Armée de libération symbionaise

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Armée de libération symbionaise
Symbionese Liberation Army
Image illustrative de l’article Armée de libération symbionaise

Idéologie Anti-racisme
Anti-capitalisme
New Left
Objectifs Révolution
Statut Inactif
Fondation
Date de formation 1973
Pays d'origine Drapeau des États-Unis États-Unis
Fondé par Donald DeFreeze (en)
Actions
Victimes (morts, blessés) 2 morts
Zone d'opération Drapeau de la Californie Californie
Période d'activité 1973-1975
Organisation
Chefs principaux Donald DeFreeze
Membres Pas plus de 22
Financement Braquage

L'Armée de libération symbionaise (ALS, anglais : Symbionese Liberation Army, SLA) est un mouvement armé d'extrême gauche américain des années 1970 qui se considérait comme l'avant-garde d'une armée révolutionnaire.

Des membres du groupe seront accusés d'avoir commis deux meurtres, un enlèvement[1], des braquages de banque, et des actes de violence, entre 1973 et 1975. Dans cet intervalle – une période de fuite clandestine –, les membres du mouvement deviennent le sujet de prédilection des médias américains, rendant leurs noms et surnoms familiers à la plupart des foyers des États-Unis.

Histoire[modifier | modifier le code]

Formation et premières activités[modifier | modifier le code]

L'ALS commença à se constituer à la suite d'un programme de visites de prison (Venceremos) et des projections de films au sein de l'extrême gauche de San Francisco. L'idée d'une activité de guérilla urbaine telle que pratiquée en Amérique du Sud attira de nombreux volontaires autour de Willie Wolfe, un étudiant en anthropologie impliqué dans l'étude du système carcéral[réf. nécessaire].

Selon des activistes anti-prison du New Left, les prisons américaines étaient des camps de concentration conçus pour réprimer les Afro-Américains. Cela amena des activistes de l'extrême gauche à considérer que tous les Afro-Américains étaient des prisonniers politiques, et que l'idéologie Black Power attirerait naturellement tous les prisonniers. Wolfe transforma cette idéologie en un plan d'action, mêlant les idéologues étudiants aux militants prisonniers[2][réf. nécessaire].

Évasion de DeFreeze[modifier | modifier le code]

Donald D. DeFreeze.

L'ALS se constitua après l'évasion de prison de Donald DeFreeze, qui choisit le pseudonyme « Field Marshal Cinque ». Cinque emprunta ce nom au meneur de la rébellion des esclaves qui prirent le contrôle du bateau négrier espagnol La Amistad en 1839. Cinque s'évada de la prison d'État de Soledad le . Les conditions de son évasion sont assez nébuleuses. Certains émettent la théorie selon laquelle il a été « recruté » en prison par la CIA avec mission d'infiltrer des groupuscules d'extrême-gauche en échange de sa sortie. La pratique était en tout état de cause très répandue dans les années 1970, années durant lesquelles FBI et CIA mènent une guerre contre les mouvements contestataires (programme COINTELPRO, etc.).

DeFreeze avait participé à la Black Cultural Association alors qu'il se trouvait au California Medical Facility, une prison d'État à Vacaville, en Californie, où il était entré en contact avec des membres d'une organisation politique radicale, Venceremos. Il trouva refuge chez ces contacts, et finit dans une communauté, Peking House, dans la baie de San Francisco. Pendant quelque temps, il cohabita avec de futurs membres de l'ALS, Willie Wolfe et Russ Little, puis emménagea avec Patricia Soltysik, « Mizmoon ». DeFreeze et Soltysik devinrent amants et commencèrent à former des projets pour la formation d'une « nation symbionaise ».

On pense que l'adjectif « symbionaise » vient de symbiose, un terme utilisé en biologie pour décrire une interaction à bénéfice mutuel entre des espèces différentes ; apparemment, les fondateurs de l'ALS avaient les différentes races humaines à l'esprit quand ils forgèrent le mot. Bien que l'ALS se considérât comme la meneuse de la Révolution noire, DeFreeze était le seul membre noir.

Russ Little témoigne que l'activité principale du groupe pendant cette période fut l'acquisition, la détention et l'entraînement aux armes à feu[réf. nécessaire].

Meurtre de Marcus Foster[modifier | modifier le code]

L'ALS réalisa sa première action le avec le meurtre du directeur des écoles d'Oakland, Marcus Foster[3]. Ils qualifièrent le projet de Foster de mettre en service des cartes d'identification dans les écoles d'Oakland de « fasciste ». Ironiquement, le Dr Foster s'était opposé à la mise en place de cartes d'identification dans ses écoles, et son projet était une version édulcorée des projets qui lui avaient été soumis. Le docteur Foster, qui était noir, était populaire à gauche et dans la communauté noire, et son meurtre fut considéré comme une action contre-productive et inutile par presque tout le monde ; si l'ALS n'engrangea aucun soutien, elle attira l'attention des médias. Le , Joe Remiro et Russ Little furent arrêtés et accusés du meurtre de Marcus Foster. Little fut finalement acquitté en appel, mais Remiro fut condamné et resta en prison[réf. nécessaire].

Enlèvement de Patricia Hearst[modifier | modifier le code]

Patty Hearst.

Pour faire suite à l'arrestation de Remiro et de Little, l'ALS commença à préparer son action suivante : l'enlèvement d'une personnalité importante pour négocier un échange de prisonniers[2]. Des documents découverts par le FBI dans une planque abandonnée révélèrent qu'une action était prévue pour la « pleine lune du  ». Le FBI ne prit aucune précaution, et l'ALS n'agit qu'un mois plus tard. Le , Patricia Hearst, l'héritière du magnat de la presse, alors étudiante à Berkeley, fut enlevée à son appartement du campus de l'université de Berkeley, à la suite d'une opération parfaitement organisée[4]. Après le refus d'un échange contre la libération des membres du groupe emprisonnés, l'ALS réclame, au lieu d'une rançon, que le père de Patricia distribue pour 70 dollars de vivres à chacun des « économiquement faibles » de Californie[4], ce qui représente une somme de 6 millions de dollars. Aidée par des dons de millions d'Américains qui envoient leurs chèques au manoir des Hearst, la famille décide de verser la somme nécessaire. Mais l'organisation est désastreuse, et la nourriture est mal partagée : au fil des semaines, les camions censés distribuer les denrées repartent souvent avec le plus gros de la marchandise. L'ALS réclame alors qu'en conséquence, le double soit donné aux plus démunis. La famille de Patricia Hearst leur fait cependant savoir qu'elle ne dispose pas de moyens suffisants[5].

L'inefficacité du FBI profite au groupe terroriste, lequel quitte Los Angeles. Bien que Patricia Hearst ait subi des maltraitances de la part de ses ravisseurs, elle est gagnée par le syndrome de Stockholm. Sous le pseudonyme de « Tania[6] » donné par Willie Wolfe, un de ses ravisseurs qui l'a violée[7], elle va, à travers plusieurs messages audio, critiquer le caractère « bourgeois » de ses parents, ainsi que le « sexisme » de son compagnon au moment de l'enlèvement. Le , la presse reçoit un message dans lequel elle annonce avoir décidé de lutter au sein de l'ALS et une photo qui la montre le béret de Guevara sur la tête et une mitraillette dans les mains[8]. Elle participe ainsi à plusieurs braquages à main armée. Le , des caméras de sécurité l'enregistrent lors d'un braquage dans une banque de San Francisco.

Patricia Hearst criant aux clients d'une banque lors d'un braquage.

Le , le noyau principal de l'ALS est encerclé dans un immeuble du ghetto noir de Los Angeles[3]. La télévision américaine retransmet en direct ce qui est alors la plus longue fusillade de l'histoire des États-Unis, dans une scène digne des studios d'Hollywood[9] : pendant 7 heures, les téléspectateurs suivent l'assaut donné par 500 policiers. La bataille rangée au cours de laquelle sont échangées 9 000 balles dure quarante-cinq minutes. Des grenades à fragmentation incendiaires qui sont utilisées provoquent l'embrasement de l'immeuble. Six membres de l'ALS périssent carbonisés. L'organisation est décapitée mais Patricia Hearst ne fait pas partie des victimes car elle se cache avec Bill et Emily Harris dans un motel près de Disneyland à la suite d'un braquage manqué. Malgré le recrutement de trois autres membres, le groupe en est à sa fin. Il participe encore à plusieurs braquages. Le , les membres restants de l'ALS braquèrent la Crocker National Bank de Carmichael, en Californie, et tuèrent Myrna Opsahl, une cliente, au cours de l'opération[10].

Captures et condamnations[modifier | modifier le code]

Patty Hearst, après une des chasses à l'homme les plus longues et les plus médiatisées de tous les temps, fut capturée avec Wendy Yoshimura le , par des agents du FBI déguisés en hippies dans un appartement du quartier populaire de Mission, à San Francisco. Elle fut condamnée pour le braquage de la banque Hibernia et passa 21 mois en prison. Sa peine fut commuée par le président Carter et, finalement, elle fut graciée par le président Clinton[4]. Après sa libération, elle réintégra son milieu social d'origine.

Le , Kathleen Soliah échoua dans sa tentative de tuer des policiers du LAPD (police de Los Angeles), les bombes qu'elle avait placées sous une voiture de police n'ont pas explosé[3]. Soliah resta en fuite, d'abord au Zimbabwe, puis au Minnesota sous le faux nom de Sara Jane Olson ; elle épousa un médecin et eut plusieurs enfants.

Le FBI finit par arrêter Kathleen Soliah en 1999. En 2001, elle plaida coupable pour la possession d'explosifs avec intention de meurtre et fut condamnée à deux peines consécutives de dix ans à perpétuité. Après une négociation entre le procureur et l'avocat de la défense, elle ne fit que huit ans. Ne pensant pas obtenir l'indulgence d'un jury si peu de temps après les attentats du , elle préféra plaider coupable et négocier plutôt que de se faire juger. Les plaignants ont été libérés pour éviter un procès dû à leur peur que le testament de Hearst soit un témoignage peu fiable.

Le , les accusations du meurtre au premier degré de Myrna Opsahl furent retenues contre Kathleen Soliah, les Harris, Bortin et Kilgore. Tous vivaient au grand jour et furent immédiatement arrêtés, sauf James Kilgore, qui resta en liberté pendant presque une année de plus.

Le , Soliah, les Harris et Bortin plaidèrent coupable des charges reconnues contre eux. Emily Harris, désormais Emily Montague, admettait avoir tenu l'arme du meurtre, mais déclara que le coup de feu était parti accidentellement. Selon une déclaration publique de Hearst, Montague minimisait le meurtre à l'époque en disant, « Elle était en fait une truie bourgeoise. Son mari est un docteur. » Au tribunal, Montague démentit cette remarque et dit « Je ne veux pas que la famille Opsahl pense que nous avons jamais considéré sa vie insignifiante. »

Le , James Kilgore, qui était en fuite depuis 1975, fut arrêté en Afrique du Sud et extradé aux États-Unis pour répondre à des accusations fédérales de transport d'explosifs et de faux passeport. Le procureur déclara qu'une bombe avait été trouvée dans l'appartement de Kilgore en 1975 et qu'il avait obtenu un passeport sous un faux nom. Il plaida coupable en 2003.

Les verdicts furent prononcés le à Sacramento pour les quatre accusés du meurtre d'Opsahl. Montague fut condamnée à huit ans pour le meurtre (2e degré). Son ancien mari, William Harris, écopa de sept ans, et Bortin de six ans. Soliah fut condamnée à six ans, en plus de la peine de quatorze ans qu'elle était déjà en train de purger. Les sentences étaient les maximales dont un accusé pouvait écoper sous ce type d'accusations.

Soliah (alias « Sara Jane Olson ») s'attendait à une condamnation à cinq ans et quatre mois, mais « Suite au durcissement de la sentence de Olson deux ans plus tôt, l'accusation s'appuya sur une loi rarement utilisée, leur permettant de recalculer la peine en fonction d'anciens crimes réalisés pour éclairer les récents, alourdissant leurs peines. » Soliah fut condamné à une peine de quatorze ans, réduite plus tard à treize ans, plus six pour son rôle dans l'homicide d'Opsahl. Hearst obtint l'immunité parce qu'elle était témoin, mais comme il n'y eut pas de procès, elle ne témoigna jamais.

Le , Kilgore fut condamné à 54 mois de prison pour les explosifs et les accusations de faux passeport. Il fut le dernier membre de l'ALS à répondre à des poursuites fédérales.

Membres connus[modifier | modifier le code]

Membres fondateurs[modifier | modifier le code]

Emily Harris.
  • Russell Little (« Osceola » ou « Osi »), arrêté pour le meurtre de Marcus Foster. Little était en détention quand Patty Hearst était avec l'ALS ;
  • Joseph Remiro (en) (« Bo »), arrêté avec Russell Little. Little et Remiro étaient les prisonniers que l'ALS souhaitait échanger contre Hearst ;
  • Donald D. DeFreeze (en) (« General Field Marshal Cinque Mtume »), un prisonnier évadé, le seul membre afro-américain de l'ALS ;
  • William Wolfe (« Cujo ») ;
  • Angela Atwood (en) (« Gelina ») ;
  • Patricia Soltysik (en), alias Mizmoon Soltysik (« Zoya ») ;
  • Camilla Hall (en) (« Gabi »), la maîtresse de Soltysik ;
  • Nancy Ling Perry (en) (« Fahizah ») ;
  • Emily Harris (en) (« Yolanda ») ;
  • William Harris (« Teko »), le mari d'Emily Harris, et le cerveau supposé de l'ALS.

Autres membres (après l'enlèvement de Hearst)[modifier | modifier le code]

Sympathisants[modifier | modifier le code]

  • Josephine Soliah, la sœur de Kathleen Soliah ;
  • Bonnie Jean Wilder, Seanna, Sally (un ami de Remiro), Bridget – tous cités dans le livre de Hearst, Every Secret Thing comme des membres potentiels ;
  • Miki et Jack Scott louèrent une ferme dans laquelle les membres de l'ALS se cachèrent et écrivirent un livre[réf. souhaitée].

Films sur l'ALS[modifier | modifier le code]

L'ALS était une organisation médiatique. Elle a distribué des photographies, des communiqués de presse et des enregistrements d'entretiens diffusables à la radio pour expliquer ses activités. Le premier siège médiatique par les télévisions eut lieu à l'extérieur de la résidence de la famille Hearst pendant l'enlèvement. L'importance de l'ALS dans l'histoire des médias a amené de nombreuses personnes à raconter leur histoire.

La saga de l'ALS fut le sujet d'un film de 1976, sans succès, quoique très controversé, Patty (en). Le film tentait de faire le portrait de l'organisation comme un groupe d'obsédés sexuels plutôt que comme une bande de révolutionnaires, et fut l'objet d'articles très négatifs de quasiment tous les critiques de cinéma qui l'ont vu. Le film, qui fut classé X par la Motion Picture Association of America, ne fut projeté que dans quelques salles, la plupart dans les grandes zones urbaines.

Autres films
  • Patty Hearst, de Paul Schrader, d'après le livre Every Secret Thing de P. Hearst, 1988 ;
  • The Ordeal of Patty Hearst, 1979 (TV) ;
  • Patty Hearst: The True Hollywood Story, 2000 (TV) ;
  • Neverland: The Rise and Fall of the Symbionese Liberation Army ou Guerilla: The Taking of Patty Hearst, réalisé par Robert Stone, 2004, documentaire.

Musique[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Celui de Patricia Hearst.
  2. a et b Neverland: The Rise and Fall of the Symbionese Liberation Army ou Guerilla: The Taking of Patty Hearst, réalisé par Robert Stone, 2004, documentaire
  3. a b et c Annette Lévy-Willard, « Mummy publique numéro un », sur liberation, (consulté le )
  4. a b et c « Patty Hearst, la riche héritière devenue braqueuse de banque », sur radio-canada.ca, (consulté le )
  5. (en) Steven Weed et Scott Swanton, My Search for Patty Hearst, Crown Publishers, , p. 116.
  6. Nom en hommage à une camarade de lutte de Che Guevara.
  7. (en) Paul Krassner, Patty Hearst & The Twinkie Murders : A Tale of Two Trials, PM Press, , p. 46.
  8. Photo de Patricia Hearst posant devant le cobra à sept têtes symboliques de l'ALS
  9. (en) Michael Newton, The FBI Encyclopedia, McFarland & Company, , p. 330.
  10. (en) SLA's judgment day / Four members of radical '70s group plead guilty in deadly bank robbery - Michael Taylor, Chuck Squatriglia et Mark Martin, SFGate, 8 novembre 2002

Annexes[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]