Sola scriptura

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Sola scriptura (ablatif latin signifiant « par l'Écriture seule ») est une expression latine désignant le principe protestant selon lequel la Bible est une autorité en elle-même, à laquelle les chrétiens, c'est-à-dire l'Église, se soumettent ; l'idée contraire, c'est-à-dire la Bible soumise à l'Église n'étant pas possible. Sinon, cela signifierait que l'Église pourrait modifier la Bible. Sola scriptura est la première expression des cinq solas à avoir été formulée. Elle est du fait du catholique Didier Érasme. Dans l'histoire, d'autres catholiques, avant et après lui, ont souhaité ce même retour aux Écritures.

La Bible porteuse de la Parole de Dieu

La tête de l'église est Jésus-Christ. C'est son enseignement que nous suivons tous. Et il se trouve dans les Écritures. La vérité est et reste la même vérité que hier, aujourd'hui ou demain. Elle est la même qu'il y a 200 ans ou 2000 ans. Elle ne change pas. Comme Jésus-Christ est le même, hier, aujourd'hui et Éternellement. D’ailleurs même le catholicisme en parlant de tradition, parle uniquement de celle des apôtres. A aucun moment l'église catholique ne juxtapose les termes église et tradition pour parler de la tradition de l'église.

Chaque chrétien et donc l'église entière est soumise à Dieu, à sa Parole et à son Esprit. Sa Parole faite chaire mais aussi révélée dans les Écritures. Il n'est pas possible d'être soumis à Dieu et au Saint-Esprit sans l'être en même temps à Sa Parole.

Les cinq solas ont figuré pendant des siècles en tête des professions de foi des églises protestantes. Dans l'histoire, plusieurs catholiques d'ailleurs, ont souhaité revenir à cet ordre là.

De la Parole à l'Écrit

Dans le protestantisme, la mise en œuvre de ce principe a entraîné des visions différentes.

En effet, pour certains, il y a identité complète entre la parole de Dieu et la Bible. Pour d'autres, cet écrit relate un témoignage humain (comme il est dit dans le cantique catholique Nous chanterons pour toi : Les mots de Dieu ont retenti / En nos langages d'hommes, / Et nos voix chantent Jésus-Christ / Par l'Esprit qu'il nous donne.). La plupart se situent entre ces deux extrêmes.

Les débats théologiques portent sur les points suivants :

Protestantisme classique et évangélique

  • Y a-t-il un « canon dans le canon » (en l'occurrence la mort et la résurrection du Christ) qui permette de déterminer la valeur des autres textes, comme l'affirme le luthéranisme ?
  • Faut-il chercher dans l'Écriture elle-même, prise dans son ensemble, le sens d'un texte particulier (« scriptura interpres scripturae »), comme l'affirment classiquement les réformés et la plupart des Églises évangéliques ?
  • Faut-il considérer chaque texte, dans sa littéralité, comme exprimant pleinement la vérité, selon le principe de l' « inerrance biblique » souvent affirmée par les fondamentalistes ?
  • Cette vérité impose-t-elle une certaine éthique, comporte-t-elle une seule vision du monde ?

Protestantisme libéral

Faut-il au contraire ne voir dans la Bible qu'une formulation rapide des moyens du salut et comprendre extensivement ce sola scriptura, i.e. comme l'Écriture et tout ce que révèle le travail herméneutique, comme l'affirment Paul Ricœur (dans sa préface au Jésus de Bultmann) et les libéraux ?…

Bien que référence théologique, les libéraux ne considèrent pas la Bible comme un monument inamovible ; il n'y a pas, comme pour le mètre, une Bible étalon, ou, comme pour la déclaration universelle des droits de l'homme, une Bible faisant foi - ce qui est paradoxal.

Ces protestants établissent une référence autour de l'Écriture selon deux mouvements : l'un, pour remonter au plus près possible des temps et des événements relatés dans la Bible, pour en retrouver l'authenticité d'origine ; l'autre, pour traduire au plus près possible ces événements dans le cadre présent, pour en trouver l'authenticité actuelle.

Autorité et traduction

Dès le départ, les Réformateurs ont réalisé un effort de traduction en langue vulgaire, pour rendre actuel le message de l'Écriture.

Dans un cadre défini, l'autorité d'une traduction plutôt que d'une autre se fait simplement par consensus, par adhésion, des croyants, selon la nature de la réunion, ou l'état d'esprit des participants. Les protestants se mettent simplement d'accord entre eux, par la discussion, l'écoute mutuelle, la réflexion personnelle. Pour assurer leur intime conviction, ils accordent une grande importance à la transparence du travail de traduction, à son histoire d'une traduction, à sa notoriété dans le milieu, la comparaison avec d'autres, à sa propre authenticité. Cette intime conviction se base non pas sur une seule traduction biblique, mais sur plusieurs. Le mouvement est similaire à celui qui est imposé par les évangiles, qui ne sont pas un, mais quatre ; il ne peut donc y avoir un évangile de référence, mais quatre.

De la Bible à l'Église et au monde

Comment ce principe a-t-il été mis en pratique ? De tous les sola, celui sur l'écriture est le seul qui se rattache à un objet concret, par conséquent, il est le seul sur lequel il est possible de discuter de façon objective.

Ainsi, les protestants ont souhaité s'appuyer sur la Bible pour justifier auprès de tiers leurs choix de vie, d'Église, leurs choix politiques, sentimentaux, etc. Ils y sont parvenus, avec des fortunes diverses ; la réalité impose une certaine modestie.

La Révolte des Rustauds, par exemple, a confronté Luther à toute la difficulté de l'exercice. Ses positions avaient donné à des paysans l'espoir d'une vie meilleure, et, pour avoir des arguments et plus de force dans leurs revendications, ces paysans glissaient dans leurs revendications des passages bibliques pour défendre leurs intérêts. Mais Luther ne vit en eux aucun projet politique ou religieux, seulement des éléments de désordre social. Il y avait, selon lui, confusion entre les domaines religieux et les domaines communs. Luther décida de sauvegarder le domaine religieux, en s'associant avec la répression. Mais la répression fut d'une grande férocité, et Luther fut considéré comme hypocrite : un religieux, soucieux du bien général, connaissant si bien la Bible et donc, selon son approche, aussi près de la Parole de Dieu que l'on puisse l'être, aurait dû trouver une meilleure voie qu'une simple association avec les princes de ce monde, contre les pauvres de ce monde.

Mieux inspirée peut-être, la construction de la Pennsylvanie par les quakers et les luthériens allemands, aux XVIIe et XVIIIe siècles, a montré une démarche collective pour mettre une foi à l'épreuve, et construire un monde plus juste.

Censé supprimer toute forme d'autorité terrestre pour libérer l'écoute de la Parole de Dieu, le Sola Scriptura n'a pas tardé à en susciter d'autres. Très vite, se croyant mandatés par leurs analyses bibliques, les réformateurs se sont donné le droit de vie et de mort sur leurs prochains, ou le droit d'aménager le rôle des femmes.

Bien plus, ils ne tardèrent pas à adapter leur lecture de la Bible à leurs intérêts économiques aux dépens des plus faibles, commettant, individuellement et collectivement, les plus grands crimes. Ainsi, par exemple, les protestants ont eu une part active dans la traite des noirs, dans l'apartheid, part qu'ils justifiaient, en toute sincérité, par divers passages de la Bible.

Aujourd'hui, les protestants considèrent qu'il s'agissait de simples erreurs d'interprétation, qui ne sauraient remettre en cause le principe. Il est vrai que, si des protestants, s'appuyant sur la Bible, ont commis ces crimes, d'autres, s'appuyant sur la même Bible, les ont dénoncés et ont lutté pour le rétablissement de la justice. Dans l'ensemble, les protestants ont reconnu leurs erreurs, et ont su se réformer. Mais le mal a été fait, la Bible n'a pas été protectrice.

Un autre élément de discussion du Sola Scriptura, plus positif, a été apporté par Max Weber et la sociologie compréhensive. Il a été relevé depuis longtemps l'étonnant dynamisme économique des milieux protestants en Occident. Ce dynamisme semble dû à une approche différente de la notion de travail dans ce milieu. Luther, en effet, a orienté sa traduction de la Bible de façon que le travail soit considéré comme une vocation.

Ceci semble bel et bien être une invention de Luther. Mais doit-on l'interpréter comme une modification personnelle du texte biblique, qui serait une violation du Sola Scriptura ? Ou doit-on l'interpréter comme quelque chose que le Saint-Esprit aurait suggéré à Luther, donnant ainsi une portée inattendue aux conceptions du réformateur ? Il est impossible de répondre en toute objectivité à cette question. La sociologie compréhensive ouvre surtout des espaces à la subjectivité, et donc il serait maladroit de conclure.

Notes et références


Voir aussi

Articles connexes

Liens externes