Pseudo-sanctuaire de Cybèle

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Sanctuaire de Cybèle
Image illustrative de l’article Pseudo-sanctuaire de Cybèle
Vestiges vus du nord-est en octobre 2012.
Localisation
Pays Drapeau de la France France
Lieu Lyon
Type Prétoire (?), siège d'une corporation (?)
Protection Logo monument historique Classé MH (1983, Temple)
Coordonnées 45° 45′ 35″ nord, 4° 49′ 06″ est
Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Sanctuaire de Cybèle
Sanctuaire de Cybèle
Géolocalisation sur la carte : Lyon
(Voir situation sur carte : Lyon)
Sanctuaire de Cybèle
Sanctuaire de Cybèle
Histoire
Époque Haut Empire romain

Le sanctuaire de Cybèle, également dit prétoire d'Agrippa, désigne un ensemble de constructions d'époque romaine à Lyon, situé sur le plateau de la Sarra, à l’ouest du Théâtre antique de Fourvière, dont il est séparé par une voie romaine et un dénivelé formé par le bord du plateau. Plusieurs campagnes de fouilles ont été nécessaires pour comprendre son histoire. Leurs conclusions remettent en cause la dénomination de « sanctuaire de Cybèle ». Cet ensemble fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [1].

Les campagnes de fouilles

Les fouilles de 1925 à 1947

Dès 1925, Philippe Fabia et Camille Germain de Montauzan fouillent le site et trouvent d'épais murs. Ils font le rapprochement avec la découverte, au XVIIIe siècle, près du site, d’un autel taurobolique dédié en 160 à Cybèle, et interprètent les vestiges comme ceux d’un temple de Cybèle[2],[3].

Pierre Wuilleumier dirige de nouvelles fouilles en 1947. Il dégage, au niveau de la voie romaine, des alcôves qu’il date du IIe siècle et les interprète comme des boutiques d’un bâtiment antérieur aux substructions supérieures, qu'il identifie comme un temple dont la façade mesure 53 mètres.

Les fouilles de 1965 à 1978

Amable Audin reprend les fouilles en 1965 et délimite un bâtiment de 86 × 53 m. La ville de Lyon acquiert le site et son dégagement se poursuit de 1973 à 1978.

Le réservoir terminal de l'aqueduc du Gier

Ce réservoir double est considéré comme étant potentiellement le réservoir terminal de l'aqueduc du Gier.

On découvre au-dessus une double salle de 28 × 11 m, avec un mur central percé de cinq arcades. Le revêtement du sol et des murs est en mortier au tuileau, enduit d’étanchéité romain, ce qui permet d’interpréter l'édifice comme une citerne à deux réservoirs. Son importante capacité de stockage estimée à 1 500 m3, et son altitude (niveau du radier à 288 m) étayent l’hypothèse d’un château d’eau terminant l’aqueduc du Gier, seul capable d'atteindre cette altitude. La découverte ultérieure, en contrebas de cette citerne, d’une canalisation d’égout de grand gabarit, puis des thermes de la rue des Farges sont des indices de l’existence d’un débit d’eau important dans le secteur, qui confortent l’hypothèse de réservoirs terminaux de l’aqueduc[4].

Identifications selon Amable Audin

Les nouveaux matériaux poussent Amable Audin à reculer la datation au début du Ier siècle et il conclut à trois stades de construction et d’utilisation successifs : l’insula basilicale de l’époque de l’empereur Auguste, le réservoir de l’aqueduc du Gier, le sanctuaire de Cybèle. Amable Audin datait le temple de 160, datation déduite de celle de l’autel taurobolique, et l’aqueduc du Gier de 120.

Ces thèses prévalurent jusqu’à sa mort en 1990, mais étaient déjà mises en doute par Charles Picard en 1955 et critiquées par Robert Turcan à partir de 1977[3], doute repris en 1988 par André Pelletier[2]. Il fallut néanmoins attendre 1998 pour qu'un article d'Armand Desbat abandonne définitivement la datation et l'interprétation comme « temple de Cybèle », en raison de l'écart chronologique entre un bâtiment daté vers 10 ap. J.-C. et un autel de l'an 160 trouvé à plus de cent mètres de distance[3].

Les fouilles de 1991 à 2003

Armand Desbat, chercheur au CNRS, reprend les recherches sur le site à partir de 1991, avec des techniques beaucoup plus fines. Les sondages sont menés jusqu’au niveau du sol des origines, et les quelque 190 000 fragments de céramique récoltés sont exploités pour établir une datation précise. Les conclusions de nouvelles campagnes de fouilles menées entre 1991 et 2003 contribuent à enrichir et modifier la connaissance du site et de l’histoire de Lugdunum. Les interprétations relatives au temple de Cybèle sont entièrement révisées.

L’interprétation actuelle

La vision actuelle de l’occupation du site déduite des dernières fouilles est donc la suivante[5] :

  • l’occupation du site remonte de façon inattendue à l’âge du bronze.
  • 1re phase : un îlot d’habitations de terre et de bois et aux décorations soignées daté des débuts de la colonie.
  • 2e phase : non plus un îlot basilical mais un palais daté de -20, peut-être la résidence du gouverneur.
  • 3e phase : la datation du pseudo temple de Cybèle est reculée au début du Ier siècle contre 150 à 160, rendant caduque l’ancienne hypothèse de sa destination.

L’âge du bronze

L’âge du fer

De rares objets sont contemporains des fossés du clos du Verbe incarné, notamment une fibule dite de Nauheim et des céramiques. Traces d’une occupation antérieure à la fondation ? Vestiges de la colonie de Lucius Munatius Plancus ?

Première phase : l’îlot d’habitations

Des rues en galets et en graviers délimitent deux îlots de 36 m de large. Les murs de l’îlot d’habitations sont faits de terre et de poteaux en bois, les édifices sont couverts de tuiles. Des traces d’enduit peint dans l’îlot I témoignent de peintures du 2e style pompéien.

Deuxième phase : le Prétoire d’Agrippa ou Palais du gouverneur

Vers -20, les deux îlots sont reconstruits, sur des fondations en granite avec des élévations en briques crues. Un grand bâtiment de bonne qualité en briques crues remplace les habitations de l’îlot I. Le plan symétrique et axial, ses larges dimensions, la distribution des pièces avec un atrium couvert et un péristyle en U, les règles de construction, la position en encorbellement au-dessus du théâtre, évoquent son caractère exceptionnel et prestigieux. La datation sous le règne d’Auguste et la qualité de la construction amènent à orienter son identification en palais du gouverneur, peut-être le prétoire d’Agrippa, gendre d’Auguste et légat des Gaules. L’îlot II, également reconstruit, comporte un portique à colonnade, des boutiques et deux habitations à atrium.

Troisième phase : le prétendu sanctuaire de Cybèle

Au début de notre ère, les bâtiments précédents sont détruits, et remplacés par le prétendu sanctuaire de Cybèle, dont les vestiges sont actuellement visibles sur le site. Il s’agit des fondations du bâtiment dont les substructions ont été arasées et qui s’étendait sur le plateau en se prolongeant vers l’ouest, grâce à un important soutènement qui compense la pente ouest et ensevelit les bâtiments précédents. Ce bâtiment occupe un quadrilatère clos d’un mur à peu près rectangulaire : 50 m de côté à l’ouest, 52,70 m à l’est, 84 m au nord et 81,66 m au sud. Chaque côté est formé d’une série de pièces, entourant une vaste cour[2].

La disparition des substructions lors des précédentes fouilles rend les interprétations difficiles. L’hypothèse d’un sanctuaire dédié au culte de Cybèle est désormais exclue par la datation. Les transformations successives et la neutralité relative de la forme du bâti suggèrent d’autres hypothèses : un bâtiment administratif ayant remplacé le prétoire ? Un édifice cultuel ou le lieu de réunion d’un collège de prêtres ? Un marché ? Le siège d'une communauté de marchands (nautes ?)

Le bâtiment est finalement transformé par l’adjonction du réservoir de l’aqueduc du Gier, postérieur au « pseudo temple de Cybèle ». Amable Audin situe l’aqueduc du Gier vers 120. Cela a été remis en cause par cette dernière phase de fouilles, les deux nefs du réservoir ayant nécessité la consolidation des fondations du bâtiment supérieur. La datation de l’aqueduc du Gier a fluctué selon que l’on se réfère aux tuyaux de canalisation en plomb marqués du nom de l’empereur Claude, ou bien de la découverte de la pierre de Chagnon qui cite un décret d’Hadrien (117-138). Les fouilles du site rendent l’hypothèse d’une construction au temps d'Auguste plus plausible. Certains éléments attestent d’une dernière phase de transformations minimes.

Voir aussi

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Notes

  1. Notice no PA00117988, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture.
  2. a b et c André Pelletier, Histoire et archéologie de la France ancienne, Rhône-Alpes, 1988, p. 89-90.
  3. a b et c Fellague 2018, p. 47.
  4. Ouvrage collectif, Les aqueducs romains de Lyon, éditions l’Araire, 1988
  5. Revue Archéologia no 415, octobre 2004

Bibliographie

  • [Audin 1985] Amable Audin, « Dossier des fouilles du sanctuaire lyonnais de Cybèle et de ses abords », Gallia, t. 43, no 1,‎ , p. 81-126 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Desbat 1998] Armand Desbat, « Nouvelles recherches à l'emplacement du prétendu sanctuaire lyonnais de Cybèle : premiers résultats », Gallia, t. 55,‎ , p. 237-277 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Desbat 2005] Lugdunum, naissance d’une capitale, éd. Infolio, , 181 p. (ISBN 2-88474-120-8). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [Desbat 1992] Armand Desbat, « Note sur l'apparition des constructions à arases de briques dans la région lyonnaise », Gallia, t. 49,‎ , p. 45-50 (lire en ligne [sur persee]).
  • [Desbat et al. 2000] Armand Desbat, Maurice Picon et Akila Djellid, « Le début des importations de sigillées à Lyon », Rei Cretaria Romanæ Factorum Acta, no 36,‎ , p. 513-523 (lire en ligne [sur pomedor.mom.fr]).
  • [Fellague 2018] Djamila Fellague, « Fouiller dans les archives : des tombes inédites et un autel dédié à Cybèle », Archéologia, no 562,‎ , p. 44-47 (lire en ligne [sur academia.edu]). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • [Pelletier et al. 1988] André Pelletier, André Blanc, Pierre Broise et Jean Prieur, Histoire et Archéologie de la France ancienne, Rhône Alpes, éditions Horvath, , 264 p. (ISBN 2717105611).