Loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile

Présentation
Pays Drapeau de la France France
Branche Droit des étrangers
Adoption et entrée en vigueur

La loi du relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, issue d'un projet de Brice Hortefeux, est un dispositif légal qui comporte des dispositions relatives à l'immigration, à l’intégration et au droit d'asile et a modifié le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Elle a suscité la polémique lors de son adoption principalement en raison d'une disposition qui autorise le recours aux tests génétiques pour prouver la filiation de candidats au regroupement familial.

La loi comporte 64 articles, numérotés de 1 à 65. L'article 63, initialement dévolu à l'autorisation de statistiques ethniques, a été déclaré anticonstitutionnel par le Conseil constitutionnel et a disparu de la version publiée de la loi[1].

Dispositions sur les tests génétiques[modifier | modifier le code]

La procédure établie par l'article 13 de la loi, modifiant l'article L111-6 du CESEDA[2], a pour origine l'amendement de Thierry Mariani[3] permettant aux demandeurs de visas dans le cadre du regroupement familial, ressortissants de pays dont l'état civil présente des carences, de faire la preuve de leur filiation biologique avec un parent résidant en France au moyen d'un test génétique[4]. Le député Thierry Mariani a fait valoir pour défendre son amendement que de tels tests ADN étaient pratiqués par 11 pays européens et qu'ils se basaient sur le volontariat.

Cette partie de la loi a été qualifiée de « détail » par François Fillon, qualification qui a été critiquée, notamment au Parti socialiste, en raison de l'usage de ce terme par Jean-Marie Le Pen[5]. D'autres rapprochements avec le nazisme ou le régime de Vichy ont été faits[6],[7],[8].

Le projet de loi Hortefeux a subi une vive opposition lors de son passage devant le Sénat, qui a profondément modifié le texte de loi, notamment sur les tests ADN. Les tests ADN, rejetés dans un premier temps en commission, ont ensuite été adoptés, mais ceux-ci seront facultatifs, expérimentaux (dix-huit mois seulement), et réservés à l'établissement de la filiation envers la mère pour ne pas établir incidemment que le père ne serait pas le père biologique.

Décret d'application[modifier | modifier le code]

Le dispositif du test ADN n'est pas en vigueur tant qu'un décret d'application qui en fixe les modalités n'est pas paru. Le successeur de Brice Hortefeux, Éric Besson, avait prévu que le dispositif serait mis en place en [9], et il s'était entretenu avec les experts chargés de ces tests au Home Office[10]. En , il s'est déclaré hésitant à signer le décret d'application, en raison de la complexité de la loi[11]. Le , Éric Besson a déclaré qu'en raison du manque de moyens, des contraintes de délai et de l'émotion suscitée par la loi, il ne signerait pas le décret d'application[12].

Disposition concernant l'accès aux centres d'hébergement d'urgence pour les étrangers en situation irrégulière[modifier | modifier le code]

Une disposition très controversée pouvait être interprétée comme une interdiction des centres d'hébergement d'urgence aux étrangers en situation irrégulière. Elle a été dénoncée par de nombreuses associations humanitaires ou défendant les personnes en situation irrégulière. Selon le gouvernement, cette disposition visait seulement à ne pas leur faire bénéficier du droit au logement opposable[13].

Cette disposition a finalement été retirée.

Entrée sur le territoire français au titre de l'asile[modifier | modifier le code]

Pour adapter la législation française à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme[14], l'article 24 de la loi a institué un recours au fond suspensif contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile pour permettre un droit effectif au recours[15].

La possibilité de régularisation sur demande de l'employeur[modifier | modifier le code]

L'article 40 de cette loi et une circulaire du [16] offrent la possibilité de régularisation sur demande de l'employeur, à condition que le salarié travaille dans un secteur qui connaît des difficultés de recrutement et soit sous contrat ferme d'un an minimum. L'art. 40 n'est pas applicable aux Algériens et aux Tunisiens, soumis à un régime dérogatoire[16]. La circulaire a été annulée, le , par le Conseil d'État[17].

Autres dispositions[modifier | modifier le code]

De nombreuses associations de défense des immigrés, des syndicats et des associations de défense des droits de l'homme ont aussi critiqué d'autres mesures telles que le durcissement des conditions de regroupement familial ou la simplification des mesures d'éloignement des étrangers.

Décision du Conseil constitutionnel[modifier | modifier le code]

Le Conseil constitutionnel a été saisi, les 25 et respectivement, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs[18]. Dans sa décision du [19],[20],[21],[22],[23],[24],[25], il a conclu :

  • à la non-conformité de l'article 63 (concernant la réalisation de traitements de données à caractère personnel faisant « apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques ») :
    • cet article a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière, étant issu d'un amendement sans lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie (texte qui portait essentiellement sur le regroupement familial, sur l'asile et sur l'immigration pour motifs professionnels ;
    • sur le fond, le Conseil ajoute que « si les traitements nécessaires à la conduite d'études sur la mesure de la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration peuvent porter sur des données objectives, ils ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé par l'article 1er de la Constitution, reposer sur l'origine ethnique ou la race »
  • à la conformité, sous réserve, de l'article 13 (tests génétiques pour les demandeurs de visa). Malgré la satisfaction exprimée par Mariani[26], ces réserves d'interprétation, ajoutées aux modifications apportées par le Parlement à la proposition du député, font douter de la portée qu'aura cette mesure[27],[28].

Délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité[modifier | modifier le code]

Le Groupe d'information et de soutien des immigrés (GISTI) a saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) qui a, en conséquence, jugé certaines dispositions de cette loi «discriminatoires»[29].

Les dispositions concernées sont notamment :

  • l'exigence des conditions de ressources pour les handicapés demandant le regroupement familial,
  • la mise sous tutelle des prestations familiales en cas de non-respect du contrat d'accueil et d'intégration,
  • les tests génétiques,
  • la non-motivation des obligations de quitter le territoire français (OQTF),
  • l'exigence d'une spécifique pour les étrangers résidents «longue durée» qui souhaitent exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale.

Concernant les tests génétiques, la HALDE a considéré en particulier que la preuve de la filiation maternelle ne changeait rien au doute éventuel exercé vis-à-vis des actes d'état civil de mariage : les demandes de regroupement familial étant exercées à 80 % par des pères, le doute sur l'acte de mariage continuera à hypothéquer la demande, quand bien même la filiation maternelle aurait été prouvée via un test génétique.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Cependant, est conservé dans le texte promulgué l'article 65 al.2 de la loi, qui concerne l'application de l'article 63 outre-mer.
  2. Est également modifié l'article 226-28 du code pénal , lequel punit comme délit l'identification par empreintes génétiques sauf dans les cas prévus par ce même article.
  3. AMENDEMENT N° 36 présenté par M. Mariani, faisant référence au rapport « Trouver une issue au casse-tête des visas » n° 353 (2006-2007) du sénateur Adrien Gouteyron; le rapport de Gouteyron proposait des actions de soutien aux états civils africains, ainsi que, pour raccourcir les délais, des tests ADN et « des recherches menées par des avocats, à la demande et à la charge des demandeurs »
  4. François Terré, « Les chemins de la vérité . - Sur les tests ADN », La Semaine Juridique édition générale, n° 1, 2 janvier 2008, I 100
  5. « Polémique autour d’un discours de François Fillon », Le Figaro, 7 octobre 2007; Émilie Rive, « Un "détail" lourd de symboles », L'Humanité, 8 octobre 2007
  6. Denis Demonpion, « Quand Montebourg cogne sur Sarko », Le Point, 1 novembre 2007: Arnaud Montebourg compare la disposition à la loi sur le statut des juifs de 1940
  7. Charles Pasqua (propos recueillis par Martine Chevalet) « CONTRE - « Cela rappelle de mauvais souvenirs », Le Parisien, 2 octobre 2007
  8. Richard Prasquier, « Je ne signerai pas les pétitions », Le Figaro, 11 octobre 2007 (président du CRIF, opposé aux comparaisons avec le nazisme)
  9. « Besson: décret d'application des tests ADN dans "un mois et demi ou deux" », Agence France-Presse, 12 février 2009, citant des propos tenus le même jour sur LCI.
  10. « Immigration: visite, mercredi, d'Eric Besson en Grande-Bretagne », Agence France-Presse, 9 février 2009
  11. « Tests ADN: Besson hésite à signer », AFP, 26 mars 2009.
  12. Nouvelobs.com avec AP, « Eric Besson renonce aux tests ADN », 13 septembre 2009
  13. 03/10/07 Distinction entre accès au logement et hébergement d'urgence, Ministère du logement et de la ville
  14. Dans l'arrêt Gebremedhin contre France du 26 avril 2007, la Cour européenne des droits de l'homme a dit à l'unanimité qu'il y a eu violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, combiné avec l’article 3 de cette convention, en raison de l’absence en zone d’attente d’accès à un recours de plein droit suspensif contre les décisions de refus d’admission et de réacheminement, alors qu’il y avait des motifs sérieux de croire que le requérant courait un risque de torture ou de mauvais traitements dans l’État de destination.
  15. article L. 213-9 du CESEDA, créé par cette loi
  16. a et b Circulaire du 7 janvier 2008 du ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire relative à l'application de l'article 40 de la loi du 20 novembre 2007 relatif à la délivrance de cartes de séjour portant la mention « salarié » au titre de l'admission exceptionnelle au séjour
  17. CE, 23 octobre 2009, n° 314397
  18. « Recours par des députés »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), commentaires: « http://dinersroom.free.fr/index.php?2007%2F10%2F27%2F689-le-recours-contre-la-loi-maitrise-de-l-immigration-i »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) « http://dinersroom.free.fr/index.php?2007%2F10%2F28%2F690-le-recours-contre-la-loi-maitrise-de-l-immigration-ii »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?)
  19. Décision n° 2007-557 DC - 15 novembre 2007 du Conseil constitutionnel
  20. Bertrand Mathieu, « Décision sur les tests ADN : une occasion manquée », Les Echos, 19/11/07
  21. Émilie Rive, « "Sages" décisions sur la loi Hortefeux ? », L'Humanité, 19 novembre 2007
  22. Renaud Dely, Frédéric Gerschel, « CONSEIL CONSTITUTIONNEL.; Les tests ADN validés mais inapplicables », Aujourd'hui en France, 16 novembre 2007
  23. Guy Carcassonne, « Les tests ADN », recueil Dalloz 2007, p. 2992
  24. Ferdinand Mélin-Soucramanien, « Le Conseil constitutionnel défenseur de l'égalité républicaine contre les "classifications suspectes" », Recueil Dalloz 2007 p. 3017
  25. Dominique Turpin, « La décision n° 557 DC du 15 novembre 2007 du Conseil constitutionnel sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile : le moustique et le chameau », recueil Dalloz 2008, p. 1638
  26. « Immigration: "les réserves" des Sages sont aussi une "validation" (Mariani), Agence France-Presse, 15 novembre 2007
  27. Béatrix Baconnier-Martin, « Tests ADN inopérants pour la gauche, mais validés pour la droite », Agence France Presse, 15 novembre 2007
  28. Didier Maus, « Une application délicate », propos recueillis par Rosalie Lucas, Aujourd'hui en France, 16 novembre 2007
  29. Délibération n°2007-370 du 17 décembre 2007 de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Communiqué de presse du 15 janvier 2008)

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Dictionnaire permanent. Droit des étrangers, numéro spécial 162-1, , Éditions Législatives
  • « Pseudoscientific Bigotry in France », éditorial dans le The New York Times du
  • Christel Cournil, « Contractualisation et externalisation de la politique migratoire: analyse et critique de la loi Hortefeux », Revue du Droit Public, , n° 4, p. 1045
  • Hugues Dorzée, « BELGIQUE; Les tests ADN : bilan d'une expérience », Courrier international, (reprise d'un article du Soir)
  • Dominique Turpin, « La loi n° 2007-1631 du relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile : précisions techniques et symboles républicains », recueil Dalloz 2008, p. 930

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Liens externes[modifier | modifier le code]

Opposants à l'amendement Mariani sur les tests génétiques[modifier | modifier le code]