Tadaoto Kainoshō

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Tadaoto Kainoshō
Tadaoto Kainoshō vers 1914.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 83 ans)
Nom dans la langue maternelle
甲斐庄楠音Voir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités

Tadaoto Kainoshō (甲斐荘楠音, Kainoshō Tadaoto?), né en 1894 et mort en 1978, est un peintre japonais.

Rattaché au mouvement du nihonga, Kainoshō est un artiste pluridisciplinaire, qui se distingue de ses contemporains par son ouverture à l’art occidental et aux thèmes de son époque. Peu connu en France, il regagne une certaine notoriété au début du XXIe siècle au Japon.

Biographie[modifier | modifier le code]

Tadaoto Kainoshō ou Kaishō (甲斐荘) Tadaoto de son vrai nom est un peintre de style japonais. Il est né à Kyōto le et mort le . Son frère aîné est Nankō Kainoshō, fondateur de Takasago International Corporation. Il vient d'une famille aisée de bushi, un clan qui revendique la descendance de Kusunoki Masashige. Kainoshō vit une enfance économiquement aisée avec son père, mais souffre cependant d'asthme dès son plus jeune âge. Au préambule de sa vie, il est malade et surprotégé.

Après un passage au lycée préfectoral de Kyōto Daiichi, son intérêt pour la peinture grandit et il s’inscrit à l'école municipale des arts et métiers de Kyōto, où il étudie notamment sous la direction de Takeuchi Seihō. Il redouble cependant une année pour faute d’assiduité en cours. Après cela, il se fait connaître lors de plusieurs expositions, notamment par Kagaku Murakami. En 1915, il est diplômé de l'Université des Arts de la ville de Kyōto.

Avec Okamoto Shinsō, Irie Hakō et Tamamura Hokuto, il participe à la formation d’un groupe de recherche avant-gardiste sur la peinture japonaise.

En 1918, il expose Peigne de cōté à la kokugakai (国画会 association de la peinture nationale). Il se brouille à cette occasion avec Bakusen Tsuchida.

En 1922, un de ses tableaux la Femme en tenue bleue est sélectionné au Salon de l’Académie impériale des beaux-arts.

En 1928, il forme la Shinkisha (新樹社 Société des jeunes arbres) mais de nombreux membres quittent l’association en 1931, ce qui engendre sa dissolution. À partir de cette époque, il commence à s’éloigner du monde de la peinture.

En 1940, à la suite de sa rencontre avec le réalisateur Kenji Mizoguchi, il entame une carrière dans le monde du cinéma en tant que directeur artistique. Grâce à sa relation avec Mizoguchi, il intègre un cercle d'artistes : la Sanzokukai (Association de bandits) en 1943. Il s’y lie d’amitié avec des acteurs comme Yaeko Mizutani, Matsutarō Kawaguchi, Shōtarō Hanayagi, Zengorō Eiraku, Isamu Yoshii, et fait la rencontre de personnes de différents horizons artistiques.

Derrière les références à l’art d’Edo et la technique traditionnelle, son art entrelace de nombreux médiums. Tout au long de sa carrière, il confectionne des scrapbooks dans lesquels on retrouve toutes les références artistiques et visuelles qui l’ont marqué dont, entre autres, Ryūsei Kishida, un artiste majeur du yōga dont les photos se retrouvent en grande quantité dans ses scrapbooks.

Un regain d'intérêt pour ses œuvres se fait sentir à la suite de l’exposition rétrospective qui lui est consacrée au musée d’art de Kyōto en 1963, mais avec l’âge et des problèmes de santé les dernières années de sa vie sont moins productives. Il meurt d’une crise d’asthme en 1978. Sa tombe se trouve à Kyōto au Konkai kōmyō-ji.

Passion pour le théâtre[modifier | modifier le code]

Femme prenant la pose pour le tableau Femme en tenue bleue.

Grâce à des lettres écrites à la fin de sa vie[1], nous savons que déjà très jeune, Tadaoto Kainoshō éprouve une admiration particulière pour les pièces de théâtre et les rôles féminins joués par des hommes (onnagata). Durant sa formation de peintre, Tadaoto Kainoshō continue de développer son attrait pour le kabuki et l’onnagata, et c’est tout naturellement qu’il commence à peindre en s’inspirant de scène de théâtre.

En effet on retrouve dans ses œuvres de nombreuses représentations d'acteurs se préparant, des courtisanes et même des acteurs de théâtre de marionnette (ningyō-jōruri). On observe aussi une grande quantité d’images découpées représentant des scènes et des acteurs de kabuki dans son scrapbook, qui regroupe ses inspirations et modèles artistiques.

Tadaoto Kainoshō apprécie également se mettre en scène. Il pose habillé et maquillé à la manière des onnagata et utilise la photographie comme outil à la réalisation de ses tableaux, tel que Avant de monter sur scène pour jouer Katsuragawa (1915)[2]. S’il n’était pas rare pour les peintres de nihonga de Kyōto d'apprécier le théâtre, Kainoshō l'intègre pleinement dans sa pratique[1] en combinaison avec la photographie qui occupent également une place importante de son processus créatif.

Utilisation de la photographie[modifier | modifier le code]

Tadaoto devant le croquis de Femme en tenue bleue.

Ayant accès et appréciant la photographie, Kainoshō l'utilise comme base pour la réalisation de certaines de ses œuvres. De nombreuses photos attestent que certains tableaux sont réalisés à partir d’une photographie, comme la Femme en tenue bleue (1919)[3].

Il apprécie également être photographié et ces clichés peuvent être appréciés comme une œuvre à part entière, comme celui où il pose nu devant le croquis de la photographie prise pour la Femme en tenue bleue, 1919, ou bien lorsqu’il reprend les postures des figures féminines de ses propres tableaux.

D’autres clichés montrent Kainoshō accompagné par d’autres modèles, qui pourraient être ses anciens camarades[1], aussi bien dans des rôles masculins que féminins. On retrouve là encore sa passion pour le théâtre et la mise en scène.

Si sa pratique d’incarnation de rôle féminin a pu lui attirer des critiques négatives, il ne s’est pour autant jamais arrêté de le faire[1]. Sa vision, son incarnation, et ses représentations de la féminité, en marge, forment l’une des singularités qui caractérise l'œuvre de Tadaoto Kainoshō.

Carrière dans le cinéma[modifier | modifier le code]

Les raisons de l’entrée de Tadaoto Kainoshō dans le monde du cinéma sont plus ou moins inconnues. Nous pouvons toutefois affirmer que sa rencontre avec Kenji Mizoguchi est fondamentale. Il commence à travailler avec lui officiellement sur le film La vie d'un acteur de 1941. Il l’assiste alors sur plusieurs de ses films comme Cinq femmes autour d'Utamaro en 1946 et L'Amour de l'actrice Sumako en 1947.

En 1953, il est directeur artistique du film Les Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi. Ce film remporte le lion d’argent au festival de Venise la même année, et Kainoshō est nommé pour le prix du meilleur costume aux oscars en 1956.

Son travail est essentiellement celui de la direction artistique et de la recherche historique.

Ses différentes tâches sont très diverses : s’assurer de la concordance des costumes, des manières et attitudes des acteurs, des décors, de l’approvisionnement des objets et accessoires d’époque, etc., ce que l’on pourrait appeler aujourd’hui chef décorateur ou accessoiriste.

Mais dans le milieu des années 1960, à mesure que la production de Jidai-geki diminue, Tadaoto Kainoshō lui-même s’éloigne du monde du cinéma.

Une peinture née de deux mouvements[modifier | modifier le code]

Kainoshō s'inscrit dans le mouvement nihonga qui constitue un retour sur des manières de faire et des matériaux considérés plus traditionnellement japonais. Cependant se retrouve également dans sa peinture le mouvement yōga et ses inspirations occidentales. En effet, ses techniques et matériaux sont tirés du nihonga tandis qu'en parallèle, une forte influence du yōga se fait ressentir ; sa manière de révéler les défauts du modèle en exagérant le réel, la dimension grotesque appliquée à ses tableaux, sont autant de caractéristiques de son art qui contrastent avec les formes traditionnelles.

Au cours de l'ère Meiji se développe sur l'archipel le nu sur modèle occidental (rataiga) induisant officieusement un rapport para colonial Japon-Occident. Ces idéaux ne correspondant pas au corps japonais, un travail d'adaptation par les artistes japonais est nécessaire. Un des premiers nus peint avec la technique nihonga est réalisé par Kainoshō en 1926 comme une sorte de rébellion plus ou moins consciente contre un canon imposé.

L'autoportrait également n'était alors pas pratiqué dans le cadre du nihonga. Kainoshō s’inspirera de ce genre particulièrement développé en Occident en incorporant son visage dans plusieurs tableaux.

C'est un artiste s'inscrivant dans le mouvement nihonga mais néanmoins très influencé par l'occident à travers tout son art. Il se retrouve donc profondément inscrit dans son époque.

Thème de ses œuvres[modifier | modifier le code]

L'incident du Kitanai-e[modifier | modifier le code]

L’incident du kitanai-e (littéralement “peinture sale”) est décisif pour comprendre l’approche picturale de Kainoshō. Après avoir été exposée dans la cinquième exposition de la Kokugakai, sa peinture La Femme et le ballon est qualifiée de « kitanai-e » par Tsuchida Bakusen en 1926, qui la retire ensuite de l’exposition. Ce tableau trouve malgré tout un acheteur, et il finira par ailleurs par disparaître dans un incendie de l’entreprise de celui-ci. Kainoshō, stupéfait par le refus de Tsuchida, décide de qualifier lui-même ses peintures de « kitanai-e ». Encouragé par Juzō Ueda, qui comprend sa démarche, Kainoshō prend à contrepied la critique, et se réapproprie le terme de kitanai-e, pour en faire sa signature picturale[1].

Art décadent[modifier | modifier le code]

Tadaoto Kainoshō posant devant une de ses peintures (1924).

La peinture de Kainoshō s’inscrit dans la dynamique « décadente » des années 1910-1920. À la fin de l’ère Meiji, jusqu’aux années 1950, la tuberculose fait des ravages chez les jeunes, la classe ouvrière mais aussi chez les artistes. Des peintres comme Shigeru Aoki et Kaita Murayama y succombent. La tuberculose fait émerger un nouveau rapport à la mort chez ces artistes : cette lente dégradation du corps par la maladie est propice à la création, et à une esthétisation de la mort, du laid. On cherche à s’écarter du sacré, de la peinture traditionnelle représentant des scènes de guerre, des scènes religieuses.

Ryūsei Kishida qualifie de « boueux » (デロリ) les peintures de ce type. Ce terme, pris dans une dimension positive, cherche à mettre en valeur l’esthétique du « visqueux », du « sirupeux ». Les peintures de Tadaoto Kainoshō en sont un bon exemple. Les corps sont représentés sans pudeur, de manière crue, sans dissimuler les imperfections du corps. Dans sa série Nu[4], réalisée sur soie, les corps des femmes sont en chair, la peau foncée, presque luisante. Les tons utilisés, tirant vers le marron pour la peau renforcent cette sensation de viscosité. Il en va de même pour son tableau inachevé Nuit de Printemps (pétale)[5], qui mêle figures traditionnelles, comme la oiran et le chigo[6] et une certaine monstruosité, à travers notamment son sourire et sa figure[7].

Homoérotisme[modifier | modifier le code]

Les codes de l’ukiyo-e et de l’estampe ont une nette influence sur le travail de Tadaoto Kainoshō, et on constate qu’il utilise également les symboles de l’homoérotisme (shudō) d’Edo (1603-1868).

On les retrouve par exemple dans une estampe du Taikanki (Le Grand plaisir) (1920)[8], où l'on peut observer les figures de deux hommes, l’un jeune enlacé par autre plus âgé. La différence d’âge et le collier de perle, qui a dimension bouddhique, évoque les relations homoérotiques entre moine et apprenti.

Ou bien, dans Épilation (1915)[9], on retrouve la figure d’un éphèbe (wakashū) qui est reconnaissable par sa coiffure et sa mèche avant qui recouvre un haut du crâne rasé. Pour la réalisation de cette œuvre, Kainoshō s’est servi d’un ami comme modèle pour ses croquis et a ensuite transposé son propre visage sur l'œuvre finale. C’est une pratique qui est constatée dans d’autres peintures, notamment sur des figures féminines[1].

Dans Nuit de printemps (Pétales) (1921)[5], apparaît la figure d’une courtisane (oiran) et d’un jeune garçon (chigo) qui ont également une dimension homoérotique au Japon[10]. Pour la réalisation de cette œuvre, Kainoshō s’est fait photographier habillé et maquillé à la manière des oiran.

À travers les codes de l’amour mâle de l’époque d’Edo repris dans certaines de ses œuvres, Kainoshō se donne la liberté d’explorer et d’incarner les codes de la féminité et de l’homoérotisme.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Nom des œuvres Technique – support dimension Lieu d’exposition
太夫と禿
Courtesan and Servant Girl
Peinture couleur sur soie 133.5x54.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1912
桂川の場へ

Before the Scene "Katsura-gawa"

Peinture couleur sur soie 145.2x138.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1915
露の乾ぬ間

Until the Dewdrops Dry

Peinture couleur sur soie 177.0x89.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1915
遊女

Courtesan

Peinture couleur sur soie 152.0x60.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1915

Maiden
Peinture couleur sur soie 161.0×63.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1915
毛抜
Pulling hairs
Peinture couleur sur soie 104.0×70.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1915
畜生塚

Hillock of Beasts

Peinture couleur sur soie 194.0x576.0(各) Musée d'Art moderne, Kyōto 1915
虹のかけ橋(七妍改題)

Rainbow Bridge (Seven Beauties)

Peinture couleur sur soie 180.0x370.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1915-1976
横櫛

Yokogushi (A Comb in the Side Hair)

Peinture couleur sur soie 195.0×84.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1916
秋心

Autumnal Heart

Peinture couleur sur soie 151.0x44.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1917
青衣の女

Woman in blue

Peinture couleur sur soie 145.0x166.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1919
幻覚
Hallucination
Peinture couleur sur soie 183.5×105.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1920
舞ふ

Dancing

Peinture couleur sur soie 130.5x89.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1921
春宵(花びら)

Spring Night (Petals)

Peinture couleur sur soie 154.0x105.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1921
裸婦
Nude
Peinture couleur sur soie 64.0×60.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1921
裸婦
Nude
Peinture couleur sur soie 65.0×38.6 Musée d'Art moderne, Kyōto 1921
(黒衣の女)

(woman in black clothes)

Peinture couleur sur soie 138.5x44.2 Musée d’Art de Niigata 1924-26
道行

Enlopment

Peinture couleur sur soie 25.0x28.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1924
裸婦

Nude

Peinture couleur sur soie 132.0x51.5 Musée d'Art moderne, Kyōto 1926
櫓お七(下図)
Oshichi on the Watchtower for Fire (sketch)
Encre de chine 32.0x37.0 Musée d'Art moderne, Kyōto 1926
母之像
Portrait of Mother
Rouleau de soie suspendu 64.9×62.2 Musée d'Art moderne, Kyōto 1926
文楽之図
A Scene of Bunraku
Peinture couleur sur soie 144.0×70.5 Musée d'Art moderne, Kyōto 1927

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f (ja) 島田 康寛, 甲斐庄楠音画集―ロマンチック・エロチスト, 求龍堂,‎ , 293 pages
  2. « 独立行政法人国立美術館・所蔵作品検索 », sur artmuseums.go.jp (consulté le ).
  3. « 日本画家 甲斐庄楠音 その3 - 第二京都主義 », sur fc2.com (consulté le ).
  4. « 独立行政法人国立美術館・所蔵作品検索 », sur artmuseums.go.jp (consulté le ).
  5. a et b « 独立行政法人国立美術館・所蔵作品検索 », sur artmuseums.go.jp (consulté le ).
  6. « Chigo », sur japanese-wiki-corpus.org (consulté le ).
  7. Michael, ... Lucken, L'art du Japon au vingtième siècle : pensée, formes, résistances, Hermann, (ISBN 2-7056-6426-2 et 978-2-7056-6426-8, OCLC 469090674, lire en ligne).
  8. https://images1.bonhams.com/image?src=Images/live/2011-04/06/8272121-1-7.jpg&width=960
  9. « 独立行政法人国立美術館・所蔵作品検索 », sur artmuseums.go.jp (consulté le ).
  10. « #LeStudio : "Nuit de printemps (Pétales)" de Kainoshô Tadaoto, commentée par Michael Lucken » (consulté le ).

Liens externes[modifier | modifier le code]