Robert Denoël
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Robert Denoël est un éditeur français d'origine belge, né le à Uccle, et mort assassiné le à Paris. Il est le fondateur des éditions Denoël.
Biographie
[modifier | modifier le code]Débuts d'éditeur
[modifier | modifier le code]Robert Denoël est d'abord galeriste, marchand d'art et antiquaire. Entre 1926 et 1928, il se rapproche de deux amies, Renée Anne Marie Blanche — divorcée du peintre Jacques d'Otémar qui l'avait aidé à monter une première société[1] – et Suzanne Samuel, installées dans une boutique appelée « Aux Trois Magots », située 60 avenue de La Bourdonnais : prenant 50 % des parts de l'actif, il fonde une nouvelle société, « Aux Trois Magots, Blanche, Denoël & Cie » le 9 mars 1928, et dès juillet, publie des ouvrages de haute bibliophilie vendus par souscription. En , sont fondées les « éditions Robert Denoël - À l'enseigne des Trois Magots » (puis Librairie des Trois Magots). Robert Denoël fait dans l'édition d'écrivains modernes : Antonin Artaud, Roger Vitrac, Pierre Mac Orlan, Eugène Dabit sont parmi ses premiers auteurs[2].
En avril 1930, il s’associe à l'Américain Bernard Steele (1902-1979) pour fonder à Paris les « Éditions Denoël et Steele »[2]. Durant les années 1930, il se fait connaître comme un éditeur de grand talent publiant des textes d'Antonin Artaud, Louis Aragon, Elsa Triolet, Nathalie Sarraute, Charles Braibant, Paul Vialar, Sigmund Freud, René Allendy, Otto Rank, Pierre Albert-Birot et Louis-Ferdinand Céline dès 1932.
Il publie également des essais de toutes obédiences, des auteurs d'extrême droite ou fascistes comme Lucien Rebatet, George Montandon ou Adolf Hitler, mais aussi des progressistes comme Franklin D. Roosevelt[3]. Il dirige également de 1934 à 1939 les « éditions de La Bourdonnais », où il fait paraître une soixantaine de titres[4], dont l'un de ses plus gros succès, un ouvrage à caractère érotique, Prélude charnel (1934), signé Robert Sermaise, et dont on pensa qu'il était l'auteur[5].
À partir de 1937, Steele, qui craint la montée de l'antisémitisme en France, part pour les États-Unis avec sa mère et revend ses parts à Denoël fin 1938, lequel poursuit seul sous le nom « éditions Denoël ».
La guerre et l'Occupation
[modifier | modifier le code]Sa maison d'édition est mise sous scellés en juin 1940, et 29 ouvrages de son fonds figurent dans la liste Otto[6], mais dès octobre, Robert Denoël reprend ses activités, et établit des cloisonnements entre ses fonctions éditoriales, en fondant les Nouvelles Éditions françaises (NEF), où il publie des ouvrages soit imposés par l’occupant, soit complaisants, y lançant la collection « Les Juifs en France ». Le montage financier de ses actifs éditoriaux est très complexe[2].
Grand admirateur de Céline, il fait l'éloge, dans Le Cahier jaune, en , de la noblesse de la « haine » propre à l'auteur de Bagatelles pour un massacre[7]. En 1942, sous la marque Denoël, il réédite une version non expurgée de L'École des cadavres et fait réimprimer plusieurs fois Les Décombres de Lucien Rebatet.
Sous l'Occupation, il compte parmi les éditeurs français impliqués dans la collaboration, bien que l'enquête dont sa maison d'édition fera l'objet entre juillet 1945 et 1947 aboutira à un non-lieu. Il est à l'image d'autres éditeurs également auditionnés et inculpés durant cette époque d'épuration tels Bernard Grasset, Gaston Gallimard, Baudinière, Armand Colin, Fernand Sorlot, Maurice Girodias, etc. Le principal problème est qu'il ouvrit sa maison d'édition, tout comme Sorlot, au capital allemand. Il obtint d'un investisseur d'outre-Rhin, l'éditeur berlinois Wilhelm Andermann, un prêt de deux millions de francs, en échange de quoi Denoël lui vendit 49 % des parts de ses actifs éditoriaux. Mais dès mai 1944, sentant le vent tourner, il liquide la NEF — qui avait publié Georges Montandon — et la Librairie des Trois Magots, et quelques mois plus tard, il fonde les Éditions de la Tour, où il édite une dizaine de livres, essentiellement des souvenirs de militaires ayant participé à la lutte contre les Allemands dans une collection intitulée « La Guerre des hommes libres ». Par ailleurs, sur les conseils d'Aragon, il publie en novembre 1944 le premier ouvrage d'Elsa Triolet, qui obtient le prix Goncourt. Mais cependant, dès août 1944, les actifs allemands de son investisseur avaient été placés sous séquestre par le Gouvernement provisoire, il n'avait donc plus vraiment la main sur la maison Denoël[2].
Un assassinat mystérieux
[modifier | modifier le code]En pleine période d'Épuration, alors qu'il préparait la veille son audition dans le cadre de l'enquête sur les activités de sa maison d'édition durant l'Occupation, Denoël est assassiné le . Ce jour-là, il reçoit dans le dos une balle de revolver, au sortir de sa voiture garée à l'angle du boulevard des Invalides et de la rue de Grenelle. Il semblerait que des papiers importants — un dossier établissant le comportement collaborationniste des éditeurs parisiens pendant la guerre, rédigé pour préparer sa défense dans un procès intenté à sa maison d'édition — aient été subtilisés[8]. La procédure d'enquête est longue, souvent contradictoire. Au cours des auditions de témoins et de proches, apparaissent les noms de personnalités entendues comme témoins tels Cécile Denoël, Jeanne Loviton, l'avocat Pierre Roland-Lévy, et Guillaume Hanoteau[9] — au bout de cinq ans d'enquêtes, l'affaire, jamais éclaircie, est classée.
À la mort de Robert Denoël, la maison d'édition devient la propriété de l'avocate, autrice et éditrice Jeanne Loviton[10], qui était devenue sa maîtresse, et à qui Denoël aurait revendue toutes ses parts : Loviton les racheta pour le compte des éditions Domat-Montchrestien qu'elle avait héritées de son père. En 1951, après quatre ans de procès, la justice valide cette vente, et Jeanne Loviton revend 90 % des parts à une filiale des éditions Gallimard[2].
Bilan de carrière
[modifier | modifier le code]Entre 1928 et 1945, Denoël publia plus de 700 titres, devenant dans les années 1930 un jeune éditeur important, au même titre que Bernard Grasset — sanctionné après 1944 — et Gaston Gallimard. Il doit son succès à ses choix éditoriaux, à la diversité de son catalogue, que l'on peut qualifier d'opportuniste : du roman populaire aux essais polémiques, en passant par des écrits modernistes, transgressifs ou à effet de scandale, tels ceux d'Antonin Artaud, Céline et Louis Aragon. Durant l'Occupation, il se compromet lourdement en acceptant des capitaux allemands et en publiant des ouvrages antisémites[11].
Famille
[modifier | modifier le code]Son épouse, Cécile Denoël, a lutté entre 1946 et 1950 pour recouvrir la propriété de la maison Denoël. Elle a ensuite fondé sa propre maison, les Éditions La Plaque tournante, avec Albert Morys[2]. Elle est morte en 1980 dans le Midi de la France. Son fils, également prénommé Robert, épouse Arlette Grammare qui lui donne deux fils, Patrice et Olivier.
Dans la culture populaire
[modifier | modifier le code]En 2011, dans le téléfilm Les Livres qui tuent, de Denys Granier-Deferre, son personnage est joué par Philippe Hérisson.
En 2013, une comédie intitulée Le Père Denoël est-il une ordure ? signée Gordon Zola est portée à la scène et revient sur son assassinat ; un ouvrage en est tiré (éditions du Léopard démasqué).
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Les annonces parisiennes, Paris, 3 juillet 1925, p. 3453 — sur Gallica.
- Pascal Fouché, « Recherche du mot « Denoël » dans la Chronologie de l’édition française de 1900 à nos jours », sur editionfrancaise.com (consulté le )
- Cf. catalogue en ligne sur le site bnf.fr.
- Liste des ouvrages publiés, Catalogue général de la BNF.
- L'auteur est l'ingénieur Robert Courau (1888-1973) — cf. Notice du catalogue de la BNF et (en) « Prélude Charnel – An erotic story with many angles », sur Honesterotica.
- Liste Otto, Catalogue général de la BNF.
- Pascal Ory, Les Collaborateurs 1940-1945, Points Histoire, éditions du Seuil 1976, p. 217 et 219.
- A. Louise Staman, Assassinat d'un éditeur à la Libération, 2005, p. 227-241.
- Index des témoins, "Robert Noël, éditeur", site de Henri Thyssens.
- « Le destin tragique de Robert Denoël » - Entretien avec A. Louise Staman, propos recueillis par Marc Laudelout, louisferdinandceline.free.fr.
- Les éditeurs français impliqués dans ce genre de publications sont nombreux : cf. Publications antisémites en France.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Pierre Assouline, Gaston Gallimard, un demi-siècle d'édition française, Paris, Le Seuil, 1996.
- Maxime Benoît-Jeannin, Brouillard de guerre, éditions Samsa, 2017.
- Pierre Boudrot, Bibliographie des Éditions Denoël et Steele ( - ), Paris, Librairie Henri Vignes et Éditions des Cendres, 2014.
- Pascal Fouché, L'Édition française sous l'Occupation, 1940-1944, Paris, Le Cercle de la Librairie, 1987.
- Alice Louise Staman, Assassinat d'un éditeur à la Libération. Robert Denoël (1902-1945), Paris, éditions e/dite, 2005 ; traduit de l'américain par Jean-François Delorme (ISBN 978-2-846-08114-6) L'édition originale, With the Stroke of a Pen, publié à New York par Thomas Dunne Books et St Martin Press en 2002, comprend des passages qui ont été supprimés dans la version française.
Audiographie
[modifier | modifier le code]Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
- Henri Thyssens, Robert Denoël, éditeur, biographie très documentée sur la vie de l'éditeur (2005-2021)
- Naissance en novembre 1902
- Naissance à Uccle
- Éditeur français du XXe siècle
- Éditeur d'ouvrages érotiques
- Assassinat par arme à feu en France
- Collaborateur français pendant la Seconde Guerre mondiale
- Chef d'entreprise impliqué dans la Collaboration
- Louis-Ferdinand Céline
- Décès en décembre 1945
- Décès dans le 15e arrondissement de Paris
- Décès à 43 ans
- Personnalité inhumée au cimetière parisien de Thiais