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Révolution haïtienne

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Révolution haïtienne
Description de cette image, également commentée ci-après
La Bataille de Saint-Domingue, huile sur toile de Janvier Suchodolski, 1845, Musée de l'Armée polonaise, Varsovie.
Informations générales
Date -
Lieu Haïti
Issue Victoire des rebelles haïtiens
Abolition de l'esclavage en Haïti
Indépendance d'Haïti
Massacre de la population blanche
Belligérants
Drapeau du Royaume de France Royaume de France (1791-1792)
Drapeau de la France République française (1792-1804)
Drapeau de la France royaliste Esclaves noirs insurgés royalistes (1791-1793)
Drapeau de la Grande-Bretagne. Royaume de Grande-Bretagne (1794-1798)
Drapeau de l'Espagne Royaume d'Espagne (1793-1795)
Drapeau de la France royaliste Royalistes français (1793-1798)
Drapeau de la France entre 1794 et 1815 Colonie de Saint-Domingue (1802)
Drapeau de Haïti entre 1803 et 1804 Armée indigène (1802-1804)
Drapeau de la Grande-Bretagne. Royaume de Grande-Bretagne (1803-1804)
Commandants
Léger-Félicité Sonthonax
Étienne Polverel
Étienne de Lavaux
Toussaint Louverture (1794-1802)
André Rigaud
Jean-Jacques Dessalines (1794-1802)
Gabriel d'Hédouville
Charles Leclerc
Donatien de Rochambeau
Jean-François Debelle
Edme Desfourneaux
Jean Humbert
Charles Dugua
Alexandre Pétion (1801-1802)
Jean Hardy
François Joseph Pamphile de Lacroix
Jean Boudet
Jean-Baptiste Brunet Prisonnier en 1803
François-Marie Perichou de Kerversau
Jean-Louis Ferrand
Dutty Boukman
Jean-François
Georges Biassou
Toussaint Louverture (1791-1794)
Jean-Jacques Dessalines (1791-1794)
Toussaint Louverture Reddition en 1802
Jean-Jacques Dessalines
Henri Christophe
Alexandre Pétion
François Capois
Jacques Maurepas
Charles Belair Reddition en 1802
Forces en présence
Drapeau de la France entre 1794 et 1815
60 000 soldats
86 navires de guerre
Drapeau de la Grande-Bretagne de 1707 à 1800
31 000 hommes[1]
55 000 soldats réguliers
100 000 volontaires
Pertes
Drapeau de la France entre 1794 et 1815 et entre 1830 et 1974
57 000 morts
(37 000 tués au combat
20 000 tués par les fièvres)
Drapeau de la Grande-Bretagne de 1707 à 1800
23 000 morts[1].
Inconnues
~ 200 000 morts au total[2],[3]

Guerres de la Révolution française

Batailles

La révolution haïtienne, aussi appelée guerre d'indépendance haïtienne ou guerre de Saint-Domingue constitue la première révolte d'esclaves réussie du monde moderne. Les historiens situent traditionnellement son départ lors de la cérémonie vaudoue du Bois-Caïman[4], en . Suivent treize années de conflit armé qui entraînent des dizaines de milliers de morts et l'émigration massive de quasiment toute la population blanche de la colonie, mais permet l'abolition de l'esclavage dans la colonie française de Saint-Domingue. Après l'échec de l'expédition française visant à rétablir l'esclavage et le contrôle de la France, la révolution aboutit à l'établissement en 1804 d'Haïti comme première république noire indépendante, les Haïtiens devenant ainsi le premier peuple noir libre du Nouveau Monde.

Esclaves travaillant dans une habitation sucrière.

À la veille de la Révolution française, la colonie de Saint-Domingue est d'une prospérité et d'une richesse sans égale dans les Antilles, et la plus rentable des colonies des puissances européennes[5]. En 1789, elle est le premier producteur mondial de sucre et de café — la colonie représente en effet la moitié de l'offre mondiale de café. Son commerce extérieur représente plus du tiers de celui de la France métropolitaine et un Français sur huit en vit directement ou indirectement[6].

Le système mercantiliste de l'« exclusif colonial », inventé par Jean-Baptiste Colbert, vise à enrichir la métropole. Il repose sur le monopole commercial et l’interdiction de l’industrie locale. La métropole fixe les prix.

La société des colons est très inégalitaire : aux riches planteurs, ou « grands blancs » issus de la noblesse ou de la bourgeoisie du grand négoce, répond la foule des petits fonctionnaires, employés et ouvriers, appelés « petits blancs »[7].

Surtout, l'esclavage est particulièrement cruel. Le Code noir de 1685, pourtant édicté pour l'« humaniser », punit ainsi de mort l'esclave qui aurait frappé son maître (art. 33), voire aurait commis un vol (art. 35). L’esclave a le statut juridique d’un bien meuble (art. 44). Les abolitionnistes, tels Benjamin-Sigismond Frossard, affirment que le Code noir n'est même pas respecté[8] : l'obligation d'évangélisation est négligée[9]. À la peine capitale prévue, les décisions de justice ajoutent souvent des supplices pour leur caractère exemplaire, particulièrement en cas de marronnage[10].

L'évangélisation, probablement en progrès au XVIIe siècle mais en recul au XVIIIe siècle, n'est menée que dans la mesure où elle sert les intérêts des propriétaires. En général les esclaves reçoivent le baptême, mais ce sacrement a surtout valeur d'entrée dans la société coloniale et il est prétexte à une hiérarchie artificielle au sein des esclaves eux-mêmes. Toutefois, par le système du parrainage, le baptême, au départ un moyen pour le propriétaire d'accroître son emprise sur l'esclave, devient un moyen pour l'esclave de gagner un peu d'émancipation sur le maître[9],[11].

Enfin, alors que le Code noir ne connaît que deux catégories d'individus — les libres et les esclaves — les gens de couleur libres (les mulâtres libres et les Noirs affranchis) se voient progressivement refuser l'égalité avec les Blancs[12] ; à partir de 1720, des restrictions apparaissent : ils ne peuvent hériter de titres de noblesse, certains emplois leur sont interdits, ils doivent déférence aux Blancs, etc[12].

Portrait de Madame Ailhaud, vers 1760. À gauche l'esclave, au centre la propriétaire, et à droite la « mulâtresse ».

Dans ses études sur le Consulat et sur Napoléon Ier, contemporain de la révolution haïtienne, l'historien Thierry Lentz dresse le portrait des colonies françaises à cette époque. Les Antilles françaises en sont le fleuron. En 1788 elles comprennent 600 000 esclaves déportés d'Afrique, 30 000 libres de couleur, et 55 000 Blancs. La France en encourage la colonisation. Par le système de l'exclusif colonial, elle peut espérer continuer à faire prospérer cette rente aux dépens de tout ce qui ne vient pas de la France métropolitaine. Mais ces intérêts ne rencontrent pas toujours ceux des colons. Ayant très mal pris de ne pas avoir été conviés aux États généraux, ces derniers réclament une plus grande autonomie, tandis que, inspirés des idées de libération, les noirs prennent espoir. L'opinion générale est convaincue de la supériorité des Blancs mais ces derniers s'inquiétaient de l'activité de la Société des amis des Noirs et, l'Ancien Régime ayant accepté la création d'assemblées locales de blancs en Guadeloupe et en Martinique, les colons de Saint-Domingue veulent en créer une aussi[13].

Si on ajoute à ce tableau les rivalités régionales entre le Nord, plus opulent, le Sud, et l'Ouest séparés par des chaînes montagneuses, l'opposition entre les fonctionnaires métropolitains et les blancs créoles (nés sur place) ainsi qu'entre les planteurs et les commerçants, le rôle déstabilisateur de l'Espagne, possédant la partie est de l'île, ou de l'Angleterre, on comprend la complexité du déroulement de la révolution de Saint-Domingue.

De leur côté, les révolutionnaires français sont écartelés entre le principe d'égalité et le réalisme économique[12]. Jules Michelet célèbrera néanmoins Haïti devenue libre dans ses écrits.

Revendications des blancs et des mulâtres

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Les colons de Saint-Domingue considèrent la convocation aux états généraux de 1789 comme une opportunité pour se défaire du principe de l'Exclusif [selon ce principe, tout ce que la colonie produit doit être exporté vers la métropole et tout ce que la colonie importe doit venir de la métropole ou être transporté par des bateaux français]. Malgré le refus préalable du roi Louis XVI, ils réussissent à faire accepter six députés à l'Assemblée constituante[14]. Sur place, ils poussent, en le menaçant, l'intendant François Barbé-Marbois à regagner la métropole. Puis, fin 1789, ils élisent des municipalités.

Mais la Déclaration des droits de l’homme du 26 août 1789 leur paraît dangereuse, d'autant que la Société des amis des Noirs, fondée à Paris le — qui compte entre autres membres Brissot, Mirabeau, Condorcet, Étienne Clavière, La Fayette, Benjamin-Sigismond Frossard, Joseph Servan, François Lanthenas, Jérôme Pétion et l'abbé Grégoire —, propose la suppression sans délai de la traite, l'abolition progressive de l'esclavage et l'égalité immédiate des libres de couleur.

Durant l'été 1789 est créé à Paris le Club de l'hôtel de Massiac, constitué principalement de planteurs de Saint-Domingue[15]. Un de leurs meilleurs avocats est le député Antoine Barnave[15]. Le , celui-ci réussit à faire voter un décret qui écarte les colonies du droit métropolitain, et des évolutions révolutionnaires en cours[15], et crée des assemblées coloniales ouvertes aux propriétaires. Sans l'exprimer, la Constituante confirme ainsi l'esclavage. Condorcet, après le vote du décret du , écrit dans ses notes : « Ajoutons un mot à l'article premier de la Déclaration des droits : "Tous les hommes « blancs » naissent libres et égaux en droits" ! Donner une méthode pour déterminer le degré de blancheur »[16].

Les Blancs de Saint-Domingue vont cependant encore plus loin : ils élisent, sans les libres de couleur, une assemblée qui se déclare supérieure au gouverneur général, entend remplacer les régiments royaux par une garde nationale locale et vote même, le , une constitution. En juillet, elle décrète la liberté du commerce. Devant cette sédition, les autorités réagissent en s'alliant les libres. L'assemblée de planteurs est vite renversée. Mais la réaction des blancs est sanglante : quelques mois plus tard, le colonel de Mauduit, qui a dispersé l'assemblée, est lynché par la foule.

Les libres commencent alors à réclamer l'égalité avec véhémence. Plusieurs sont massacrés par la population blanche. Notamment, le mulâtre Vincent Ogé, pourtant notable aisé, est condamné au supplice de la roue en pour avoir organisé une rébellion armée avec trois cents partisans et pillé quelques habitations. Un autre mulâtre, Julien Raimond, mène le combat à Paris et se lie en 1789 et 1790 à la Société des amis des Noirs puis en 1791 au club des Jacobins[17].

L'Assemblée de Paris reste indécise quant au statut des libres de couleur. Après avoir confirmé l'esclavage en lui donnant le statut constitutionnel le sur demande de Bertrand Barère, elle accorde, le , sur celle de Jean-François Rewbell l'égalité aux libres de couleur nés de père et mère libres, soit moins de 5 % des intéressés. Mais cette évaluation historiographique très répandue est désormais contestée de par le fait que dans les débats parlementaires, ou écrits approbateurs du décret, seuls les Noirs affranchis très minoritaires sont discriminés par l'amendement Rewbell[18]. Seul au côté gauche de l'assemblée constituante, Maximilien de Robespierre, condamne le décret du et l'amendement Reubell du . Hors l'Assemblée, à la société des amis des Noirs chez Brissot et Clavière, on entend également de telles protestations. Mais les choses traînent. Le décret ne part pas pour les iles. Cela suscite de fortes inquiétudes au club des jacobins. Le , Brissot y prononce un discours contre les risques de révocation ; à son tour, l'abbé Grégoire en présente un le 16. Le décret du est finalement révoqué le sur demande d'Antoine Barnave, d'Alexandre de Lameth, de Charles-Malo de Lameth, son frère, de Goupil de Prefeln, d'Adrien Duport (ce dernier pourtant favorable en à la cause des hommes libres de couleur)[19]. Tous les cinq sont en réaction radiés le lendemain 25, du club des Jacobins sur requête d'Étienne Polverel. L'antiesclavagisme y fait aussi son chemin. Ainsi peu avant au sein du club, le même Étienne Polverel participe à un jury, au côté d'Étienne Clavière, de Condorcet, de François Lanthenas, de l'abbé Henri Grégoire (tous quatre membres de la Société des Amis des Noirs), de Jean Dusaulx chargé de sélectionner le meilleur texte, défenseur de la constitution. Les six jurés choisissent, parmi 42 écrits proposés, L'almanach du Père Gérard par Jean-Marie Collot d'Herbois, œuvre dans laquelle figure une condamnation générale sans équivoque des discriminations raciales et de l'esclavage colonial<[20]. Également en Olympe de Gouges donne un avis dans le postambule de sa déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.

« Les Colons prétendent régner en despotes sur des hommes dont ils sont les pères et les frères ; et méconnoissant les droits de la nature, ils en poursuivent la source jusque dans la plus petite teinte de leur sang ». Le , dans l'Ami du Peuple, Jean-Paul Marat écrit : « Les hommes de couleur ne sont point des lâches comme les Parisiens. Ils ne se laisseront pas faire (...) »[21],[22]. De fait les libres se soulèvent dans plusieurs endroits de l'Ouest et du Sud et remportent des victoires dès l'été 1791. Dirigés par Louis-Jacques Beauvais et André Rigaud, les mulâtres prennent même la capitale Port-au-Prince, qui est en grande partie incendiée, en .

En 1791 l'esclavage colonial ne fut évoqué à l'assemblée constituante de front qu'une seule fois : le 11 mai "un obscur député du Vermandois" qui n'était pas membre de la Société des Amis des Noirs, Jean Louis de Viefville des Essarts. Il y présenta un projet détaillé d'abolition de l'asservissement des Noirs qui ne fut pas discuté [23]. On décida de limiter pour les jours suivants (12-15 mai) les débats aux droits des hommes de couleur libres.

Révolte des noirs et abolition de l'esclavage

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Le marronnage, favorisé par le relief montagneux de Saint-Domingue qui offre refuge aux esclaves en fuite, s'instaure dès le début de la traite. Les Noirs réussirent à vivre en groupes dans les forêts. Ils y développent une religion syncrétique des croyances africaines, le vaudou. Le phénomène perdure malgré la traque et la répression féroce. Ces marrons inquiètent les Blancs qu'ils empoisonnent parfois et dont ils brûlent les champs.

Insurrection des esclaves

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Vue des habitations de Cap-Français, incendiées par les esclaves révoltés en août 1791.
Couverture de l'ouvrage Saint-Domingue, ou Histoire de ses révolutions, 1791-1804.

Le , à Bois-Caïman, dans la Plaine-du-Nord, de nombreux esclaves décident de se révolter, sous l'autorité de Dutty Boukman, assisté de Jean-François et Georges Biassou. Ce premier acte de la révolution des esclaves aurait pris la forme d'une cérémonie vaudoue, où en présence de la mambo Cécile Fatiman, un pacte de sang est signé dans le sacrifice d'un cochon noir créole. En quelques jours, toutes les plantations du Nord sont en flammes, et un millier de blancs massacrés[24],[25]. Malgré la répression où Boukman est tué, des bandes d'esclaves armés persistent dans les campagnes et les montagnes. Dans d'autres parties du pays, des révoltes plus spontanées s'ensuivent. Dès le début de la révolution, les participants au grand soulèvement des esclaves, qui commence en 1791 à Saint-Domingue, proclament leur loyauté au roi et à la religion[26]. La nuit du 22 au 23 août, les esclaves prennent les armes[27]. Les insurgés gagnent du terrain, mais la révolution se prolonge. Les insurgés comptent de valeureux guerriers mais qui n'ont aucune expérience de l'exercice du pouvoir.

La nouvelle arrive seulement à Paris le . Le soulèvement des esclaves entraîne de vifs débats à la nouvelle Assemblée législative de Paris, qui se rallie progressivement et avec difficulté aux arguments insistants des Girondins ou de leurs proches comme Jacques Pierre Brissot, Nicolas de Condorcet, Pierre Victurnien Vergniaud, Élie Guadet, Armand Gensonné, Jean-François Ducos et de Jean Philippe Garran de Coulon. Ceux-ci appellent à l'égalité de tous les hommes libres, quelle que soit leur couleur de peau, pour vaincre dans l'immédiat les esclaves insurgés. Le est enfin promulgué ce décret égalitaire[28]. Il est sanctionné par le roi Louis XVI le , grâce au nouveau ministre jacobin de l'intérieur, Étienne Clavière (l'accord royal est imposé par la constitution de 1791). Le dans La Chronique de Paris, Nicolas de Condorcet demande timidement à ce qu'« au nom de l'Humanité les intérêts des Noirs (esclaves) ne seront pas entièrement oubliés »[29]. Mais on doit aussi signaler qu'à la différence du décret du « la classe intermédiaire » des esclaves affranchis (dont fait partie le futur député noir Jean-Baptiste Belley) bénéficie également des droits à l'égalité civile et civique avec les blancs. Brissot entend le rappeler, peu avant le vote, dans un discours du . Un petit nombre de députés ont soutenu résolument à son annonce l'insurrection d'esclaves, assimilée par eux à la prise de la Bastille par les Parisiens. Ainsi en est-il le , de Merlin de Thionville, de Jacques Brival au club des jacobins le , à l'assemblée législative le 6, puis quelques jours plus tard, par la présentation d'un vaste plan d'abolition, de Mathieu Blanc-Gilli ; enfin entre août et de Joseph Lequinio dans Les Préjugés Détruits[30],[31]. Hors de l'assemblée la révolte d'esclaves est soutenue avec ferveur par Pierre-Gaspard Chaumette dans Les Révolutions de Paris, dans une moindre mesure par Jean-Paul Marat dans l'Ami du Peuple, par Aubin Louis Millin de Grandmaison et François Noël (ce dernier, ancien membre de la Société des Amis des Noirs), dans La Chronique de Paris[32]; ou encore par l'ancien constituant, Edmond-Louis-Alexis Dubois-Crancé, dans un portrait élogieux de son ancien collègue antiesclavagiste, Jérôme Pétion de Villeneuve (Véritable Portrait de nos Législateurs)[33]. Le rôle personnel de Maximilien de Robespierre sur ces questions est encore sujet à débat[34]. En mai 1792, dans Le Défenseur de la Constitution, il salue le combat des Girondins en faveur de la liberté dans les colonies, précisant qu'il s'agit à ses yeux de l'unique aspect positif de leur bilan législatif et qu'à ce titre il regrette de ne pas les avoir vus manifester « le même zèle » pour « le peuple français » que pour « le peuple de Saint-Domingue ». Ce peuple, il le limite aux 26 000 colons métis et noirs affranchis de la colonie insurgée, mais admet implicitement « au nom de l'humanité » le bien-fondé de leur insurrection armée[35],[36]. Il entend sans doute aussi prendre ses distances avec ce qu'il appelle « l'injustice » et « l'ingratitude » de Camille Desmoulins (sans le nommer autrement que par un « ceux qui leur ont cherché des torts ») qui reprochait trois mois plus tôt à Brissot, avec des arguments proches de ceux du club Massiac, d'avoir divisé le mouvement patriote et encouragé le peuple de Saint-Domingue à l'insurrection. En 1794 il paraît en parfaite osmose avec les trois députés de Saint-Domingue, Dufay, Mills et Belley. En janvier, son agent à Lorient, Jullien de Paris, fil du député montagnard Jullien de la Drôme, lui écrit personnellement pour lui annoncer leur arrivée sous protection. Le 23 avril ces trois députés nouveaux représentants du peuple, inquiets des réticences qu'ils sentent à la Convention et dans ses comités dans la mise en application du décret d'abolition de l'esclavage, lui écrivent personnellement en le qualifiant d'« ami du peuple de Saint-Domingue », « du seul peuple de Saint-Domingue à savoir les jaunes et les Noirs »[37].

Olympe de Gouges, qui réussit enfin à faire éditer en une de ses pièces de théâtre antiesclavagistes, Zamor et Mirza, grâce à l'élection en à la mairie de Paris de Jérôme Pétion de Villeneuve, est la seule parmi les défenseurs des droits des noirs qui condamne les insurrections des deux peuples de Saint-Domingue au nom de la non-violence : « C’est à vous, actuellement, esclaves, hommes de couleur, à qui je vais parler ; j’ai peut-être des droits incontestables pour blâmer votre férocité : cruels, en imitant les tyrans, vous les justifiez (...) Quelle cruauté, quelle inhumanité ! La plupart de vos maîtres étaient humains et bienfaisants et dans votre aveugle rage vous ne distinguez pas les victimes innocentes de vos persécuteurs. Les hommes n’étaient pas nés pour les fers et vous prouvez qu’ils sont nécessaires. Je ne me rétracte point, j’abhorre vos tyrans, vos cruautés me font horreur »[38],[39]. De tels propos lui valent le persiflage par lettre en d'un brissotin, le procureur syndic de la Commune adjoint du maire Pétion, Pierre Louis Manuel : «... Mme de Gouges a voulu aussi concourir à la rédemption des Noirs ; elle pourra trouver des esclaves qui ne veulent pas de leur liberté »[39].

Une autre femme, Rosalie Jullien, femme de Jullien de la Drôme et mère de Jullien de Paris, également amie et admiratrice de Robespierre jusqu'en Thermidor an II, se félicite au contraire le 16 avril 1793 de la décapitation à Paris la veille, après jugement par le Tribunal révolutionnaire, de l'ancien gouverneur de Saint-Domingue, Philippe Blanchelande. Il avait été expulsé quelques mois plus tôt par Sonthonax et Polverel de la colonie, de par son hostilité aux droits des noirs. Rosalie écrit dans une de ses lettres : « il a fait couler à flots le sang des Noirs et des patriotes »[40]. Accompagnée par un jeune noir, Rosalie Jullien invite à déjeuner à deux reprises au moins en juin 1793 Robespierre et Barère, son ami d'enfance « au nom d'une douce fraternité qui unit les vrais républicains »[40].

Pour faire appliquer la loi du 4 avril 1792, de nouveaux commissaires civils, Léger-Félicité Sonthonax et Étienne Polverel, sont envoyés à Saint-Domingue, appuyés de quatre mille volontaires de la garde nationale. Après l'arrivée de la nouvelle du , Georges Biassou se nomme « vice-roi » en attendant la libération du roi de France[26]. Les nouveaux commissaires civils débarquent au Cap le , quelques jours avant la proclamation de la République française. Sonthonax annonce le lendemain qu'il entend préserver l'esclavage. Mais c'est lui qui a écrit un an plus tôt : « Les terres de Saint-Domingue doivent appartenir aux noirs. Ils les ont acquises à la sueur de leur front » et il ne reçoit que défiance de la part des colons. Brissot l'a choisi au printemps 1792 « en raison de ses articles énergiques au journal de Prudhomme » (Les Révolutions de Paris) sur « les hommes de couleur »[41],[42], c'est-à-dire ceux relatifs aux mulâtres. Pour autant, informé de l'affiche du dans le Patriote français du , Brissot regrette ce qu'il considère comme « une erreur ». Selon lui, même graduellement, l'esclavage doit un jour être aboli[43]. Les commissaires s'allient aux mulâtres pour s'imposer. Ils rencontrent un certain succès, notamment à Port-au-Prince. Mais le au Cap-Français, le nouveau gouverneur François Thomas Galbaud-Dufort s'allie aux colons pour renverser les commissaires. Acculés, ceux-ci promettent la liberté à tout esclave qui se battrait pour la République. Des insurgés envahissent la ville, la pillent et l'incendient. Dix mille colons s’expatrient. De leur côté, l'Angleterre et l'Espagne, qui ont déclaré la guerre à la France, attaquent Cap-Français par la mer et par les terres depuis la partie orientale de l'île, possession espagnole. Les Espagnols ont avec eux des colons royalistes ainsi que des bandes d’esclaves révoltés, comme celle de Jean-François et de Biassou, à qui ils ont promis la liberté. À l'été 1793, de nombreux ports et la plus grande partie du pays sont occupés.

Abolition de l'esclavage

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Jean-Baptiste Belley, premier député noir élu à la Convention.

À la recherche d'alliés, Sonthonax proclame de son propre chef l'abolition de l'esclavage le 29 août 1793 dans le Nord de l'île. Un mois plus tard, Polverel fait de même dans le reste du pays. Afin de faire avaliser cette décision, les commissaires civils choisissent trois députés, l'un Blanc, l'autre mulâtre, le troisième Noir — Jean-Baptiste Belley — qu'ils envoient à Paris. Devant le rapport de ces députés, la Convention vote, dans l'enthousiasme, le , la fin de l'esclavage sur l'ensemble de l'île de Saint-Domingue et l'étend aux autres colonies sur demande de René Levasseur, de Jean-François Delacroix, de l'abbé Henri Grégoire, de Joseph Cambon et de Georges Danton. Deux journaux, le Républicain de Charles Duval et le Créole Patriote de Claude Milscent, relatent de manière détaillée la soirée du 16 Pluviôse an II au club des Jacobins[44]. Les trois députés de Saint-Domingue sont accueillis à la Société, présidée par Jacques Reverchon qui leur donne l'accolade, et où Nicolas Maure, Philibert Simond, Antoine-François Momoro, Charles Duval débattent des conditions d'inscription. Le lendemain 17 Pluviôse à la Convention, Delacroix, Levasseur, Dufay, Grégoire, Rewbell, Thuriot et Charlier discutent de la rédaction du décret tandis que Jacques-Michel Coupé de l'Oise propose un plan de redistribution des terres dans la colonie et que Roger Ducos fait préciser que les Français propriétaires d'esclaves dans les colonies non-françaises doivent également mettre à exécution le décret[45]. Le 23 germinal an II- le comité de salut public nomme une commission dans un décret signé par Barère, Collot d'Herbois, Carnot, Billaud-Varenne. La Convention montagnarde ne s'en tient pas là. Elle engage également une répression contre les lobbies esclavagistes. Ainsi, le 17 ventôse an II- sur demande de Dufay, Belley et Mills et par un décret signé Collot d'Herbois et Saint-Just, le Comité de Salut Public fait arrêter deux colons blancs de Saint-Domingue, Page et Brulley qui intriguent contre eux[46]. Le 19 ventôse an II- tous les autres colons de Saint-Domingue sont appréhendés par la Convention après intervention en ce sens de Jean-François Delacroix, Jean-François Rewbell, Moyse Bayle, Didier Thirion[44]. Mais Page et Brulley gardent à la Convention un autre allié en la personne du député métis de la Martinique, Janvier Littée qui fait distribuer un pamphlet contre la députation de Saint-Domingue. À Brest, deux membres du CSP en mission, Prieur de la Marne et Jeanbon Saint-André mettent au printemps 1794 en arrestation de nombreux colons esclavagistes de Saint-Domingue expulsés de la colonie par Sonthonax et Polverel. Influencés par la lettre envoyée le 4 Floréal an II-23 avril 1794 que les trois députés de Saint-Domingue ont écrite à Robespierre ce dernier ainsi que Couthon, Saint-Just, Barère et André Jeanbon Saint-André mettent sous surveillance, en messidor an II-juin et , Janvier Littée par l'intermédiaire de l'agent Claude Guérin.

Toussaint Louverture et la révolution noire

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La Convention Montagnarde n'a pas accédé à la demande de Bourdon de l'Oise d'abroger son décret de mise en accusation de Sonthonax et de Polverel voté le ce jour-là après intervention de Billaud-Varenne. C'est Jean-Jacques Bréard qui les fait réhabiliter le par la Convention Thermidorienne[47]. Le décret du 16 pluviôse an II est sans doute la seule mesure votée par la Convention montagnarde, qu'après les Thermidoriens, puis le Directoire ne mettent pas en cause. Parmi les tombeurs montagnards de Robespierre[48] nombre d'entre eux étaient des antiesclavagistes déclarés par leurs positions publiques ou leurs signatures d'arrêtés : Dubois-Crancé, Merlin de Thionville, Collot d'Herbois, Brival, Bourdon de l'Oise, Cambon, Maribon de Montaut, Thuriot, Charlier, Charles Duval, Rewbell, Carnot, Barère, Billaud-Varenne, Bayle, Thirion, Prieur de la Côte d'Or ; et même parmi les plus dangereux ennemis de Robespierre, les représentants en mission Jean-Lambert Tallien et Joseph Fouché qu'il a fait rappeler de Bordeaux et de Lyon pour leurs crimes et rapines[49]. Par ailleurs Grégoire qui ne participe pas au coup d'État, se félicite auprès de ses administrés, le 13 thermidor an II/ de la mort de Maximilien Robespierre (comme de ses quatre proches)[50], le renie après coup dans ses multiples rapports sur le vandalisme mais ne modifie pas d'un iota ses positions sur l'esclavage. Le décret est même inscrit en 1795 dans la constitution de l'an III : les colonies deviennent des départements. Dans un rapport sur les colonies François-Antoine de Boissy d'Anglas salue l'unique mesure positive à ses yeux prise par « la tyrannie ». Et en 1799 Garran-Coulon rend un hommage similaire au rôle de Danton, que pourtant les thermidoriens se sont refusés en 1795 à réhabiliter comme victime de Robespierre. Dans cette optique en 1796 est créée par des survivants de la société des Amis des Noirs tels que Lanthenas, Grégoire, Benjamin-Sigismond Frossard, Joseph Servan, ainsi que par d'autres antiesclavagistes d'horizons politiques divers comme Garran-Coulon, Jean-Baptiste Say, Charles Duval, Jacques Duplantier, Étienne Laveaux, une deuxième société, la Société des Amis des Noirs et des Colonies. Elle a pour but la consolidation du décret philanthropique et de la départementalisation de Saint-Domingue[51]. Mais dans un souci de concorde à l'instar de Julien Raimond et de Leborgne, les colons esclavagistes de Saint-Domingue sont libérés après Thermidor.

Le général Toussaint Louverture.

Avant comme après Thermidor, on pense à l'intégration linguistique de la colonie. Le 16 Prairial an II-, Grégoire insére dans son célèbre rapport sur l'anéantissement des patois l'émancipation linguistique coloniale qu'impose le langage infinitif des Noirs :

« Les nègres de nos colonies dont vous avez fait des hommes, ont une espèce d'idiome pauvre comme celui des Hottentots, comme la langue franque qui dans tous les verbes ne connaît guère que l'infinitif ».

La seule vraie rupture qu'impose thermidor est la fin de la lecture à la Convention des lettres de félicitations pour le vote du décret et annonces de fêtes qui affluent entre le et le [47]. Et à ce jour, dans le milieu thermidorien on ne trouve que Jean Pierre André Amar et Robert Lindet qui ont manifesté une hostilité assez active au décret du 16 pluviôse an II, en étroite relation avec Page et Brulley qu'ils ont continué à fréquenter jusqu'à leur arrestation en . Encore ne doit-on pas oublier dans l'enthousiasme abolitionniste le rôle des Dantonistes invoqué au XIXe siècle par l'historien Jules Michelet, dont il perçoit le mouvement comme étant à la gauche des Robespierristes auxquels ils paraissent « surtout vouloir ôter le monopole de la bienfaisance ». On peut alors comprendre que « dans une voie d'attendrissement qui étonnait, alarmait » (...). « L’affranchissement des Noirs, et les scènes d’ivresse et d’enthousiasme qui en résultèrent, attendrissaient encore les cœurs. »[52].

C'est abusivement d'après de nouvelles controverses qu'on a réduit aux XXe et XXIe siècles le discours de Danton prononcé le 16 pluviôse an II à un opportunisme anti-anglais. Ce 16 Pluviôse an II, c'est en premier lieu sous le signe des droits de l'homme dans les colonies que Danton s'exprime ; et assez longuement. C'est une apostrophe apocryphe qu'il n'a peut-être jamais envoyée : « l'Anglais voit s'anéantir son commerce » a fait penser radicalement le contraire. Car elle est absente de la version célèbre du Moniteur Universel comme de la presque totalité des comptes rendus des journaux : seul à l'époque le journal des débats et des décrets la rapporte ; et c'est la lutte contre les colons esclavagistes français, alliés de l'Angleterre, qui l'amène à crier « l'Anglais est mort »[53].

L'affranchi Toussaint Bréda — du nom de la plantation au Haut-du-Cap où il est né en 1743 —, futur Toussaint Louverture, exerce, malgré sa petite taille, un ascendant, tant par ses origines africaines qu'on dit royales d'Allada que par ses qualités de lettré, de cavalier et de médecin par les plantes. Il devient le conseiller et l'aide de camp de Georges Biassou[54], l'un des successeurs de Boukman, qui se rallie aux Espagnols de l'Est de l'île en 1793, afin de combattre les colons et les Anglais. Parmi ses victoires, celle qui ouvre un passage dans la colonie et lui vaut le surnom de « L'Ouverture ».

L'abolition de l'esclavage par les commissaires civils le fait réfléchir. Après un échange de courriers avec le général républicain Étienne Maynaud de Bizefranc de Lavaux, en , il refoule les Espagnols à la frontière orientale de l'île puis obtient leur reddition et le traité de San Idelfonso, qui donne à la France toute la partie orientale de l'île. En 1795, il libère l'intérieur des terres.

La Convention l'élève au grade de général en juillet. En mars 1796, le gouverneur Laveaux, qu'il a délivré d'une révolte au Cap, le nomme lieutenant-général de Saint-Domingue[55].

Toussaint Louverture préfère ensuite éloigner les représentants de l'autorité métropolitaine, y compris Laveaux en et Sonthonax en , pourtant revenu comme commissaire civil, préférant les faire élire députés de Saint-Domingue à Paris, où il a besoin d'appuis et où a été fondé en une deuxième Société des Amis des Noirs, la Société des Amis des Noirs et des Colonies, par Garran-Coulon, Lanthenas et surtout l'abbé Grégoire.

Grâce aux renforts arrivés de métropole en , il intensifie la lutte contre les Anglais qui tiennent de nombreux ports. Lassés d'un combat sans espoir, ceux-ci finissent par négocier directement avec lui lors de l'armistice du 30 mars 1798 et abandonnent Saint-Domingue le .

Interventions espagnoles et britanniques (1793-1798)

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Les 1500 anciens légionnaires noirs de Saint-Domingue ayant participé à la guerre d'Indépendance américaine se mobilisent contre l'envahisseur anglais qui débarque en septembre 1793 après la déclaration de guerre du 1er février 1793, précédée par le lobbying des planteurs français réfugiés à la Jamaïque.

Mais la position anglaise évolue après la seconde guerre des nègres marrons de Jamaïque, en 1795-1796, dont la répression à l'aide de chiens est massivement critiquée en Angleterre[56], obligeant à en déporter 568 l'année suivante en Nouvelle-Écosse, au Canada[57] et à prendre en compte la difficulté à maintenir l'esclavage. Le gouverneur de la Jamaïque Edward Trelawny a déjà trouvé une solution en 1739-1740 en reconnaissant en plein Pays Cockpit une « république noire » avec la contrepartie qu'elle n'aide plus à fuir d'autres esclaves, et les Anglais infléchissent leur politique vers 1796-1797 en envisageant de négocier avec les noirs libres à Saint-Domingue.

Après le Traité de Whitehall d'avril 1793 signé par les grands propriétaires de Saint-Domingue avec les Britanniques, ils débarquent en deux points de Saint-Domingue le 19 septembre 1793. Le gros de leurs troupes vise avant tout le Nord de la colonie, plus riche, mais il y a aussi 500 hommes de la garnison de la Jamaïque, qui débarquent à Jérémie dans la Péninsule de Tiburon[58], qui s’étend au sud-ouest, avec les villes de Jacmel, Les Cayes et Léogâne[58].

C'est la région d'André Rigaud, qui les repousse temporairement le 4 octobre à Tiburon, où il est ensuite défait en février 1794 puis à nouveau battu en avril 1794 et doit les laisser prendre Port-au-Prince le 1er juin 1794[58]. Rigaud permet alors aux commissaires de la République Sonthonax et Polverel à Les Cayes, son fief de l'extrémité sud-ouest de cette Péninsule de Tiburon. Dans un rapport militaire, Toussaint-Louverture le félicite d'avoir ainsi « préservé le département du Sud de l'invasion totale qui le menaçait »[59], tout en estimant que Tiburon lui fut abandonnée par le lieutenant-colonel Bradford[59] qui commandait cette place avec 500 soldats, dont une partie fuit vers Les Irois. Occupée par les Anglais depuis février 1794, Tiburon est ainsi reprise le 29 décembre 1794, par Rigaud via de vrais combats selon une autre version[60], tandis que Léogane, sa plus belle conquête, lui est aussi livrée[59].

Le 13 juillet 1795, un rapport du Comité de salut public salue les chefs militaires qui, « privés des secours de la métropole, et même des nouvelles de ce qui s'y passait, sont restés fidèles à leur patrie et ont combattu pour elle. »[59]. Un décret de la Convention du même mois nomme Laveaux général de division et gouverneur provisoire[59]. Les colonels Villate, Rigaud et Beauvais, ainsi que Toussaint-Louverture sont nommés généraux de brigade[59]. Rigaud reprend à nouveau Tiburon le 9 décembre 1795[59], à l'issue de la saison de la fièvre jaune, enlevant aux Anglais tout espoir de pénétrer dans Les Cayes[59]. Il participe plus tard à la conquête de Port-au-Prince[58] mais sans remonter vers le nord à la capitale de l'époque, le Cap-Français.

Les anglais ayant eu recours à un grand nombre de soldats des « légions africaines au service de la Grande-Bretagne »[59], en particulier celle connue sous le nom de « chasseurs de Dessources », qui s'était emparée fin 1795 du village des Verrettes[59], au nord de Port-au-Prince, Sonthonax scinde ensuite l'armée, pour créer des « compagnies franches, composées de nègres et de mulâtres libres »[59], la Légion de l'Égalité, la Légion de l'Ouest, et la Légion du Sud[59].

Le printemps et l'été 1796 voient poindre les premières racines de la « guerre des couteaux ». Le 20 mars 1796, Rigaud, qui accuse Laveaux de favoriser les noirs est arrêté dans la capitale, le Cap-Français, par Jean-Louis Villatte, un noir nommé général de brigade depuis le . Louverture se joint à lui pour libérer le général Laveaux puis équipe 16 000 hommes avec les armes arrivées de France en mai, tandis que le 21 juillet 1796, les commissaires civils menés par Sonthonax arrêtent le général Rochambeau qui refuse d’occuper Santo Domingo. Le 6 août 1796, Sonthonax publie au Cap une constitution réclamant convocation d'une assemblée électorale unique[59]et le 24 septembre 1796. Six députés pour toute la colonie sont élus parmi lesquels Sonthonax et Laveaux[59]. Au même moment, de « malheureux événements » surviennent en septembre 1796 dans Les Cayes et à Saint-Louis[59], où les victimes sont évaluées à plus de 200[59], fief de Rigaud, qui font l'objet d'un rapport défavorable envoyé au directoire par Sonthonax,

Le 15 janvier 1797, Rigaud, inculpé dans cette affaire, déclare qu'il n'abandonnera pas son poste[59]. Il charge alors, sans succès le commandant militaire de Miragoane de proposer à Toussaint Louverture une révolte contre Sonthonax[59]. Toussaint Louverture pousse cependant Sonthonax à rentrer en France dès l'été 1797. Entre-temps, en février 1797, s'inspirant d'un rapport de Louis-Pierre Dufay, un abolitioniste marié dans une famille sucrière du Nord de Saint-Domingue[61], qui est représentant de la colonie depuis septembre 1793 et acquéreur de plantations dans les années qui suivent, le Conseil des Cinq-Cents subdivise la colonie en 5 départements, tandis qu'en mars le général britannique John Graves Simcoe débarque à Port Républicain, avec pour mission de favoriser les diverses revendication d'autonomie, afin d'enlever Saint-Domingue à la France. Mais en avril, Rigaud échoue toujours à reprendre le fort tenu par les Britanniques dans le port de Les Irois et le 3 mai, Louverture, confirmé comme gouverneur de la colonie, est même promu général de division par Sonthonax[59], ce qui irrite Rigaud[59].

Dès juillet dans l'Arrondissement de Vallières, près de l'ex-frontière espagnole, le colonel Henri Christophe, proche de Louverture, neutralise les anciennes troupes pro espagnoles de Jean François, « les vendéens de Saint-Domingue », soutenus par les Britanniques. John Graves Simcoe est alors remplacé dès août, par le général John Whyte[62].

« Guerre des couteaux » (juin 1799-mars 1800)

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La « guerre des couteaux » ou « guerre du Sud » est parfois présentée comme un conflit entre la « caste » des noirs, représentés par Toussaint Louverture, et celle des Mulâtre, censés être représentés par André Rigaud car il a fait partie avant la Révolution française des gens de couleur libres. Cependant, selon l'historien Frédéric Régent, ce conflit n’est pas une question de couleur, mais une lutte pour le contrôle du territoire[63],[64]. Pour Paul Delmotte, professeur de Politique internationale et d'Histoire contemporaine à l'IHECS, on « peut aussi y voir la main des puissances étrangères »[58].

André Rigaud contrôle un Sud plus accidenté et moins riche[58], plus axé sur le café avec des implantations de gens de couleur libres, séparé par des montagnes[58] des plaines du Nord plus riches[58], où l'esclavage sucrier est plus ancien et plus riche. Conscient comme Louverture de l'opposition du lobby colonial et moins abolitioniste, il préfère se concentrer sur l’égalité entre mulâtres et blancs[58] et constitue son armée avec l’aide de planteurs français[58], qui espèrent que la convention commerciale tripartite de 1799, préparée depuis avril et signée en juin, cinq jours avant le début de la « guerre du Sud », peut faire changer la Métropole sur la question de l'esclavage. Prévisible dès 1798[58], elle cristallise pendant 4 ans « la division entre Nord noir et un Sud mulâtre »[58].

Le terme de « guerre des couteaux » est cependant aussi utilisé pour les événements survenus dans le Nord de la colonie deux ans plus tard, en octobre-novembre 1801, et qui impliquent aussi Lamour Desrances, « parce que seulement poignards et couteaux avaient été utilisés pour tuer »[65].

La « guerre du Sud » trouve ses racines dans les conflits militaires parfois vieux d'un quart de siècle. Toussaint Louverture a pour lieutenants Henry Christophe et Jean-Jacques Dessalines. En face, André Rigaud est appuyé par Lamour Desrances et Alexandre Pétion.

André Rigaud a grandi à Bordeaux avant d'être enrôlé, tout comme Henri Christophe et Alexandre Pétion, par un grand planteur de Saint-Domingue, François de Fontanges, chef d'état-major de l'amiral d'Estaing lors de l'expédition du siège de Savannah, point fort de la guerre d'indépendance américaine (1776-1784). Les Anglais avaient concentré leurs forces dans le Sud, en Georgie, grâce à des milliers de loyalistes noirs, les anciens esclaves à qui ils avaient accordé un statut d'affranchis, en échange de leur mobilisation militaire, dans bien des cas contre leurs anciens maitres.

Savannah étant en difficulté, les Français volent au secours des Américains en enrôlant à leur tour une légion de 800 fusiliers noirs de Saint-Domingue, créé par un décret de juillet 1779 aux ordres du marquis de Rouvray, qui s'illustre par une attaque héroïque à la baïonnette, qui sauve l'armée franco-américaine en danger[66]. Dès la guerre d'indépendance américaine terminée, François de Fontanges, chef d'état-major de l'amiral d'Estaing lors de l'expédition du siège de Savannah, est nommé le commandant de la partie sud de Saint-Domingue, où s'installent la plupart des légionnaires noirs affranchis, où il signe le 23 octobre 1791 à Croix-des-Bouquets un concordat leur accordant les mêmes droits civiques que les colons, qui ont réagi[67] en condamnant à mort , son ancien compagnon d'armes du Siège de Savannah, le métis Jean-Baptiste Chavannes, puis un second pacte de reconnaissance des affranchis en 1792 [68], ce qui déclenche des représailles des colons[69],[70], l'obligeant à se réfugier dans la zone espagnole de l'Île en 1793.

D'autres sont partisans d'André Rigaud, comme Pierre Lambert et Louis-Jacques Beauvais[59].

Le 27 , le directoire envoie le général Gabriel de Hédouville, qui dès son arrivée en avril propose sans succès à Louverture de rentrer en France car il désaprouve l'armistice du 30 mars 1798 avec les Anglais. Son administration civile exige des réformes en déplorant un « esprit de vagabondage »[59], surtout favorisé par l'état de guerre permanent[59] depuis 4 ans et demi, , selon la biographie de Toussaint Louverture, écrite en 1877 par le bordelais Thomas-Prosper Gragnon-Lacoste grâce aux manuscrits personnels et archives confiés par Isaac, fils de Toussaint Louverture[71]. Recoupés par les archives et témoignages des pères de l'histoire d'Haïti, Madiou et Ardouin[71], ces « précieux papiers de la collection Gragnon-Lacoste »[71] ont servi pour une autre biographie de Toussaint Louverture, écrite en 1889 par Victor Schœlcher[71]. Ces demandes entrainent des règlements de culture ayant pour objet de rendre le travail obligatoire[59], édictés par Louis-Jacques Beauvais à Jacmel et André Rigaud ailleurs dans le Sud, mais des « moyens vexatoires » ne sont « employés que par Dessalines dans quelques arrondissements »[59]. Au cours de cette période, mi-1798, le secrétaire d'État américain Timothy Pickering confirme que les États-Unis acceptent la reprise des relations commerciales en cas de victoire de Toussaint Louverture mais le 22 août, André Rigaud récupère la ville de Jérémie.

En août 1798[72] Gabriel de Hédouville est contesté puis chassé en , par une révolte populaire. La veille de son départ, il décharge le général André Rigaud de toute sujétion à l’égard de Toussaint Louverture[59]. Dans la foulée, en janvier 1799 André Rigaud décide ainsi de refuser de reconnaitre l’autorité de Louverture, car ce dernier est accusé de trahison par Hédouville. Port-au-Prince devient le nouveau siège de l'Agence du gouvernement français[59], où le nouveau commissaire de la République Philippe-Rose Roume de Saint-Laurent[73], ex-commissaire-ordonnateur de l'île de Tobago, soutient Louverture contre Hédouville et écrit le 17 janvier 1799 à Rigaud[59], en lui proposant de concerter avec Louverture[59] puis une autre le 22 janvier, où il laisse « percer ses appréhensions »[59], car Rigaud, qui étend les frontières de son emprise sur le sud, n'obéit déjà plus[59]. Même s'il renonce à ses prétentions sur le Grand et le Petit-Goâve[59], il ne veut pas abandonner Miragoâne et, dès le 25 février 1799, Roume réinstalle l'Agence au Cap-Français[59]. C'est l'époque où le projet de Roume d'invasion de la Jamaïque, s'appuyant sur les armes accumulées pour écraser Rigaud[71], est mis à bas par Toussaint Louverture, qui a dans ses propres plans l'amitié de l'Angleterre[71].

En avril 1799, Louverture reproche à Rigaud son insubordination et le soupçonne d'être manipulé par les exilés français. Roume écrit à Rigaud le 27 avril 1799[59], deux jours après la signature d'un premier accord d'approvisionnement avec les États-Unis, une lettre dans laquelle il salue cette décision de Louverture[59], prélude à la signature 13 juin de la convention commerciale tripartite de 1799 avec l'Angleterre et les États-Unis. Quatre jours après, le 17 Jean-Pierre Delva, issu d'une ancienne famille d'affranchis hostiles à Louverture », livre le fort du Petit-Goâve à deux lieutenants de Rigaud, Faubert et Renaud-Desruisseaux. Rigaud y envoie Faubert s’installer pour en faire une partie intégrante du département du Sud. Il livre la place au pillage, massacre tous les blancs puis obtient dans la foulée la chute du Grand-Goâve. C'est le début de la « guerre du Sud ».

Christophe Mornay, accusé de l'inaction de ses troupes au fort du Petit-Goâve, est sanctionné[59]. Dessalines entre avec ses troupes au Port Républicain puis à Léogâne avec 20 000 hommes. Dès octobre, Roume confirme Dessalines commandant en chef de l’armée de l'Ouest et le général de brigade Moyse Louverture est nommé commandant en chef de l’armée du Nord.

Au cours de ce conflit de huit de mois, Lamour Desrances, qui a constitué un groupe rebelle dans la plaine de l'Arcahaie entre Port-au-Prince et Saint-Marc, après son évasion d'une plantation, est l'un des rares officiers noirs à rejoindre André Rigaud, et il étend la guerre vers le nord-est. Le 30 septembre 1799, il organise « l'escarmouche de Soissons » du nom de la sucrerie de la famille bordelaise des Cellier-Soissons, une embuscade dans la Montagne aux abords de la sucrerie de la famille bordelaise des Cellier-Soissons dans les hauteurs de la Plaine du Cul-de-Sac, à l'est du golfe de la Gonâve dans laquelle tombe une douzaine de blancs d'origine gasconne de la garde nationale de Port-au-Prince, menés par le capitaine Jacques-Joseph Lespinasse[74]. L'officier supérieur Magloire Ambroise sauve lui une centaine de familles, lors du siège de Jacmel, qui est le moment fort de ce conflit militaire, ce qui lui vaut d'être nommé commandant de Jacmel en 1802 par Jean-Jacques Dessalines. Lors de ce siège de Jacmel, qui dure trois mois, Rigaud reste cantonné dans Aquin[59] mais reçoit le soutien d'Alexandre Pétion, autres métis expérimenté qui a lui aussi vécu en France, où il a reçu une formation militaire en 1778[75].

Suites de la « guerre des couteaux »

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Toussaint Louverture sort vainqueur de la guerre des couteaux[76], mais affaibli. Il a plus d'ennemis que jamais. En , après la prise de Jacmel par Toussaint Louverture, André Rigaud négocie son évacuation et s'embarque pour plusieurs destinations, avec pour objectif la France, en compagnie de deux chefs militaires expérimentés, les métis Alexandre Pétion et Jean-Pierre Boyer[75]. Ils reviendront deux ans plus tard via l'expédition de Saint-Domingue, qui en fait à nouveau des officiers supérieurs.

Le frère d'André Rigaud, François Rigaud, autre chef militaire, et plusieurs de ses compagnons, partent eux pour la Guadeloupe, où ils sont bien accueillis mais plus tard fusillés par les troupes de Napoléon au printemps 1802[74].

Un autre partisan d'André Rigaud, Lamour Desrances et ses compagnons d'armes se dispersent dans les forêts pour échapper à Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines après la défaite.

Le combat contre André Rigaud, démarré cinq mois avant l'arrivée de Napoléon au pouvoir par la force en décembre 1799 s'est continué contre la volonté de ce dernier[77], qui envisage alors d'utiliser les armées haïtiennes pour conquérir la Jamaïque, où la production sucrière s'est envolée.

Toussaint Louverture privilégie dès les mois qui suivent la fin de cette guerre la remise en marche de l'économie en invitant les colons à revenir, y compris ceux qui ont choisi le parti contre-révolutionnaire. Il publie, le , un règlement de culture qui institue le travail forcé puis renforce sa position face à la Métropole, par le déploiement des troupes en janvier 1801 dans la partie espagnole de Saint-Domingue, ce qui n'est finalement pas apprécié par Napoléon[77].

Malgré cela, le 18 février 1801, Bonaparte nomme Toussaint général de la partie française[77], mais il fait rayer secrètement le chef noir des cadres de l'armée dès le 29 mars suivant[77]. Trois mois plus tard, le , Toussaint Louverture promulgue la Constitution de Saint-Domingue de 1801 afin d'afficher une stabilité politique, objectif qui vire à la répression sanglante des troubles d'octobre-novembre 1801.

Troubles d'octobre-novembre 1801

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Assez peu documentée, une révolte de cultivateurs du Nord démarre dès « les derniers jours d’octobre 1801 » au cours de laquelle ils sont accusés de massacrer des blancs. Moyse Louverture, neveu et fils adoptif de Toussaint, apparaît « comme le porte-drapeau de la révolte »[78]. Il est alors l'un des deux généraux de division de la colonie[77], avec Jean-Jacques Dessalines, après avoir joué un rôle important dans la conquête de la partie orientale de l'île avant 1795.

Commandant des soldats du Nord, avec sous ses ordres le colonel Henri Christophe, commandant du Cap-Haïtien, il est aussi « inspecteur général de culture » et affirme que les noirs n'ont pas conquis leur liberté pour rester assujettis à des propriétaires blancs via le travail obligatoire[79]. Il demande alors que l'État transfère la propriété de la terre aux officiers, soldats et cultivateurs, alors que la politique agraire de Toussaint Louverture, à la recherche d'alliés internationaux, vise une prospérité plus immédiate, selon l'analyse de Paul Moral[80].

Selon Céligny Ardouin, lors de cette révolte, Toussaint Louverture et Jean-Jacques Dessalines ont marché sur les secteurs tenus par les partisans de Lamour Desrances, les obligeant à se disperser dans les forêts[81],[82]. Dans ses écrits, Toussaint Louverture accuse plus tard Lamour Desrances, en déplorant que Leclerc l'ait fait général de brigade, d'être responsable du fait que les habitants de la Plaine du Cul-de-Sac aient été assassinés car il a poussé les cultivateurs à la révolte et pillé toute cette partie de l'île[83].

Selon d'autres sources, ces événements portent sur « les contradictions d’intérêts spécifiques entre les trois groupes sur la question de la propriété de la terre » les révoltés protestant contre le choix qui vient d'être fait de reconstituer la grande propriété. Le 24 novembre 1801, Moyse Louverture et treize des siens « sont exécutés au Grand-Fort, non loin du Port-de-Paix, après qu'une commission martiale ait rendu un jugement de mort, sur l'ordre » de Toussaint Louverture. Ses aides de camp et secrétaires sont ainsi tous fusillés sans aucune forme de procès, selon le Petit précis historique des annales de la colonie française de Saint-Domingue, conservé aux Archives de la Vienne, recoupé avec le texte publié en 1820 par le général François Joseph Pamphile de Lacroix[84], qui pourrait par ailleurs être l'auteur du précis car sa publication de 1820 « en livre la quintessensce ». François Joseph Pamphile de Lacroix, chef d'état-major de l'expédition de Saint-Domingue réussit les négociations et démarches conciliatrices permettant le ralliement d'une large partie de l'armée de Toussaint Louverture au printemps 1802 après celle des milices espagnoles, en reprenant les forts d'Ouanaminthe et de Laxavon, et les abords de la rivière du Massacre.

Toussaint Louverture « a-t-il manœuvré son neveu, qui ne s'est jamais comporté en coupable »[77] ? C'est l'hypothèse développée par plusieurs universitaires et notamment étayée par l'historien Pierre Pluchon dans la revue d'histoire Outre-Mers en 1992[77]. Toussaint Louverture aurait ainsi fait coup double en éliminant un important rival éventuel[77], tout en essayant « d'apaiser le courroux de Bonaparte en lui offrant la tête d'un rebelle à la République »[77].

Pierre Pluchon souligne le contenu de la proclamation du 25 novembre 1801, effectuée au lendemain de cette exécution de Moyse Louverture, dans laquelle Toussaint Louverture se présente en « restaurateur de la paix, de l'ordre social traditionnel, en protecteur de la liberté, de la sûreté des gens et des propriétés, en artisan laborieux du redressement et de la prospérité économiques »[77], une véritable « entreprise de séduction de l'autorité métropolitaine », qui sévèrement « flétrit la mémoire de Moyse Louverture »[77], afin d'assurer la mort à ceux qui seraient tentés de suivre son exemple[77].

Au même moment, autre « geste de bonne volonté à l'égard de Paris », il décide plusieurs mesures de police pour « la sauvegarde des personnes et des biens »[77].

C'est le moment aussi où Toussaint Louverture « rappelle aux commandants militaires » que son arrêté relatif aux cultures du 12 octobre 1800 doit être « exécuté dans sa forme et teneur »[77]. Toutefois, si l'économie de plantation fait l'objet de tant de soins, « rien n'est dit sur la propriété légitime des habitations, sur la restitution des plantations aux maîtres blancs en règle avec la loi »[77].

Préparatifs de guerre accélérés

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Le 20 décembre 1801, dans une seconde proclamation[85], Louverture corrige le tir dans l'autre sens, en flattant les réformes de la révolution haïtienne[77], notamment la promotion massive des noirs dans l'armée, car il a maintenant acquis « la certitude que Bonaparte, décidé à utiliser le rapprochement franco-anglais »[77], confirmé par les préliminaires signés le 1er octobre 1801, « hâte le départ d'une puissante expédition militaire »[77].

Le 20 décembre 1801, Toussaint Louverture écrit au président de l'Assemblée centrale de la colonie, une première lettre[77], lui demandant de consulter chacun des membres sur le projet de porter les 13 demi-brigades de l'armée de Saint-Domingue, au complet de 1 500 hommes chacune[77]. Le lendemain, une seconde lettre, datée du 21 décembre[77], demande au même président de cette assemblée des mesures de recrutement car l'effectif, en incluant les gardes d'honneur, guides, canonniers et gendarmerie à cheval, se limite à 25 000 hommes[77]. Louverture souligne alors sa volonté d'opposer à la force par la force, au besoin[77], pour préserver la Constitution du 3 juillet 1801[77], pourtant jugée séparatiste par Bonaparte[77].

Confirmant qu'il a envoyé chercher ses enfants, il évoque notamment « les malveillants font courir le bruit que la France viendra avec des milliers d'hommes »[77] et « les nouvelles de la paix entre la France et l'Angleterre, laquelle ne peut être comme certaine, tant que le gouvernement ne me l'annoncera pas officiellement »[77], pour fustiger ceux « qui n'ont pas honte de dire devant des officiers et des soldats, qui depuis le commencement de la révolution, ont répandu leur sang pour le triomphe de la liberté et la prospérité de cette isle, que la France viendra les réduire, replonger les soldats dans l'esclavage et détruire les officiers »[77]

« Pensent-ils que la France veuille, sans motifs, détruire ses enfants de Saint-Domingue, qui, vainqueurs de tous ses ennemis, intérieurs comme extérieurs, lui ont conservé cette colonie, et l'arrachant des mains de l'anarchie, l'ont rendue florissante? »[77].

Louverture se lie alors avec le général Dessalines par de « nouveaux serments »[77], pour « terrifier ce qui restait de Blancs »[77] et « se procurer le plus grand nombre d'armes possible et de hâter les nouvelles levées »[77]. C'est seulement dès lors qu'il oblige tous les habitants à retirer une « carte de sûreté » dans les municipalités[77], fait incorporer les jeunes gens blancs dans l'armée et réunir les autres dans certains ports[77], inspecte les fortifications de l'île[77]. Il fait arrêter Brouet, ex-juge du tribunal civil, propriétaire de magasins à Kingston, en Jamaïque, et au Cap-Français et de la plantation du Grand-Fond[77] qu'il avait « abandonnée à la garde de Dieu et des infidèles », pour désigner la présence des hommes de l'Lamour Desrances[77].

Début janvier 1802, en inspection à Santo-Domingo[77], informé de l'arrivée imminente de Leclerc[77], Louverture écrit un nouveau manifeste à l'Assemblée centrale, daté du 22 janvier 1802, soulignant sa volonté de défendre la Constitution de Saint-Domingue[77].

Mais sa stratégie, sur fond d'arrivée surprise de l'expédition de Saint-Domingue, « trois mois plus tôt qu'on lui avait fait espérer »[77], n'est pas de résister par des sièges ou batailles rangées[77] à des Français mieux armés et équipés[77], mais de les « harceler »[77] par une « guérilla générale »[77] et imprévisible elle aussi.

Reconquête française et guerre d'indépendance

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Expédition militaire française

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En représailles, Napoléon Bonaparte, qui signe avec l'Angleterre les préliminaires de la paix d'Amiens le , charge une expédition militaire de reprendre le contrôle de l'île. Composée de plusieurs escadres, réunissant des dizaines de milliers de soldats à bord de vaisseaux (le nombre de vaisseaux et de soldats embarqués varie selon les auteurs[86],[87]) , elle est menée par le général Leclerc, beau-frère de Napoléon, mari de Pauline Bonaparte[86].

Prise du Cap-Français par le corps expéditionnaire en févier 1802.

Toussaint arrête une stratégie de défense issue du marronnage : les villes abandonnées à la troupe expéditionnaire française sont incendiées et les troupes locales se retirent sur les hauteurs pour pratiquer une guerre d'usure. Lorsque le général Leclerc arrive au port du Cap en février 1802, il donne un ultimatum de vingt-quatre heures au général Henri Christophe pour lui rendre la ville. Christophe lui répond alors ainsi : « Je ne vous livrerai la ville que lorsqu'elle sera en cendre et sur ces mêmes cendres je combattrai encore »[88],[89]. Les Français investissent le plus souvent des villes en ruines, comme au Cap. Les Noirs résistent, mais reculent devant la puissance de l'armée de Leclerc. À la fin avril, au prix de cinq mille morts et autant de malades ou blessés, les Français tiennent toute la côte.

Le siège de la Crête à Pierrot en 1802, par A. Raffet, gravure Hébert, 1839

Les généraux de Toussaint Louverture, dont Henri Christophe (en avril) et Jean-Jacques Dessalines, lors du siège de la Crête à Pierrot, près de Petite-Rivière-de-l'Artibonite, après trois semaines de combat inégal et sanglant en — se rendent aux Français après d'âpres combats, si bien que Toussaint Louverture lui-même accepte sa reddition en . Il est autorisé à se retirer sur l'une de ses plantations, à proximité du bourg d'Ennery, dans l'ouest de l'île, non loin de la côte. Plus tard, en partant pour la France, Toussaint prononce ces paroles : « En me renversant on n'a abattu à Saint-Domingue que le tronc de l'arbre de la liberté des noirs qui repoussera par ses racines car elles sont profondes et nombreuses. »

Napoléon promulgue la Loi du 20 mai 1802 qui maintient l'esclavage dans les colonies françaises où il n'a pu être aboli, ces dernières étant passées sous domination anglaise (Sainte-Lucie, Tobago et Martinique).

Le , Toussaint Louverture est arrêté malgré sa reddition et Jean-Jacques Dessalines, défait par les Français à la Crête-à-Pierrot, participe à cette arrestation[90]. Louverture est déporté en France, il est interné au fort de Joux, dans le Doubs, où il meurt des rigueurs du climat et de malnutrition le , après avoir prophétisé la victoire des noirs.

Tentative de rétablissement de l'esclavage

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Le Serment des ancêtres, tableau réalisé en 1822 par Guillaume Guillon Lethière. C'est une allégorie de la rencontre, en novembre 1802, entre le mulâtre Alexandre Pétion et le noir Jean-Jacques Dessalines, qui participera à l'union des forces établissant la république d'Haïti contre la France.

Toussaint Louverture neutralisé, Leclerc reçoit l'ordre de rétablir l'esclavage[91] et décide pour cela le désarmement de la population et le met en œuvre à grand renfort d'exécutions sommaires, asphyxie au souffre, noyades, molosses, déportations[92]. Les chefs de couleur se détachent alors peu à peu de l'expédition de Saint-Domingue et rejoignent les insurgés, prenant conscience que l'expédition de Saint-Domingue a essentiellement pour but de rétablir l'esclavage à Saint-Domingue.

C'est en apprenant le rétablissement de l'esclavage à la Guadeloupe qu'Alexandre Pétion donne le signal de la révolte, le . À la tête de cinq cent cinquante hommes, il marche contre le principal poste français du Haut-du-Cap, le cerne, le fait désarmer et sauve quatorze canonniers que les siens veulent égorger : l'armée des « indépendants » est alors formée. Les généraux Geffrard, Clervaux et Christophe viennent se joindre à Pétion, qui accepte de céder au dernier le commandement de l'insurrection.

La Bataille de Saint-Domingue, huile sur toile de Janvier Suchodolski, 1845, Musée de l'Armée polonaise, Varsovie.

Dessalines rejoint alors de nouveau les révoltés, dirigés par Pétion, en octobre 1802. Au congrès de l'Arcahaie (15-), Dessalines réalise à son profit l'unité de commandement. C'est lors de ce congrès que naît le premier drapeau haïtien, bicolore bleu et rouge, inspiré du drapeau français dont la partie blanche — considérée comme symbole de la race blanche et non pas de la royauté — est déchirée. Le , à la tête de l'armée des indigènes, avec à ses côtés Henri Christophe, il impose à Rochambeau — le successeur de Leclerc, mort de la fièvre jaune en novembre 1802 — la capitulation du Cap après la défaite des 2 000 rescapés du corps expéditionnaire français décimé par la fièvre jaune face à plus de 20 000 insurgés à la bataille de Vertières. Rochambeau capitule et négocie l'évacuation de l'île sous 10 jours.

L'indépendance d'Haïti

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Après le départ des Français, Dessalines redonne à Saint-Domingue son nom indien d'Haïti (Ayiti) et proclame l'indépendance et la république le aux Gonaïves. En février de la même année, il ordonne le massacre de la population blanche restante et des métis[93] à l'exception des prêtres, médecins, techniciens.

La première république noire libre du monde vient alors de naître. En métropole, l'Empire est proclamé le 22 septembre suivant.

Nombre de victimes et d'exilés

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Le bilan humain de la guerre patriotique des Noirs contre les Anglais (1794-1798), qui se prolonge par la guerre des couteaux (1799-1800) puis par l'expédition de Saint-Domingue (1801-1804) est particulièrement lourd en vies humaines. À la veille de la révolution, la population de l'île compte environ 550 000 âmes. En 1804, elle est réduite à 300 000.

Selon Claudia E. Sutherland, de l'université de Washington, 100 000 Noirs sur une population de 500 000 et 24 000 Blancs, sur une population de 40 000, sont morts au terme du conflit[3].

S'y ajoute l'exil massif de la population blanche qui forme les Réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique.

Le 28 février 1806, les États-Unis renversent la politique amicale lancée en 1798 et décrètent un blocus contre Haïti[94]. De riches planteurs américains avaient auparavant contribué à financer l’expédition française pour réprimer ce qu'ils percevaient comme une révolte d'esclaves[95].

Conséquences

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L'indépendance d'Haïti installe au pouvoir l'élite de l'armée haïtienne, surtout constituée d'anciens affranchis. Cette élite se divise bientôt en deux factions : les défenseurs d'Alexandre Pétion, principalement mulâtres, et ceux d'Henri Christophe, largement noirs. Ces deux factions, constituant une classe citadine occidentalisée, se disputent le pouvoir tout au long du siècle, la ruralité étant reléguée dans ce que le sociologue Gérard Barthélemy appelle « le pays en dehors ».

Dans la Caraïbe

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Dans le monde atlantique, toute rumeur d’esclaves en révolte ou menace d’agitation politique s’accompagne de la référence à Haïti[96]. Près de 20 000 réfugiés français de Saint-Domingue viennent s'installer dans la région de Santiago de Cuba, qui reste un bastion de l'opposition à la nouvelle république d'Haïti, géographiquement proche, à environ 200 kilomètres en bateau. Après les émeutes anti-françaises de mars 1809 à Cuba, la plupart doivent fuir à La Nouvelle-Orléans, pour grossir les rangs des réfugiés français de Saint-Domingue en Amérique.

En Amérique du Sud

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La révolution haïtienne suscite des espoirs, lorsque Alexandre Pétion en fait une base de repli pour les mouvements révolutionnaires d'Amérique latine. Lorsque Simón Bolívar revient en Haïti en , après avoir été battu en juillet à Ocumare et avoir perdu son armée, le gouverneur Escudero installé à Santiago de Cuba est le premier à informer le général espagnol Pablo Morillo, chef de l'expédition pacificatrice à destination du Venezuela et de la Nouvelle-Grenade du risque couru[97].

Indemnisation de la France et reconnaissance de l'indépendance d'Haïti

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Le baron de Mackau et Jean-Pierre Boyer lors de la négociation du traité franco-haïtien de 1825.

Il faut attendre 1825 pour que la France de Charles X « concède » l'indépendance à Haïti, moyennant le paiement d'une indemnité de 150 millions de francs or pour « dédommager les anciens colons »[98],[99]. Renégociée en 1838 à 90 millions (17 milliards d'euros en 2012), cette dette d'indépendance est entièrement honorée par versements successifs jusqu'en 1883. Cependant, le versement des agios de l'emprunt généré par cette dette s'étale jusqu'au milieu du XXe siècle. Selon Louis-Philippe Dalembert, cette dette contribue à la grande pauvreté qui touche encore le pays[100],[101].

Dimension culturelle

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La révolution haïtienne a pris appui sur une culture enracinée dans le culte des morts, vu comme un relèvement de la mort sociale que subissent les esclaves, culte à partir duquel ils ont construit un système de reconnaissance mutuelle. Cette capacité à se reconstruire est l'apport original de cette révolution. Le philosophe Georg Wilhelm Friedrich Hegel, en étudiant la révolution haïtienne, en retire la leçon suivante : « Et c’est seulement par la mise en jeu de la vie qu’est ainsi éprouvée et avérée la liberté. L’individu qui n’a pas mis sa vie en jeu peut, certes, être reconnu comme personne ; mais il n’est pas parvenu à la vérité de cette reconnaissance, comme étant celle d’une conscience de soi autonome », écrit-il. Ce ne sont plus les philosophes qui enseignent aux peuples, mais ce sont les peuples qui enseignent aux philosophes[102].

Historiographie

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La révolution haïtienne est « trop longtemps occultée »,  aussi bien par les politiques que par les historiens, selon Jean-Michel Caroit, journaliste au Monde[103], en particulier en France[103], alors qu'elle a « produit une conscience collective, une nouvelle façon de penser la question raciale et de concevoir l'identité nationale », selon l'universitaire Michael Dash[103]. Selon l'histoiren Jean-Pierre Le Glaunec, c'est clairement « la plus spectaculaire du XVIIIe siècle », qui a eu comme rôle « d’une certaine manière, de poursuivre et achever l’œuvre des révolutions française et américaine »[104].

L'Unesco lui consacre en août 2009 à Port-au-Prince[103] un colloque international l'associant à « l'universal » en estimant que ce fut « un moment-clé de l'histoire de l'humanité »[103].

Le Martiniquais Aimé Césaire[105], le Trinidadien Cyril Lionel Robert James[106], parti militer aux États-Unis, où il a été un spécialiste reconnu de la « question noire », le Cubain Alejo Carpentier[107] et l'Afro-Américain Frederick Douglass sont les premiers auteurs modernes à évoquer l'importance historique majeure de la révolution haïtienne[103], cependant largement analysée dès le XIXe siècle mais oubliée dans les années 1960 et 1970. L'Haïtien Laënnec Hurbon, spécialiste des questions du Vaudou[108] déplore en particulier que l'esclavage demeure « un impensé de la philosophie politique moderne », y compris chez des auteurs comme Michel Foucault ou Jürgen Habermas[103].

En Europe, mais aussi parfois aux États-Unis, « la presse a construit l'image d'une insurrection sanguinaire et sauvage ne méritant pas le nom de révolution »[103] tandis que des historiens, de Michelet à Renan, « ont nié ou minimisé son impact »[103], certains affirmant un peu rapidement que « le corps expéditionnaire de Napoléon, envoyé pour rétablir l'esclavage (...) n'a pas été défait par les combattants haïtiens, mais par les épidémies » subies par l'expédition de Saint-Domingue[103].

Notes et références

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  1. a et b Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, p. 313.
  2. Francisque Oeschger, Haïti : comment la liberté fut arrachée par le feu et par le sang, Geo, 21 mars 2019.
  3. a et b Claudia E. Sutherland, Haitian Revolution (1791-1804), blackpast.org.
  4. « 23 Août 1791 : Révolte des esclaves à Saint-Domingue (Haïti), une Remémoration d’une lutte pour la liberté », sur L'Encre Noir, (consulté le ).
  5. Robert Cornevin, Haïti, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 2e éd., « La période française. Saint-Domingue perle des Antilles (1697-1791) », p. 23-28
  6. Nathalie Dessens, « Révolution et migration: la route du sucre dans les Amériques », Caravelle (1988-), no 109,‎ , p. 31–43 (ISSN 1147-6753, lire en ligne, consulté le )
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  8. Jean-François Niort, « De l’ordonnance royale de mars 1685 à l’ordonnance locale sur la police générale des Nègres de décembre 1783 : remarques sur le « Code Noir » et son évolution juridique aux Iles françaises du Vent sous l’Ancien Régime », Bulletin de la Société d'Histoire de la Guadeloupe, no 173,‎ , p. 37–52 (ISSN 0583-8266 et 2276-1993, DOI 10.7202/1036583ar, lire en ligne, consulté le )
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  11. Vincent Cousseau, « Parrainer l'esclave : pratiques et enjeux sociaux dans une société coloniale de la Caraïbe (Martinique XVIIe-début du XIXe siècle », Analele Universitatii "Dunarea de Jos" Galati. Istorie, vol. 19, no 5,‎ , p. 93 (lire en ligne, consulté le )
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  14. Robert Cornevin, Haïti, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 2e éd., « Les planteurs blancs et la métropole (avril 1788-août 1791) », p. 28-30
  15. a b et c Déborah Liébart, « Un groupe de pression contre-révolutionnaire : le club Massiac sous la constituante », Annales historiques de la Révolution française, no 354,‎ , p. 29-50 (DOI 10.4000/ahrf.10873, lire en ligne)
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  18. Piquet 2002, chap. 2 et 3.
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  29. Benot 1987-2004, p. 150.
  30. Pour les détails du plan de Mathieu Blanc-Gilli voir Jean Jaurès, Histoire socialiste de la révolution française tome 2, La législative
  31. Piquet 2002.
  32. Benot 1987-2004, p. 135-156.
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  37. Jean-Daniel Piquet, « Jean-Baptiste Belley et Louis Dufay : souvenir et oubli en l’an III d’une lettre à Maximilien Robespierre, « L’ami du seul peuple de Saint-Domingue… c’est-à-dire les jaunes et les noirs » », revue Tierce,‎ .  (rubrique/ Sources)
  38. pièce Zamor et Mirza Editions côté femmes, 1989 préface d'Héleni Varikas ; Voir aussi Olivier Blanc, Olympe de Gouges, Paris, Le Sycomore, 1981 et les débats autour du personnage en 2013 dans les articles de Miryam Perfetti, Florence Gauthier, Olivier Blanc, Sylvia Duverger
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  40. a et b Piquet 2021.
  41. Jean-Pierre Brissot, Mémoires, édition annotée par Claude Perroud, 1909, 3 volumes, tome 2, p. 301.
  42. Benot 1987-2004, p. 126.
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  45. Yves Benot, « Comment la Convention a-t-elle voté l'abolition de l'esclavage en l'an II ? », Annales Historiques de la Révolution Française, , numéro spécial Révolution aux colonies, 1993 no 3-4 préface de Michel Vovelle
  46. Florence Gauthier, « Sources pour l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue », Révolution française.net, 10 mars 2021 (reproduction de travaux publiés en 1993, 1995 et 1998 auxAHRF)
  47. a et b Gauthier 1992.
  48. Ceux qui figurent dans une liste de 47 députés, établie par Buonnarotti et rapportée par Albert Mathiez dans Études sur Robespierre, Paris, Editions Sociales, 1988
  49. Dans ces villes Tallien et Fouché fêtent le décret d'abolition de l'esclavage les 18 février et 10 mars 1794
  50. Pierre Fauchon, l'abbé Grégoire, le prêtre citoyen, Tours, 1989 p. 104 ; Georges Hourdin, L'abbé Grégoire évêque et démocrate, Paris, Desclée de la République, 1989, p. 105 ; Jean-Daniel Piquet, « L'abbé Grégoire, un régicide panthéonisé », Cahiers d'histoire Espace Marx, no 63, 2e trimestre 1996, p. 71.
  51. Marcel Dorigny et Bernard Gainot, La Société des Amis des Noirs (1788-1799), Contribution à l’histoire de l’abolition de l’esclavage, Unesco, .
  52. Jules Michelet, Histoire de la révolution française, Paris, Robert Laffont, 2002 (1979), 2 volumes, tome 2, livre XVII, « les Dantonistes essaient de désarmer la dictature », p. 727.
  53. Jean-Daniel Piquet, « Le discours abolitionniste de Danton (16 pluviôse an II) », Revue d'Histoire et de Philosophie Religieuses, tome 90, juillet-septembre 2010, p. 353-377.
  54. Jacques de Cauna, Haïti, l'éternelle révolution : histoire de sa décolonisation (1789-1804), Monein, PRNG, , 282 p. (ISBN 978-2-914-06764-5), p. 162
  55. Bernard Gainot, « Le général Laveaux, gouverneur de Saint Domingue, député néo-jacobin », Annales historiques de la Révolution française, no 278,‎ , p. 433-454 (DOI 10.3406/ahrf.1989.1281, lire en ligne)
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  57. Understanding Slavery Initiative
  58. a b c d e f g h i j k et l Paul Delmotte, « La Guerre des couteaux (1799-1800 », sur pour.press.
  59. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj et ak Biographie de Toussaint Louverture, écrite en 1877 par Thomas-Prosper Gragnon-Lacoste, de la Commission des Monuments historiques, auteur de plusieurs ouvrages sur Saint-Domingue [1]
  60. Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, . texte en ligne sur google livres.
  61. « Louis-Pierre Dufay, député abolitionniste et homme d’affaires avisé », par Jean-Charles Benzaken, dans les Annales de la Révolution française en avril-juin 2012 [2]
  62. Projet Louverture [3]
  63. Frédéric Régent, op. cit., p. 256
  64. Franck Laraque, « L’incessante lutte des masses haïtiennes pour la liberté et leur existence », Tambour, revue trilingue haïtienne d’études politiques et littéraires,‎ (lire en ligne).
  65. Laraque 2005.
  66. Cahiers d'Haïti-25 avril 1944: 165° Anniversaire du départ du corps des chasseurs volontaires haïtiens qui s'en allèrent aux États-Unis d'Amérique dans leur lutte pour l'indépendance. « Ici se sont réunis les chasseurs volontaires de ce pays en instance de départ sous les ordres du comte d'Estaing pour la campagne de Géorgie. Plaque offerte par le comité du rapprochement haïtiano-américain »
  67. Beaudoin Ardouin, Étude sur l'Histoire d'Haïti, ed. Dezobry et E. Magdeleine, 1853, T-1, p. 367. « 4000 mulâtres à la Croix-des-Bouquets, réclament le bénéfice du décret du 15 mai 1791 de la Constituante accordant l'égalité des droits aux libres »
  68. Michel Placide Justin, Histoire politique et statistique de l'île d'Hayti, Saint-Domingue, Paris, Brière, , p.232 : « Le maréchal de camp de Fontanges, commandant le cordon de l'Ouest, se hâta de reconnaître l'ancien pacte fédératif de Saint-Marc et de La Croix-des-Bouquets, et épargna par cette démarche le petit nombre de colons qui avaient échappé aux premiers massacres. Les chefs militaires de la colonie et toutes les paroisses de l'Ouest, à l'exception de Port-au-Prince, suivirent l'exemple de ce chef »
  69. Général Pamphile de Lacroix, La Révolution de Haïti, Paris , 1995, réédition annotée par Pierre Pluchon, (index biographique. Page 475)
  70. Justin 1832, p. 233: « L'Assemblée coloniale, après avoir fait emprisonner tous ceux des officiers qui refusaient d'obéir aux ordres, fit marcher sur la Croix-des-Bouquets toute la garnison qui se trouvait dans la place et arriva le 23 mars dans le bourg... »
  71. a b c d e et f Vie de Toussaint-Louverture par Victor Schœlcher, compte-rendu de lecture par Jean Fouchard dans la revue Outre-Mers en 1986 [4]
  72. Frédéric Régent, op. cit., p. 257
  73. Rapport de Philippe-Rose Roume sur Sa Mission À Saint-Domingue, Qualité de Commissaire-National-Civil réimprimé en 2017.
  74. a et b La révolution haïtienne au-delà de ses frontières, par Giulia Bonacci en 2006 [5]
  75. a et b Jean-Jacques Dessalines. Paroles D’Outre-Tombe, par Jean Sénat Fleury, Éditeur Xlibris US, en 2018 [6]
  76. Frédéric Régent, op. cit., p. 258
  77. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab ac ad ae af ag ah ai aj ak al am an ao ap aq ar et as Toussaint Louverture défie Bonaparte. L'adresse inédite du 20 décembre 1801 par Pierre Pluchon dans la revue d'histoire Outre-Mers en 1992 [7]
  78. « Points de repères historiques pour comprendre l’Haïti d’aujourd’hui », Pouvoirs dans la Caraïbe 1998 https://journals.openedition.org/plc/643?lang=en]
  79. Thomas Madiou, Histoire d’Haïti Tome II, 1799–1803, éditions Deschamps, 1989, cité par Laraque 2005.
  80. Paul Moral, Le Paysan Haïtien. Étude sur la vie rurale en Haïti, aux éditions Fardin en 1978, cité par Laraque 2005
  81. Solon Ménos, Dantès Bellegarde et Georges Sylvain, « Comment se concerta la lutte pour l'indépendance », dans Auteurs haïtiens: Morceaux choisis, Impr. de Mme F. Smith, (lire en ligne), p. 30
  82. Toussaint Louverture, Toussaint L'Ouverture: A Biography and Autobiography, 308–309 p. (lire en ligne)
  83. Toussaint L'Ouverture (trad. Beard, J. R. (John Relly)), Toussaint L'Ouverture: A Biography and Autobiography, Boston, James Redpath, , 308–309 p. (lire en ligne)
  84. Mémoire pour servir à l'histoire de la Révolution de Saint-Domingue par François Joseph Pamphile de Lacroix
  85. retrouvée seulement au début des années 1990 par Monique Pouliquen, conservatrice en chef aux Archives nationales
  86. a et b Robert Cornevin, Haïti, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 2e éd., « Campagne du général Leclerc et guerre de l'indépendance », p. 40-42
  87. Aimé Césaire, Toussaint Louverture, Présence africaine, (1re éd. 1960), « La rupture »
  88. Aimé Césaire, Toussaint Louverture, Présence africaine, (1re éd. 1960), « La logique d'un système »
  89. Thomas Madiou, Histoire d’Haïti, 1847-1848, t. II, chap. 22, p. 142
  90. Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture, P. Ollendorff, 1889, p. 348.
  91. Lettre du ministre de la marine Decrès au général Leclerc, 25 prairial an X (14 juin 1802).
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  98. Itazienne Eugène, « La normalisation des relations franco-haïtiennes (1825-1838) », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 90, no 340,‎ , p. 139–154 (DOI 10.3406/outre.2003.4049, lire en ligne, consulté le )
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  105. Cahier d'un retour au pays natal, par Aimé Césaire.
  106. Les Jacobins noirs par Cyril Lionel Robert James
  107. Le Royaume de ce monde par Alejo Carpentier.
  108. Laënnec Hurbon, Comprendre Haïti. Essai sur l'État, la nation, la culture, Paris, Karthala, 1987

Bibliographie

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Ouvrages historiques

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  • Thomas Madiou, Histoire d'Haïti, Tome I, [lire en ligne].
  • Victor Schœlcher, Vie de Toussaint Louverture, Éditions Karthala, (réimpr. 1982).
  • Lucien-René Abenon, Jacques de Cauna, Liliane Chauleau, Antilles 1789 - La Révolution aux Caraïbes, Paris, Nathan, 1989.
  • Gérard Barthélémy, L'Univers rural haïtien : le pays en dehors, Paris, L'Harmattan, 1991 (ISBN 2-7384-0840-0).
  • Yves Benot, La révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte, 1987-2004.
  • François Blancpain, La Colonie française de Saint-Domingue, Paris, Karthala, 2004 (ISBN 2-84586-590-2).
  • Justin Chrysostome Dorsainvil, Manuel d'Histoire d'Haïti, Port-au-Prince, 1929.
  • Laurent Dubois, Les Vengeurs du Nouveau Monde. Histoire de la Révolution haïtienne, Rennes, Les Perséides, 2005 (ISBN 978-2-915596-13-7).
  • Carolyn Fick, Haïti, naissance d'une nation. La Révolution haïtienne vue d'en bas, Rennes, Les Perséides, 2013.
  • Florence Gauthier, Triomphe et mort du droit naturel en révolution 1789-1795-1802, Paris, PUF, .
  • Philippe R. Girard, Ces esclaves qui ont vaincu Napoléon. Toussaint Louverture et la guerre d’indépendance haïtienne (1801-1804), Rennes, Les Perséides, 2013.
  • Alejandro E. Gómez, Le Spectre de la révolution noire. L'impact de la révolution haïtienne dans le monde atlantique, 1790-1886, Rennes, PUR, 2013.
  • Jean Jaurès, Histoire socialiste de la révolution française, tome 2, Editions sociales, 1968 La Législative.
  • Jean-Daniel Piquet, L'Emancipation des Noirs dans la révolution française 1789-1795, Paris, Karthala, .
  • Jacques Thibau, Le temps de Saint-Domingue ; l'esclavage et la révolution française Paris, Jean-Claude Lattès, 1989.

Œuvres de fiction

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Articles connexes

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Officiers supérieurs de la Révolution haïtienne

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La Légion du Sud
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La Légion du Nord
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Les combattants exilés dans l'Empire Espagnol
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Liens externes

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