Retraite complémentaire des salariés (France)

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En France, la retraite complémentaire des salariés de l’agriculture, du commerce, de l’industrie et des services, dite AGIRC-ARRCO est une retraite qui complète la retraite obligatoire de base de ces salariés, versée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse pour le régime général, ou par la mutualité sociale agricole pour les salariés agricoles.

Le système de retraite complémentaire diffère de celui du régime de base en ce qu'il fonctionne « à cotisations définies », mais pas « à prestation définie » : le bénéficiaire gagne des « points » (montant de la cotisation divisée par la « valeur d'acquisition » du point du moment), le montant de sa pension sera le produit du nombre de points acquis par la « valeur de service » du point au moment du départ à la retraite. En revanche, à l'instar du régime de base, il fonctionne par répartition.

26 172 000 assurés ont acquis au moins un point Agirc-Arrco au cours de l'année 2021. Au , l'Agirc-Arrco verse une retraite à 13 337 000 retraités[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

1947-1961 : une retraite complémentaire le plus souvent réservée aux cadres[modifier | modifier le code]

Les cadres, exclus des premiers systèmes de retraites qui sont plafonnés, négocient, à partir de 1937, avec les employeurs, au niveau des fédérations d’industrie, la mise en place de régimes privés qui serviront d'ébauche au futur régime des cadres.

Lorsque le régime général de la sécurité sociale est mis en place en 1945, les cadres, qui ont créé la Confédération générale des cadres en 1944, tentent de maintenir les régimes privés existants, avec des grèves et manifestations.

L’accord de 1947 avec la Confédération générale du travail repose sur les principes suivants :

  • le régime des cadres est complémentaire : les cadres adhèrent au régime général, et y cotisent en dessous du plafond de la Sécurité sociale. Ils cotisent au-dessus du plafond pour le régime complémentaire,
  • contrairement aux dispositifs privés d’avant-guerre, il s’agit d’un régime par répartition,
  • enfin c’est un régime par points[2].

Des conventions signées périodiquement entre les partenaires sociaux organisent le régime, et un organisme, l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) donne son agrément aux institutions de retraite et les fédère[2].

Incidemment, alors qu’il n’existait pas dans le code du travail de définition de « cadre d'entreprise », un critère de l’appartenance à ce statut était, jusqu’en 2018 inclus, la condition pour cotiser à l’Agirc[3].

Depuis 1961 : une généralisation progressive[modifier | modifier le code]

Le , le Conseil national du patronat français, Force ouvrière et la Confédération française des travailleurs chrétiens signent l’accord portant création de l'Association des régimes de retraite complémentaire des salariés (ARRCO) pour les non-cadres. L’ARRCO est progressivement élargie à des salariés toujours plus nombreux et compte jusqu’à 44régimes[4]. La loi du rend obligatoire la retraite complémentaire[5]. Les accords du obligent les cadres à cotiser à l’ARRCO.

Après l’abaissement à 60 ans de l’âge de la retraite en 1981 par le Gouvernement Pierre Mauroy, l’Association pour la structure financière (ASF) est créée, qui deviendra Association de gestion du fonds de financement (AGFF). Ce régime intermédiaire finance les retraites complémentaires entre 60 et 65 ans[2].

Le droit de l'Union européenne sépare les régimes complémentaires qui échappent à la libre concurrence et les sociétés d’assurances qui sont dans une situation de concurrence, ce qui permet en France la constitution des groupes paritaires de protection sociale. En 1999, un régime unifié se substitue aux 44 régimes de l’ARRCO et devient l'« Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés »[4].

Entre 1993 et 2008, les régimes complémentaires avaient accumulé onze années d’excédents et un niveau de réserves financières de 60 milliards , contrastant avec le régime de base. C’est le résultat d’un pilotage rigoureux par les partenaires sociaux, dont les accords successifs augmentant les taux de cotisation et diminuent les rendements. Entre 2009 et 2014, les régimes sont en déficit, et les réserves diminuent, en particulier celles de l’AGIRC dont le ratio démographique est moins favorable[6].

En 2013, ces régimes versent en moyenne 57 % de la pension de retraite d’un cadre et 31 % d’un non-cadre[2].

L’accord du prévoit la création d’un régime unifié fusionnant Agirc et Arrco au . Entre 2014 et 2018, le déficit est progressivement réduit.

En 2019, le régime Agirc-Arrco revient à un quasi-équilibre. Après avoir connu un déficit exceptionnel en 2020 dû aux conséquences économiques de la crise sanitaire, l’Agirc-Arrco retrouve un résultat global excédentaire de 2,6 milliards d’euros pour l’exercice 2021[7] et +5,1 milliards d'euros en 2022[8].

En octobre 2023, après après avoir un temps envisagé de ponctionner un à trois milliards d'euros par an sur les recettes nouvelles de l'AGIRC-ARRCO générées par la réforme des retraites dans le but de compenser le déficit des autres régimes de retraite, le gouvernement renonce finalement à introduire cette ponction dans les textes budgétaires dans l'attente d'un accord avec les partenaires sociaux[9].

Organisation[modifier | modifier le code]

Les régimes de retraite complémentaire des salariés sont institués par des accords nationaux interprofessionnels étendus et élargis par la loi[10]. Ils sont donc gérés par les partenaires sociaux, et non par l’État. Toutefois, étant obligatoires, ils font partie, d’un point de vue comptable, des administrations de sécurité sociale[6].

Institutions de retraite complémentaire[modifier | modifier le code]

Les institutions de retraite complémentaire (IRC) sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif et remplissant une mission d'intérêt général, administrées paritairement par des membres adhérents (les entreprises adhérents à l’institution) et des membres participants (salariés des entreprises adhérentes)[11].

Au [12], la gestion des retraites est assurée par 12 IRC, réparties entre douze groupes paritaires de protection sociale (GPS) et deux institutions isolées. Les GPS sont : AG2R La Mondiale, Apicil, Malakoff Humanis, Ircem, Klesia et Alliance Professionnelle (Agrica, Audiens, B2V, IRP Auto, Lourmel, PRO BTP).

Fédérations d'institutions de retraite complémentaire[modifier | modifier le code]

Les fédérations d'institutions de retraite complémentaire sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif et remplissant une mission d'intérêt général, administrées paritairement par des membres adhérents et des membres participants[13].

Depuis le , la fédération est unique : Agirc-Arrco[14].

Assiette et taux de cotisation[modifier | modifier le code]

Depuis la fusion de l’Agirc et de l’Arrco au , tous les salariés cotisent au régime Agirc-Arrco dans des conditions similaires, qu’ils soient cadres ou non-cadres.

Les salariés et leurs employeurs cotisent ainsi sur leur salaire brut, plafonné à huit fois le plafond de la Sécurité sociale (PSS) :

  • La tranche 1 concerne la partie du salaire limitée au PSS.
  • La tranche 2 concerne la partie du salaire entre 1 et 8 fois le PSS[15].

Le taux de cotisation diffère suivant les tranches.

Taux de cotisation[16],[17].
Cotisations 2018 à partir de 2019
Cotisations 0-1 PSS 6,20 % 6,20 %
Cotisations 1-3 PSS non cadre : 16,20 %
cadre : 16,44 %
17,00 %
Cotisations 3-8 PSS cadre : 16,44 %

Ces cotisations contractuelles sont multipliées par un « taux d’appel » (125 % en 2018 et 127 % depuis 2021[16]. Cela affecte le calcul du nombre de points accumulés car c'est le taux contractuel qui génère des droits, le surplus permettant de couvrir les besoins en financement du régime.

En général, les cotisations sont réparties à hauteur de 60 % pour l’employeur et 40 % pour le salarié. Une contribution d’équilibre général (CEG) s’est substituée aux cotisations AGFF et à celles liées à la Garantie minimale de points (GMP) pour un montant globalement équivalent, tandis qu’une contribution d’équilibre technique (remplaçant la contribution exceptionnelle et temporaire) est désormais appliquée aux salaires supérieurs à 1 PSS. La CEG et la CET ne génèrent pas de points. Ainsi, en 2023, le taux de cotisation effectif, qui rapporte le montant total des cotisations au salaire, est de 10,02 % jusqu’à 1 PSS puis augmente avec le salaire pour atteindre 17,51 % pour un salaire égal à 2 PSS et 22,86 % pour un salaire égal à 8 PSS[16].

L'employeur est responsable du versement des cotisations auprès des caisses de retraite complémentaire[18].

Calcul des points[modifier | modifier le code]

Le nombre de points acquis dans une année est obtenu en multipliant le salaire brut soumis à cotisations par le taux de calcul des points et en divisant par le prix d’achat du point. Le calcul est fait pour la tranche 1 et pour la tranche 2 puisque les taux sont différents[19].

Le prix d'achat d'un point de retraite Agirc-Arrco, aussi appelé le « salaire de référence », a été fixé pour 2024 à 19,632 1 [20].

Outre les points acquis par cotisations, les salariés qui se trouvent privés de leur emploi, par une maladie, une maternité, un accident ou par une période de chômage (total ou partiel) peuvent obtenir des droits sans contrepartie du versement personnel de cotisations.

Certaines conditions sont à remplir, notamment de percevoir des prestations de la Sécurité sociale (indemnités journalières de maladie, de maternité, pension d’invalidité…) ou des allocations de chômage de Pôle Emploi[19].

Retraites complémentaire à taux plein[modifier | modifier le code]

Les conditions pour obtenir sa retraite complémentaire à taux plein sont[19] :

Cessation de l'activité[modifier | modifier le code]

L’obtention de la retraite complémentaire Agirc-Arrco est subordonnée à la cessation de toute activité professionnelle, salariée ou non salariée.

Des exceptions à ce principe existent toutefois :

  • en cas de retraite progressive ;
  • selon la nature de l’activité (artistes, assistantes maternelles, gardiens d’immeubles…) ou compte tenu du temps de travail réduit ou de la faible rémunération. Réf : article L. 161-22 du code de la sécurité sociale ;
  • en cas d’activité non salariée ;
  • pour une activité à l’étranger.

La reprise d’une activité après le point de départ de la retraite Agirc-Arrco est possible, mais peut être soumise à une condition de ressources. Le cumul emploi retraite n’est toutefois pas limité, pour les personnes de plus de 62 ans qui ont obtenu toutes leurs retraites à taux plein. La nouvelle activité alors exercée ne permet pas d’acquérir de nouveaux droits à retraite.

Avoir atteint un âge minimum[modifier | modifier le code]

Les règles en matière d’âge de la retraite sont les mêmes que pour le régime général de la Sécurité sociale. Si la retraite de base est attribuée à taux plein, il en sera de même pour l’allocation Agirc-Arrco (sous réserve du « coefficient de solidarité » – voir Calcul et versement).

  • 67 ans (âge automatique du taux plein au régime de base, quel que soit le nombre de trimestres de la carrière) ;
  • 62 ans et le nombre de trimestres requis pour sa génération (167 pour les personnes nées en 1958, 1959 et 1960 par exemple) ;
  • 62 ans et reconnu inapte au travail ;
  • avant 62 ans pour certaines catégories :
    • bénéficiaires de la retraite anticipée pour carrière longue (début de carrière jeune et nombre de trimestres minimum),
    • retraite attribuée au titre du handicap (55 ans au plus tôt),
    • travailleurs ayant été exposés à l’amiante,

À défaut d’avoir obtenu sa pension de base à taux plein, la retraite complémentaire Agirc-Arrco peut être attribuée, au plus tôt à 57 ans, mais elle sera calculée avec un abattement définitif, fonction de l’âge atteint au moment de la liquidation ou du nombre de trimestres manquants.

Calcul et versement de la retraite[modifier | modifier le code]

Le montant de la retraite brute annuelle est obtenu en multipliant le nombre de points acquis dans toute la carrière (points cotisés, points pour les périodes de maternité, de maladie, d’invalidité, de chômage total ou partiel…) par la valeur de service du point[19] (1,284 1  puis le ).

Pour obtenir la retraite nette versée, ce montant est :

  • augmenté :
    • des éventuelles majorations : majoration pour enfant à charge (temporaire), majoration pour 3 enfants au moins nés ou élevés (définitive),
    • du coefficient majorant cas des personnes ayant reporté de 2 ans ou plus le point de départ de leur retraite Agirc-Arrco par rapport à la date à laquelle elles ont rempli les conditions de la retraite de base à taux plein (âge et durée d’assurance) ;
  • diminué :
    • du coefficient d’abattement (définitif) pour les personnes prenant leur retraite avant 67 ans sans remplir les conditions de la retraite de base à taux plein,
    • du coefficient de solidarité (minoration temporaire) de 10 % pendant 3 ans ; il existe toutefois de nombreux cas d’exonération de cette minoration (personnes nées avant 1957, personnes ayant reporté d’un an au moins le point de départ de leur retraite, personnes invalides ou reconnues inaptes au travail,
    • des prélèvements obligatoires (CSG, CRDS…) et du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, selon les indications données par l’administration fiscale.

Le montant de la retraite ainsi calculé est en général versé mensuellement d’avance (« terme à échoir ») : au début de chaque mois pour le mois à venir. Les retraites de petits montants sont toutefois versées une fois par an (de 100 à 200 points), voire sous forme d’un capital unique lorsque leur montant ne dépasse pas la valeur de 100 points.

Historique des valeurs de point[modifier | modifier le code]

Évolution des valeurs de service du point en euros depuis 2000[20]
Année Arrco Agirc Agirc-Arrco
1,0090 0,3596
1,0171 0,3596
1,0364 0,3678
1,0530 0,3737
1,0698 0,3796
1,0886 0,3862
1,1104 0,3940
1,1287 0,4005
1,1480 0,4073
1,1648 0,4132
1,1799 0,4186
1,1884 0,4216
1,2135 0,4233
1,2414 0,4330
1,2513 0,4352
1,2513 0,4352
1,2513 0,4352
1,2513 0,4352
1,2513 0,4352
1,2588 0,4378
1,2588
1,2714
1,2841
1,3498
1,4159

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Paramètres et données statistiques », sur www.agirc-arrco.fr (consulté le )
  2. a b c et d Charpentier 2016
  3. Marc Landré, « Carton plein pour l'accord national sur le statut des cadres », Le Figaro,‎ (lire en ligne)
  4. a et b Charpentier 2014
  5. Loi no 72-1223 du portant généralisation de la retraite complémentaire au profit des salariés et anciens salariés
  6. a et b Cour des comptes, Garantir l'avenir des retraites complémentaires des salariés (Agirc et Arrco), (présentation en ligne)
  7. « Communiqué de presse sur les résultats Agirc-Arrco pour 2021 », sur agirc-arrco.fr, (consulté le )
  8. « Communiqué de presse "Résultats 2022 : l’Agirc-Arrco confirme sa robustesse" », (consulté le )
  9. Adeline Lorence, « L’Etat renonce à ponctionner le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco », sur Capital.fr, (consulté le ).
  10. Article L921-4 du code de la sécurité sociale
  11. Articles L922-1 et suivants du code de la sécurité sociale
  12. Agirc-Arrco, « Panorama des Institutions Agirc-Arrco au 1er janvier 2022 » [PDF] (consulté le )
  13. Article L922-4 du code de la sécurité sociale.
  14. « La fédération », sur www.agirc-arrco.fr
  15. Accord national interprofessionnel de 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire, articles 30 à 32.
  16. a b et c Cour des comptes, La retraite complémentaire Agirc-Arrco : des efforts de redressement et de rationalisation à poursuivre, (présentation en ligne)
  17. Accord national interprofessionnel de 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire, article 34
  18. Accord national interprofessionnel de 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire, article 44
  19. a b c et d Accord national interprofessionnel de 2017 instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire, Chapitre VI
  20. a et b [PDF] « Valeurs d'achat et de service du point », (consulté le )


Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • François Charpentier, Retraites complémentaires – Histoire et place des régimes Arrco et Agirc dans le système français, Paris, Economica, , 535 pages (ISBN 978-2-7178-6721-3)
  • François Charpentier, « AGIRC – ARRCO : le troisième âge des retraites complémentaires », Regards,‎ (lire en ligne)
  • Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (lire en ligne) (version de 2018)
  • Accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 (lire en ligne) (version de 2018)
  • Accord national interprofessionnel instituant le régime AGIRC-ARRCO de retraite complémentaire du 17 novembre 2017 (lire en ligne)

Articles connexes[modifier | modifier le code]