Scène démo

La scène démo, ou demoscene en anglais, est une sous-culture informatique ayant pour but la création artistique sous forme de programme informatique, fondée sur les trois domaines que sont : la musique assistée par ordinateur, l’infographie et la programmation.
Description
[modifier | modifier le code]Le postulat de base est de réaliser des performances technologiques ou artistiques en jouant sur des astuces de programmation ou de réelles performances programmatiques. Les programmes ainsi créés sont appelés démos, les compétences employées pour produire des démos sont englobées dans le demomaking (littéralement : la création de démo).
Lors de la visualisation d'une démo, l'ordinateur calcule en temps réel l'affichage d'une séquence vidéo de synthèse, de sons, et autres thèmes multimédia. Une démo se présente sous la forme d'un fichier exécutable (binaire) à la différence de la vidéo (avi, mpg...) ou de la musique (mp3, ogg...). Les capacités des micro-ordinateurs au début de la scène démo ne permettaient de toute façon pas l'enregistrement ou la diffusion de longue vidéo. Aujourd'hui, certains sites proposent néanmoins des enregistrements vidéo de démos, permettant de les découvrir sans disposer du matériel requis. Cependant, ces captures ne restituent pas la nature temps réel de l'exécution originale, qui constitue précisément l'essence d'une démo.
Un membre de la scène démo s'appelle un demomaker, un demoscener, ou plus généralement : un scener. Les sceners sont presque toujours organisés en groupes. Les meilleurs groupes s'affrontent dans des compétitions lors de Demoparties. Les plus prestigieuses ont lieu en Europe. On peut citer l'Assembly en Finlande, The Gathering en Norvège et la Breakpoint (demo party) en Allemagne.
Historique
[modifier | modifier le code]À l'origine, les démos étaient de petites animations agrémentées de musiques et distribuées avec les jeux et logiciels piratés, servant ainsi de signature au groupe de crackers qui avait réussi à cracker (contourner les protections contre la copie) le jeu ou l'application[1]. On appelle ce genre de démos des « cracktro », mélange de « crack » et « d'intro »[2]. Assez rapidement, les groupes rivalisèrent de technique pour montrer leurs talents via ces cracktros et finirent par organiser des concours[3]. La démo finit par se désolidariser totalement du piratage[3],[4].
Les démos furent également popularisées en France par l’émission Micro Kid's (1991 — 1997) sur FR3 qui diffusait des démos Amiga ou Atari ST pendant le générique de fin.
Pendant les années 1990, la scène démo a eu un impact notable sur l'industrie informatique, notamment dans la conception des premières cartes graphiques 3D, la performance des jeux vidéo et leurs musiques d'accompagnement.
De nombreux programmeurs de jeux, artistes et musiciens européens issus de la scène démo ont mis à profit dans leur travail lesur expérience issue de la scène démo. Par exemple, la société finlandaise Remedy Entertainment, connue pour la série de jeux Max Payne, a été fondée en 1995 par le groupe PC Future Crew, et la plupart de ses employés sont d'anciens ou d'actuels membres de la scène démo[5],[6]. Parfois, les démos ont même une influence directe sur des développeurs de jeux qui n'ont aucun lien avec la scène démo : par exemple, Will Wright cite la scène démo comme une influence majeure sur le jeu Spore, qui repose en grande partie sur la génération procédurale de contenu[7]. De même, lors de la QuakeCon en 2011, John Carmack a déclaré qu'il « tenait en haute estime » les personnes qui réalisaient des intros en 64 ko, car elles encourageaient la programmation créative en s'imposant des limites artificielles[8]. Jerry Holkins, de Penny Arcade, a déclaré avoir un « amour indéfectible » pour la scène démo et a souligné qu'il s'agissait de « choses qui valent la peine d'être connues »[9].
En 2020, la Finlande a ajouté la scène démo à sa liste nationale du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO[10]. Il s'agit de la première sous-culture numérique à figurer sur une liste du patrimoine culturel immatériel. En 2021, l'Allemagne et la Pologne ont également ajouté leur scène démo à leur liste nationale du patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO[11],[12], suivies par les Pays-Bas en 2023[13] et la Suède et la France en 2025[14],[15].
Types de démos
[modifier | modifier le code]La scène démo existe sur de nombreuses plates-formes, dont le PC, le Commodore 64, le ZX Spectrum, l'Amstrad CPC, l'Atari ST, l'Atari 8bits (800xl, 130XE etc), l'Atari VCS, le Sharp MZ, l'Amiga, l'Apple IIgs, le Vectrex, la Nintendo 64 et la Game Boy Advance. Cette vaste palette de plates-formes rend les démos difficiles à comparer.
Les démos sont classées de façon informelle en plusieurs catégories :
Le terme intro se référait à l'origine à une démo sans fin, où l'action se composait d'une seule scène graphique, le plus souvent pour promouvoir un BBS ou le crack d'un jeu (l'intro étant alors nommée plus spécifiquement cracktro). De nos jours, ce terme se réfère à une démo dont l'exécutable n'excède pas une taille limite, telle que 4 ko ou 64 ko.
Une « méga démo » consiste en une succession de plusieurs parties indépendantes, le plus souvent avec une bande son distincte pour chaque partie et nécessitant une intervention du spectateur pour passer d'une partie à la suivante. Un des premiers exemples est Megademo (1987) du groupe Antitrax 2010, sur Amiga. Depuis le début des années 1990, le format prédominant de démos est la trackmo, où des effets visuels synchronisés à une piste sonore s'enchaînent de façon scénarisée, à la manière d'un clip vidéo. Les premières trackmos sont Mental Hangover (1990) de Scoopex et Enigma (1991) de Phenomena, toutes deux sur Amiga.
Une « démo mobile » est une démo écrite pour une plate-forme mobile, telle qu'un PDA, une calculatrice graphique, une console portable ou un téléphone mobile. Un terme moins courant est dentro, qui peut signifier soit une démo de taille intermédiaire, soit un clip d'une démo à venir.
Il est aussi assez commun de classer les démos par style et contenu plutôt que par technologie.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- ↑ Reunanen, Markku; Wasiak, Patryk; Botz, Daniel (2015). « Crack Intros: Piracy, Creativity, and Communication », International Journal of Communication, vol. 9, p. 798-817. lire en ligne.
- ↑ Gamichon, Grégoire (2021). Demoscene & WareZ Art : aux origines de la scène démo. Mémoire de fin d’études, ESAD de Reims, p. 38-41. (https://gregoire.broadcastingfuture.online/docs/memoire_g_gamichon_site.pdf).
- Reunanen, Markku (2014). « How Those Crackers Became Us Demosceners », WiderScreen 1-2/2014. lire en ligne.
- ↑ Gamichon, Grégoire (2021). Demoscene & WareZ Art : aux origines de la scène démo. Mémoire de fin d’études, ESAD de Reims, p. 50-52. (https://gregoire.broadcastingfuture.online/docs/memoire_g_gamichon_site.pdf).
- ↑ Bobic, « Sceners in the Games Industry » [archive du ], 4players.de, (consulté le )
- ↑ « Jaakko Lehtinen appointed as a Professor in the School of Science » [archive du ], (consulté le ) : « The so-called demoscene has laid a foundation for the active and internationally astonishingly successful Finnish games industry. »
- ↑ Dave 'Fargo' Kosak, « Will Wright Presents Spore... and a New Way to Think About Games » [archive du ], sur GameSpy, (consulté le )
- ↑ « QuakeCon 2011 – John Carmack Keynote » [archive du ], sur YouTube,
- ↑ « Lickr » [archive du ], (consulté le )
- ↑ (en-US) « Breakthrough of Digital Culture: Finland accepts the Demoscene on its national UNESCO list of intangible cultural heritage of humanity » [archive du ], sur Demoscene - The Art of Coding, (consulté le )
- ↑ « Demoscene accepted as UNESCO cultural heritage in Germany » [archive du ], (consulté le )
- ↑ « Demoscene in Poland gets accepted as national immaterial cultural heritage » [archive du ], (consulté le )
- ↑ (en) « 215th addition to Inventory of Intangible Heritage Netherlands » [archive du ], sur Immaterieel Erfgoed (consulté le )
- ↑ Anders Carlsson, « The demoscene as a UNESCO heritage in Sweden », sur GOTO8O, (consulté le )
- ↑ « La demoscene enfin reconnue comme patrimoine culturel en France », sur De Association MO5.COM, (consulté le )
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]- Demomaking
- Second Reality, l'une des démos les plus célèbres, réalisée par le groupe Future Crew
Liens externes
[modifier | modifier le code]- (fr) Fiche d'inventaire inscrite au patrimoine culturel immatériel français
- (fr) Demoscene.fr, le portail francophone de la scène démo
- (fr) Amiga Vibes Portail francophone traitant de la demoscene
- (fr) L'histoire de la demoscene sur Clubic
- (en) Amiga Music Preservation la ressource clef pour les musiques de la demoscene Amiga
- (en) Pouet : ressources de fichiers de demos sur plusieurs plateformes
- (en) Demozoo : annuaire de démos, groupes, sceners et event
- (en) Demoscene The Amiga Years volume 1 (1984-1993)
- (en) Demoscene The AGA Years volume 2 (1994-1996)
