Rome-Paris Films

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Rome-Paris Films est une société de production de films créée par Georges de Beauregard[1]. Elle est à l'origine d'un grand nombre de films parmi les plus importants de la Nouvelle Vague.

Historique[modifier | modifier le code]

Cette société de production a été créée en 1960. Le créateur de cette société, Georges de Beauregard avec Carlo Ponti, avait notamment une relation de confiance avec Pierre Schoendoerffer (pour qui il produisait des films depuis 1956) et Jean-Luc Godard (depuis la production d’À bout de souffle en 1959[2], avant même, là encore, que cette société de production Rome Paris Films fût créée. À bout de souffle, ce premier long métrage de Jean-Luc Godard, initialement prévu comme devant être un film policier, était en définitive un film atypique mais qui avait rencontré le succès. Il avait la réputation d’avoir révolutionné le cinéma français. Par la suite, Georges de Beauregard et la société Roma-Paris Films produisent les films des amis de Jean-Luc Godard, soit une bonne partie des réalisateurs de la Nouvelle Vague, à qui il laissait une grande liberté (à condition de respecter le budget de production) : Jacques Rozier, Jacques Demy, Agnès Varda, Claude Chabrol, Jacques Rivette, Éric Rohmer. Il produit aussi des films d’autres réalisateurs, notamment de Jean-Pierre Melville ou encore de Robert Hossein[3].

De 1965 à 1975, la société Rome-Paris Films est à l’origine d’une série de procédures judiciaires sur un des films qu’elle produit, Suzanne Simonin, la Religieuse de Diderot, réalisé par Jacques Rivette (une adaptation du roman de Diderot). Différentes pressions d’institutions catholiques s’étaient exercées sur ce projet avant même le tournage du film. À la suite d'un avis défavorable d'une commission dite de pré-censure (qui a pour but, justement, de limiter les risques des producteurs), le producteur initialement prévu pour ce film s'était retiré. La société de production Rome-Paris Films reprend alors le projet à son compte, en édulcorant légèrement le scénario[4]. Jean-Luc Godard conseille toutefois à Georges de Beauregard de tester sur les planches une adaptation théâtrale du scénario pour juger de la réception du public. Ce qui est fait, au Théâtre des Champs-Élysées, avec Anna Karina dans le rôle de Suzanne Simonin : ces représentations engendrent plutôt une certaine indifférence[4]. Pourtant, une fois la réalisation cinématographique terminée, en mars 1966, le ministre de l’Information, Yvon Bourges, ministre à l’époque chargé des visas d’exploitation, refuse tout visa, c'est-à-dire à la fois le visa d’exploitation en France, interdisant ainsi la sortie du film en salles, et le visa d’exportation. Cette décision fait scandale, l’opposition et les milieux culturels s’indignant de cette forme de censure. Certaines personnalités telles que le ministre de la culture André Malraux, interpellé par Jean-Luc Godard, ne disent mot en public. Le président Charles de Gaulle semble avoir donné des instructions orales sur le sujet, quelques mois auparavant, alors qu'il était en campagne électorale (l'Élection présidentielle française de 1965), apparemment pour ne pas déplaire à l’électorat catholique[4]. La société Rome-Paris Films tient des conférences de presse mais dépose aussi, par l'intermédiaire de Georges Kiejman, un recours en annulation auprès du tribunal administratif[5]. En 1967, le tribunal administratif de Paris annule la décision du ministre. Le film sort enfin en salle, une sortie attendue avec impatience depuis un an par la société de production qui a investi sur cette création. Le film ne provoque pas de remous et rencontre même un certain succès commercial qu’il n’aurait peut-être pas eu sans l’épisode judiciaire. Le gouvernement fait appel de la décision du tribunal administratif auprès du Conseil d’État. Il n’y a plus d’enjeux réels pour la société de production, mais la décision peut faire jurisprudence. Par une décision d'assemblée du 24 janvier 1975, le Conseil d’Etat considère que rien ne justifie légalement l’interdiction d’exploiter ce film en France ni de l’exporter, et limite de fait, par sa délibération, l'étendue du pouvoir dont dispose le gouvernement[6].

En septembre 1984, Georges de Beauregard meurt[7], et sa société de production cesse officiellement son activité en 1996.

Filmographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Georges de Beauregard (1920-1984) », sur universalis.fr (consulté le )
  2. Jean-Luc Douin, « "A bout de souffle" a-t-il révolutionné le cinéma ? », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  3. Bertrand Tavernier, Le cinéma dans le sang, Archipoche, (lire en ligne)
  4. a b et c Jeanne Favret-Saada, Les sensibilités religieuses blessées. Christianismes, blasphèmes et cinéma. 1965-1988, Fayard, (lire en ligne)
  5. Valérie Vignaux, Suzanne Simonin, ou, La religieuse. Jacques Rivette, Editions du Céfal, (lire en ligne)
  6. « La limite des pouvoirs en matière de censure », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  7. « Mort du producteur Georges de Beauregard », Le Monde,‎ (lire en ligne)

Liens externes[modifier | modifier le code]