Normande

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Normande
Image illustrative de l’article Normande
Région d’origine
Région Drapeau de la Normandie Normandie , Drapeau de la France France
Caractéristiques
Taille Grande
Robe Pie bringée
Autre
Diffusion Internationale
Utilisation mixte à dominante laitière

La normande est une race bovine française originaire de Normandie. C'est une vache de taille moyenne, qui a une robe caractéristique, blanche avec plus ou moins de taches brunes ou bringées (presque noire)[1]. Elle a la réputation d'être une race mixte, qui produit une viande de qualité et dont le lait est particulièrement bien adapté à la transformation fromagère, du fait de ses forts taux butyreux et protéiques, et de la nature des caséines qu'il contient.

Pour certains la normande trouverait ses origines chez des bovins amenés dans la région par les Vikings. Même si cette hypothèse a peut-être une part de vérité, la normande telle qu'on la connaît actuellement est proche d'autres races anglo-normandes comme la jersiaise, et est issue de la fusion de diverses races locales dont notamment la cotentine et l'augeronne. La race a été ensuite influencée par l'infusion de sang durham au XIXe siècle, et a vu ses conditions d'élevage et donc son format s'améliorer avec les progrès de l'agriculture. Le herd-book de la race est créé en 1883, et la sélection de la race s'organise petit à petit. La race a été fortement affectée par la Seconde Guerre mondiale, car le débarquement de Normandie a provoqué des dégâts au sein de l'agriculture locale.

La race se réorganise cependant avec un système de sélection efficace qui en fait la principale race laitière française. Toutefois elle est concurrencée à partir des années 1970 par la Prim'Holstein, et ses effectifs déclinent peu à peu. Elle est aujourd'hui la deuxième race laitière française en termes d'effectifs derrière la Prim'Holstein. La normande est en outre un animal emblématique de la Normandie. Elle étend toutefois son influence dans les régions avoisinantes depuis déjà longtemps, et est présente un peu partout dans le monde.

Historique

Origine

La normande semble avoir une lointaine parenté avec la jersiaise, originaire de Normandie insulaire.

On donne parfois à la normande une origine scandinave. C'est notamment le point de vue de Pierre Godefroy, journaliste et fin connaisseur du monde agricole, qui la compare à la race Télémark, à la robe mouchetée et bringée et exhibant des lunettes semblables à celles des vaches de Normandie[2]. Mais s'il est possible que les Vikings aient apporté des bovins dans leurs drakkars, ceux-ci n'avaient certainement rien à voir avec la vache que nous connaissons aujourd'hui. Le bétail normand était très hétérogène au Moyen Âge, et ce n'est qu'en 1718 qu'un marchand de bestiaux parle pour la première fois de vaches à la robe rouge ou bringée[3]. Il est parfois suggéré l'existence d'un lien de parenté entre la race normande et jersiaise[4]. Avant l'arrivée des Vikings, au IXe siècle, la population bovine qui peuplait le Cotentin était vraisemblablement identique à celle de Jersey. Les échanges entre les îles anglo-normandes, dont fait partie Jersey, et la péninsule cotentine, toutes deux intégrées au duché de Normandie, sont très importants[4] et l'étaient encore davantage autrefois. En 1204, tandis que la Normandie continentale passe sous domination du roi de France, Jersey conserve le statut qui était le sien dans l'empire Plantagenêt. Désormais l'arrivée d'animaux en provenance du continent se voit interdite sur l'île en raison de la rivalité entre le roi de France et le roi d'Angleterre, duc de Normandie. Par contre, les transferts dans l'autre sens sont autorisés et fréquents, et les animaux jersiais sont mêlés aux races normandes[4]. Il en résulte une certaine ressemblance physionomique entre la jersiaise et la normande, bien que leurs robes et leur format diffèrent, elles partagent un mufle un peu retroussé, des yeux et un cornage similaires, et d'excellentes aptitudes laitières et beurrières[4]. Certains auteurs suspectent d'ailleurs que le fort taux butyreux de la normande soit lié à l'infusion récente de sang jersiais[5].

En réalité, la race normande est issue principalement de la fusion de deux races locales au cours du XIXe siècle :

La vache du Cotentin par Jacques de Sève, illustrateur.
  • la cotentine, race à laquelle on prête souvent une origine germanique et qui pourrait selon certains avoir été importée par les Vikings[6]. Les archives antérieures à 1850 montrent que deux types de vaches cotentines coexistaient en Normandie[6]. La « grande race » se distinguait par des proportions étonnantes. En effet les descriptions de l'époque indiquent que les bœufs mesuraient 1,90 à 2,12 m de haut pour 3 m de long et un poids compris entre 1 300 et 2 000 kg[7]. Ces dimensions qui laissent aujourd'hui perplexes ont été validés par les « Inspecteurs de l'Agriculture » de l'époque. Toutefois, ces animaux étaient très mal conformés et peu précoces. Leur robe était rouge bringée. La « petite race » présentait des mensurations plus raisonnables : 1,50 à 1,60 m de haut pour 1,80 m de long et un poids moyen de 360 kg pour les bœufs[7], et 1,48 m de haut pour 1,75 m de long et un poids moyen de 240 kg pour les vaches[7]. Également bringée, cette race très présente dans la Manche était une bonne laitière[7]. Plusieurs sources semblent confirmer que la cotentine formait une population de bovins à la robe bringée et à la conformation et la taille supérieure aux autres races de la région. Elle avait de bonnes aptitudes laitières et s'engraissait rapidement mais était peu précoce, exigeante en nourriture et peu douée pour le travail[8] ;
  • l'augeronne, est une vache de couleur blanc truitée, plus petite que la cotentine, plus fine et plus apte à l'engraissement. Elle est issue de croisements des bovins locaux avec des animaux « hollandais »[9], introduits dans le pays d'Auge dans les années 1720 et depuis régulièrement croisés avec les vaches du Cotentin[10] ;

D'autres races locales ont certainement plus ou moins contribué à la création de la normande. Parmi elles on peut notamment citer la cauchoise, une vache pie rouge avec une tête toute blanche ou majoritairement blanche. Cette vache d'origine flamande[11] était une médiocre laitière, haute en taille et peu musclée[7]. Les sources recensent aussi la race du Bocage dans la région de Coutances, une petite vache au poids compris entre 175 et 300 kg, de couleur bringée ou caille, rustique et apte au travail[7], la race du pays d’Avranches, rustique et travailleuse mais médiocre laitière et mal conformée[7], la race à basse corne de la région de la Hague, la mayennaise, la Sarlabot (sans cornes par croisement d'introgression avec des animaux brittaniques) et les animaux de Bessin, de petite taille[12]. Toutes ces races ont progressivement disparu, victimes des croisements avec la cotentine et la durham, et peu à peu assimilées aux autres races[12].

Organisation et développement de la race

Au début du XIXe siècle, l'apport de sang durham, ancien nom de la shorthorn, a été effectué, afin d'améliorer la précocité, la conformation bouchère, la finesse de la viande et l'aptitude à l'engraissement. Ces croisements étaient encouragés par le gouvernement pour améliorer la production de viande des races françaises, en s'appuyant sur cette race anglaise très bien conformée et spécialisée dans la production de viande[4]. D'abord timides, les apports d'animaux Durham deviennent petit à petit très importants, et des vacheries comme celle du Pin, dans l'Orne[13], permettent d'accueillir les taureaux anglais qui sont diffusés dans les élevages. Ces croisements ne font toutefois pas l'unanimité, et de nombreux éleveurs reprochent la moindre production laitière et la moindre aptitude au travail des animaux croisés[4]. Ils sont finalement abandonnés au milieu du XIXe siècle, les éleveurs jugeant que les races locales comme la cotentine n'avaient nul besoin d'être améliorées par du sang durham, qui avait un effet très négatif sur sa production laitière, mais nécessitaient plutôt une sélection drastique[14]. Ce court épisode de croisements n'a duré qu'une vingtaine d'années, mais il a permis aux éleveurs d'appréhender ce qu'était une race améliorée comme la Durham, et de préparer les améliorations de la sélection, mais aussi des techniques d'élevage et d'alimentation, nécessaires pour voir progresser les performances de leurs animaux[14].

Ainsi, la seconde moitié du XIXe siècle est marquée par les importants progrès réalisés par l'agriculture, au niveau de la reproduction des animaux qui est de plus en plus raisonnée, des techniques d'élevage et de l'alimentation animale, mieux réfléchie et bénéficiant de l'importante amélioration des rendements des prairies via l'utilisation d'engrais et d'amendements, de nouvelles espèces fourragères et de nouveaux outils pour les récolter en quantité[15]. Par ailleurs, l'agriculture se structure fortement à cette époque, avec la création des écoles d'agriculture, des comices, des sociétés d'Agriculture et de diverses organisations locales, dans lesquelles l'élite de l'époque a une place importante[15]. Ainsi, dans les années 1830 est créée à Bayeux à l'initiative d'Arcisse de Caumont l'Association normande[16], sorte d'académie locale regroupant toutes les compétences de l'époque (industrie, commerce, agriculture…)[15]. Celle-ci s'intéresse de près à l'élevage à partir de 1840, et organise dès lors un concours agricole annuel, couplé au grand congrès de l'association[15]. Cet évènement auquel peuvent participer tous les animaux de Normandie est l'occasion de récompenser les meilleurs éleveurs et leurs bêtes, mais également pour l'association d'évaluer la qualité du cheptel local et observer son évolution au fil des ans[15]. C'est au cours d'un congrès de cette Association normande en 1847 que le comte Hervé de Kergorlay exprime son souhait de voir le concours s'intéresser également à la production laitière des vaches et aux capacités des taureaux à engendrer des femelles à forte production laitière, et la nécessité de raisonner les accouplements et les enregistrer pour obtenir des races bien fixées[15]. Il exprimait ainsi les grandes lignes de ce qui deviendra le contrôle laitier et le herd-book normand[15].

Il faut tout de même attendre 1883 pour voir apparaître le herd-book de la race bovine normande, à l'initiative de diverses associations agricoles locales et du gouvernement. La commission qui le crée est chargée dans un premier temps de fixer les conditions d'inscription des animaux[17]. Dans un premier temps on inscrit les mâles âgés de plus de 12 mois et les femelles de plus de deux ans, à condition qu'ils présentent une morphologie adéquate et une ascendance de race pure[17]. Les inscriptions sont gratuites et les demandes nombreuses durant les deux premières années, puis le herd-book est fermé, n'acceptant plus que des animaux issus de ceux déjà inscrits, même si les exceptions demeurent courantes[17]. Cette sélection qui s'organise obtient rapidement de bons résultats, et la race normande, qui se démarque par sa bonne conformation bouchère et ses excellentes aptitudes laitières et beurrières, se développe rapidement au début du XXe siècle[17]. Le contrôle laitier se développe en Haute-Normandie, et certaines zones se démarquent par la qualité de leur sélection comme la Manche (Val de Saire, Cotentin), le Calvados (Bessin), l'Orne et la Seine inférieure (Pays de Caux, Pays de Bray). La race gagne également les régions voisines, et même l'étranger, et semble promise à un bel avenir[17].

Réorganisation durant l'entre deux guerres

Le herd-book normand est réorganisé après la Première Guerre mondiale. Il devient une association loi 1901 qui regroupe outre les éleveurs tous les acteurs intéressés par l'amélioration de la race normande : les syndicats des contrôles laitiers, les syndicats d'élevage, les mutuelles bétail, les sociétés d'agriculture, les syndicats agricoles, les comices y sont ainsi représentés[18]. Il a pour objectifs principaux de tenir le livre généalogique de la race normande et garantir le maintien de la pureté de cette race, l'amélioration de ses aptitudes à produire du lait, du beurre et de la viande, et la diffusion des reproducteurs de la race partout en France et à l'étranger[18]. Dans les années 1920 la tenue du livre généalogique était la principale préoccupation du herd-book, et de très nombreuses inscriptions ont été réalisées à cette époque[18]. L'inscription de nouveaux animaux étant possible, et les nouvelles conditions d'entrée au herd-book étant peu restrictives, pas moins de 41 902 animaux sont inscrits à titre initial entre 1924 à 1938, en plus des 91 447 animaux qui y entrent au titre de leur ascendance[18]. Cette politique d'ouverture du livre à de nombreux animaux était critiquée, certains l'accusant de s'intéresser surtout à l'intérêt financier immédiat de ces inscriptions qui étaient payantes plutôt qu'à l'amélioration de la race. Par ailleurs les taureaux inscrits à cette époque l'étaient uniquement sur leur aspect extérieur et leur conformation, et très peu furent à l'origine de bonnes souches de vaches[18]. On reprochait également le peu d'effort fait par l'association pour diffuser la race, son action se limitant à l'époque à délivrer quelques certificats d'exportation (900 taureaux ont été exportés, principalement vers l'Amérique du Sud, entre 1920 et 1939)[18]. De plus, le contrôle laitier n'est pratiqué que par un petit noyau d'éleveurs et mal utilisé dans la sélection, et les progrès dans la production laitière à l'époque sont plus le fruit de l'alimentation qui s'améliore que de l'amélioration génétique[7].

En 1929 est créé un livre d'élite, qui rassemble les animaux aux aptitudes bouchères et laitières au-dessus du lot : chaque animal du livre généalogique se voit attribuer une note sur 100 suivant des critères tels que la conformation, les aptitudes laitières et beurrières et la pureté de la race (robe et morphologie correspondant parfaitement aux standards), et seuls les animaux qui obtiennent une note supérieure à 80 rejoignent le livre d'élite, soit 24 taureaux et 1 179 vaches entre 1929 et 1938[7]. Le herd-book normand rejoint le registre des livres généalogiques des grandes races françaises en 1938. Il est alors dans une très bonne situation financière, et compte un grand nombre d'animaux, mais derrière cette apparente bonne santé se cache une sélection peu efficace et une race qui s'est peu développée au-delà de sa région d'origine, contrairement à d'autres races concurrentes[19].

La reconstruction d'après-guerre et le développement de la race

La Seconde Guerre mondiale a porté de grands préjudices à la race normande[20]. Dans cette région qui s'est retrouvée au cœur du conflit à la suite du débarquement de Normandie, de nombreux bâtiments agricoles ont été détruits, des milliers d'hectares de cultures et de prairies ont été anéantis, et au total près d'un tiers du cheptel normand, y compris plusieurs élevages sélectionneurs, a disparu entre 1939 et 1945. Par ailleurs, le siège du herd-book normand, situé à Caen, a brûlé avec les archives qu'il contenait[20]. Il faut donc pour le herd-book se réorganiser, et faire un premier travail laborieux de recensement des élevages et des animaux encore présents[20].

Tête d'une vache normande.

En 1946, le herd-book normand est réformé en profondeur par ses membres[20]. Les principaux changements sont la fermeture du livre généalogique pour les mâles, qui ne sont plus admis dans ce livre que par ascendance, et l'obligation de se soumettre au contrôle laitier pour tous les éleveurs inscrits au herd-book à partir de 1948[20]. Cette dernière décision va permettre de grandes améliorations dans la sélection de la race, en faisant prendre en compte aux éleveurs l'importance de cette sélection pour améliorer la performance de leurs animaux, et en la rendant plus efficace grâce à la connaissance précise des aptitudes laitières et beurrières des animaux, qui permet de trier plus précisément les meilleurs et donc les plus intéressants à garder comme reproducteurs[20]. Le livre d'élite de la race est réorganisé à la même époque[20]. La fermeture du livre généalogique pour les taureaux visait surtout à éviter les inscriptions de taureaux uniquement sur leur conformation, ce qui était fréquent durant l'entre-deux-guerres, alors que ces animaux n'avaient souvent aucun intérêt pour l'amélioration génétique de la race car piètres reproducteurs et engendrant des filles à la production laitière médiocre[20]. À la suite des demandes pressantes des éleveurs de la Manche qui étaient les plus impactés par l'arrêt des inscriptions initiales mâles, un livre B est créé pour ces animaux en 1952[21], mais le suivi des animaux qui y sont inscrits n'est pas suffisant pour leur permettre de rejoindre un jour le livre principal[20].

La sélection s'organise dès lors de manière plus efficace. À partir de 1952 la race se dote d'une station de testage des taureaux, consistant à mesurer les performances de taureaux à fort potentiel et celui de leurs filles, afin de connaître leurs aptitudes réelles à améliorer la race[21]. Le développement de l'insémination artificielle, dont le premier centre est créé dans le Perche, non loin du berceau de la race, permet également d'accélérer le progrès génétique[22]. Comme en plus la race est dotée d'un bon potentiel de départ, elle obtient un grand succès à cette époque. Ainsi, lorsque des concours laitiers inter-races sont créés en 1952, la normande se montre à son avantage à tel point qu'après quelques années de domination sans partage de la race les concours sont stoppés en 1957[22]. Les éleveurs d'autres régions s'intéressent à la normande qui se développe dans une grande partie de la France, comme en Bretagne, en Vendée, en Dordogne, en Charente, dans la Loire, ou dans la Gironde, l'insémination artificielle rendant plus facile cette expatriation[22]. Ainsi, en 1960 on compte en France plus de 4,5 millions de bovins normands, soit près d'un quart du cheptel du pays[22].

La normande depuis les années 1970

Normande sacrée championne lors d'un concours régional à Pontivy

À partir des années 1970, la normande est fortement concurrencée par une race en rapide développement : la frisonne pie noire qui deviendra la Prim'Holstein [23]. Cette dernière fait l’objet d'une sélection intense, en particulier dans les pays anglo-saxons, et sa production laitière progresse très rapidement pour supplanter celle des autres races[23]. Dans le contexte productiviste de l’époque, elle est donc préférée à la normande dans beaucoup d’exploitations[23]. Par ailleurs beaucoup d'exploitations possédant des normandes étaient des exploitations de petite taille, et nombre d’entre elles ont disparu dans la seconde moitié du XXe siècle[24]. Finalement, alors que le cheptel normand comptait 4 millions de têtes en 1930, il n'en compte plus que la moitié en 2009[24]. De même le nombre d’inséminations artificielles en normande décroit : de 670 000 en 1989 à 473 000 en 2000 et 370 000 en 2011[24].

Le cheptel français de race normande, avec environ 2 millions de têtes en 2009 dont 600 000 vaches en lactation, est à la troisième place en termes d'effectif dans l'élevage bovin français derrière la Prim’Holstein et la Montbéliarde. Son cheptel est principalement concentré en Basse-Normandie, mais aussi dans les Pays de la Loire, en Bretagne et en Haute-Normandie. Elle est exportée depuis la fin du XIXe siècle et depuis longtemps présente dans de nombreux pays étrangers en particulier en Amérique du Sud (Uruguay, Paraguay, Venezuela, Colombie…), à Madagascar et en Europe (Grande-Bretagne, Irlande, Belgique).

Description

Morphologie

Elle est de grand format, les mâles mesurant en moyenne 1,50 m au garrot pour 1 100 kg et les femelles mesurant 1,42 m au garrot pour en moyenne 800 kg[25],[26].

C'est une vache à robe tricolore bringée noir, blond fauve et blanc caille, le ventre et la tête sont toujours blancs, avec sur la tête des taches de couleur (lunettes et museau). La répartition des couleurs, toujours en taches irrégulières, est très variable et on trouve trois types de robe : la robe « caille », blanche avec des petites taches colorées éparses, la robe « blonde », caractérisée par une grande tache rouge, qui ne recouvre pas le ventre, et la robe « bringée », avec une grande tache bringée recouvrant la plupart du corps, le ventre demeurant là encore blanc[27]. Tous les intermédiaires existent entre ces trois types de robe. La tête est blanche avec le tour des yeux et du mufle colorés. Elle se caractérise également par un mufle court et un front large et déprimé (creusé) entre les yeux. Les muqueuses sont foncées. Les cornes sont blanches ou jaunes, ont une section arrondie et sont recourbées vers l’avant[28].

Modèle:Message galerie

Standard

Tête d'une vache normande.

Suivant les statuts du herd-book de la race, la race normande est une :

race de grande taille, extrêmement rustique et remarquable par sa triple aptitude à produire du lait, du beurre et de la viande. La robe est variée mais en général caractérisée par des rayures ou zébrures brun-foncé (pelage bringé). Elle varie du bringé au caille blond en donnant, suivant la nuance du fond de la robe et le dosage du blanc, des robes dites : bringé foncé, bringé blond, caille bringé et caille blond. Un certain nombre de sujets dont le fond de la robe est blanc ont un pelage tacheté de tigrures ou de mouchetures. La tête, le ventre et les extrémités sont également marquées de blanc.

La conformation est régulière : la tête expressive et à profil concave, porte des cornes fines, blanches ou jaunes, à section arrondie et recourbées en avant. Le front est large et légèrement déprimé, les yeux gros et saillants, les sus-naseaux droits et soudés en voûte plein cintre, le mufle gros et retroussé, la face, ni trop longue ni trop courte, est légèrement déprimée sur les côtés, la gorge dégagée, l’encolure moyenne et sans fanon, la ligne du dos rectiligne et horizontale, la poitrine bien développée, le garrot et les hanches larges, la culotte assez fournie et les cuisses bien descendues.

La peau d’épaisseur moyenne est souple et moelleuse. L’appareil mammaire est très développé et recouvert d’une peau fine et onctueuse, laissant apparaître à sa surface des veines fortes et sinueuses.

Règlement d'organisation technique des statuts du herd-book normand

Aptitudes

La normande est considérée comme une race mixte, dotée d'une bonne production laitière, notamment en termes de qualité, et d'aptitudes bouchères intéressantes[29].

Qualités laitières

C'est une race qui a d'excellentes aptitudes laitières, notamment vis-à-vis de la qualité. Les quantités de lait produites sont toutefois très bonnes également, avec une moyenne de 7 300 kg de lait par vache et par an pour les vaches inscrites au contrôle laitier[30]. Son lait est riche en matières grasses (taux butyreux à 42,8 pour 1 000) et en protéines (34,3 pour 1 000 de taux protéique), et la normande fait d'ailleurs partie des races chez qui ce taux est le plus élevé. Ce lait est apprécié pour la fabrication de fromage du fait de la plus grande fréquence de la présence d'un variant B de la kappa caséine par rapport aux autres races. Cette richesse du lait est un atout pour les éleveurs car leur rémunération en tient compte, le lait de race normande étant payé en moyenne 20 centimes/litre au-dessus du prix de base.

Qualités bouchères

La normande fournit également des carcasses lourdes avec un bon rendement en viande. Sa viande est très appréciée pour sa saveur et son persillé, qui lui ont permis d'être jugée meilleure viande par un jury du Gault et Millau. En 1992 a été mise en place la Filière Qualité Race Normande pour valoriser au mieux cette viande[31]. Tout cela permet aux éleveurs de bien valoriser leurs animaux destinés à la viande, contrairement aux éleveurs d'autres races laitières. Ils produisent des vaches de réforme mais également des veaux de boucherie ou des taurillons et des bœufs.

Différentes formes de commercialisation des animaux de boucherie pour la race normande[32]
Type d'animal Âge à l'abattage (mois) Poids vif (kg) Poids de carcasse (kg)
Veau de boucherie 3 à 4 180 120
Taurillon 15 à 18 700 420
Vache ou génisse de boucherie plus de 36 750 400
Bœuf plus de 30 800 450

Qualités d'élevage

Veau de race normande.

Ces vaches sont appréciées des éleveurs pour leurs qualités d'élevage. Ainsi, elles sont très fertiles, avec un taux de réussite en première insémination artificielle de 53 %, taux identique à celui de la montbéliarde, mais supérieur à celui de la prim'Holstein qui n'est que de 45 %[33]. La facilité de vêlage de cette vache est excellente, avec 91 % de vêlages faciles dont 65 % sans aucune aide, soit un peu mieux que les deux autres principales races laitières françaises que sont la prim'Holstein (89 % de vêlages faciles dont 53 % sans aide) et la montbéliarde (87 % de vêlages faciles dont 47 % sans aide)[34]. La normande est également dotée d'une bonne longévité et d'une grande docilité[35]. Elle montre également une bonne rusticité et des qualités d'adaptation dans divers climats, en particulier ceux qui se rapprochent du climat océanique normand. Elle a réussi à s'adapter aux conditions d'altitude et aux pentes abruptes de la Colombie et de l'Équateur[36].

Sélection

Premiers pas de la sélection

La sélection de la race normande commence à la fin du XIXe siècle. Les éleveurs normands pratiquent des accouplements raisonnés et sont plus précis dans le choix des animaux qu'ils conservent pour la reproduction, ce qui permet des progrès importants au sein de leur cheptel[17]. Toutefois, au début du XXe siècle, la sélection en race normande est moins efficace que celle pratiquée par d'autres races à la même époque[18]. En effet, le herd-book est ouvert à un grand nombre d'animaux, et les taureaux inscrits en nombre uniquement sur des critères de conformation se révèlent souvent médiocres comme reproducteurs pour engendrer des vaches à bonne production laitière[18]. Par ailleurs le contrôle laitier reste peu développé, et il est difficile d'apprécier précisément la valeur génétique des animaux. À cette époque ce sont plus les progrès de l'alimentation que la sélection qui permettent l'amélioration des performances[7].

La sélection est véritablement lancée après la seconde guerre mondiale, avec la réforme du herd-book : le contrôle laitier devient obligatoire et le livre généalogique est fermé aux taureaux. Par ailleurs, à compter de 1951, le concours de Paris met en place une nouvelle méthode de classement des animaux via une note de synthèse qui additionne une note laitière et une note de conformation donnée par les juges, ce qui modifie fortement les résultats[7]. Cette note, qui est améliorée par des coefficients, incitent les éleveurs à plus travailler sur les critères de production et moins sur la conformation seule[22]. Ces dispositions permettent une amélioration génétique de la production laitière et de l'aptitude beurrière des animaux. Ainsi, la production beurrière des vaches inscrites au herd-book normand passe de 190 kg en 1950 à 300 kg en 1960[7]. Alors qu'elle avait été laissé complètement de côté, jugée mineure par rapport à la production de lait et de beurre, la production de viande redevient un critère de sélection à partir de 1955, quand certaines races spécialisées comme la charolaise commencent à supplanter les autres dans ce domaine dans les boucheries. Pour que la race ne se laisse pas trop dépasser au niveau des aptitudes bouchères, les grilles de pointage sont réadaptées et le herd-book mène des expérimentations avec l'INRA sur les vaches de réforme normandes[22].

Ces progrès génétiques sont accélérés par le développement de l'insémination artificielle et par le testage des taureaux. L’insémination artificielle, qui apparait en 1946 et dont la première expérience réussie s’est faite sur une vache normande, se développe fortement dans la décennie suivante. Ainsi, en 1960, environ 1 250 000 vaches sont inséminées par 240 taureaux normands. Les taureaux de très bonne valeur génétique peuvent alors être diffusés à très grande échelle et l'amélioration génétique des animaux est rapide. Deux grandes coopératives se partagent alors l'insémination artificielle au sein de la race : l'UCARBN (Union des Coopératives d’Amélioration de la Race Normande) et la Coopérative des Éleveur-Sélectionneurs Val-de-Saire et du Nord de la Manche[21]. L'élevage des taureaux reproducteurs connait par contre une crise liée au développement de l'insémination[37]. Le testage des taureaux est lui pratiqué depuis 1952, quand les coopératives d’insémination, le herd-book et le contrôle laitier décident de créer conjointement la Société de Testage des jeunes taureaux de race normande[21]. Le testage consiste à prélever la semence d’un certain nombre de jeunes taureaux susceptibles d’être diffusés à grande échelle via l’insémination artificielle et dont on veut donc connaître la valeur avec précision[38]. Les veaux issus des inséminations de testage avec ces taureaux sont suivis, et on mesure leur conformation et leurs performances, notamment la production laitière des femelles[38]. À partir de là on peut calculer un index donnant une valeur assez fiable du taureau[38]. Les débuts du testage sont timides, et ce ne que vers 1960, alors que la Société de testage disparait et que celui-ci est géré par un organisme national, qu’il prend réellement son essor[38]. La possibilité pour les centres d’insémination de pouvoir acheter les taureaux alors qu’ils restaient au départ la propriété de l’éleveur a certainement contribué à ce développement[38].

Schéma de sélection actuel

Normande au concours agricole de Pontivy 2017.

Le schéma de sélection de la race normande s'appuie sur une base de sélection de 300 000 vaches laitières inscrites au contrôle laitier. Ce schéma est pris en charge par 'organismeade sélection normande u sein de la base de sélection, àdeux coopératives financent les taureaux : ORIGENPLUS NORMANDE et EVOLUTION. Le potentiel génétique des animaux est basé sur desindex qui leur ont été acalculés par GENEVAL. Ces premiers index sont obtenus à partir de la morphologie et des performances affichées au contrôle laitier par ces animaux, celles de leurs parents, de leur famille et par le génotypage. Les performances des produits conforteront ensuite la précision des index (naissance, puis viande, puis production, morphologie et fonctionnels).


Diffusion

En France

Troupeau de vaches normandes dans l'Orne.

Le berceau d'origine de la race normande se situe en Basse-Normandie, où l'on trouve depuis des siècles les races locales qui ont contribué à sa création, et qui ont vu ensuite se développer la sélection de ces animaux. Les principaux centres de sélection de la race sont historiquement situés dans la Manche (Val de Saire, Cotentin), le Calvados (Bessin), l'Orne et la Seine-Maritime (Pays de Caux, Pays de Bray)[17].

La normande est aujourd'hui présente un peu partout en France, mais les effectifs sont principalement concentrés dans le nord-ouest. Ainsi, la Basse-Normandie comprend 42 % des vaches normandes, les Pays de la Loire 23 %, la Bretagne 16 % et la Haute-Normandie 13 %[39].

Dans le monde

La normande s'exporte au-delà de la France depuis la fin du XIXe siècle. Elle s'est notamment installée durablement en Amérique du Sud, au Brésil, en Colombie, en Équateur, au Paraguay, en Uruguay, au Venezuela. La Colombie est le premier pays détenteur de normandes, avec pas moins de 1,2 million de têtes de bétail de race pure ou croisées avec des zébus[40]. Elle est aujourd'hui présente sur tous les continents. On la retrouve aux États-Unis, en Australie ou encore au Japon, pays dans lesquels elle est en train de se développer. En Europe, elle s'est développée en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne et en Irlande[3]. Il existe aussi quelques sujets purs ou croisés au Sénégal et au Mali.

La normande dans la culture locale

Normandes au milieu des pommiers, image d'Épinal du paysage normand.

La vache normande fait partie intégrante du patrimoine normand. Elle est issue du long travail de sélection des éleveurs normands, et est complètement adaptée au climat tempéré de Normandie. On peut l'associer au camembert, célèbre fromage dont son lait est à l'origine, qui est un autre des symboles de sa région d'origine[41].

On peut également noter que la première vache inséminée artificiellement était une normande[42].

Notes et références

  1. « Vous la reconnaissez ? », sur Le site de la race normande
  2. Jean Mabire, Georges Bernage, Paul Fichet et Benoît de Sainte-More, Les Vikings en Normandie, Copernic, , 192 p., p. 61
  3. a et b « La race normande » (consulté le )
  4. a b c d e et f Mespoulhès, p. 27
  5. N Lucas, Le troupeau bovin normand en Colombie, Toulouse, ENVT, coll. « Thèse pour le doctorat vétérinaire »,
  6. a et b Mespoulhès, p. 23
  7. a b c d e f g h i j k et l Sarrazin 1962, p. 37-39
  8. Mespoulhès, p. 24
  9. Mespoulhès, p. 25
  10. B Denis, Des sources d'études des races d’animaux domestiques en France avant le XIXe siècle, Paris, Librairie agricole de la Maison rustique, coll. « Séminaire d’Archéologie de Toulouse », , 276 p.
  11. H Zwaenepoel, Précis du cours d’ethnographie des animaux domestiques, Bruxelles, G. Bothy, , Tome 2 les bovins éd., 98 p.
  12. a et b Mespoulhès, p. 26
  13. M Théret, « Le rôle de l’État dans l’amélioration des races bovines au XIX », La vache et l’homme, Caen, Maît’Jacques,‎ , p. 69-80
  14. a et b Mespoulhès, p. 28
  15. a b c d e f et g Mespoulhès, p. 29-30
  16. J-P Bourdon, « Le rôle de l’Association normande dans l’encouragement à l’élevage bovin au XIXe siècle », La vache et l’homme, Caen, Editions Maît’Jacques,‎ , p. 83-96
  17. a b c d e f et g Mespoulhès, p. 30-31
  18. a b c d e f g et h Mespoulhès, p. 32
  19. Mespoulhès, p. 35
  20. a b c d e f g h et i Mespoulhès, p. 36
  21. a b c et d F Noël, Sur les pas d’une race, Témoignage d’un éleveur de la Manche sur la race bovine normande, Marigny, Éditions Paoland, , 223 p.
  22. a b c d e et f Mespoulhès, p. 38
  23. a b et c Mespoulhès, p. 40
  24. a b et c Mespoulhès, p. 44-45
  25. « Le type normand », Upra Normand (consulté le )
  26. François Landrieu, Jean Margueritte et Néron Richer, la Normande : 10 recettes inédites, Luçon, Herscher, , 95 p.
  27. « Les robes Normandes », Upra Normande (consulté le )
  28. C. Guintard, « De l’aurochs à la race bovine normande », La vache et l’homme, Caen, Maît’Jacques,‎ , p. 9-18
  29. « Présentation », Upra Normande (consulté le )
  30. « France Contrôle Laitier », 2007.
  31. « Une viande savoureuse », Upra Normande (consulté le )
  32. « La viande normande », Upra Normande (consulté le )
  33. « Fertilité », Upra Normande (consulté le )
  34. « Facilité de vêlage », Upra Normande (consulté le )
  35. « Qualités d'élevage », Upra Normande (consulté le )
  36. « Rusticité et adaptabilité », Upra Normande (consulté le )
  37. H. Godefroy, « Elevages et éleveurs, les grandes dynasties de la race bovine normande », La vache et l’homme, Caen, Maît’Jacques,‎ , p. 99-118
  38. a b c d et e Mespoulhès, p. 39
  39. « La normande en France », Upra Normande (consulté le )
  40. « La normande à l'international », Upra Normande (consulté le )
  41. « La vache normande » (consulté le )
  42. « La Normande » (consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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Thèse

  • [Mespoulhès 2012] Pierre Mespoulhès, La race bovine normande, sélection depuis les origines, valorisation des produits laitiers et carnes, potentiel à l'export : thèse de l'École nationale vétérinaire d'Alfort, Document utilisé pour la rédaction de l’article

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