David Olère

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David Olère
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Œuvres principales

David Olère, né Oler[1] est un peintre et sculpteur français du XXe siècle, né à Varsovie, le , et mort à Noisy-le-Grand, le .

Ayant quitté sa Pologne natale pour devenir peintre et sculpteur en France, il est naturalisé français en 1937 et réalise notamment plusieurs affiches de cinéma. La Seconde Guerre mondiale fait cependant irruption dans l’existence de ce Juif polonais qui est déporté au camp d’Auschwitz-Birkenau de 1943 jusqu'au 6 mai 1945. Employé dans une équipe de Sonderkommando chargée de traiter les cadavres des chambres à gaz, il parvient à échapper aux purges effectuées pour ne pas laisser de témoin, car ses dessins sont fort appréciés de ses gardiens SS. Il devient donc, après la guerre, un témoin visuel de premier plan de l’expérience concentrationnaire et du procédé d’extermination, qu’il ne cesse de représenter par le dessin et la peinture.

Biographie

Avant la guerre

David Olère naît dans une famille juive de Varsovie d'un père médecin et d'une mère sage-femme[2],[3]. Il montre un talent précoce pour la peinture et entre à 13 ans à l'école des Beaux-Arts de Varsovie, en dépit de son jeune âge et du numerus clausus à l'encontre des Juifs. Il obtient une bourse et quitte la Pologne pour Berlin trois ans plus tard. Il y est engagé par Ernst Lubitsch à l'Europäische Film Allianz[4] comme peintre, maquettiste et décorateur de studio.

En 1923, il émigre à Paris, s'installe à Montparnasse, fréquente de nombreux artistes, travaille comme affichiste à la Paramount et enseigne à l'académie de la Grande Chaumière. Il épouse en 1930 Juliette Ventura, dont il a un fils, Alexandre. Il est naturalisé français en 1937, sous le nom de David Olère.

Seconde Guerre mondiale

David Olère est mobilisé en 1939 au 134e régiment d'infanterie. Après sa démobilisation, il perd son emploi, la Paramount fermant ses portes, et il est astreint au statut des Juifs instauré par le régime de Vichy.

Le , il est arrêté par la police française lors d'une rafle à domicile. Le 2 mars, il est déporté de Drancy vers Auschwitz avec mille Juifs, par le convoi n° 49[2]. Matricule 106144, il est choisi pour faire partie du Sonderkommando, le « commando spécial » dont le rôle principal est de sortir les corps des chambres à gaz et de récupérer sur les cadavres tout objet de valeur avant de les charger dans les fours crématoires[5]. Les membres des Sonderkommandos, bien que relativement mieux traités que les autres prisonniers du camp, étaient régulièrement gazés eux-mêmes pour éviter des révélations et témoignages gênants sur le processus d'extermination à l'œuvre à Auschwitz-Birkenau. Son talent de dessinateur retenant l'intérêt des SS, David Olère échappe à la mort programmée en calligraphiant et décorant de dessins les lettres envoyées par les SS à leur famille. Il retient de nombreux lieux, moments et expériences du camp, confirmés par les divers témoignages qui seront trouvés par la suite (photos de SS, manuscrits enterrés d'autres membres de Sonderkommando, témoignages de survivants). Parlant le polonais, le français, l'anglais et l'allemand, il sert également d'interprète aux Allemands qui, sentant la défaite poindre, n'hésitent pas à capter les nouvelles de Londres diffusées par la BBC. Il y apprend la libération de Paris et Strasbourg.

David Olère réussit, comme d'autres membres du dernier groupe de Sonderkommando, à se mêler aux autres prisonniers du camp lors de l'évacuation de Birkenau et d'Auschwitz le . Il prend alors part à la marche de la mort jusqu'au camp autrichien de Mauthausen. Il n'est libéré par l'armée americaine que le 6 mai.

Revenu à Noisy-le-Grand, Olère ne nourrit plus son art (dessins, peintures et sculptures) que dans une perspective de témoignage. C'est son seul moyen de supporter l'horreur vécue et sa seule motivation à survivre. Ses œuvres sont considérées comme un témoignage visuel de première importance.

Il meurt, selon son fils Alexandre, épouvanté par la naissance des thèses négationnistes, qui n'hésitent pas à mettre son propre témoignage en doute.

Œuvre

Olère dessine de 1945 à 1962. Ses dessins sont parfois ses seuls documents visuels restants. Lorsque des photos d'époque faites par des SS ou des plans ont été trouvés plus tard, par exemple de la salle des fours ou des bâtiments du crématoire, il s'est avéré qu'ils étaient superposables à ses dessins, qui étaient d'une précision d'architecte. Olère fournit par exemple des plans en coupe de ces installations, détruites peu avant l'évacuation du camp, afin d'expliquer comment fonctionnaient les usines de mort nazies. Bien qu'appelé à dessiner pour des SS (il se montre sur l'un de ses dessins en train de réaliser une marine sur un abat-jour de peau), il ne pouvait évidemment pas réaliser de croquis sur place.

Olère se représente souvent dans ses dessins, identifiable par son matricule. Outre des scènes de sélection et de gazage, concernant des groupes ou des individus, il montre dans son travail les mines après l'évacuation de Birkenau, ou encore des scènes de prière, ayant rapidement croqué une étoile de David et une figure de Jésus sur du papier d'emballage pour ses camarades de baraque lors du dernier hiver passé à Auschwitz. Un dessin représente Juifs et chrétiens priant pendant qu'un prisonnier fait le guet, cette activité étant comme beaucoup d'autres interdite. Un autre dessin, Les Inaptes au travail, réalisé après 1945, renvoie au destin des déportés ne pouvant travailler.

En 1952, Olère réalise Les Vivres des morts pour les vivants[6]. Cette huile sur carton mesurant 102 × 76 cm est exposée au musée de l'Holocauste à New York. Ce tableau, réalisé peu après la Seconde Guerre mondiale, décrit un mouvement expressionniste. Ce courant artistique du XXe siècle cherche à exprimer les émotions, les sentiments[7].

Recueils publiés

  • David Olère, L'Œil du témoin, Fondation Beate Klarsfeld, Paris 1989.
  • David Olère et Alexandre Olère, Un génocide en héritage, éditions Wern (ISBN 2-912487-35-8).

Notes et références

  1. Klarsfeld 2012.
  2. a et b Klarsfeld 1978.
  3. Shlomo Venezia, Sonderkommando : Dans l'enfer des chambres à gaz, Albin Michel, , 272 p. (ISBN 978-2-226-19768-9, lire en ligne).
  4. Alliance européenne du film.
  5. Aurélia Vertaldi, « Shoah : comment la bande dessinée représente l'indescriptible », sur lefigaro.fr, (consulté le ).
  6. http://www.clg-lumiere-marly.ac-versailles.fr/IMG/pdf/2013-2014_3.hda._david_olere_les_vivres_des_morts_pour_les_vivants_-_fiche_eleve.pdf.
  7. David Olère, 1902-1985: un peintre au Sonderkommando à Auschwitz, Serge Klarsfeld, David Olère, Beate Klarsfeld Foundation, 1989.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, Paris, Beate et Serge Klarsfeld, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
  • Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article
    nouvelle édition, mise à jour, avec une liste alphabétique des noms, FFDJF
  • (en) Bella Shomer-Zaichik, Out of the Depths : David Olere, an Artist in Auschwitz, Yad Vashem, 84 p.
  • Nieszawer et Princ, Histoires des artistes Juifs de l'École de Paris, 1905-1939, (Denoël, 2000 - Somogy, 2015) Les étoiles éditions, 2020, p. 325-326.

Liens externes