of Modern Physics, vol. 78, no 3,‎ , p. 865–951 (DOI 10.1103/RevModPhys.78.865, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) D. Vollhardt, « Dynamical mean-field theory for correlated electrons », Annalen der Physik, vol. 524, no 1,‎ , p. 1–19 (ISSN 1521-3889, DOI 10.1002/andp.201100250, lire en ligne, consulté le )
  6. Antoine Georges, « Strongly Correlated Electron Materials: Dynamical Mean‐Field Theory and Electronic Structure », AIP Conference Proceedings, vol. 715, no 1,‎ , p. 3–74 (ISSN 0094-243X, DOI 10.1063/1.1800733, lire en ligne, consulté le )