Romulus, Remus et Khaleesi
Espèce |
Canis lupus (individus génétiquement modifiés pour copier Canis dirus) |
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Date de naissance |
(Romulus et Remus) (Khaleesi) |
Lieu de naissance | |
Propriétaire |
Romulus, Remus et Khaleesi sont trois loups gris génétiquement modifiés nés en et dans le cadre d'un projet de désextinction expérimentale de l'espèce disparue Canis dirus, mené par l'entreprise américaine de biotechnologie Colossal Biosciences. Bien qu'ils présentent des caractéristiques phénotypiques inspirées de Canis dirus, ces individus n'appartiennent pas à cette espèce puisque ce sont des organismes créés à partir de loups gris dont le génome a été partiellement modifié pour intégrer certaines mutations identifiées dans l'ADN fossile de Canis dirus, dont ils sont ainsi des chimères. De plus, les deux espèces ont évolué séparément depuis 5,7 millions d'années.
Leur naissance est annoncée en .
Ce projet soulève de nombreuses questions scientifiques, éthiques et écologiques quant à la nature de ces animaux, leur rôle potentiel dans les écosystèmes contemporains et les limites de la biotechnologie dans le domaine de la conservation.
Contexte biologique
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Canis dirus est une espèce éteinte de canidés ayant vécu en Amérique du Nord pendant environ deux millions d'années, jusqu'à sa disparition à la fin de la dernière période glaciaire, il y a environ 12 000 ans[1]. Ce superprédateur possédait une carrure massive, des mâchoires robustes et des dents adaptées à la prédation de grands mammifères herbivores comme les bisons ou les jeunes mammouths.
Bien qu'il ressemble morphologiquement au loup gris (Canis lupus), Canis dirus appartenait à une lignée génétique distincte, plus proche du coyote (Canis latrans) ou du renard gris (Urocyon cinereoargenteus)[1]. Sa ressemblance avec le loup gris est due à un phénomène de convergence évolutive. Une étude de 2020 suggère que l'éloignement génétique entre les deux espèces est tel que le loup sinistre ne serait même pas un « loup » (genre Canis), mais appartiendrait à un genre différent et typiquement américain, Aenocyon. Les deux espèces n'ont connu aucun échange de flux génétique depuis 5,7 millions d'années et résultent donc d'une longue évolution séparée[2].
Reconstitution génétique
[modifier | modifier le code]ADN fossile et comparaison
[modifier | modifier le code]Le projet de Colossal Biosciences s'appuie sur l'analyse de l'ADN de deux fossiles de Canis dirus : une dent vieille de 13 000 ans et un crâne datant de 72 000 ans. Ces échantillons ont permis de reconstituer partiellement le génome de l'espèce.
La comparaison avec des canidés actuels a permis d'identifier quatorze gènes présentant vingt mutations associées aux traits spécifiques connus du loup géant : grande taille, pelage dense, dents hypertrophiées, vocalisations gutturales.
Génie génétique
[modifier | modifier le code]Ces mutations ont été introduites dans des cellules de loups gris modernes grâce à la technologie des « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9[1], pour créer ce que les chercheurs appellent des « cellules de loup géant », bien qu'elles restent essentiellement issues du patrimoine génétique de Canis lupus[3].
Les noyaux modifiés ont ensuite été transférés dans des ovules énucléés de loup gris, fécondés et cultivés jusqu'au stade embryonnaire.
Individus créés
[modifier | modifier le code]Trois des embryons ont été transplantés dans des chiennes porteuses qui ont donné naissance à :
- Romulus et Remus, deux mâles, nés par césarienne le ; leur nom est celui des mythiques fondateurs de Rome qui, selon la légende, auraient été allaités par une louve ;
- Khaleesi, une femelle, née le . Son nom est tiré de la saga littéraire Le Trône de fer et de son adaptation télévisuelle Game of Thrones dans lesquels apparaissent des Direwolves[Note 1]. Ce terme rappelle celui de dire wolf, le nom anglais de Canis dirus. L'auteur de la série, George R. R. Martin est d'ailleurs conseiller culturel et un des investisseurs de Colossal Biosciences[4].
Ces animaux présentent des caractéristiques physiques et comportementales similaires à celles décrites pour Canis dirus, mais il s'agit de loups gris génétiquement modifiés — des chimères partiellement inspirées d'un génome disparu, et non de véritables représentants de l'espèce éteinte. L'entreprise reconnaît d'ailleurs que ces individus ont seulement l'apparence de leur modèle : Beth Shapiro, la directrice scientifique de Colossal Biosciences, déclare que son équipe utilise « le concept d'espèce morphologique. S'ils ressemblent à cet animal, alors ils sont cet animal »[5].
Ils vivent dans un espace naturel sécurisé de plus de huit-cents hectares, sous surveillance scientifique constante.
Finalités et débats
[modifier | modifier le code]Objectifs du projet
[modifier | modifier le code]Colossal Biosciences présente ce projet comme une démonstration de faisabilité dans le domaine de la désextinction. L'entreprise affirme que ces technologies pourraient être utilisées pour la conservation des espèces menacées, la restauration d'écosystèmes et la lutte contre les effets du changement climatique.
Elle travaille également sur des projets similaires, notamment la résurrection du mammouth laineux d'ici à 2028, et la conservation du loup rouge, une espèce nord-américaine en danger critique[3].
Questions scientifiques et éthiques
[modifier | modifier le code]La naissance de Romulus, Remus et Khaleesi suscite plusieurs interrogations. Ces animaux, génétiquement modifiés, peuvent-ils être considérés comme des représentants d'une espèce disparue ? Quelle place leur accorder dans un écosystème contemporain ? Quels risques biologiques, écologiques ou éthiques découlent de cette manipulation génétique ?[3]
Certains scientifiques[Lesquels ?] soulignent que ces créations sont des reconstructions approximatives qui ne reflètent pas nécessairement la complexité génétique ou comportementale d'un véritable Canis dirus[3].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- ↑ Direwolf est traduit par « loup géant » en français.
Références
[modifier | modifier le code]- « Les loups géants de l’ère glaciaire sont de retour – une première mondiale », sur SciencePost, (consulté le ).
- ↑ (en) Angela R. Perri, Kieren J. Mitchell, Alice Mouton, Sandra Álvarez-Carretero, Ardern Hulme-Beaman et al., « Dire wolves were the last of an ancient New World canid lineage », Nature, (DOI 10.1038/s41586-020-03082-x).
- (en) « Colossal's Dire Wolf Project », sur Time Magazine, (consulté le ).
- ↑ Hervé Morin, « La naissance de loups génétiquement modifiés annoncée par une start-up américaine », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
- ↑ Nathalie Lamoureux, « Une entreprise américaine a-t-elle vraiment ressuscité le « loup terrible » des âges glaciaires ? », Le Point, (lire en ligne, consulté le ).