Énergie pneumatique

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« Pneumatics » (Cyclopaedia, 1728)
Avec un pneumètre, vous mesurez la pression de l'air, sur la photo un pneumètre à main pour mesurer la pression de l'air dans les pneus de vélo.

L'énergie pneumatique est l'énergie emmagasinée dans un gaz sous forme mécanique du fait qu'il est comprimé. Elle est exploitée dans un système pneumatique.

Dans un système pneumatique, le gaz comprimé est utilisé comme moyen de transport et de stockage d’énergie. De production facile, le système pneumatique présente un certain nombre d’avantages.

Comme un système hydraulique, un système pneumatique est fondé sur une différence de pressions entre deux zones, qui crée une force, puis un mouvement. Mais un système hydraulique utilise un fluide non compressible, un liquide, alors qu'un système pneumatique s'appuie sur un fluide compressible, un gaz. Un système hydraulique comprend souvent un système pneumatique pour un stockage d'énergie, au moins temporaire, le gaz étant utilisé à la manière d'un ressort.

Choix du gaz[modifier | modifier le code]

L'air est souvent utilisé, sauf quand des contraintes diverses conduisent à choisir d'autres gaz :

  • par exemple, une préoccupation de résistance à l'oxydation conduit à utiliser de l'azote ou un autre gaz neutre chimiquement comme les gaz nobles ;
  • des températures particulières peuvent conduire à utiliser des matériaux ayant une phase vapeur aux températures recherchées : les machines à vapeur utilisent un mélange d'air et de vapeur d'eau ;
  • enfin, les moteurs à combustion interne sont des systèmes pneumatiques dont le gaz comprimé est issu de la combustion d'un combustible dans de l'air.

Le cas particulier de l'usage de l'air est traité dans l'article « Air comprimé ».

Principes de mise en œuvre[modifier | modifier le code]

Il existe de nombreuses formes de pompes ou moteurs[a]) classées en deux grandes familles : les pompes/moteurs volumétriques, où un organe (piston ou assimilé) fait varier le volume d'une chambre, et les turbines, qui jouent sur un effet dynamique, comme la force centrifuge.

Un système pneumatique repose sur une différence de pressions entre deux zones, différence de pression qui crée une force mécanique. En général la pression la plus forte se situe à l'intérieur de la chambre, et la pression la plus faible à l'extérieur — souvent la pression atmosphérique.

La force (F) résultant de la différence de pression entre les deux zones est proportionnelle à la différence de pression (P1 - P2) et à la surface (S) sur laquelle elle s'exerce : F = (P1 - P2) * S

Dans le cas le plus habituel, on utilise une pompe/moteur volumétrique. La chambre est alors fermée par une partie déformable et/ou mobile, que l'on nomme « piston », le déplacement du piston modifie le volume de la chambre.

Dans la plupart des cas, le piston se déplace en translation dans un cylindre, mais il existe une grande variété de pompes volumétriques.

Les armes peuvent souvent être assimilées à des moteurs pneumatiques. Le projectile joue le rôle de piston, animé d'une très grande vitesse linéaire, combinée à une rotation servant à le stabiliser sur sa trajectoire.

Enfin, le piston peut être déformable (ballon, diaphragme) voire être liquide (baromètre à mercure, bulle).

Bases de la modélisation physique[modifier | modifier le code]

La modélisation des systèmes pneumatiques se fait en grande partie dans le cadre de la thermodynamique. Les systèmes ayant de nombreux paramètres de description, la modélisation est souvent délicate.

La loi des gaz parfaits, qui fait intervenir la pression, le volume, la quantité de matière gazeuse et la température, est utilisée pour décrire les situations statiques à faibles pressions. D’autres lois plus complexes sont utilisées lorsque les pressions deviennent importantes ou que les gaz ont un comportement qui s'écarte trop du modèle du gaz parfait.

D'autre part, il faut tenir compte des effets dynamiques dus aux mouvements du gaz étudiés par l'aérodynamique et qui peuvent mener à des résonances, c'est-à-dire des sons.

Les différences de température vont entraîner des transferts thermiques, qui vont également modifier le comportement mécanique du système.

Selon les conditions de température et de pression, les constituants physico-chimiques peuvent changer d'état, entre gaz, liquide, voire solide, ce qui change notamment la densité volumique, la compressibilité et l'énergie disponible. Des réactions chimiques peuvent également se produire, modifiant la composition du système.

Pour réussir à comprendre les interactions entre tous les paramètres, on essaye de se ramener à des situations simples, en gardant certains paramètres constants. Par exemple :

Cependant, dans la réalité, les transformations sont polytropiques. Cela veut dire qu'une partie de l'énergie (travail) est soustraite ou augmentée (notamment dans le cas de la détente) par les échanges thermiques avec l'environnement extérieur.

En outre, on peut aussi essayer de faire les transformations lentement afin de rester proche des équilibres :

  • si un piston de pompe à vélo est poussé rapidement, l'air va sortir très chaud ;
  • s'il est poussé plus lentement, l'air s'échauffera moins et plus de pression sera disponible. L'efficacité de la compression sera meilleure.

Estimation de l'énergie[modifier | modifier le code]

Première méthode d'estimation[modifier | modifier le code]

Un réservoir de volume contenant de l'air à la pression qu'on laisse se détendre contient effectivement de l'énergie mécanique qu'on peut récupérer.

Dans le cas d'une détente adiabatique réversible, sans perte (efficacité énergétique égale à 100 %), l'énergie délivrée (en J/kg d'air) sera :

avec :

= = 1,4 pour de l'air
= coefficient de compressibilité = 1
= constante du gaz = = 8,314 J/mole.K et est la masse molaire en kg/mole (= 0,028 pour de l'air)
= température absolue (en K) à l'aspiration. Si t = 27 °C alors Ta = 300 K.

Quelques valeurs de et (la masse volumique de l'air à la pression considérée) :

  • pour = 1 bar (= pression atmosphérique), alors = -311 775*[(1/Pa)^0,286 -1) ;
  • pour = 300 bars, = 250,76 kJ/kg et = 423 kg/m3 ;
  • pour = 100 bars, = 228,24 kJ/kg et = 141 kg/m3.

Si on a un réservoir de 300 litres (soit cinq fois un réservoir normal), soit 0,3 m3 :

  • pour = 300 bars on a 126 kg d'air (en supposant le gaz parfait, ce qui n'est pas vraiment exact dans cette gamme de pression) ;
  • pour = 100 bars on a 42 kg d'air.

On peut donc stocker (en supposant que la pression est toujours maximale jusqu'à l'utilisation du dernier kg d'air ce qui majore considérablement la valeur calculée) :

  • pour = 300 bars, Énergie = 31 500 kJ = 8,75 kWh ;
  • pour = 100 bars, Énergie = 9 576 kJ = 2,7 kWh.

Ces calculs concernent la détente adiabatique, ce qui correspond à une détente rapide (ce qui est habituellement le cas dans une machine) le rendement est meilleur avec une détente lente en maintenant le gaz à température constante (détente isotherme).

Autres méthodes d'estimation[modifier | modifier le code]

L'énergie contenue dans un volume de gaz comprimé à une pression vaut : où :

  • pour un gaz monoatomique (par exemple He)
  • pour un gaz diatomique (par exemple O2 ou N2)
  • pour un gaz triatomique ou plus (par exemple CO2)

Cette énergie peut être récupérée par décompression adiabatique, c'est-à-dire sans transfert thermique avec l'environnement.

Dans le cas d'une décompression isotherme, c'est-à-dire à température constante, on peut récupérer plus d'énergie, car une partie vient de l'environnement sous forme de chaleur. Dans ce cas, l'énergie récupérée vaut :

où :

désigne la pression avant décompression et après décompression,
étant constant, on peut prendre , avant décompression ou après décompression.

Par exemple, l'énergie contenue dans 300 litres d'air () à 300 bars vaut : , soit 6,3 kWh.

Ceci correspond à l'énergie contenue dans 0,5 kg d'essence, soit 0,69 litres d'essence.

Si la décompression est isotherme : , soit 14,2 kWh.

Ceci correspond à l'énergie contenue dans 1,14 kg d'essence, soit 1,6 litre d'essence[1].

Il s'agit là du pouvoir calorifique de l'essence, l’énergie mécanique susceptible d’être fournie par un carburant est d'environ 1/3 de son PCI.

Justification[modifier | modifier le code]

On justifie les résultats ci-dessus par des calculs thermodynamiques.

Lors d'une décompression isentropique, par exemple réversible et sans échange thermique avec le milieu ambiant, la relation entre la pression et le volume est : = constante où :

  • pour un gaz monoatomique ou un mélange de gaz monoatomiques ;
  • pour un gaz ou mélange essentiellement diatomique comme l'air ;
  • pour un gaz triatomique[b].

Dans le cas d'une décompression isotherme, .

L'énergie lors de la décompression adiabatique se calcule par intégration de à de donc de .

Dans le cas adiabatique, on considère que le volume après décompression est très grand et donc est nul. Ces intégrations donnent les formules énoncées ci-dessus.

Efficacité énergétique d'un moteur à air comprimé[modifier | modifier le code]

Un moteur à air comprimé utilise le principe de la détente d'un gaz, comme dans la partie détente d'une machine frigorifique. Comme celle-ci, il peut théoriquement avoir une efficacité énergétique supérieure à 100 %.

En effet, l'efficacité énergétique est le rapport entre l'énergie (mécanique) restituée par le moteur et l'énergie fournie par le réservoir d'air. Or dans une détente isotherme, de l'énergie thermique ambiante vient s'ajouter à l'énergie du réservoir, pour réchauffer le gaz qui se refroidit lors des détentes successives, ce qui explique que l'énergie mécanique résultante peut être supérieure à l'énergie initiale du réservoir, dans des conditions proches de l'idéal.

C'est donc exactement l'effet inverse d'un moteur thermique, dans lequel la compression de l'air est obtenue par une combustion interne au moteur : la température plus haute que la température ambiante entraîne un transfert important d'énergie thermique vers l'extérieur. Par exemple, pour le cycle de Carnot, l'efficacité de Carnot entre 300 et 900 K est de 1−(300/900) soit 2/3, signifiant 1/3 de pertes thermodynamiques dans le cas idéal.

On voit dans les calculs précédents sur l'énergie pneumatique et dans le cas du processus isotherme idéal, que l'énergie maximale produite peut être de 14,2 kWh, alors que l'énergie fournie en entrée du système, soit l'énergie contenue dans le réservoir calculée par le processus adiabatique, est de 6,3 kWh. On en déduit une efficacité énergétique théorique maximale de 225 % (car 14,2/6,3 = 2,25). L'énergie thermique (gratuite) captable dans l'environnement dans le cas théorique idéal représente 125 % de l'énergie mise dans le réservoir, et s'ajoute à celle-ci.

Il faudrait certes un moteur parfait pour restituer cela, mais il suffirait de fabriquer un moteur ayant moins de 48 % de pertes internes, pour arriver à une efficacité énergétique réelle dépassant 100 %, ce qui serait mieux que tous les autres systèmes moteurs connus.

Cependant, le problème inverse se produit lors de la compression du gaz (chaleur nécessairement produite à évacuer). Toutefois on peut imaginer utiliser cette chaleur obtenue à la compression pour chauffer un bâtiment ou l'eau sanitaire (cogénération). On sait que les machines frigorifiques basées sur un cycle compression/stockage/décompression d'un fluide sont capables d'atteindre des efficacités énergétiques de l'ordre de 300 % (COP ou coefficient de performance de 3). La conservation de l'énergie est respectée parce que l'énergie gagnée est absorbée depuis l'environnement ambiant, d'où l'expression pompe à chaleur.

Certains prétendent qu'un cycle compression/stockage/décompression est moins efficace qu'un cycle génération/batterie/moteur électrique mais ils oublient souvent de prendre en compte les pertes lors du chargement et du déchargement de la batterie (entre 65 et 83 % d'efficacité pour une batterie à circulation d’électrolyte par exemple[2] ), ainsi que des pertes lors de la non utilisation de la batterie.

Classification par fonction[modifier | modifier le code]

Les systèmes pneumatiques utilisent quatre fonctions principales :

  • compression ;
  • transport ;
  • stockage, avec charge et décharge ;
  • moteur ou actionneur.

Des composants supplémentaires vont être utilisés dans les systèmes :

  • vanne ;
  • échangeur thermique ;
  • détendeur ou régulateur de pression ;
  • régulateur de débit ;
  • clapet anti-retour ;
  • filtres ;
  • capteurs pour les mesures de paramètres.

Si la modularité (1 matériel = 1 fonction) est toujours recherchée pour la simplification de la conception et la standardisation de la production, certains matériels peuvent combiner plusieurs fonctions pour des raisons d'optimisation.

Classification par utilisation[modifier | modifier le code]

Les systèmes pneumatiques sont utilisés dans tous les domaines de la vie quotidienne occidentale :

  • amortisseurs ;
  • accumulateurs pour les systèmes hydrauliques, accumulateurs pour la génération d'électricité ;
  • armes à feu, armes à air comprimé ;
  • automatisation de machines-outils ;
  • avions ;
  • instruments de musique à vent ;
  • machines frigorifiques, qui utilisent un gaz compressible sur toute une partie du cycle de fonctionnement ;
  • moteurs à vapeur, turbines à vapeur, moteurs à combustion interne, outils à air comprimé, moteurs à air comprimé, turbines à gaz, réacteurs, éoliennes ;
  • postes pneumatiques ;
  • système respiratoire.

Sans oublier la Terre, dont l'atmosphère est le plus complexe système pneumatique existant.

Classification par niveau de pression[modifier | modifier le code]

  • De quelques mbar à 1 bar : domaine de la régulation, de la fluidique.
  • De 1 à 10 bars : domaine de la commande, de la puissance (usage courant).
  • De 20 à 40 bars : domaine de la navigation (démarrage diesel).
  • De 150 à 250 bars : stockage en bouteilles pour la plongée, avec de l'air où des mélanges spécifiques.
  • De 200 à 500 bars : pression pour les systèmes de grande puissance (avions de chasse, etc.).

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Voir par exemple l'article Compresseur mécanique.
  2. n est le nombre de degrés de liberté des molécules du gaz : respectivement 3, 5 et 6 pour les molécules mono-, di- et triatomiques.

Références[modifier | modifier le code]

  1. Physique de Eugene Hecht, 1re Édition, 4e tirage 2004, (ISBN 2-7445-0018-6). Chapitre 16, section 16.1 formule 16.6 combinée avec la loi des gaz parfaits. Exercice 60 du chapitre 16.
  2. « Efficacité énergétiques des batteries à circulation d'électrolyte, page 37 » (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]