Protonthérapie

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Le poste de contrôle du synchrocyclotron du centre de protonthérapie d'Orsay
Le Centre de protonthérapie d'Orsay
Protonthérapie synchrocyclotron en la Mayo Clinic, Rochester, Minnesota, États-Unis

La protonthérapie est une technique de radiothérapie visant à détruire les cellules cancéreuses en les irradiant avec un faisceau de particules. Contrairement à la radiothérapie « conventionnelle », elle focalise un faisceau de protons sur les lésions. À ce titre, c'est une branche de l'hadronthérapie qui regroupe les techniques de radiothérapie utilisant des ions légers à la place des photons.

Développement de la technique[modifier | modifier le code]

La protonthérapie représente un intérêt en raison de sa capacité à cibler précisément et à détruire les tumeurs à la fois à la surface mais également installées en profondeur dans le corps, en minimisant les dommages occasionnés aux tissus biologiques environnants. Elle est donc préférentiellement utilisée pour traiter certains types de tumeurs pour lesquelles la radiothérapie conventionnelle à base de photon (rayon X) endommagerait les tissus sains environnants et radiosensibles. Ceci est d'une importance particulière dans le cas de patients pédiatriques où les effets à long terme tels que le déclenchement de tumeurs secondaires provoquées par la dose totale de radiation dans le corps serait problématique. Du fait de la plus faible dose délivrée aux tissus sains, les protons ont des effets collatéraux moins sévères que la radiothérapie conventionnelle.

Historiquement, un domaine où la protonthérapie a eu très tôt des applications bénéfiques fut le traitement des mélanomes malins de la choroïde, un type de cancer de l'œil pour lequel le seul traitement connu était l'énucléation (extraction de l'œil)[1]. Aujourd'hui, la protonthérapie est l'une des techniques qui permet de traiter cette tumeur sans mutilation. La protonthérapie est utilisée sur les cancers qui ne se sont pas encore propagés[2]. La radiothérapie conventionnelle a fait de gros progrès ces dernières années grâce aux techniques de radiochirurgie. En conséquence, l’intérêt et l'usage de la protonthérapie se trouvent limités à certains cancers ou à certains patients tel que les enfants.

Technique et fonctionnement[modifier | modifier le code]

La protonthérapie, comme toutes les formes de radiothérapie, fonctionne en envoyant des particules énergétiques ionisantes (dans ce cas, des protons) dans la tumeur cible. Ces particules endommagent l'ADN des cellules jusqu'à finalement causer leur mort. Du fait de leur forte propension à la division cellulaire, et de leur aptitude réduite à la réparation des brins d'ADN endommagés, les cellules cancéreuses sont particulièrement vulnérables à cette attaque sur leur ADN.

Comme les protons se dispersent peu dans les tissus (il y a très peu de dispersion latérale), le faisceau de protons reste concentré sur la forme de la tumeur sans trop de dommages latéraux aux tissus environnants. Tous les protons d'une certaine énergie ont une certaine distance de pénétration; aucun proton n'accède au-delà de cette limite. De plus, la dose délivrée au tissu est maximale juste sur les derniers millimètres du parcours des protons, ce maximum est appelé pic de Bragg (voir pouvoir d'arrêt), du nom de William Henry Bragg qui découvrit le phénomène en 1903. Cette profondeur dépend de l'énergie à laquelle les particules ont été accélérées par l'accélérateur de proton, énergie qui peut être ajustée jusqu'au maximum des capacités de l'accélérateur. Il est de ce fait possible de concentrer la destruction des cellules par le faisceau de protons là où la tumeur est située. Les tissus situés sur le parcours des particules, en amont du pic de Bragg, recevront une dose modérée et les tissus situés après le pic de Bragg ne recevront rien.

La protonthérapie, cependant, nécessite de gros équipements. Par exemple, le centre de protonthérapie d'Orsay, en France, utilise un cyclotron de 240 tonnes. De tels équipements n'étaient à l'origine disponibles que dans les centres étudiant la physique des particules. Et dans le cas de l'installation d'Orsay, la machine de traitement fut convertie d'une utilisation de recherche en physique vers une utilisation médicale.

De nos jours, il y a plusieurs centres dédiés à la protonthérapie en fonctionnement ou en construction en Amérique du Nord, Europe, Asie et Afrique du Sud. La thérapie par faisceau de protons a eu de remarquables succès dans le traitement de plusieurs types de cancers, incluant les tumeurs du cerveau et celles de la colonne vertébrale, aussi bien que celles de la prostate. Certains chercheurs ont émis l'idée que les antiprotons pourraient être encore plus efficaces pour détruire les cellules cancéreuses que leurs opposés protons. Pour le moment, seuls des recherches préliminaires sur culture de cellules ont été menées[3],[4].

Histoire[modifier | modifier le code]

C'est avec l'émergence des premiers accélérateurs de particules dans les années 1920 qu'apparaît la possibilité de traiter des cellules cancéreuses grâce à des électrons mais également grâce à des particules plus lourdes telles que les protons ou les ions plus lourds. C'est en 1946 que Robert R. Wilson fut le premier à proposer l'usage de faisceaux de protons pour le traitement du cancer et c'est ainsi qu'en 1954, sous l'impulsion du physicien Ernest Orlando Lawrence et de son frère le médecin John H. Lawrence que le cyclotron du laboratoire de Berkeley fut utilisé pour traiter le premier patient par proton-thérapie. Les résultats de ce traitement ont dépassé toutes les attentes[5]. Par la suite, L'Institut Gustav Werner à Uppsala en Suède fut le premier à intégrer le pic de Bragg et les concepts proposés par Robert Wilson dans les études de protonthérapie. Un cyclotron de 185 MeV a été utilisé pour traiter le premier groupe de patients entre la fin des années 1950 et le début des années 1960 avec Lars Leksel. Le début de l’ère de proton-thérapie en oncologie a eu lieu en Russie en 1967 à Doubna à l'Institut de recherche nucléaire et à Moscou à l'Institut de Physiques théorique et expérimentale. Depuis 1975, à l’institut de Physique nucléaire à Leningrad en Union Soviétique les patients ont bénéficié le traitement des différents types d'adénomes hypophysaires et des malformations vasculaires cérébrales. Le traitement a été réalisé par l’énergie des protons MeV sur la base de synchrocyclotron. L'idée d'utiliser des ions plus lourds, aussi appelés hadrons, naît rapidement dans l'esprit des physiciens et en 1957 le laboratoire de Berkeley utilise des faisceaux d'ions hélium pour traiter des patients puis des faisceaux d'ions carbone dès 1975. Toutefois ces pionniers de l'hadronthérapie ne seront réellement suivis par une recherche plus approfondie que vingt années plus tard. En 2010, une cinquantaine de centres de proton-thérapie sont ouverts dans le monde, le plus grand nombre aux États-Unis, au Japon et en Europe. Aujourd'hui, ingénieurs et scientifiques travaillent sur plusieurs améliorations notamment dans l'acquisition de faisceaux d'ions et de protons plus performants et précis à travers l'accélération par pression de rayonnement avec de très fines couches de plasma[6].

Quelques centres de protonthérapie[modifier | modifier le code]

Voir ptcog.ch

Centres de protonthérapie (liste incomplète)
Nom Ville Pays Ouverture
UZ Leuven (Hôpital universitaire de Louvain)[7] Louvain Drapeau de la Belgique Belgique 2019
Charleroi Charleroi Drapeau de la Belgique Belgique 2021 ?
Westdeutschen Protonentherapiezentrum Essen[8] Essen Drapeau de l'Allemagne Allemagne 2016
ISL[9], Helmholtz-Zentrum Berlin für Materialien und Energie et hôpital universitaire de la Charité de Berlin Berlin Drapeau de l'Allemagne Allemagne
RPTC Rinecker Proton Therapy Center[10] Munich Drapeau de l'Allemagne Allemagne
Wanjie Proton Therapy Center[11] Zibo Drapeau de la République populaire de Chine Chine
Clínica Universidad de Navarra[12] Madrid Drapeau de l'Espagne Espagne 2020
Université de Californie à Davis, Crocker Nuclear Laboratory[13] Davis, CA Drapeau des États-Unis États-Unis
Loma Linda University Medical Center[14] Loma Linda, CA Drapeau des États-Unis États-Unis
Indiana University Health Proton Therapy Center Bloomington, IN Drapeau des États-Unis États-Unis
Centre médical MD Anderson[15] Houston Drapeau des États-Unis États-Unis
CDH Proton Center[16] Warrenville, IL Drapeau des États-Unis États-Unis
University of Florida Proton Therapy Institute[17] Jacksonville Drapeau des États-Unis États-Unis
ProCure Proton Therapy Center Oklahoma City Oklahoma City Drapeau des États-Unis États-Unis
The Roberts Proton Therapy Center[18] Philadelphie Drapeau des États-Unis États-Unis
Hampton University Proton Therapy Institute[19] Hampton Drapeau des États-Unis États-Unis
ProCure Proton Therapy Center[20] Somerset, NJ Drapeau des États-Unis États-Unis
ProCure Proton Therapy Center[21] Seattle, WA Drapeau des États-Unis États-Unis
Siteman Cancer Center[22] Saint-Louis, MO Drapeau des États-Unis États-Unis
Provsion Proton Therapy Center[23] Knoxville, TN Drapeau des États-Unis États-Unis
Francis H. Burr Proton Therapy Center[24] Boston Drapeau des États-Unis États-Unis
Proton Medical Research Center, University of Tsukuba[25] Tsukuba Drapeau du Japon Japon
Centro di Protonterapia, APSS Trento[26] Trente Drapeau de l'Italie Italie
Centre de protonthérapie de l'Institut Curie[27] Orsay Drapeau de la France France 2010[28]
Centre Antoine-Lacassagne[29] Nice Drapeau de la France France 2016[28]
Cyclhad[30] Caen Drapeau de la France France 2018[28]
Bronowice CC Cracovie Pologne 2011
PTCC Prague République tchèque 2012
SkandionKliniken Uppsala Suède 2015
Institut Paul Scherrer[31] Villigen Drapeau de la Suisse Suisse

Protonthérapie vs. Radiothérapie conventionnelle[modifier | modifier le code]

Comme expliqué plus haut, la protonthérapie se différencie de la radiothérapie conventionnelle par sa capacité à administrer la dose souhaitée dans la tumeur en gardant une dose assez faible dans les organes et tissus sains qui l'entourent. Cela vient des propriétés des protons (particules directement ionisantes) aux énergies utilisées qui interagissent avec la matière différemment des photons (particules indirectement ionisantes).

Tout au long de leur vie, les organes et tissus de l'être humain ne peuvent être exposés qu'à une certaine dose de radiation, que l'on appelle la dose de tolérance des organes à risque. Pour chaque tumeur, il y a donc une certaine dose thérapeutique qui permet de contrôler cette tumeur sans dépasser cette dose de tolérance.

  • La courbe rouge représente un traitement par radiothérapie conventionnelle, c’est-à-dire par exposition à un ou des faisceaux de photons (rayons X). Les rayons pénètrent les tissus et les traversent cédant leur énergie aux particules chargés (ionisation) qui vont induire un dépôt d'énergie, une dose, importante dès leur entrée dans le corps du patient. Mais, dans ce cas, les rayons continuent à irradier l’organisme après la tumeur (exit dose) ce qui endommage les tissus sains devant et derrière la tumeur ;
  • la courbe bleue représente un traitement par protonthérapie, c’est-à-dire par exposition à un ou des faisceaux de protons. Ceux-ci pénètrent les tissus, interagissent et puis sont stoppés. Ils déposent une dose constante relativement réduite dès la pénétration du corps et libèrent une dose maximale pour une vitesse, donc une énergie cinétique, précise : l'énergie cinétique initiale des protons (avant pénétration) sera choisie de telle sorte que cette dose maximum se situe au niveau de la tumeur. Ce maximum est appelé « pic de Bragg ».

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Boris Peter Selby, Georgios Sakas. et al. (2007) « Pose estimation of eyes for particle beam treatment of tumors » in : Horsch A, Deserno TM (eds): Medical Image Processing 2007. Springer Berlin/Heidelberg, p. 368-373
  2. Mélanome malin de la choroïde SNOF
  3. « CERN Bulletin »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  4. Elsevier Article Locator
  5. « Protonthérapie »
  6. (en) Tim Arniko Meinhold et Naveen Kumar, « Radiation pressure acceleration of protons from structured thin-foil targets », Journal of Plasma Physics, vol. 87, no 6,‎ , p. 905870607 (ISSN 0022-3778 et 1469-7807, DOI 10.1017/S0022377821001070, lire en ligne, consulté le )
  7. « Création d’un centre de protonthérapie dans la lutte contre le cancer ».
  8. (de) « Protonentherapie Essen: Strahlentherapie mit Protonen am WPE », sur Westdeutsches Protonentherapiezentrum Essen (WPE) (consulté le ).
  9. « hmi.de/isl »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  10. RPTC Rinecker Proton Therapy Center
  11. Wanjie Proton Therapy Center
  12. (es) Cristina Sáez, « Radioterapia con protones, una nueva arma contra el cáncer », sur www.lavanguardia.com, (consulté le )
  13. (en) « CNL Home », sur ucdavis.edu via Wikiwix (consulté le ).
  14. « Proton Therapy Treatment and Research Center », Loma Linda University Medical Center (consulté le ).
  15. « Proton Therapy Center », University of Texas MD Anderson Cancer Center (consulté le ).
  16. « Illinois Proton Therapy Treatment Center », ProCure (consulté le ).
  17. University of Florida Proton Therapy Institute.
  18. « The Roberts Proton Therapy Center »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  19. Hampton University Proton Therapy Institute
  20. « New Jersey Proton Therapy Treatment Center », ProCure (consulté le ).
  21. « SCCA Proton Therapy, A ProCure Center », ProCure (consulté le ).
  22. « Siteman Cancer Center Treats First Patient With First-of-Its-Kind Proton Therapy System », PRWeb (consulté le ).
  23. « Proton therapy cancer treatment center opens, first of its kind in Tennessee », WATE-TV (consulté le ).
  24. Francis H. Burr Proton Therapy Center.
  25. « Proton Medical Research Center University of Tsukuba »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) (consulté le )
  26. Centro di Protonterapia, APSS Trento
  27. Centre de protonthérapie de l'Institut Curie
  28. a b et c Dendale R, Thariat J, Doyen J, J Balosso J, Mahé M-A et al., « État des lieux de la protonthérapie en France en 2019 [Proton therapy in France in 2019] », Cancer Radiother, vol. 23, nos 6-7,‎ , p. 617-24. (PMID 31477441, DOI 10.1016/j.canrad.2019.07.129, lire en ligne [html])
  29. Centre Antoine-Lacassagne
  30. « Laboratoire de physique corpusculaire de CAEN - ARCHADE », sur www.lpc-caen.in2p3.fr (consulté le ).
  31. « Nouvelle station de protonthérapie à l'Institut Paul Scherrer », sur www.swissinfo.ch, (consulté le )

Liens externes[modifier | modifier le code]