Poètes wallons d'aujourd'hui
| Poètes wallons d'aujourd'hui | |
| Auteur | Maurice Piron |
|---|---|
| Pays | France |
| Genre | Anthologie poétique |
| Version originale | |
| Langue | Wallon, Français |
| Version française | |
| Éditeur | Gallimard |
| Collection | Tirages restreints |
| Date de parution | 1961 |
| Nombre de pages | 176 |
| ISBN | 2070108570 |
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Poètes wallons d'aujourd'hui est une sélection de poèmes en wallon rassemblés et traduits en français par Maurice Piron, publiée en 1961.
Contexte et genèse
[modifier | modifier le code]La poésie en langue wallonne connait une révolution à l'entame de la deuxième moitié du XXe siècle. L'on observe alors un renouvèlement dans le style et dans l'inspiration, qui s'effectue sous l'influence de cinq auteurs majeurs — Willy Bal, Franz Dewandelaer, Jean Guillaume, Albert Maquet et Louis Remacle, qui signent un recueil commun intitulé Poèmes wallons[1],[2]. Le philologue wallon Maurice Piron, qui pratique la critique depuis 1932, est un fin connaisseur de cette littérature. Observateur exigeant de la vie littéraire dialectale de son époque[3], il encourage les formes nouvelles d'expression.
Piron a entamé une première collaboration avec les éditions Gallimard en 1956, lorsqu'il rédige le chapitre intitulé « Les littératures dialectales du domaine d'Oïl » du premier tome de l'Encyclopédie de la Pléiade, dédié à l'histoire des littératures et dirigé par Raymond Queneau. C'est à la suite de cette première collaboration et par l'entremise de Queneau que le projet de l'anthologie Poètes wallons d'aujourd'hui voit le jour[4],[note 1]. Les cinq auteurs de Poèmes wallons y sont évidemment inclus, de même que 11 de leurs contemporains. Marcel Hicter note que ces auteurs (dont il fait partie) « n'ont pratiquement rien de commun avec les poètes wallons des générations qui les précèdent »[5].
Dans sa préface, Maurice Piron refuse le terme de « poésie intellectuelle », notant qu'il s'applique mal à Franz Dewandelaer, qu'il qualifie à cet endroit de « plus grand des poètes wallons contemporains »[6]. Il propose quant à lui l'expression « nouvelle poésie »[7].
La parution de l'ouvrage est facilitée par une subvention de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), qui encourage sa publication à la suite d'une recommandation des experts du Conseil international de la Philosophie et des Sciences humaines. Il parait dès lors dans une éphémère collection intitulée « Collection UNESCO d'œuvres représentatives. Série européenne »[4],[8].
Liste des auteurs et poèmes
[modifier | modifier le code]Jean-Marie Klinkenberg note que l'anthologie est « extrêmement sélective »[9], ce qui est fidèle à la conception de la littérature wallonne défendue par Maurice Piron. L'anthologiste signe lui-même les traductions françaises (citées ci-dessous entre parenthèses, lorsque leur titre diffère du titre wallon), qui se veulent à la fois fidèles et élégantes. L'ouvrage s'adressant au grand public, l'appareil philologique est minime[9].
Les auteurs sont classés par ordre alphabétique. Dans leur grande majorité, ils sont nés entre 1909 et 1928 et sont des intellectuels ; la plupart sont lauréats des plus importants prix littéraires de Wallonie[10].
| Portrait | Auteur | Dates | Dialecte | Poème(s) |
|---|---|---|---|---|
| Willy Bal | 1916-2013 | de l'Entre-Sambre-et-Meuse | Murs blankis (Murs blancs) Dréves (Drèves) Au soya dès leups (Au soleil des loups) (extraits) Dies irae « Dieu a besoin des hommes » | |
| Gabrielle Bernard | 1893-1963 | namurois de la Basse-Sambre | Filés d' l' Avièrje (Fils de la Vierge) | |
| Henri Collette | 1905-1981 | de l'Ardenne liégeoise | Lu bwas d' sapins (Le bois de sapin) Nèni (Non) Dionysos | |
| Marc De Burges | 1922-1998 | de l'Entre-Sambre-et-Meuse | L'èfant (L'enfant) | |
| Franz Dewandelaer | 1909-1952 | du Brabant wallon | L'Aveûle (L'Aveugle) L'ome qui brét (L'homme qui pleure) (extrait) Èl tchanson du saudâr (La chanson du soldat) | |
| Willy Félix | 1925-1976 | namurois de la Basse-Sambre | Lès djins (Les gens) | |
| Émile Gilliard | 1928-2023 | namurois de la Basse-Sambre | Feuwéye (Flambée) Djaubes di frumint (Gerbes de blé) | |
| Robert Grafé | 1896-1968 | liégeois | Flibotes (Effilures) | |
| Jean Guillaume | 1918-2001 | namurois | Fwace (Force) Trop taurd ! (Trop tard !) Vîye djint (Vieille femme) On djoû (Un jour) À plins brès (À pleins bras) Todi (Toujours) À tauve (À table) Tchènas vûdes (Paniers vides) | |
| Marcel Hicter | 1918-1979 | de la Hesbaye liégeoise | Lès creûs (Les croix) | |
| Jenny d'Inverno | 1926-2020 | liégeois | Coleûr dè tins (Couleur du temps) Armonica (Accordéon) | |
| Émile Lempereur | 1909-2009 | carolorégien | sans titre | |
| Albert Maquet | 1922-2009 | liégeois | Voyèdje (Voyage) sans titre sans titre Li Malâde (Le Malade) Ètrindjîr (Étranger) sans titre L'eûre (L'heure) | |
| Louis Remacle | 1910-1997 | de l'Ardenne liégeoise | L'aîr qui djâse (La brise qui parle) Bouneûr (Bonheur) Lu sondje (Le rêve) Lu sôdar (Le soldat) Adré l' tchèstê (Près du château) Duspôy mèy ans… (Depuis mille ans…) | |
| Georges Smal | 1928-1988 | du Condroz namurois | sans titre Fouya (Ramure) Paujîrtè (Apaisement) | |
| Léon Warnant | 1919-1996 | de la Hesbaye liégeoise | Djun (Juin) Après Mâva sondje (Mauvais rêve) |
Réception et impact
[modifier | modifier le code]Dès sa sortie en 1961, on estime que l'anthologie fera date dans l'histoire des lettres dialectales de Wallonie[10]. Dans Vers l'Avenir, Jules Rivière, qui salue la démarche, s'interroge toutefois sur la capacité de ce livre à trouver grâce aux yeux du grand public :
« la poésie nouvelle est, en ordre principal, une poésie d'intellectuels pour intellectuels. Elle leur suffit du reste. Pour eux, la qualité du lecteur prime le nombre[10]. »
Jean-Marie Klinkenberg estime que Poètes wallons d'aujourd'hui, de par ses principes de conception et le prestige de son premier éditeur, a contribué au processus d'autonomisation et de légitimation de la littérature wallonne[11]. Le responsable du Fonds Dialectal wallon du Musée de la Vie wallonne, Baptiste Frankinet, parle quant à lui d'une « reconnaissance internationale », qu'il attribue à cette entreprise éditoriale[12]. L'ouvrage a en effet suscité des traductions de la poésie wallonne en allemand[note 2] et en russe[note 3],[13].
C'est la découverte de cette anthologie qui amène Géo Libbrecht à pratiquer la poésie en langue picarde[11],[14] et Yann Lovelock (en) (qui est l'auteur de nombreuses traductions anglaises de poèmes wallons) à s'intéresser à ce domaine littéraire[15].
Édition ultérieure
[modifier | modifier le code]L'anthologie a reparu en 2005 au sein d'Espace Nord, la collection patrimoniale de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
- (wa + fr) Maurice Piron, Poètes wallons d'aujourd'hui, Bruxelles, Labor, coll. « Espace Nord » (no 198), (ISBN 2-8040-1973-X).
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- ↑ En mars 1959, Queneau évoque dans une lettre à André Blavier les « sapes » qu'il creuse « sous la maison Gallimard » en vue de faire approuver le projet, signe que ce dernier a suscité des réserves initiales[4].
- ↑ Dans Europa heute : Prosa und Poesie seit 1945 de Hermann Kesten, 1963.
- ↑ Dans Из современной бельгийской поэзии (« De la poésie belge contemporaine ») d'Evgueni Vinokourov, 1965.
Références
[modifier | modifier le code]- ↑ Jean Germain, « Le projet éditorial des Cahiers wallons dans le paysage littéraire wallon des années 1937-1943 », dans Jacques Toussaint et al., Les Cahiers wallons ont 75 ans : Les Rèlîs Namurwès au service de l'identité wallonne, Namur, Musée des Arts anciens du Namurois, coll. « Monographies » (no 55), (ISBN 978-2-87502-036-9), p. 118 : « 1948 est la date choisie pour la parution d'un recueil collectif de très grande qualité, intitulé sobrement et modestement Poèmes wallons. Cinq poètes qui vont constituer le noyau dur de la littérature dialectale s'y expriment indépendamment, chacun à sa manière, en vers libres ou en sonnets, pour dire l'universel et l'essentiel. Ils ont pour noms Willy Bal, Franz Dewandelaer, Jean Guillaume, Albert Maquet et Louis Remacle. Après ce recueil, plus rien ne sera jamais pareil dans la littérature wallonne. »
- ↑ Baptiste Frankinet, « Panorama de la littérature en langues régionales romanes de Wallonie »
, sur Objectif plumes, (consulté le ) : « Après la Seconde Guerre mondiale, une seconde émancipation a lieu. Elle est marquée par la publication de l’ouvrage Poèmes wallons 1948, qui offre une vision transversale de la Wallonie dialectale, et qui unit les différents parlers dans un destin universel de l’homme, à travers une approche plus subjective et une démarche plus intérieure. »
- ↑ Bs d'Hule 1961. « C'est un des critiques les plus autorisés, les plus sûrs, mais également des plus sévères, voire des plus durs, en matière littéraire wallonne. »
- Klinkenberg 2005, p. 207.
- ↑ Hicter 1962, p. 112.
- ↑ rééd. Espace Nord, p. 9.
- ↑ rééd. Espace Nord, p. 7.
- ↑ Hicter 1962, p. 104.
- Klinkenberg 2005, p. 206.
- Bs d'Hule 1961.
- Klinkenberg 2005, p. 207-208.
- ↑ Baptiste Frankinet, « Panorama de la littérature en langues régionales romanes de Wallonie »
, sur Objectif plumes, (consulté le )
- ↑ Klinkenberg 2005, p. 208.
- ↑ Baptiste Frankinet, « La littérature belge de langue picarde après la Seconde Guerre mondiale », Bien Dire et Bien Aprandre, no 32, , p. 197-214 (lire en ligne
, consulté le ).
- ↑ (en) « Acknowledjements », dans Yann Lovelock, The Colour of the Weather : An Anthology of Walloon Poetry Edited and Translated by Yann Lovelock, Londres, The Menard Press, (ISBN 0-903400-47-2), p. 5.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Articles connexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
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: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Bs d'Hule (pseud. Jules Rivière), « Poètes wallons d'aujourd'hui par Maurice Piron de l'Académie Royale de Langue et de Littérature française » (rubrique « Chîjes èt Pasquéyes », no 783), Vers l'Avenir, .

- Marcel Hicter, « Poètes d'aujourd'hui en dialectes wallons », Bulletin de l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises, t. XL, no 2, , p. 104-114 (lire en ligne
, consulté le ). 
- Jean-Marie Klinkenberg, « Littérature en langue wallonne et littérature en langue française », dans Maurice Piron, Poètes wallons d'aujourd'hui, Bruxelles, Labor, coll. « Espace Nord » (no 198), (ISBN 2-8040-1973-X), p. 187-208.

Liens externes
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