Propagande par le fait

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La « propagande par le fait », à ne pas confondre avec l'action directe, est une stratégie d'action politique développée par une partie des militants anarchistes à la fin du XIXe siècle, en association avec la propagande écrite et verbale. Elle proclame le « fait insurrectionnel » « moyen de propagande le plus efficace »[1] et vise à sortir du « terrain légal » pour passer d'une « période d’affirmation » à une « période d’action », de « révolte permanente », la « seule voie menant à la révolution »[2].

Les actions de propagande par le fait utilisent des moyens très divers, dans l'espoir de provoquer une prise de conscience populaire[3]. Elles englobent les attentats, les actions de récupération et de reprise individuelle, les expéditions punitives, le sabotage, le boycott, voire certains actes de guérilla[4].

Bien qu'ayant été largement employé au niveau mondial, le recours à ce type d'action reste un phénomène marginal, dénoncé par de nombreux anarchistes[4].

Histoire

À l'instar du terrorisme russe de la fin du XIXe siècle, l'action violente anarchiste bénéficie d'une représentation positive dans l'imaginaire populaire[5]. Perçu comme un idéaliste révolté et romantique, l'action violente anarchiste doit en partie cette sympathie à la littérature classique, et ce malgré des faits parfois d'une extrême violence[5]. Oscillant entre l'approbation et la condamnation, certains auteurs semblent éprouver une sorte de fascination pour l'action violente anarchiste[5]. De manière paradoxale, certains écrivains, à l'exemple d'Octave Mirbeau et de Bernard Lazare, pourtant proches de l'anarchisme, semblent résister à cette fascination pour « l'anarchisme masqué », alors que d'autres, sans sympathie anarchiste affirmée, s'en font les plus ardents défenseurs[6]. Naturalistes et symbolistes s'affrontent également sur ce terrain, les premiers condamnant l'« éternelle poésie noire » (Zola), les seconds saluant l'« éclat décoratif » de l'attentat (Mallarmé).

L'anarchisme est depuis longtemps associé à l'action violente dans l'esprit du public et des pouvoirs. En dépit des critiques, parfois sévères, adressées par beaucoup de théoriciens, sympathisants et activistes libertaires, à l'exemple d'Élisée Reclus et Pierre Kropotkine, l'imaginaire collectif continue d'associer l'anarchisme au chaos, à la violence, voire à la destruction pure et simple de la société[7].

Contexte économique et social

Le premier auteur donnant à l'anarchie un sens positif est Pierre-Joseph Proudhon en 1840, avec la publication de son livre Qu'est-ce que la propriété ? L'anarchisme, d'abord connoté négativement, se développe au XIXe siècle à travers plusieurs pays comme l'Allemagne, l'Italie avec Errico Malatesta ou encore dans les pays anglo-saxons au sein des Industrial Workers of the World, et la Russie avec Kropotkine. Cette période connaît de grandes tensions nationales et sociales propices aux discours révolutionnaires[8].

Pyramide du système capitaliste (1911)

Europe et États-Unis connaissent progrès techniques et transformations économiques jusqu'alors sans précédent. De 1800 à 1870, le PIB par habitant des pays industrialisés est multiplié par quatre, mais pourtant le niveau de vie de la plus grande partie de la population ne s'améliore pas[9].

Dans le milieu des années 1890, les progrès de la deuxième révolution industrielle et de l'industrie lourde contribuent à structurer les mouvements ouvriers. L'essor des partis ouvriers et du syndicalisme alimente l'espoir d'une amélioration, à terme, du quotidien, mais aussi d'un renversement du capitalisme[9].

Entre 1875 et 1885, les salaires ouvriers en France restent bas, à peine supérieurs à ceux de la Société d'Ancien Régime. Dans les pays industrialisés, ils connaissent une progression de 20 % entre 1895 et 1914. En même temps, les rudiments d'une sécurité sociale se mettent en place[9].

Ces améliorations significatives résultent largement d'une prise en compte par une partie du personnel politique des revendications des salariés. En accompagnement des développements de l'industrie, les pays développés comptent en 1890 déjà 2,2 millions de syndiqués. Ils sont 4,9 millions en 1900 ; 8,3 millions en 1910 ; 15,3 millions en 1913 ; 34,5 millions en 1919[9], .

Origines

« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs »

— Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793, article 35

L'échec sur le plan social des révolutions de 1848, les persécutions subies par les milieux socialistes ainsi que les conditions difficiles rencontrées par les exilés, entraînent peu à peu le raidissement des positions socialiste-révolutionnaires et anarchistes. Dans son essai Der Mord (Le Meurtre, 1848), le radical démocrate Karl Heinzen élabore la première doctrine cohérente du terrorisme[10] : « Si vous devez faire sauter la moitié d’un continent et répandre un bain de sang pour détruire le parti des barbares, n’ayez aucun scrupule de conscience. Celui qui ne sacrifierait pas joyeusement sa vie pour avoir la satisfaction d’exterminer un million de barbares n’est pas un véritable républicain[10] ».

En 1871, la Semaine sanglante met fin à la Commune de Paris, la section française de l'Association internationale des travailleurs est dissoute, « les révolutionnaires fusillés, envoyés au bagne ou condamnés à l'exil (...) ; la terreur confinant au plus profond des logis les rares hommes échappés au massacre[11] ». Le mur des Fédérés devient dès lors le symbole de l'oppression bourgeoise. Eugène Pottier proclame dans Le Mur voilé (1886), « Ton histoire, Bourgeoisie, Est écrite sur ce mur ».

Le massacre de 30 000 Parisiens par Adolphe Thiers, avec l'approbation quasi unanime des classes moyennes, marque un tournant moral dans l'histoire ouvrière européenne. De nombreux révolutionnaires finirent par se convaincre que la terreur devait être combattue par la terreur, et ce d'autant plus facilement que les exécutions de masse continuaient en Russie, s'ajoutant aux massacres de prisonniers constatés à Cadix en 1873, à la liquidation violente par l'armée des vagues de grèves de 1877 aux États-Unis ou encore aux erreurs judiciaires condamnant à mort des innocents comme à Chicago en 1886[12].

Développement

« Les bourgeois nous tuent par la faim ; volons, tuons, dynamitons, tous les moyens sont bons pour nous débarrasser de cette pourriture »

— Michel Zévaco, cité par Alexandre Bérard, Les Mystiques de l'anarchie : documents d'études sociales sur l'anarchie, A.-H. Storck, Lyon, 1897

En 1876, au cours du congrès international de Berne, Errico Malatesta lance « la guerre continuelle aux institutions établies, voilà ce que nous appelons la révolution en permanence ! ».

Le , Andrea Costa anime à Genève une conférence sur la « propagande par le fait ». Andrea Costa est considéré par James Guillaume[13] comme l'inventeur de ce néologisme popularisé quelques semaines plus tard par Paul Brousse dans un article du Bulletin de la Fédération jurassienne.

Dès son apparition en France, la presse anarchiste défend ces méthodes d'action. La Révolution sociale inaugure une rubrique « Études scientifiques » sur la fabrication des bombes. La Lutte, Le Drapeau noir, La Varlope et La Lutte sociale suivent en créant des rubriques aux noms évocateurs tels que « Produits antibourgeois » ou « Arsenal scientifique[14] ». Dans Le Révolté du , Pierre Kropotkine clame « La révolte permanente par la parole, par l'écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite (...), tout est bon pour nous qui n'est pas la légalité »[Note 1],[15],[16],[17],[18],[19]. Mais, sept ans plus tard, Kropotkine écrit, toujours dans Le Révolté, qu'« Un édifice basé sur des siècles d´histoire ne se détruit pas avec quelques kilos d´explosifs[20]. »

Le , Louise Michel déclare au groupe révolutionnaire du XVIIIe arrondissement de Paris :

« Mais regardez donc ce qui se passe en Russie ; regardez le grand parti nihiliste, voyez ses membres qui savent si hardiment et si glorieusement mourir ! Que ne faites-vous comme eux ? Manque-t-il donc de pioches pour creuser des souterrains, de dynamite pour faire sauter Paris, de pétrole pour tout incendier ?
  Imitez les nihilistes, et je serai à votre tête ; alors seulement nous serons dignes de la liberté, nous pourrons la conquérir ; sur les débris d'une société pourrie qui craque de toutes parts et dont tout bon citoyen doit se débarrasser par le fer et le feu, nous établirons le nouveau monde social[21]. »

Cette nouvelle stratégie est adoptée le au Congrès international anarchiste de Londres (où étaient présents Louise Michel et Émile Pouget). Elle devait se trouver sur le terrain de l'illégalité, avec des moyens en adéquation avec le but révolutionnaire qu'était le communisme libertaire.

En 1882, le groupe La Panthère des Batignolles (Paris, 17e arrondissement) consacre sa première réunion à la « confection des bombes à main ». Des tombolas sont organisées, avec des armes pour lots principaux[22].

Les mots d'ordre véhiculés par la presse anarchiste de l'époque correspondent à une stratégie d'action fondée sur des actes individuels allant de l'assassinat à l'incendie, en passant par l'empoisonnement ou le pillage. Il ne s'agit pas, par ses moyens, de régler les problèmes sociaux mais d'attirer l'attention des exploités sur les causes de leur servitude.

Kropotkine (et entretemps beaucoup d'autres « compagnons ») change de position en 1887 (quelques années avant la période « terroriste »).

« L'âge d'or » du terrorisme anarchiste (1880-1888)

La « propagande par le fait » se réalise par une série de coups de main, de faits insurrectionnels, d'assassinats et d'attentats vengeurs. Elle mêle socialiste-révolutionnaires, nihilistes et anarchistes, qu'il est parfois difficile de différencier, d'autant que ces mouvements sont tous trois influencés par les idées de Mikhaïl Bakounine. C'est lui qui conceptualisa l'action directe en l'associant à la terreur et en la mettant directement en application à Lyon[23].

« Je voudrais que le prix de ma vie, c’est-à-dire ma mort, fût l’étincelle qui mît le feu aux poudres, et que la Révolution éclatât. Cela suffit aux âmes tendres et droites qui roulent sous l’échafaud »

— Jacques Sautarel, Lueurs économiques[24]

Propagande anti-anarchiste (1919).

La section italienne de l'AIT, à l'origine de cette nouvelle stratégie politique, crée le Comité italien pour la révolution sociale en janvier 1874 et organise aussitôt plusieurs tentatives de soulèvements populaires jusqu'en 1877[25],[26].

La plus connue est organisée par Carlo Cafiero et Errico Malatesta. Le , une trentaine de militants armés, dont les deux théoriciens, surgirent dans les montagnes de la province italienne de Bénévent, brûlèrent les actes de propriété d'un petit village, distribuèrent aux miséreux le contenu de la caisse du percepteur, tentèrent d'appliquer un « communisme libertaire en miniature ». Les paysans les ont observés mais pas suivis, malgré un enthousiasme relatif au départ quand l'autorité du roi fut abolie dans ces villages. Les anarchistes furent finalement capturés, après une fusillade.

Ces premiers essais de guérilla échouèrent sans avoir inquiété la monarchie italienne, mais ils impressionnent durablement les compagnons. Rapidement, toute forme d'action contre la propriété privée ou les pouvoirs publics est considérée comme « propagande par le fait ». Influencés par les nihilistes, les anarchistes conçoivent de plus en plus l'action anarchiste sous l'angle du terrorisme, au détriment des activités syndicales ou collectives[26].

1878 marque l'entrée dans l'âge « classique » du terrorisme. Pendant un demi-siècle, l'imaginaire bourgeois sera hanté par la figure du nihiliste et de l'anarchiste, poseurs de bombe[12]

Véra Zassoulitch, première femme à passer à l'action, tente le d'assassiner le général Fiodor Trepov, responsable de la torture des prisonniers narodniks. Jugée le , elle est acquittée.

Le 11 mai et le , l'empereur Guillaume Ier d'Allemagne est victime de deux tentatives d'assassinat organisées par les anarchistes Max Hödel et Karl Nobiling[7]. Ces tentatives serviront de prétexte à Bismarck pour réprimer les sociaux-démocrates allemands, en faisant adopter par le Reichstag le les « lois anti-socialistes » [7].

Le , Joan Oliva Moncasi tente d'assassiner le roi Alphonse XII d'Espagne. Le , c'est au tour de Giovanni Passannante de tenter d'assassiner le roi Humbert Ier d'Italie.

L'année 1878 se termine par une encyclique du pape Léon XIII consacrée à la « peste mortelle » du communisme[12]. Publié le , l'encyclique Quod apostolici muneris condamne « socialistes, communistes et nihilistes » accusés de vouloir « bouleverser les fondements de la société civile » et « renverser tout l'ordre surnaturel » au nom des « délires de la seule raison[27] ».

Le , l'empereur Alexandre II de Russie est assassiné par la Narodnaïa Volïa. Le geste est salué par la presse anarchiste, notamment dans Le Révolté et La Révolution sociale.

En France, un premier attentat attribué aux anarchistes est incité puis supervisé par Louis Andrieux, préfet de police. Son but est de mettre la main sur un « nid de dynamiteurs » en facilitant leur arrestation. La cible retenue est la statue d'Adolphe Thiers, le « boucher de la Commune », à Saint-Germain-en-Laye. L'attentat a lieu dans la nuit du 15 au et ne fait aucun dégâts, au plus une mince tache noire. Ne pouvant intervenir sur une accusation aussi mince sans dévoiler le dispositif de la police, Louis Andrieux préfère continuer sa surveillance. Finalement démasqué par les compagnons, l'agent provocateur Égide Spilleux met fin le à l'épopée rocambolesque de La Révolution sociale, journal anarchiste financé et administré par la préfecture de police[28].

Les martyrs de Chicago, par Walter Crane (1894)

Un mois plus tard, le , Émile Florion, ouvrier tisseur de 23 ans, arrive à Paris avec le projet de tuer Gambetta. Le 20 octobre, n'ayant pu approcher sa victime, il décide d'abattre le « premier bourgeois venu » et tire à deux reprises sur le docteur Meymar. Il tente ensuite de se suicider, mais ne parvient qu'à se blesser légèrement. Meymar est indemne. Bien qu'ayant exprimé des regrets lors de son procès, Émile Florion est condamné à vingt ans de travaux forcés le 27 octobre suivant. Il accueille la sentence au cri de « Vive la révolution sociale[29] ! » Son geste sera souvent cité en exemple par Le Révolté.

1882 voit l'apparition à Montceau-les-Mines de différentes organisations syndicale anarchistes minières dénommées Bandes noires, ils commettent alors divers attentats contre les symboles de l'église, ainsi que contre les Informateurs et ceux considérés comme bourgeois. Leurs attaques cessent en 1884 à la suite d'un piège organisé par la gendarmerie. Ce deuxième coup de filet aboutit à la condamnation d'une dizaine de personnes lors du second procès des bandes noires en mai 1885 où 32 accusés furent jugés, bilan judiciaire : 12 membres condamnés de 20 ans de travaux forcés, un acquittement pour celui qui (informateur) fondera le premier syndicat « jaune » de Montceau-les-Mines et 3 ans de prison pour les autres. Au total au moins 24 croix, 6 calvaires et 6 statues furent démolis durant cette période dans le bassin minier montcellien[réf. nécessaire][30].

Le , Paul-Marie Curien, 17 ans, décide d'assassiner Jules Ferry. Éconduit par l'huissier, il le menace de son revolver, mais il est aussitôt arrêté. Jugé le pour voies de fait sur un huissier et outrage à agent, il est condamné à trois mois de prison[31].

Quelques mois plus tard, dans la banlieue de Marseille, Louis Chaves tue la supérieure d'un couvent et blesse grièvement sa sous-directrice. Ancien employé du couvent, Louis Chaves écrit une lettre datée du au journal L'Hydre anarchiste[32] dans laquelle il explique son geste et cherche à encourager les compagnons à l'imiter. Il est tué dans la fusillade avec les gendarmes venus l'arrêter. Son geste est magnifié dans la presse anarchiste. Une souscription « pour l'achat du revolver qui doit venger le compagnon Louis Chaves » est même lancée par Le Droit social.

Arrêté en 1879 comme faux-monnayeur, Charles Gallo qui fait 5 ans de prison, et à sa sortie accomplit un acte de propagande par le fait : le , il lance une bouteille d'acide prussique dans l'enceinte de la Bourse de Paris, puis tire trois coups de revolver, sans blesser personne. Aussitôt arrêté, il est jugé le 26 juin suivant mais l'affaire est renvoyée au 15 juillet, à la suite de multiples incidents provoqués par l'accusé. Condamné à 20 ans de travaux forcés, il est de nouveau condamné, à la peine capitale, le , pour s'être révolté contre un de ses geôliers. Sa peine sera finalement commuée en réclusion à perpétuité le [33].

Tragédie de Haymarket Square (1886)

Lors d'une manifestation ouvrière organisée à Chicago le , un inconnu lance une bombe sur les policiers. L'officier Mathias J. Degan est tué sur le coup. Ses collègues ouvrent immédiatement le feu sur la foule. Une trentaine de manifestants et sept agents de police trouvent la mort[7]. Après l'attentat, la répression s'abat sur les milieux anarchistes, très actifs à Chicago. Huit hommes sont arrêtés et accusés de l'attentat de Haymarket. Malgré l'absence de preuve, cinq sont condamnés à mort. August Spies, Albert Parsons, George Engel et Adolph Fischer sont pendus ; Louis Lingg se suicide dans sa cellule[34].

Le discours de Jaurès (avril 1894) et l'usage d'agents provocateurs

Après l'attentat d'Auguste Vaillant qui conduit à la promulgation des lois scélérates, Jean Jaurès dénonce dans un discours célèbre, d'avril 1894, la connivence entre certains milieux du capital, le cléricalisme et certains anarchistes, dont certains sont soupçonnés d'être des agents provocateurs.

C'est en effet à l'occasion de la découverte chez un anarchiste de retour de Carmaux de fonds venant de haut lieu qu'il prononce un discours à la Chambre, le , où il dénonce la politique répressive du gouvernement, la censure du Père peinard, « consacré presque tout entier à injurier les députés socialistes », le deux poids deux mesures avec d'un côté la censure des journaux et députés socialistes, de l'autre la tolérance de discours également contestataires de certains catholiques (Albert de Mun, l'article « La Bombe » dans La Croix de Morlay, les articles de La Croix ou l'article du Père Marie-Antoine publié dans L'Univers puis dans L’En-dehors et titré « Le Christ et la Dynamite ») et l'usage des agents provocateurs :

« C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie. (Interruptions au centre. — Très bien ! très bien ! à l’extrême gauche.)
Et il arrive inévitablement que ces anarchistes de police, subventionnés par vos fonds, se transforment parfois — comme il s’en est produit de douloureux exemples que la Chambre n’a pas pu oublier — en agents provocateurs[35]. »

Et d'évoquer un certain Tournadre, actif lors des grèves de 1892, qui avait proposé aux ouvriers de Carmaux des fonds pour acheter de la dynamite et éventuellement de s'enfuir ensuite en Angleterre : or, selon Jaurès, alors que Tournadre avait répondu aux ouvriers qu'il avait des « amis capitalistes à Paris », les perquisitions menés chez Tournadre à Carmaux avaient mené à la découverte de deux lettres, l'une du baron Edmond de Rothschild, l'autre de la duchesse d'Uzès[36],[35]. Malgré ce discours, la Chambre vota avec une large majorité la confiance au gouvernement.

Aujourd'hui

Depuis ce temps-là l'image colle à l'anarchiste d'un lanceur de bombe et d'agitateur anomiste. Dès le tournant du XIXe siècle[Quand ?], les anarchistes ont largement abandonné la « propagande par le fait » illégale pour se tourner vers l'action syndicaliste révolutionnaire et le militantisme légal.

Aujourd'hui, les anarchistes ne semblent plus être partisans de l'illégalisme ou des attentats individuels. Ils pensent toujours dans leur majorité, comme le dit Malatesta, que « la violence n'est justifiable que quand elle est nécessaire pour se défendre soi-même, ou défendre les autres contre la violence » et ajoutent souvent que « l'opprimé est toujours en état de légitime défense et il a toujours pleinement le droit de se révolter sans attendre qu'on lui tire effectivement dessus ». Mais si la plupart des anarchistes défendent l'utilisation de la violence « raisonnée », une violence sociale, populaire et révolutionnaire, certains groupes (comme la Fédération anarchiste informelle en Italie ou Lutte révolutionnaire en Grèce) reprennent cette idéologie de la « propagande par le fait ».

Très souvent les anarchistes ont pratiqué la propagande par le fait en réponse à la répression des autorités ; ex : fusillade de Fourmies et répressions des ouvriers, puis réponses par attentats de Ravachol sur les militaires/juges/avocats ayant été impliqués dans ces massacres). La « propagande par le fait » a marqué l'histoire internationale de l'anarchisme.

Les « attentats pâtissiers » (entartages) du Gloupier (Noël Godin), sont une forme de "terrorisme" symbolique, et relativement pacifique, inspirée de cette lignée.

De 1986 à 1994 le Comité des mal-logés met en pratique dans ses luttes, ses occupations d'immeubles HLM, et son organisation interne les principes du communisme de conseil, et fait de la propagande par le fait en faveur du logement social, il fédéra plusieurs dizaines d'immeubles en lutte et regroupa jusqu'à cinq cents mal logés de toutes origines géographiques à Paris et Banlieue de 1986 à 1994. Son organisation était de type conseilliste, toutes les décisions étaient prises en assemblée générale avec refus de délégation de représentativité, ses membres sur leur lieu de travail, majoritairement dans les entreprises de nettoyage (Comatec, par exemple), se fédéraient à la CNT. Une dizaine de ses militants se sont réunis pour rédiger une brochure de bilan de cette expérience lorsque scission et dissolution ne faisait quasiment plus de doute tant les forces politiciennes de la gauche de gouvernement se sont liguées pour obtenir la dislocation du comité

Bilan

Chronologie de la propagande par le fait

XIXe siècle

XXe siècle

Citations

« on pratiquait la « prise au tas » et la propagande par le fait en s'inspirant des grands exemples de Vaillant, de Caserio, de Ravachol, d'Émile Henry[42]... »

Voir aussi

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Bibliographie

Iconographie

Vidéographie

Articles connexes

Notions

Personnalités

Évènements

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. L'article du Révolté n'est pas signé ; la citation a également été attribuée à Carlo Cafiero (Thierry Paquot, Dicorue : Vocabulaire ordinaire et extraordinaire des lieux urbains, CNRS, , 483 p. (ISBN 9782271117304, lire en ligne)).

Références

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  3. Christian Beuvain, Stéphane Moulain, Ami-Jacques Rapin, Jean-Baptiste Thomas, Révolution, lutte armée et terrorisme, tome 1, Paris, L'Harmattan, coll. « Dissidences », 2006
  4. a et b Thierry Vareilles, Histoire d'attentats politiques, de l'an 44 av. Jésus-Christ à nos jours, Paris, l'Harmattan, 2006[réf. incomplète]
  5. a b et c Gérard Chaliand, Arnaud Blin, Histoire du terrorisme : de l'Antiquité à al-Qaida, Bayard, coll. « Essais », 2004 (ISBN 2227472960) p. 125-144
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  9. a b c et d Jean Batou, Les « Héros de l’Enfer », solidaritéS, no 70, sur solidarites.ch, 2005
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  12. a b et c Mike Davis, Les « Héros de l’Enfer », solidaritéS, no 70, sur solidarites.ch, 2005
  13. James Guillaume, L'Internationale. Documents et souvenirs, tome IV
  14. Jean Maitron, Le Mouvement anarchiste en France, Gallimard, coll. « Tel », 1992 (ISBN 2070724980) p. 206-209
  15. « L'Action », Le Révolté, no 22,‎ (lire en ligne [PDF])
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  18. Thierry Lévy, Plutôt la mort que l’injustice : Au temps des procès anarchistes, Odile Jacob, , 288 p. (ISBN 9782738195807, lire en ligne)
  19. Édouard Jourdain, L'anarchisme, La Découverte, , 140 p. (ISBN 9782707190918, lire en ligne)
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  39. Salomé, Karine, L'ouragan homicide : l'attentat politique en France au XIXe siècle, Champ Vallon, impr. 2010 (ISBN 9782876735385, OCLC 708398388, lire en ligne), p. 298
  40. Jean Maitron, Le mouvement anarchiste en France, tome 1 : Des origines à 1914, Gallimard, (ISBN 9782070724987, OCLC 466362142, lire en ligne), p. 229
  41. Lettre à S. Faure du 12 novembre 1893, citée dans la Gazette des tribunaux du 24 février 1894.
  42. Henri Calet, le Tout sur le tout, Gallimard, coll. « L'imaginaire », page 22-23