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René Crevel (écrivain)

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René Crevel
Description de cette image, également commentée ci-après
Nom de naissance René Paul Henri Crevel
Naissance
Paris (France)
Décès (à 34 ans)
Paris (France)
Activité principale
Écrivain, poète
Auteur
Mouvement Surréalisme

René Crevel, né le à Paris 10e[1] et mort le à Paris, est un écrivain et poète français, dadaïste puis surréaliste, et membre de l'Ordre de Tolède de Luis Buñuel et de Federico García Lorca[2].

Né dans une famille de la bourgeoisie parisienne, René Crevel suit sa scolarité au lycée Janson-de-Sailly, où il rencontre Jean-Michel Frank (qui devient décorateur) et Marc Allégret (qui devient cinéaste). Après son bac, il fait des études de lettres et de droit à la Sorbonne mais délaisse les cours pour la lecture ou les discussions avec des artistes. Il fait la connaissance de Marcelle Sauvageot. Il n'a que 14 ans quand son père se suicide[3].

Pendant son service militaire, il rencontre Roger Vitrac et Max Morise. Il fait la connaissance d'André Breton en 1921 et rejoint les surréalistes. À la fin de 1922, il entraîne le groupe dans les expériences des « sommeils forcés », que Breton accepte avec bonne volonté dans un premier temps. Crevel impressionne par la qualité de son éloquence au point que celui-ci regrettera que les séances n'aient pu être enregistrées : « Nous aurions eu un document inappréciable, quelque chose comme le « spectre sensible » de Crevel. »

René Crevel.

Exclu du mouvement en octobre 1925, il rejoint Tristan Tzara et dada. Il participe comme acteur à la mise au point de la pièce de Tzara Cœur à gaz dans un costume dessiné par Sonia Delaunay. Pour elle, il écrit l'article Les Robes de Sonia Delaunay, dans lequel il exalte le talent de l'artiste[4]. En 1926, il est atteint de tuberculose. En 1929, l'exil de Léon Trotski l'amène à renouer avec les surréalistes. Fidèle d'André Breton, il s'épuise à essayer de rapprocher surréalistes et communistes. Membre du Parti communiste français depuis 1927, il en est exclu en 1933.

Il s'investit beaucoup dans l'organisation du Congrès international des écrivains pour la défense de la culture, en 1935, où s'inscrit le groupe surréaliste[5]. Breton est désigné comme porte-parole. Cependant, par suite d'une violente altercation avec Ilya Ehrenbourg, qui représente la délégation soviétique, ce dernier obtient l'interdiction de parole de Breton et son exclusion du congrès[6].

René Crevel, qui ne peut pas imaginer l'absence des surréalistes à ce congrès, en sort désabusé et écœuré. De plus, il vient d'apprendre, le 16 juin, qu'il souffrait d'une tuberculose rénale alors qu'il se croyait guéri[7]. La nuit suivante, il se suicide au gaz dans son appartement, après avoir griffonné sur un papier « Prière de m'incinérer. Dégoût »[8].

Eugène Dabit note dans son journal :

« ...il était tuberculeux. Perdu. Mais cachait avec tant de courage sa maladie. Je ne pourrai jamais oublier son visage. Tant de fraîcheur, de générosité, de passion, en lui ; de dégoût pour les choses basses, de violences contre un monde bourgeois ... il y a deux semaines, nous étions à côté l’un de l’autre, à une réunion du congrès ... et voilà, Crevel est mort. Pas dans notre souvenir ... »

Tandis que Klaus Mann, un ami proche, résume dans son livre Le Tournant : "Il se suicida parce qu'il avait peur de la démence, il se suicida parce qu'il tenait le monde pour dément"[9].

René Crevel, 1933.

« Crevel, écrivait André Breton en 1952 dans ses Entretiens, avec ce beau regard d'adolescent que nous gardent quelques photographies, les séductions qu'il exerce, les craintes et les bravades aussi promptes à s'éveiller en lui... à travers tout cela c'est l'angoisse qui domine. Il est d'ailleurs psychologiquement très complexe, contrecarré dans une sorte de frénésie qui le possède par son amour du XVIIIe et particulièrement de Diderot. »

Dans les années 1920, il fut un hôte assidu de Sainte-Maxime, où il rendait visite à son ami Victor Margueritte et séjournait à l'Hôtel du Commerce et à l'Hôtel des Palmiers. Durant la saison d'hiver, il fut aussi un habitué du Château Saint-Bernard (aujourd'hui nommé villa Noailles) à Hyères, où il était chaleureusement reçu par ses amis Marie-Laure de Noailles et Charles de Noailles.

« Né révolté comme d'autres naissent avec les yeux bleus », comme l'écrit Philippe Soupault, il repose dans le caveau familial du cimetière de Montrouge.

Vie privée

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René Crevel a entretenu une relation amoureuse avec le peintre américain Eugene McCown[10],[11], modèle d'Arthur Bruggle dans La mort difficile, ainsi qu'avec Mopsa Sternheim à partir de 1928[12]. Sa dernière compagne sera la comtesse argentine « Tota » de Cuevas de Vera[13].

Tombe au cimetière de Montrouge.

Publications posthumes

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  • 1936 : Le Roman cassé [1934-1935], publication partielle par Tristan Tzara dans la revue Inquisitions ; édition complète chez Pauvert (1989).
  • 1997 : Lettres à Mopsa, textes établis et présentés par Michel Carassou, coll. « Cachet Volant », Paris, Paris-Méditerranée.
  • 2010 : Elle ne suffit pas l'éloquence, gravures de Jean-Pierre Paraggio, postface de Michel Carassou, Brest, Éditions Les Hauts-Fonds.
  • 2013 : Les Inédits. Lettres, textes, édition établie, préfacée et annotée par Alexandre Mare, Paris, Le Seuil.
  • 2013 : Lettre pour Arabelle et autres textes, avec en addenda vif de Franck Guyon et À propos du suicide de René Crevel de David Gascoyne, éditions Marguerite Waknine.
  • 2014 : Œuvres complètes, édition établie, préfacée et annotée par Maxime Morel, Éditions du Sandre, 2 tomes.
  • 2016 : La sagesse n'est pas difficile, correspondances inédites, édition établie par Alexandre Mare, Éditions de la Nerthe.

Bibliographie

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  • René Char, La parole en archipel - Au-dessus du vent : Le pas ouvert de René Crevel , Paris, Gallimard, 1962[15]
  • Claude Courtot, René Crevel, Paris, Seghers, coll. « Poètes d'aujourd'hui », 1969
  • (it) Paola Dècina Lombardi, René Crevel o il Surrealismo come rivolta, Genève-Paris, Slatkine, 1988
  • Michel Carassou, René Crevel, Paris, Fayard, 1989
  • (de) Torsten Daum, René Crevel. Eine Verständigung mit fiktivem Gespräch, Berlin, 1989
  • Jean-Michel Devésa, René Crevel et le roman, Amsterdam, Atlanta, Rodopi, , 312 p. (ISBN 90-5183-439-X, SUDOC 003023648)
  • François Buot, Crevel, Paris, Grasset, 1991 (ISBN 9782246417811)
  • Frédéric Canovas (éd.), Correspondance André Gide-René Crevel, Nantes, Centre d'Études gidiennes, 2000
  • Frédéric Canovas, L'Écriture rêvée, Paris, L'Harmattan, 2000
  • René Crevel ou l'esprit contre la raison : actes du colloque international, Bordeaux, 21 au 23 novembre 2000, études réunies par Jean-Michel Devésa, Lausanne, L'Âge d'Homme, 2002 (ISBN 9782825116883)
  • (en) Lawrence R. Schehr, French Gay Modernism, Urbana [etc.], University of Illinois Press, 2004 (ISBN 9780252029455)
  • Patrice Trigano, L'Amour égorgé, Paris, éditions Maurice Nadeau, 2020 (roman inspiré par la vie de René Crevel)
  • Marc Verlynde, Crevel cénotaphe, éditions Abrüpt, 2019 (hommage à Crevel librement téléchargeable sur la page de l'éditeur)
  • Salvador Dali, Journal d’un génie, Paris, Éditions de la Table ronde, 1964 ; réed. Gallimard, coll. "L'imaginaire", 1994, pp. 85-91. [Sur les circonstances de la mort de Crevel.]

Notes et références

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  1. Archives de l’état civil de Paris en ligne, mairie du 10e arrondissement, acte de naissance no 3312, année 1900.
  2. (en-US) « The Order of Toledo: Buñuel and the occult versus the hegemonic », sur A*Desk
  3. Mathieu Lindon, « Crevel pleins gaz », sur Libération (consulté le )
  4. Georges Le Rider, Florence Callu, Jean Toulet, Sabine Coron, Sonia & Robert Delaunay : [exposition], Bibliothèque nationale, [Paris, 15 décembre 1977-29 janvier 1978], Paris, éditions de la Bibliothèque nationale de France, , 178 p. (ISBN 2-7177-1388-3), p. 67
  5. Nicole Racine, « CREVEL René », dans Le Maitron, Maitron/Editions de l'Atelier, (lire en ligne)
  6. Michel Winock, Le Siècle des intellectuels, Points Seuil, 1999, p. 313.
  7. Louis Aragon, L'Homme Tzara, dans Les Lettres françaises du 9 janvier 1964.
  8. Dictionnaire des intellectuels français, Jacques Julliard, Michel Winock, Ed. Seuil, p. 319
  9. Klaus Mann, Le Tournant, Paris, Solin, 1984.
  10. Jérôme Kagan, Eugene McCown, démon des Années folles, Paris, Séguier, , 480 p. (ISBN 9782840497882), p. 133-457
  11. (en) Mo Amelia Teitelbaum, « René Crevel and Eugene McCown - a Transatlantic Partnership », dans The Stylemakers. Minimalism and Classic Modernism 1915-1945, Londres, Philip Wilson Publishers, (ISBN 978-0-85667-703-8, lire en ligne), p. 69-70.
  12. « Crevel crève-coeur. Une correspondance passionnée avec la fille de Carl Sternheim, où l'écrivain surréaliste pousse l'élégance jusqu'à trouver des bonheurs dans son malheur. René Crevel, Lettres à Mopsa, Textes établis et présentés par Michel Carassou. Paris Méditerranée, 166 pp., 110 F. », Libération.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  13. René Crevel, Les Inédits: lettres, textes, Paris, Le Seuil, (ISBN 9782021034356)
  14. Ré-édition au Livre De Poche, collection «Biblio», 1987.
  15. Nouvelle édition 1987 (nrf - Poésie/Gallimard)
  16. (en) « Search the Collection - Buffalo AKG Art Museum », sur albrightknox.org (consulté le ).
  17. « René Crevel / Centre Pompidou », sur centrepompidou.fr (consulté le ).
  18. Positif monochrome sur Réunion des musées nationaux : photo.rmn.fr [1]
  19. Musée national d'art moderne (Beaubourg), Paris [2]

Liens externes

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