Casque à pointe

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Modèle prussien ultérieur, avec cloche de casque plat, après 1857, officier prussien du corps des dragons
Capitaine d'état-major (Capitaine en second), artillerie russe, ca. 1858

Le casque à pointe[1],[2] (en allemand : Pickelhaube)[3] est un modèle de casque militaire utilisé par les armées prussiennes[4], puis allemandes au XIXe siècle et au début du XXe siècle. Sa pointe devait protéger les fantassins des coups de sabre de la cavalerie[5]. On le trouvera ensuite plus ponctuellement dans d'autres armées à travers le monde. En France, puis au Royaume-Uni, il deviendra sous les traits des caricaturistes, le symbole du militarisme allemand.

Histoire[modifier | modifier le code]

Un bataillon de l'armée royale de Saxe, Brück & Sohn (de), 1903.

Le roi Frédéric-Guillaume IV de Prusse décide en 1842 d'équiper son armée d'un nouveau casque. Selon la légende, le roi aurait copié un modèle russe, aperçu sur la table du tsar Nicolas Ier de Russie[6]. Un casque similaire existait effectivement dans l'armée impériale russe, Bismarck l'avait remarqué dans son voyage en Russie en 1835[6]. Wilhem Jaeger, un métallurgiste d'Elberfeld, ville de la province prussienne de Westphalie, propose en 1841 au ministère prussien de la Guerre un prototype tout en métal[6]. La pointe est censée dévier sur les côtés les coups de sabre et autres armes. Christian Harkort, un tanneur de Haspe, près Hagen, dans cette même province, propose de l'alléger en remplaçant le fer par du cuir[6]. Son projet est retenu, et les première commandes sont passées aux deux[6].

Au moment de son apparition, le casque à pointe est innovant[6]. Il remplace le traditionnel shako[6], un casque venu de Hongrie qui protégeait mal des coups portés, tombait fréquemment sur les yeux et dont le feutre sous la pluie se gorgeait d'eau[6].

Le casque à pointe est fait de cuir bouilli avec des renforts et une pointe en métal. Doté d'une visière et d'un couvre nuque, il protège bien de la pluie et du soleil[6] et est résistant. Des aérations sur son dessus évitent la sudation et un tapissage interne en cuir lui procure une bonne stabilité [6]

Recouvert d'un vernis noir, il a des garnitures en métal blanc ou jaune selon les régiments[7]. Le modèle intégralement métallique est destiné aux cuirassiers, et apparaît souvent sur les portraits de personnalités de haut-rang.

Après avoir été adopté par la Prusse, ce modèle se répand lentement dans les autres principautés allemandes[6]. La Bavière est le dernier royaume allemand à l'adopter en 1886[6] mais avec un peu de réticence. Lors des cérémonies officielles en présence du prince-régent Luitpold, les officiers portent leur ancien couvre-chef[6].

Tout à la fin du XIXe siècle, ces garnitures brillant au soleil et rendant le camouflage impossible, le casque est progressivement équipé d'une bombe en liège recouvert de toile coton beige feldgrau qui devient obligatoire dans le règlement des troupes en campagne en 1910[6], avec le numéro du régiment imprimé en rouge sur le côté[6].

Au début de la Première Guerre mondiale, le casque va montrer ses limites face au développement de l'armement. Il protège mal des éclats d'obus qui sont alors responsables de 80 % des blessures à la tête des soldats[6]. Dès 1915, la pointe, trop voyante, est supprimée[6], une cervelière est alors rajoutée sous le casque. La qualité de celui-ci baisse, car pour cause de pénurie, au cuir sont souvent substitués du carton compressé et de la feutrine. En 1916, il est remplacé par le Stahlhelm[6] (littéralement « casque d'acier »), porté par les troupes allemandes jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

D'autres pays l'ont utilisé, ou avaient un modèle similaire. Aux États-Unis, le corps des Marines l'a adopté entre 1892 et 1904, avant de l'abandonner. La Grande-Bretagne[6], la Suède[6] et plusieurs États d'Amérique du Sud l'adopteront[6], porté par la réputation de qualité de l'armement allemand qui se répand alors à la fin du XIXe siècle[6]. Au Chili et en Colombie, il reste en usage pour la tenue d'apparat de différentes unités[6].

En France, après la défaite de 1871[6] dans la guerre franco-prussienne, puis en Grande-Bretagne à la Première Guerre mondiale, il figurera dans les dessins de presse pour caricaturer le militarisme allemand[6].

Éléments constitutifs[modifier | modifier le code]

Les éléments suivants, constitutifs du casque à pointe de l'armée impériale allemande, renseignent sur l'arme, le grade, et la région d'origine du porteur.

  • la pointe : démontable[6], elle peut être cannelée ou non. Il s'agit d'une boule pour l'artillerie (jugée plus sûre[6]). Pour la garde royale de Prusse, qui deviendra ensuite la garde impériale, et dans certaines unités de gendarmerie, la pointe est remplacée par un aigle moulé[6] ;
  • la plaque frontale est différente pour chaque État de l'Allemagne (les Länder), par exemple des lions pour la Bavière, l'aigle pour la Prusse… ;
  • les cocardes, une de chaque côté au niveau de la fixation de la jugulaire, la droite étant peinte aux couleurs du Reich, la gauche aux couleurs de l'État (Land), sont de formes diverses ;
    • les cocardes indiquent également le grade. Par exemple, pour un sous-officier, par un petit cercle métallique additionnel masquant la couleur blanche de la cocarde du Reich ;
  • la jugulaire est en cuir ou en écailles de métal.

Chez les cuirassiers, le casque est entièrement en métal et le couvre-nuque descend plus bas[6].

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

Les « casques-à-pointe » sont devenus en français, par métonymie, un synonyme pour « les Allemands » d'avant la Première Guerre mondiale, ou pour dénoncer leur prétendu esprit de conquête, politique ou économique. En langue des signes française, le signe courant pour « Allemagne » et « allemand » se fait encore aujourd'hui l'index tendu vers le haut, avec le dos de la main qui tapote le sommet du crâne pour symboliser le casque à pointe, et ce, même dans un contexte non péjoratif[8],[9].

Galerie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Pointe », dans le Dictionnaire de l'Académie française, sur Centre national de ressources textuelles et lexicales (sens 1, Casque à pointe) [consulté le ].
  2. Informations lexicographiques et étymologiques de « pointe » (sens I, A, 4, Casque à pointe) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le ].
  3. Raymond-Fred Niemann, Les mots allemands : deutsch-französischer Wortschatz nach Sachgruppen, Paris, Hachette Éducation, (réimpr.  et ), 6e éd. (1re éd. 1886), 1 vol., 381, 18 × 25 cm (ISBN 978-2-0114-5621-2, EAN 9782011456212, OCLC 470640853, BNF 40987448, SUDOC 112833349, présentation en ligne, lire en ligne), p. 223, col. 1, s.v.le casque à pointe (lire en ligne) [consulté le ].
  4. Gary Sheffield, La Première Guerre mondiale en 100 objets : Ces objets qui ont écrit l'histoire de la grande guerre, Paris, Elcy éditions, , 256 p. (ISBN 978 2 753 20832 2), p. 11-13
  5. Bernard Crochet et Gérard Piouffre, La Première Guerre mondiale : Verdun : L'essentiel de la Première Guerre mondiale, Novedit, , 379 p. (ISBN 978-2-35033-823-1), p. 84
  6. a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z aa ab et ac "Le Pickelhaube, fleuron d'une technologie de pointe", Un objet, une histoire, par Jean Lopez, Guerres & Histoire n°37, juin 2017.
  7. Jean-Claude Laparra et Jacques Didier, La machine à vaincre : de l'espoir à la désillusion. Histoire de l'armée allemande 1914-1918, 14-18 éditions, , p. 87
  8. Piopier, ArinArin et Harry2410, « Allemagne », sur Wikisign, (consulté le )
  9. Geneviève Le Corre, « La représentation partitive du référent en Langue des Signes Française », sur cairn.info, (consulté le ) : « les locuteurs sourds n’ont pas à connaître l’existence depuis longtemps révolue du casque à pointe prussien pour comprendre le signe [ALLEMAGNE] »

Annexes[modifier | modifier le code]

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Article connexe[modifier | modifier le code]

Lien externe[modifier | modifier le code]