Symphonie no 1 de Bruckner

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Symphonie no 1 en do mineur
WAB 101
Das kecke Beserl
Genre Symphonie
Nb. de mouvements 4
Musique Anton Bruckner
Effectif Orchestre symphonique
Durée approximative environ 50 minutes
Dates de composition
Dédicataire Université de Vienne (version de 1891)
Création
Linz Drapeau de l'Autriche Autriche
Interprètes Orchestre du théatre de Linz sous la direction de Bruckner
Versions successives
  • Version préliminaire de 1865
  • Version de Linz de 1866, retouchée en 1868
  • Version de Linz révisée de 1877
  • Version de Vienne de 1891

La Symphonie no 1 en ut mineur, WAB 101, d'Anton Bruckner fut commencée au tout début de l'année 1865, pour partie à Linz, pour partie à Munich : le compositeur était âgé de quarante et un ans ; la partition sera — provisoirement — achevée l'année suivante.

Histoire[modifier | modifier le code]

C'est à Munich, tandis qu'il composait, que Bruckner rencontra Hans von Bülow qui le présenta à un Wagner condescendant (« Il est d'une rare bonté pour moi et m'a bien vite aimé et distingué », déclara Bruckner avec cette confiance en autrui qui lui jouerait plus d'un tour !). Surtout, il assista, ébloui, à une représentation de Tristan et Isolde. Autre « révélation », avant qu'il ne termine sa partition : celle de la création, à Budapest, de l'oratorio de Liszt, Sainte-Elisabeth ; nul doute que l'exemple de l'orchestration lisztienne sera aussi déterminante que celui de Tristan.

Création[modifier | modifier le code]

La première audition de la Symphonie nº 1 aura lieu le à Linz : d'où la dénomination « version de Linz » qui s'attache à la partition originale. Quelques retouches affectant surtout le finale seront effectuées en 1877 et en 1884.

Bruckner remit l'ouvrage sur le métier une vingtaine d'années plus tard, en 1890-1891, malgré les supplications du chef d'orchestre Hermann Levi lui conseillant de n'en rien faire. La nouvelle version — dite « de Vienne » (et dédiée à l'Université de Vienne dont le compositeur serait devenu docteur Honoris causa) — comporte notamment une nouvelle conclusion du finale, et maintes retouches (ou « corrections ») qui n'eurent pour effet que d'infléchir l'élan tout spontané dont bénéficiait la « version de Linz ».

La première version (dans sa révision de 1877), qu'on joue et enregistre le plus souvent aujourd'hui, est retenue dans l'édition Nowak, fait l'objet de la présente analyse.

Effectif orchestral : les bois par deux (une flûte supplémentaire dans l'Adagio) ; quatre cors, deux trompettes, trois trombones ; timbales ; les cordes. Durée moyenne d'exécution : 47-51 min

Analyse[modifier | modifier le code]

Les quatre mouvements sont Allegro molto moderato, Adagio, Scherzo, et Allegro con fuoco. À l'inverse de toutes les suivantes, c'est une symphonie "rapide" (en ses deux mouvements extrêmes notamment), qu'anime un esprit de conquête complètement étranger au climat spirituel des grandes méditations à venir. Techniquement, il s'agit également de la symphonie la plus difficile à exécuter, tant dans la mise au point instrumentale que dans l'approche rythmique et dynamique (alternance serrée des fff et ppp). Cette symphonie, qui présente quelques accointances avec la précédente symphonie d'études, est sinon unique dans la production brucknérienne.

I - Allegro molto moderato[modifier | modifier le code]

Il est bâti sur trois thèmes. Le premier présenté d'emblée aux cordes, dégage l'assise rythmique du mouvement ; très doux, dans des couleurs sombres, il affirme néanmoins uns énergique expressivité. Un groupe de motifs secondaires (avec des figures rythmiques des bois et une écriture en octaves) assure la transition vers le second thème, essentiellement lyrique (aux violons, puis avec les altos et violoncelles). Le troisième thème, de caractère héroïque (mi bémol majeur), surgira dans un fortissimo de vents, — plus élargi et plus puissant. Le développement ne prend prétexte que des premier et troisième thèmes, mais la réexposition réintroduit la totalité du matériau thématique — alors que s'impose la tonalité dominante (ut mineur). La coda, empruntant la formule rythmique initiale du mouvement, s'enfle en une apothéose cuivrée, — avec l'éclat des trompettes en particulier.

II - Adagio[modifier | modifier le code]

Cet Adagio en trois parties commence par une introduction en 4/4, dont les trente premières mesures se déroulent dans une tonalité indéfinie, comme suspendue (la tonalité réelle sera la bémol). Sur l'énoncé du thème principal, les cors marquent de longues tenues, - les cordes exprimant un chant profond, d'une gravité intériorisée. L'ambiguïté tonale s'augmente de mystérieuses plongées vers fa mineur ; divers pupitres secouent le chant des cordes de frémissements soudains, de brusques chromatismes. Le second thème, mouvant, avec des sextolets de croches, est exposé aux clarinette et violons, sur un accompagnement de quintolets de doubles croches aux violons altos. La partie centrale, un Andante plus animé en 3/4, est de type thème et variations. Dans la troisième partie, les basses réintroduisent le motif de départ, et le thème principal, en la bémol majeur clairement affirmé, apporte une conclusion sereine requise par les cordes.

La version préliminaire de 1865–1866 (manuscrit Mus.Hs.40400) était en forme sonate. L'exposition et la réexposition étaient similaires, la partie centrale, précédée par un troisième motif en 3/4, était par contre constituée par un classique développement. Ce troisième motif Schumanesque sera partiellement ré-utilisé comme accompagnement du solo de hautbois de la section centrale de la version de Linz[1]. Cette version préliminaire de l’Adagio n'est que partiellement orchestrée, sans trompettes ni trombones. La réexposition du premier motif est jouée par les instruments à corde et décorée par les instruments à vent, celle du second motif, qui n'est esquissée que pour les seconds violons et les bois, s'arrête à la mesure 154. Ensuite cinq mesures sont manquantes, avant la fin du mouvement, qui est, par contre, déjà complètement orchestrée[2]. Pour pouvoir exécuter cette version préliminaire, Grandjean a complété les mesures manquantes avec le matériel correspondant de la version ultérieure (Doblinger 74 014)[2].

III - Scherzo[modifier | modifier le code]

Sa fougue, sa violence même, font contraste avec le mouvement précédent. Avec ses échos champêtres, le thème fait songer à un air de danse populaire autrichienne. De même pour le trio (sol majeur), d'un enjouement spontané — que conduit le cor, et dans lequel s'ébroue un hautbois quelque peu facétieux. La reprise du scherzo est suivie par une puissante coda.

La version 1865 du scherzo était différente[2]. Cette version préliminaire du scherzo contient plusieurs rythmes irréguliers, que Bruckner a retirés des versions ultérieures[3]. Cette version (manuscrit Mus.Hs.6019) est très brève et de caractère assez différent de celui que Bruckner utilisera dans la version de Linz[4]. Dans la notice de son enregistrement de la version 1866, Georg Tintner mentionne que « le scherzo initial, très bref avec ses syncopes chromatiques, que Bruckner a écarté (à cause de sa brièveté ?), est peut-être plus intéressant [que le scherzo définitif]. » Le trio est par contre identique à celui de la version ultérieure.

IV - Allegro con fuoco[modifier | modifier le code]

Ainsi se trouve à nouveau déplacé le climat de l'œuvre dont le mouvement final révèle, tout compte fait, la véritable identité. Bewegt und feurig (con fuoco), éclate un premier thème aux cuivres fortissimo, sur un grand saut d'octave d'ut dérivé du premier mouvement (motif de transition entre le thème initial et le suivant). Les bois amènent un second thème apaisé et chantant aux violons et violoncelles, — que les vents, puis tout l'orchestre amplifient. Enfin paraît un troisième thème en forme de choral que conduisent les vents ; cordes et bois "ornent" avec vivacité. Développement, puis réexposition. Une puissante coda conclut sur le thème principal, dans le plus radieux mode majeur.

Versions et éditions[modifier | modifier le code]

  • Version préliminaire de l'Adagio (1865-1866) et du Scherzo (1865) : édition par Wolfgang Grandjean en 1995[2]
  • « Version de Linz » originale (1866-1868). À l'occasion de la première exécution du , Bruckner y introduisit quelques ajustements mineurs. La version de 1868 a été publiée la première fois en 1998 par William Carragan, en utilisant le rapport critique de Haas[5], et a été enregistrée la même année par Georg Tintner[6]. En 2014 Thomas Röder a édité cette version pour l'inclure dans la nouvelle édition de la Gesamtausgabe[7].
    L'édition de Röder a eu sa première le par Cornelius Meister avec le RSO de Vienne au cours des Salzburger Festspiele. La première américaine a eu lieu le par Jacob Sustaita avec le Sam Houston State University Orchestra. Une numérisation de cette première américaine est disponible sur le site de John Berky[8].
  • « Version de Linz » révisée (1877/1884) : édition par Robert Haas en 1935 ; réédition critique par Leopold Nowak en 1953
  • « Version de Vienne » (1891) : édition par Ludwig Doblinger, préparée par Cyrill Hynais (1893) ; réédition par Robert Haas en 1935 ; réédition critique par Günter Brosche en 1980

Discographie sélective[modifier | modifier le code]

Version préliminaire de l'Adagio et du Scherzo (1865-1866)[modifier | modifier le code]

Un enregistrement récent contient cette version préliminaire de l'Adagio et du Scherzo :

  • Ricardo Luna, Bruckner unknown, CD Preiser Records PR 91250, 2013 (adaptation pour ensemble de musique de chambre)

Note[modifier | modifier le code]

Une exécution électronique de ces Adagio et Scherzo peut être écoutée sur le site de John Berky[9].

Version originale de 1866-1868[modifier | modifier le code]

Trois enregistrements :

Version révisée de 1877/1884[modifier | modifier le code]

La plupart des enregistrements sont basés cette version, notamment :

Édition Haas (1935)[modifier | modifier le code]

Édition critique de Nowak (1953)[modifier | modifier le code]

Version de 1891[modifier | modifier le code]

Quelques enregistrements sont basés sur cette version, notamment :

Édition Doblinger (1893)
  • Volkmar Andreae avec l'Austria State Symphony Orchestra, Forgotten Records, 1950. Cet enregistrement historique peut aussi être téléchargé du site de John Berky[10].
  • F. Charles Adler à la tête du Vienna Orchestra Society, Forgotten Records, 1955
  • Hun-Joung Lim à la tête de l'Orchestre symphonisue de Corée, Decca, 2015
Édition critique de Brosche (1980)

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  • Anton Bruckner, Sämtliche Werke, Kritische Gesamtausgabe – Band 1: I. Symphonie c-Moll (Wiener und Linzer Fassung), Musikwissenschaftlicher Verlag der internationalen Bruckner-Gesellschaft, Robert Haas (Éditeur), Vienne, 1935
  • Anton Bruckner: Sämtliche Werke: Band I: I. Symphonie c-Moll, Musikwissenschaftlicher Verlag der Internationalen Bruckner-Gesellschaft, Vienne
    • I/1: Linzer Fassung (1866), Leopold Nowak (Éditeur), 1953
    • I/1A: Adagio ursprüngliche Fassung (1865/66), Fragment - Scherzo ältere Komposition (1865), Wolfgang Grandjean (Éditeur), 1995
    • I/2: Wiener Fassung (1890/91), Günter Brosche (Éditeur), 1980
  • Anton Bruckner Gesamtausgabe: Band I/1: Fassung von 1868 „Linzer Fassung“, Thomas Röder (Éditeur), Vienne, 2016
  • Joseph C. Kraus, "Phrase rhythm in Bruckner's early orchestral scherzi" dans : Bruckner Studies édité par Timothy Jackson et Paul Hawkshaw. Cambridge University Press, Cambridge, 1997
  • Paul-Gilbert Langevin, Anton Bruckner, apogée de la symphonie, Éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 1977 (OCLC 680825756).
  • William Carragan, Anton Bruckner - Eleven Symphonies, Bruckner Society of America, Windsor, 2020 - (ISBN 978-1-938911-59-0)

Liens externes[modifier | modifier le code]