Serge Netchaïev

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Serge Netchaïev
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Sergueï Guennadievitch Netchaïev (en russe : Сергей Геннадиевич Нечаев ; ISO 9 : Sergej Gennadievič Nečaev), né le 20 septembre 1847 ( dans le calendrier grégorien) à Ivanovo[1] et mort emprisonné le 21 novembre 1882 ( dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg, est un écrivain et activiste révolutionnaire russe, nihiliste et partisan du terrorisme.

Biographie

Netchaïev naquit dans une famille d'ouvriers. Autodidacte, il devint instituteur en 1868 à Saint-Pétersbourg, où il fréquentait les étudiants révolutionnaires. Il prétendait faussement qu'il avait été emprisonné à la forteresse Pierre-et-Paul. Karl Marx s'en fit l'écho auprès de Friedrich Engels : « Toute l’histoire de Netchaïev n’est qu’un abominable mensonge. Netchaïev n’a jamais été détenu dans une prison russe, le gouvernement n’a jamais tenté de le faire assassiner, etc. ».

Il était, néanmoins, révolutionnaire. Poursuivi par la police d'État russe, il se réfugia à Genève en mars 1869. Là, il rencontra Mikhaïl Aleksandrovitch Bakounine, avec qui il sympathisa[2], et rédigea le Catéchisme du révolutionnaire (élaboré en 1868).

Il finit par se brouiller avec Bakounine, qui était, finalement, effrayé par son cynisme et sa violence. Bakounine écrivit ainsi :

« [Serge Netchaïev] est arrivé peu à peu à se convaincre que pour fonder une société sérieuse et indestructible, il faut prendre pour base la politique de Machiavel et adopter pleinement le système jésuite — pour corps la seule violence, pour âme le mensonge. La vérité, la confiance mutuelle, la solidarité n'existent qu'entre une dizaine d'individus qui forment le sanctus sanctorum de la société. Tout le reste doit servir comme instrument aveugle et matière d'exploitation aux mains de cette dizaine d'hommes. Il est permis et même ordonné de les tromper, de les compromettre, de les voler et même au besoin de les perdre. »

— Boris Souvarine, Staline, aperçu historique du bolchevisme, 1935[3]

Au cours de l'été 1869, Netchaïev retourna clandestinement en Russie. Il fonda à Moscou un groupement révolutionnaire, Narodnaïa Volia, et organisa l'assassinat de l'étudiant Ivanov qu'il soupçonnait de trahison ()[réf. nécessaire]. Cet événement a inspiré Fiodor Dostoïevski pour le roman Les Démons (1871). Dostoïevski reprit la conception politique de Netchaïev, qu'il attribua à son personnage Chigaliev, dont la théorie est exposée par Piotr Stiepanovitch Verkhovensky :

« Il y a du bon dans son manuscrit, poursuivit Verkhovensky, — il y a l’espionnage. Dans son système, chaque membre de la société a l’œil sur autrui, et la délation est un devoir. Chacun appartient à tous, et tous à chacun. Tous sont esclaves et égaux dans l’esclavage. La calomnie et l’assassinat dans les cas extrêmes, mais surtout l’égalité. D’abord abaisser le niveau de la culture des sciences et des talents. Un niveau scientifique élevé n’est accessible qu’aux intelligences supérieures, et il ne faut pas d’intelligences supérieures ! Les hommes doués de hautes facultés se sont toujours emparés du pouvoir, et ont été des despotes. Ils ne peuvent pas ne pas être des despotes, et ils ont toujours fait plus de mal que de bien ; on les expulse ou on les livre au supplice. Couper la langue à Cicéron, crever les yeux à Copernic, lapider Shakespeare, voilà le chigalévisme ! Des esclaves doivent être égaux ; sans despotisme il n’y a encore eu ni liberté ni égalité, mais dans un troupeau doit régner l’égalité, et voilà le chigalévisme ! Ha, ha, ha ! vous trouvez cela drôle ? Je suis pour le chigalévisme ! »

— Fiodor Dostoïevski, Les Démons[4].

Netchaïev se réfugia ensuite à Londres puis à Paris (1870). Pendant le procès de ses complices à Saint-Pétersbourg, la presse publie certains extraits du Catéchisme.

Entre 1870 et 1872, il fait de nombreux aller-retour entre la Suisse et Paris, ville dans laquelle il entretient une relation amoureuse avec une jeune française, Albertine Hottin [5]. Il voyage alors sous le nom de Stepan Grazdanov grâce à de faux-papiers fournis par des révolutionnaires bulgares qui le connaissent aussi sous le nom de Floresco[6].

Netchaïev retourna en Suisse, d'où il fut extradé vers la Russie en 1872. Il fut emprisonné à la forteresse Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg. Son procès eut lieu à Moscou en 1873. Il fut condamné à vingt ans de travaux forcés en Sibérie. Il mourut du scorbut dans la forteresse le .

Théorie terroriste

Netchaïev exposa ses principes dans son Catéchisme du révolutionnaire, possiblement rédigé avec Bakounine en 1868 (la participation de Bakounine à la rédaction de cet ouvrage est néanmoins contestée[7],[8],[9]) dans lequel il prône l'anéantissement de l'État et l'assassinat des opposants. Il y définit sa conception de la révolution, ainsi que l'attitude du révolutionnaire envers lui-même, ses camarades et la société.

Netchaïev soutient la thèse selon laquelle le révolutionnaire doit accentuer les souffrances du peuple, afin que celui-ci trouve le courage de se révolter. C'est là une idée centrale du terrorisme. Netchaïev pense aussi à l'organisation : « Les camarades révolutionnaires doivent autant que possible discuter en commun et résoudre à l'unanimité toutes les affaires importantes. Mais, en ce qui concerne l'exécution du plan conçu, chacun doit travailler seul à la réalisation de l'action destructive. »

Selon Jean Vioulac, « le Catéchisme du révolutionnaire pourrait sembler trop excessif pour être véritablement signifiant. Il eut néanmoins une influence directe sur la conception du parti de « révolutionnaires professionnels » développée plus tard par Lénine dans Que faire ? (1902), et demeure en cela une source principale du bolchévisme. » [réf. souhaitée]

Citations

  • « Le révolutionnaire méprise tout doctrinalisme, il a renoncé à la science pacifique qu'il abandonne aux générations futures. Il ne connaît qu'une science — celle de la destruction. »
  • « À toute vapeur, à travers la boue ; détruisez le plus possible ; ne résistera dans les institutions que ce qui est fondamentalement bon. »
  • « N'est pas révolutionnaire qui a pitié de quelque chose dans le monde. »

Notes et références

  1. René Cannac, Netchaïev, p. 42.
  2. René Cannac, Netchaïev, p. 46.
  3. Boris Souvarine, Staline, aperçu historique du bolchevisme 1935, p. 532 [nouvelle édition, Paris, Éditions Champ libre, 1977.
  4. Fiodor Dostoïevski, Les Démons, deuxième partie, chapitre VIII.
  5. (en) Woodford Mc Clellan, « Nechaevshchina: An Unknown Chapter », Slavie Review,‎ (lire en ligne)
  6. Nicolas Stonoff, Un centenaire bulgare parle, Notre Route, (lire en ligne)
  7. Relations avec Serge Netchaiev, Michel Bakounine, Œuvres, vol.5, Éditions TOPS, (ISBN 2-912339-28-6)
  8. Michael Confino, Violence dans la violence ; le débat Bakounine – Nečaev, Paris, F. Maspéro, , 212 p.
  9. Jean-Christophe Angaut, « Le Catéchisme révolutionnaire ou le premier anarchisme de Bakounine », dans Michel Bakounine, Principes et organisation de la Société internationale révolutionnaire, Strasbourg, Éditions du Chat Ivre, (ISBN 978-2-91966-339-2, lire en ligne), p. 3-4.

Bibliographie

Œuvre

Études sur Netchaïev

  • Nicolas Berdiaev, Les Sources et le sens du communisme russe, coll. « Idées », Gallimard, Paris, (1re édition 1938), 1951 ; rééd. 1970
  • René Cannac, Netchaïev, du nihilisme au terrorisme. Aux sources de la Révolution russe, préface d'André Mazon, Payot, collection « Bibliothèque historique », 1961, 182 p.
  • Alain Besançon, Les Origines intellectuelles du léninisme, coll. « Agora », Calmann-Lévy, Paris, 1977 ; rééd. 1986
  • Jeanne-Marie Gaffiot, Netchaïeff, Éditions L'Âge d'Homme, 1989

Voir aussi

Articles connexes

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