Thèbes (Égypte)
Thèbes Ville d'Égypte antique | |
Noms | |
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Nom égyptien ancien | Ouaset (Wȝst) Niout-Amon (Niw.t-Jmn) Niout-Reset (Niw.t-rs.t) Iounou-Shemâ (Iwnw-šmꜥ) |
Nom grec | Thēbai (grec ancien : Θῆβαι), d'où Thèbes Dios pólis megálê (grec ancien : Διόσ πόλις μεγάλη), d'où Diospolis Magna |
Nom arabe | al-uqṣur, (arabe : الأقصر) |
Nom autre | Louxor |
Administration | |
Pays | ![]() |
Région | Haute-Égypte |
Nome | 4e : Nome du Sceptre (Wȝst) |
Géographie | |
Coordonnées | 25° 43′ 00″ nord, 32° 39′ 00″ est |
Localisation | |
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Thèbes (aujourd'hui Louxor) est le nom grec (Thebai) de la ville d'Égypte antique Ouaset (« Le sceptre » ou « La Puissante »), appartenant au quatrième nome de Haute-Égypte, sur la rive orientale du Nil, la vallée des Rois lui faisant face sur l'autre rive.
D'abord obscure capitale de province, elle prend une importance nationale à partir de la XIe dynastie. Elle est en effet la ville d'origine des dynastes de la famille des Antef, qui fondent la XIe dynastie avec Montouhotep Ier et Montouhotep II, liquidateurs de la Première Période intermédiaire et rassembleurs des Deux Terres[1], c'est-à-dire de la Haute-Égypte et de la Basse-Égypte.
Thèbes est également la patrie de Séqénenrê Taâ dit « le Brave », dont les successeurs, Kamosé et Ahmôsis, vont libérer l'Égypte antique des Hyksôs et clore la Deuxième Période intermédiaire.
Toponymie[modifier | modifier le code]
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La ville a porté plusieurs noms pendant l'antiquité égyptienne, dont Ouaset (Wȝst), signifiant la « Ville du sceptre », Niout-Amon (Niw.t-Jmn), signifiant la « Ville d'Amon », Niout-Reset (Niw.t-rs.t) et Iounou-Shemâ (Iwnw-šmꜥ).
Deux noms sont connus pour l'époque ptolémaïque : Thēbai (grec ancien : Θῆβαι), francisé en Thèbes, et Dios pólis megálê (grec ancien : Διόσ πόλις μεγάλη), que les romains ont nommé Diospolis Magna. L'origine du mot Thēbai est incertaine : selon Martin Bernal[5], il viendrait directement ou indirectement d'une racine égyptienne : ḏbȝt ou dbt, signifiant « boîte, coffre ; cercueil ; palais ; temple ». Pour distinguer Thèbes l'égyptienne de Thèbes la grecque, ils ont surnommé la ville "Thèbes aux cent portes" (Θῆβαι ἑκατόμπυλοι, Thēbai hekatómpyloi), tandis que la ville grecque était nommée "Thèbes aux sept portes" (Θῆβαι ἑπτάπυλοι, Thēbai heptápyloi). Après la conquête macédonienne de l'Égypte, Amon ayant été associé à Zeus, la ville fut renommée Dios pólis megálê (grec ancien : Διόσ πόλις μεγάλη), signifiant Diospolis la Grande, que les romains ont renommé par la suite Diospolis Magna. Le nom actuel est al-uqṣur, (arabe : الأقصر), qui a été francisé Louxor.
Préhistoire[modifier | modifier le code]
Le site de Thèbes est peuplé, au moins, depuis le Paléolithique moyen.

Thèbes l'égyptienne[modifier | modifier le code]
On y adorait principalement trois dieux, Amon « Le caché », Mout « La mère » et Khonsou « Le voyageur », regroupés dans la triade thébaine. Un autre dieu y avait son temple : Montou, divinité guerrière également adorée non loin de Thèbes.
Il est probable que Montou était à l'origine la divinité principale de la région thébaine, car outre son sanctuaire de Karnak, on lui dédia des temples à Hermonthis, à Tôd, et à Médamoud, cités à la périphérie de Thèbes, qui formaient le Palladium de Thèbes décrit par les auteurs gréco-romains qui visiteront la région : une enceinte divine et magique dont les temples du dieu guerrier hiéracocéphale sont autant de forteresses qui protègent la cité d'Amon contre toute agression du mal.
Les noms mêmes des Montouhotep, pharaons de la XIe dynastie, inaugurant le Moyen Empire, semblent confirmer cette hypothèse. Avec les Sésostris et les Amenemhat de la dynastie suivante, le culte d'Amon éclipse peu à peu celui de Montou. Le culte de cette antique divinité retrouvera un second développement lors de la Basse époque et de la domination grecque puis romaine : les temples sont alors reconstruits et le culte de l'hypostase divine du dieu sous la forme du taureau Boukhis devint, tout comme celui d'Apis, l'élément central de la liturgie thébaine.
Thèbes prend un essor extraordinaire au Nouvel Empire, en tant que résidence du dieu dynastique Amon-Rê. La ville devient alors l'« Héliopolis du Sud », toute consacrée au culte du dieu dynastique, étroitement associé à l'idéologie royale. Son territoire devient également le siège de la nécropole royale, avec le creusement dans la montagne thébaine de dizaines d'Hypogées royaux.
Sur la rive Est se dressaient les maisons des vivants, de part et d’autre des voies processionnelles qui reliaient les enceintes de Karnak et le temple de Louxor, voies qu'empruntaient les barques sacrées d'Amon, de Mout et de Khonsou lors de la fête d'Opet. Sur la rive ouest, la rive des morts, sont établis les tombeaux royaux, « demeures d'éternité » des pharaons, et les temples funéraires, leurs « Châteaux des Millions d'années », que le dieu Amon venait visiter chaque année, lors de la Belle fête de la vallée. Si, au cours de la XVIIIe dynastie, l'idéologie royale et le culte d'Amon-Rê semblent concorder, l'une alimentant l'autre[6], on sent à partir de la XIXe dynastie un déséquilibre entre le pouvoir royal et les ambitions du clergé d'Amon-Rê. Ce déséquilibre va s'accentuer à la dynastie suivante pour s’achever à la fin du Nouvel Empire par une partition de fait du pays entre Ramsès XI, qui ne réussit à maintenir son autorité que sur le nord du pays, et le grand prêtre d’Amon Hérihor, qui gouverne le sud depuis Thèbes.
Déclin de la capitale[modifier | modifier le code]
Avec la XXIe dynastie et la scission du pays, Thèbes perd son statut de capitale au profit des cités du delta du Nil telles que Tanis, Boubastis ou Saïs, où des dynastes locaux réclament le trône et l'héritage des Ramsès. La nécropole thébaine est alors délaissée et jamais plus un pharaon ne se fit ensevelir à Thèbes.
À la XXVe dynastie (celle des pharaons nubiens), la cité reprend de l'importance. Le culte d'Amon-Rê est jumelé avec celui d'Amon de Napata, le dieu dynastique des « pharaons noirs ». Taharqa met en chantier un programme architectural ambitieux, digne d'une capitale, développant l'axe des sanctuaires avec d'imposants kiosques et affermissant le rôle de la Divine adoratrice d'Amon dans le contrôle de la région. Mais la ville est saccagée à la fin de cette période par les Assyriens, qui emportent à Ninive les trésors accumulés depuis tant de siècles par les pharaons et dépouillent les sanctuaires des statues divines, les dépossédant ainsi de leur élément vital. En -663, le roi d'Assyrie Assurbanipal porte le coup final en saccageant à fond la ville et en emmenant ses habitants en esclavage.
La cité ne s'en releva jamais réellement, même si elle fut restaurée par les pharaons des dernières dynasties. Alexandre le Grand participa également à l'œuvre réparatrice, puis à sa suite les Ptolémées. Pendant les règnes de Ptolémée IV et Ptolémée V, Thèbes fut à nouveau le centre de séditions qui coupèrent la Thébaïde de l'empire lagide.
Enfin, à l'époque romaine, les temples sont peu à peu abandonnés. Une garnison s'établit à Louxor dont le temple est finalement transformé en forteresse, pendant la Tétrarchie. Plusieurs églises s'y installent après la conversion de l'Empire romain au christianisme et, avec l'arrivée des musulmans, une mosquée y est construite, tant et si bien que le temple de Louxor reste l'un des lieux de culte et de prière les plus anciens au monde.
Sites archéologiques de la ville de Thèbes et de ses environs[modifier | modifier le code]
En 1979, les ruines de l'ancienne Thèbes sont classées au patrimoine mondial par l'UNESCO.
- Karnak : Temples d'Amon-Rê, de Mout, de Khonsou, de Montou, de Ptah, chapelles et catacombes d'Osiris ;
- Louxor : Temple d'Amon-Min ;
- Dra Abou el-Naga : Nécropole du Moyen Empire et de la XVIIe dynastie ;
- Vallée des Rois : Nécropole des pharaons des XVIIIe, XIXe et XXe dynasties ;
- Vallée des Reines : Nécropole des reines à partir de la XIXe dynastie ;
- Vallée des Nobles : Nécropole des courtisans du Moyen Empire à la Basse époque ;
- Deir el-Bahari : Temples funéraires de Montouhotep II (XIe dynastie), d'Hatchepsout et Thoutmôsis III (XVIIIe dynastie), également site de la tombe de Sénènmout (XVIIIe dynastie) et de la cache DB320 dans laquelle furent retrouvées les momies des rois et reines aujourd'hui au Musée du Caire ;
- Deir el-Médineh : Temple d'Hathor, grotte-chapelle de Ptah, le village et la nécropole des artisans qui creusèrent et décorèrent les tombes royales ;
- Cheikh Abd el-Gournah : Temples funéraires de Séthi Ier (XIXe dynastie), de Sennefer, maire de Thèbes et de Qenamon (ou Ken-Amun), régisseur royal d'Amenhotep II ;
- Ramesséum : Temple funéraire de Ramsès II (XIXe dynastie) ;
- Médinet Habou : Temple funéraire de Ramsès III (XXe dynastie) et temple d'Amon de la XVIIIe dynastie ;
- Kom el-Hettan : Temple funéraire d'Amenhotep III (XVIIIe dynastie), colosses de Memnon ;
- Malqata : Palais d'Amenhotep III (XVIIIe dynastie) ;
- Deir el-Chelouit : Temple d'Isis.
Héritage culturel[modifier | modifier le code]
Du au , le Musée de Grenoble a organisé avec notamment l'appui du Musée du Louvre, l'exposition Servir les dieux d'Égypte sur la ville de Thèbes et le rôle des femmes dans la société de l'époque[7].
Notes et références[modifier | modifier le code]
-
, le smȝ-tȝ, « Unifier le pays », de l'idéologie royale - Adolf Erman and Hermann Grapow: Wörterbuch der ägyptischen Sprache. Akademie Verlag, Berlin 1971. p. 259.
- Erman/Grapow: Wörterbuch der ägyptischen Sprache, p. 211.
- Erman/Grapow: Wörterbuch der ägyptischen Sprache, pp. 54,479.
- (en) Martin Bernal, 2006, Black Athena. The Afroasiatic Roots of Classical Civilization, Vol. III: The Linguistic Evidence, Rutgers University Press, p. 504 ; Martin Bernal, 2001, Black Athena Writes Back. Martin Bernal responds to his critics, Duke University Press, p. 154.
- citons par exemple les scènes de théogamie dans le temple d'Hatchepsout à Deir el-Bahari ou dans celui d'Amenhotep III à Louxor
- claudinecolin.com, Servir les dieux d'Égypte.
Bibliographie[modifier | modifier le code]
- J. Baines et Jaromir Málek, Atlas of Ancient Egypt, Oxford University Press, , p. 84 - 105 ;
- H. Kees, Ägypten : Eine kleine Landeskunde, Akademie Verlag Berlin, , p. 142 - 163 ;
- Pascal Vernus et Jean Yoyotte, Dictionnaire des pharaons [détail des éditions].
- Jean Robin, Thèbes, Temples et Dieux du Nil, Robert Laffont, 1987, 138 p, (ISBN 978-2221504291).
Article connexe[modifier | modifier le code]
- Légion thébaine, légion romaine légendaire exécutée pour sa foi chrétienne vers la fin du IIIe siècle