Soufiane Ababri

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Soufiane Ababri
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Soufiane Ababri, né en 1985 à Rabat, est un artiste marocain qui vit et travaille entre Paris et Tanger[1].

Biographie[modifier | modifier le code]

Soufiane Ababri grandit dans une famille marocaine de la classe moyenne, respectueuse de la tradition et de la religion[2]. Il s'installe en France en 2004 et a ainsi une double culture franco-marocaine[2].

Il suit des études à l'École supérieure des beaux-arts de Montpellier, à l'École nationale des arts décoratifs de Paris et à l'École supérieure des Beaux arts de Lyon[3].

Il est ouvertement queer[4].

Œuvre[modifier | modifier le code]

Il utilise différents médiums (crayons de couleurs, photographie, vidéo, installations, performances) pour questionner l'identité, l'homosexualité, le racisme, le colonialisme, l'histoire et le rapport à la tradition, dans une approche autobiographique et conceptuelle[5].

Son oeuvre est empreinte de jeux de regards, dans un style jouant avec le montré, le caché et le suggéré évocateur des miniatures persanes[4], tandis que le style de ses dessins, très colorés, se rapproche plutôt du style expressionniste[6]. Son choix de couleurs est inspiré par son travail à Tanger, et est aussi une manière de séduire le spectateur avant de l'inviter à prendre conscience d'une réalité violente[7].

Nous sommes plus de 343 salopes. Nous nous sommes faits enculer par des arabes. Nous en sommes fiers et nous recommencerons. Signez et faites signer autour de vous
Tract du Front homosexuel d'action révolutionnaire ; c'est cette orientalisation et virilisation des Arabes que dénonce Ababri

Le sexe et le désir sont des éléments centraux de ses productions[7], ainsi que la violence subie par les hommes gays racisés, que ce soit aux mains de la société ou d'autres hommes gays[8]. Il dénonce la forme de racisme orientalisant que les gays blancs français imposent aux Arabes, citant notamment le tract « Nous sommes plus de 343 salopes. Nous nous sommes fait enculer par des Arabes. Nous en sommes fiers et nous recommencerons. » du Front homosexuel d'action révolutionnaire[9]. Il empreinte à la pornographie gay plusieurs de ses stéréotypes, comme le twink et le « lascar »[9].

Ses influences artistiques sont du côté de la littérature et de la sociologie : Jean Genet, Reinaldo Arenas, Guillaume Dustan, Didier Eribon, Pierre Bourdieu, Michel Foucault, Abdellah Taïa, Paul Bowles, Édouard Louis, Guy Hocquenghem, Todd Shepard et le Front homosexuel d'action révolutionnaire[2],[6],[10]. Soufiane Ababri travaille non seulement ses dessins, mais les lieux où ils sont exposés : les murs sont recouverts de couleurs, de glory-holes et de graffitis et d'hommages à d'autres artistes tels que Jean Cocteau, Félix Gonzales-Torres, Wolfgang Tillmans ou Guillaume Dustan[2],[10].

Il considère son art comme une démarche politique, dans le sens où il permet d'offrir une perspective alternative aux discours dominants qui sont « hétérosexuels, blancs et bourgeois »[7].

Haunted Lives[modifier | modifier le code]

Photographie d'une scène de couleur noir à l'exception d'un grand triangle rose. Il est écrit, en lettres arc-en-ciel "A Family of Pride"
Le triangle rose, utilisé par les nazis pour marquer les déportés homosexuels, a ensuite été réutilisé comme un symbole des mouvements LGBT, ici à la pride de Los Angeles en 1993

Haunted Lives est sa première exposition personnelle, en 2018, à la Galerie Praz Delavallade de Paris[6]. Il recouvre les murs de rose, interrogeant la norme sociale qui associe cette couleur aux petites filles et permettant un contraste entre l'innocence de l'enfance et la teinte exacte de rose utilisée, celle des triangles que les nazis utilisaient pour marquer les déportés pour homosexualité[6]. Les murs sont recouverts de dessins et de miroirs ; certains de ces miroirs portent des mots, qui forment le message « We like pink despite of appearances » (nous aimons le rose malgré les apparences)[6]. Ces miroirs sont un hommage à Félix Gonzales-Torres, et notamment son Untitled (Fear) Blue Mirror qu'il avait installé à la prison de ReadingOscar Wilde a été emprisonné[10].

Bed Works[modifier | modifier le code]

Bed Work est une série de dessins réalisés au lit à l'aide de crayons de couleurs, qui met en scène les tensions entre la répression sociale de la sexualité gay et l'érotisation de cette répression et la contradiction entre désir et méfiance à l'égard des institutions, par exemple avec le fantasme du policier qui coexiste avec la répression policière de l'homosexualité[4].

Le choix de dessiner à partir d'une position allongée, est un renversement du point de vue orientaliste, où les peintres européens représentaient les femmes, les Arabes et les esclaves allongés pour exprimer qu'il sont passifs, lascifs, offerts et paresseux[6]. Cela est renforcé par le fait de produire de l'art depuis le foyer, espace que la peinture flamande réserve aux femmes et aux domestiques[2]. Le crayon de couleur quant à lui permet de sortir de la sacralisation de l'artiste, de l'autorité et de la virilité en prenant un medium intime et domestique[2],[6].

Ces dessins, réalisés notamment à partir de photo volées réalisées au Maroc, s'inscrive dans une politique de visibilité[2]. Ils sont notamment inspiré par l'ouvrage Mâle, décolonisation de Todd Shepard[11].

♪ Here is a Strange and Bitter Crop ♪♪[modifier | modifier le code]

Cette installation a plusieurs inspirations : la chanson de dénonciation des lynchages Strange Fruit, un hommage à Justin Fashanu, le premier footballeur ouvertement gay, un discours de Malcom X, et la pornographie gay afro-américaine[12]. L'artiste mêle dessins, fresque, sculpture et performance, afin de dénoncer la violence hétéronormative et raciste qui s'exerce sur les corps noirs et de montrer la possibilité d'un homoérotisme dans le sport[12].

Autres oeuvres[modifier | modifier le code]

Il réalise en 2017 une exposition mettant en regard les masques africains avec les applications de drague gay. La même année, il participe au programme Moving Frontiers de l'Ecole des Beaux-Arts de Cergy où il réalise une installation à Douala mêlant dessins et danse inspirée des gestes des ouvriers agricoles dans les bananeraies du Cameroun, visant à la fois à dénoncer le néo-colonialisme français au Cameroun et l'homophobie du pays[2].

Dans Their mouths were full of bumblebees, une référence à « zamel », une insulte en darija contre les hommes gays[9].

Reconnaissance[modifier | modifier le code]

Expositions[modifier | modifier le code]

  • What’s the name of this nation, Le Cube, Rabat, 2015
  • Oh please! don’t be angry! it’s based on emotional facts, Eternal Network, Tours, 2017
  • Peuple érotique ! Peuple exotique, Moving Frontiers, Douala[13]
  • 62ème salon de Montrouge[14]
  • Tous des sang-mêlés, musée d'Art contemporain du Val-de-Marne[14]
  • Traversées ren@rde, Bourges[14]
  • Recto/Verso, Fondation Louis Vuitton
  • Biennale de Lyon, 2017[2]
  • Haunted Lives, galerie Praz-Delavallade, Paris 2018[6]
  • MILF Project, Espace Témoin, Genève[8]
  • ArtCenter, Berlin[8]
  • ♪ Here is a Strange and Bitter Crop ♪♪, SPACE, Royaume-Uni, 2018[12]
  • Le Marathon des mots, Toulouse, 2018[15]
  • Habibi: les révolutions de l'amour, Institut du monde arabe, 2022[4]
  • Si nous ne brûlons pas, comment éclairer la nuit ?, galerie Praz-Delavallade, 2023[16]
  • SOL ! La biennale du territoire 2. Soleil Triste, 2023, MO.CO[17]
  • Their mouths were full of bumblebees, Barbican Museum, 2024[9]

Collections publiques[modifier | modifier le code]

Des oeuvres de Sofiane Ababri sont dans les collections du musée d'Art contemporain du Val-de-Marne et du FRAC Poitou-Charentes[14].

Récompenses[modifier | modifier le code]

Ses séries Bed Work et Haunted Lives sont récompensées lors du gala des Out d’or 2018, dans la catégorie « création artistique »; l'association des journalistes LGBT salue notamment le travail de déconstruction des modèles de masculinités oppressives réalisé dans ses dessins[18].

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Soufiane Ababri», Le Salon de Montrouge
  2. a b c d e f g h et i elji, « Soufiane Ababri », sur La République de l'Art, (consulté le )
  3. Biographie, sur le site personnel de l'artiste
  4. a b c et d Institut du monde arabe, « Soufiane Ababri », dans Habibi : Les révolutions de l'amour, (ISBN 9789461618252), p. 30-33
  5. «Soufiane Ababri, l’artiste marocain qui questionne la sexualité et le racisme avec des crayons de couleur», Jeune Afrique, 2 juin 2017
  6. a b c d e f g et h Manon Baeza, « Les dessins homoérotiques et politiques de Soufiane Ababri, exposés à Paris », sur Konbini, (consulté le )
  7. a b et c (en) « Soufiane Ababri's vibrant drawings are driven by political activism », sur www.itsnicethat.com (consulté le )
  8. a b et c (en-GB) « Soufiane Ababri - Coeval Magazine », sur COEVAL, (consulté le )
  9. a b c et d « Expo. Soufiane Ababri, des dessins “couchés” pour libérer l’intimité masculine », sur Courrier international, (consulté le )
  10. a b et c « Soufiane Ababri, éros politique », sur The Steidz, (consulté le )
  11. Jérémy Piette, « Soufiane Ababri, là où ça fait mâle », sur Libération (consulté le )
  12. a b et c « Soufiane Ababri: ♪ Here is a Strange and Bitter Crop ♪♪ – [ SPACE ] », sur spacestudios.org.uk (consulté le )
  13. « « Soufiane Ababri a réussi un exploit : une expo gay en plein Douala » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  14. a b c et d « Soufiane Ababri », sur Le Cube (consulté le )
  15. « Soufiane Ababri | Haunted Lives », sur ArtsHebdoMédias (consulté le )
  16. Donnia Ghezlane-Lala, « Homoérotisme, nus masculins, amour et rupture : 5 expos à ne pas rater en juin », sur Konbini - Musique, cinéma, sport, food, news : le meilleur de la pop culture, (consulté le )
  17. « Exposition SOL ! La biennale du territoire 2. Soleil Triste », sur www.evous.fr (consulté le )
  18. « L’acteur Jonas Ben Ahmed désigné personnalité LGBT de l’année », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]