Nina de Callias
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Anne-Marie Gaillard |
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Anne Marie Gaillard, dite Nina de Callias, puis Nina de Villard, née le à Paris 2e et morte le à Vanves, est une poétesse, musicienne et salonnière française.
Biographie
[modifier | modifier le code]Fille d’Ursule-Emilie Villard et de Jean-Joseph Gaillard, riche avocat, Anne Marie reçoit une éducation soignée, avec une maitresse d'italien, une maitresse d'allemand, un maitre de manège et un maitre d'armes. Passionnée de politique, littérature, philosophie, mathématiques, spiritisme, et même de magie, le professeur de kabbale succédait au maitre d’armes, en attendant les gammes et les exercices sur le grand piano Érard[1]. Ayant commencé à étudier le piano avec Anne Veyret[a], l’élève favorite de Chopin, puis avec Jacques et Henri Herz et Pauline Viardot, elle donne des concerts du palais Pompéien[2], interprétant du Beethoven, du Bach ou du Chopin, ou ses propres œuvres, à la salle Érard et à la salle Pleyel, où elle y était très applaudie[3].
Fervente mondaine, dès son plus jeune âge, fidèle des réceptions de Blanche de Bornier et d’Henriette Beulé, elle commence à recevoir chaque soir, des jeunes gens s’occupant de littérature, d’art ou de politique, chez ses parents au 17 rue Chaptal[b], à partir de ses dix-neuf ans, et tient un des grands salons intellectuels parisiens[4], à la fois clan politique et cénacle littéraire, que fréquentent, entre autres, François Coppée, Villiers de l'Isle-Adam, Catulle Mendès, Léon Dierx, Verlaine, Edmond Lepelletier, Albert Mérat, Émile Goudeau, Manet, Degas, Mallarmé, Marcellin Desboutin, Lockroy, Des Essarts, Jeanne Samary, Coquelin cadet, Maurice Rollinat, Henry Fouquier, Charles de Sivry, Germain Nouveau, Ernest Cabaner, Gustave Flourens, Raoul Rigault, Auguste de Châtillon, Camille Pelletan, Abel Peyrouton, Félix Régamey, Henri Rochefort, pour lequel elle a un moment nourri une passion[c], Edmond Bazire, Emmanuel des Essarts et Anatole France, qui la courtisent, les trois frères Cros, surtout Charles avec qui elle aura une liaison… Seuls les profanes n’étaient pas les bienvenus[5].
Mariée, à vingt-et-un ans, au protégé du duc de Morny, qui arrange ce mariage[6], au comte Hector de Callias, écrivain et journaliste au Figaro, rencontré chez Frédérique O'Connell, elle lui apporte cinquante mille livres de rentes en dot[7]. Elle abandonne le musique pour son mari, qui a horreur de la musique, tandis qu’il cesse d’écrire. En voyage de noces à Ems, appréciant les vins du Rhin, ils boivent deux bouteilles de Johannisberg à leur déjeuner, tout en trempant les lèvres dans quelques vins de France. S’étant remise au piano, elle exaspère son mari[8], qui préfère la fréquentation du boulevard avec ses cafés et l’apéritif, aux rêves éthérés de la jeune femme[d]. Le ménage ne tarde pas à aller à vau-l’eau. La séparation intervient après un séjour à Barbizon, le comte s’éprend de la femme d'un peintre connu. Nina n’est pas de nature à supporter une infidélité. La séparation de corps a lieu, vers 1867, et le comte retourner au Figaro, non sans avoir communiqué son addiction à Nina[9], qui retourne chez sa mère, rue des Moines[3]. Elle prend alors le nom de plume de « Nina de Villard » [10].
Recevant, en principe, le mercredi et le dimanche, elle tenait, en réalité, table ouverte toute la semaine, et accueillait jusqu'aux heures les plus avancées de la nuit. Très sentimentale elle s’entiche de célébrités comme Jules Lefort, Pier-Angelo Fiorentino, Joseph Méry. Son salon a vu, après celui de Lydie de Ricard, se préparer, puis éclore l’école parnassienne[3]:131. Lorsque Catulle Mendès a fondé la Revue fantaisiste, passage des Princes, les habitués du salon de Nina se sont d'abord groupés autour de lui. Cette revue disparue, remplacée par l’Art, puis par le Parnasse contemporain, Nina y collabore, dès la publication de la seconde série, avec deux poèmes : La Jalousie du jeune Dieu et Tristan et Iseult. Lorsqu’on on jouait ses pièces chez Nina, Jean Richepin les interprétait[3]:141.
Le temps de la guerre et de la Commune venu, elle prend parti pour celle-ci. Les Versaillais bombardant le jardin des Tuileries, tandis que l'armée massacra à côté, elle se précipite à la fenêtre, et agite le drapeau rouge en hurlant : « Vive la Commune ! » Pendant la répression, Nina et sa mère, se sentant compromises par leurs anciennes relations avec Raoul Rigault, Flourens, Peyrouton, Ernest Lavigne, Fernand Révillon, Bazire, et nombre de leurs amis qui avaient pris parti contre la réaction et la province coalisées, font un paquet de leurs hardes, et quittent Paris, livré à la délation et à la terreur versaillaise, pour se réfugier en Suisse[9]:344. Charles Cros resté à Paris, elle a une liaison avec Bazire[2].
Dans la banlieue de Genève, les deux femmes descendent dans une pension de famille, dans la campagne Brot, aux Pâquis, tenue par les parents d’Émilie Lerou, de la Comédie-Française[9]:344. Là, elle donne des leçons de musique et organise des concerts, la vie sociale d’autrefois ne tardant pas à reprendre avec les réfugiés politiques de la Commune, dont Léon Massenet de Marancourt, Bazire, Ferdinand Révillon, Kinceler, Cœurderoy, Louis Roger, Jean Noro, Louis Brunereau, Maxime Vuillaume, et son ami Bellanger, les dessinateurs Slom et Pilotell, Laprade et Arthur Arnould… Elle donne des concerts au casino de Saint-Pierre, Charmettes et renoue avec ses habitudes nocturnes, jouant la comédie ou dansant, fort avant dans la nuit, sous les chênes et les ormaux du parc des Charmettes[3]:161.

Fin 1872, l’orage répressif passé, Nina et sa mère décident de revenir en France, en passant par l’Italie et, rentrées à Paris, louent des appartements rue Londres, de Rome, et de Turin, d’où elles se font expulser pour tapage nocturne, avant d’emménager dans un petit hôtel, 82 rue des Moines, à Batignolles[2]. Charles Cros publie son Coffret de santal[e], dédié à Nina, qui reprend sa vie turbulente et ses fêtes d’avant-guerre. Elle réapparait au théâtre et au concert et se produit à nouveau aux salles Érard et Pleyel. Son nom est cité, ses faits et gestes racontés dans les échos de tous les journaux boulevardiers. Des revues impriment ses vers et l’on connait ses Rêveries et ses Valses[3].
Ses habitudes n’ont pas changé. Chaque soir une quantité de convives se presse autour de sa table pour ne quitter la maison qu’aux premières lueurs de l’aube, mais ce ne sont plus les mêmes qu’avant-guerre qui, devenus académiciens, rangés, décorés, célèbres, s’abstiennent de paraitre. Si des personnalités comme Paul Alexis, Alphonse Allais, Jean Richepin, la princesse Rattazzi,Maupassant ou Tourgueniev apparaissent, beaucoup d’habitués de la rue Chaptal ont été remplacés par tous les bohèmes du quartier, gens bizarres ou peu recommandables, polémistes vivant de leur fiel, prodigues à bout d’expédients, romanciers sans talent, photographes spécialisés dans les sujets obscènes, séducteurs professionnels vivant de leurs charmes, fondateurs de journaux qui ne paraissaient pas, collaborateurs de revues encore à paraitre[3]:168.
Après le mariage de Cros, en 1878, elle le remplace par Franc-Lamy, qui la quitte vers 1880. Dépressive, son état mental décline, et sa consommation d’alcool augmente en proportion[f], et elle finit par sombrer dans une folie consistant à se croire déjà morte. Refusant de quitter son lit, elle reste capable, lorsqu’elle accepte se lever, de se mettre au piano, où elle n’a rien perdu de son talent ou improviser des vers. On lui demandait comment elle. Elle quitte, avec sa mère, l’hôtel de la rue des Moines pour aller s’installer rue Notre-Dame-de-Lorette. Polignac a écrit, dans le Cri du peuple, que sa maladie a commencé après un article odieux écrit contre elle[10], mais Manoël de Grandfort, dans la Vie parisienne, ne le croit pas et postule que la fêlure devait exister auparavant[11]. Son état s’étant aggravé, elle est transportée dans la maison de santé du Dr Jules Falret, où elle s’éteint, après quelques jours de traitement[11], usée par « l'alcool de ses nuits blanches[12] ».
Elle est inhumée dans le caveau de famille du cimetière de Montmartre, dont la concession avait été achetée en 1851[2], où la rejoindra, cinq ans plus tard, sa mère. Aujourd’hui, on se souvient surtout de Nina de Villard comme de la Dame aux éventails d'Édouard Manet, où elle pose au milieu d’un bric-à-brac japonisant dans un des costumes "à l'algérienne" qu'elle a coutume de porter lorsqu’elle reçoit dans son hôtel particulier[13]. En 1874, son mari ayant demandé par écrit au peintre de ne pas associer son nom à ce tableau, qui ne sera jamais exposé de son vivant, Manet le conservera, à l'abri des regards, dans son atelier[14]. Nina de Villard est également l’héroïne de quelques romans à clef, pour la plupart désobligeants, au nombre desquels la Maison de la Vieille de Catulle Mendès, paru en 1894, ou Madame Meuriot de Paul Alexis (1890)[2].
Jugements
[modifier | modifier le code]« Pianiste idéale et vertigineuse ; c’est une sainte Cécile qui aimerait le boulevard et qui irait aux premières. Conteuse et poète, elle a toutes les fièvres d’une Muse moderne. Femme, c’est le sphinx. Elle est gracile et farouchement belle. « Pure par férocité, » a-t-elle dit d’elle-même. Pourtant, jamais créature féminine n’a tant aimé : elle adore la poésie, la peinture, l’odeur des imprimeries, les opéras d’Hervé, les symphonies de Beethoven, les affiches de théâtre, la Légende des siècles, les modes insolites, les fleurets, Bade, une chatte blanche, les dessins de Delacroix, le jasmin couleur de ses bras, Wagner et bien d’autres choses encore. C’est une jeune femme mince et qui, parfois, semble grande. Elle a des robes qui lui donnent l’air de sortir — étonnée — d’une fête de Watteau. dans ses cheveux sombres, nuit où brille une comète de diamants, la lumière des bougies met des étincellements d’or ; son teint semble du lait dans lequel on eut fait dissoudre de l’or, et, il y a de l’or dans ses grands yeux étranges qui flottent vaguement par dessus les têtes[15]. »
Testament
[modifier | modifier le code]Je ne veux pas que l’on m’enterre
Dans un cimetière triste
Je veux être dans une serre
Et qu’il y vienne des artistes
Il faut qu’Henry me promette
De faire ma statue en marbre blanc
Et que Charles me jure sur sa tête
De la couvrir de diamants
Les bas-reliefs seront en bronze doré
Ils représenteront
Les trois Jeanne, puis Cléopâtre
Et puis Aspasie et Ninon
Qu’on chante ma messe à Notre-Dame
Parce que c’est l’église d’Hugo
Que les draperies soient blanches comme des femmes
Et qu’on y joue du piano
Que cette messe soit faite par un jeune homme
Sans ouvrage et qui ait du talent
Il me serait très agréable
Que de la chanteuse il fût l’amant
Enfin que ce soit une petite fête
Dont parlent huit jours les chroniqueurs
Sur terre hélas ! puisque je m’embête
Faut tâcher de m’amuser ailleurs[16]
Œuvres
[modifier | modifier le code]- La Duchesse Diane, saynète en vers, 1882.
- Feuillets parisiens : poésies, Paris, (lire en ligne sur Gallica).
- « La Jalousie du jeune Dieu. Tristan et Iseult », dans Le Parnasse contemporain : recueil de vers nouveaux, Paris, A. Lemerre, 1866-76, 284 p., 24 cm (OCLC 651421035, lire en ligne), p. 95-6.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- ↑ Épouse de l’industriel Charles Veyret, consul honoraire de l’Équateur.
- ↑ Surnommé « quartier ninacum » par les familiers[1].
- ↑ Elle écrivait, en souvenir de Rochefort, sur du papier dont la vignette comportait une lanterne en référence à son journal[1]:17.
- ↑ Son amie Kate Yapp, épouse de l’auteur Ernest Filloneau l’a pourtant mise en garde contre ce noceur soiffard et coureur, mais Nina préfère mettre cette démarche sur le compte de la jalousie[2]:123.
- ↑ À compte d’auteur, payé par la mère de Nina[2].
- ↑ Huit à dix grogs forts par jour, et tous les jours plus forts[2]:172.
Références
[modifier | modifier le code]- Edmond Lepelletier, Paul Verlaine : sa vie, son œuvre, Paris, Mercure de France, , 7e éd., 562 p. (OCLC 797071840, lire en ligne sur Gallica), p. 171.
- Catulle Mendès (préf. Jean-Jacques Lefrère, Michaël Pakenham, Jean-Didier Wagneur), La Maison de la vieille, Seyssel, Champ Vallon, , 605 p., in-8º (ISBN 978-2-87673-286-5, OCLC 708533496, lire en ligne), p. 11.
- Albert de Bersaucourt, Au temps des Parnassiens : Nina de Villard et ses amis, Paris, La Renaissance du livre, , 190 p., in-16 (OCLC 6552673, lire en ligne), p. 34.
- ↑ Marie Boisvert, chap. XII « La Bohème au salon : les représentations du salon de Nina de Villard », dans Pascal Brissette, Anthony Glinoer, Bohème sans frontière, Rennes, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-75354-705-6, OCLC 1368436526, lire en ligne), p. 173-183.
- ↑ Auguste de Villiers de l'Isle-Adam, « Une soirée chez Nina de Villard », Gil Blas, Paris, vol. 10, no 3202, , p. 1 (ISSN 1149-9397, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- ↑ « Autre décès… », Les Annales politiques et littéraires, Paris, vol. 5, t. 9, no 230, , p. 324 (ISSN 1149-4034, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- ↑ Arsène Houssaye, Les Confessions : souvenirs d’un demi-siècle 1830-1880, t. 4, Paris, Édouard Dentu, , 419 p. (OCLC 1403858736, lire en ligne sur Gallica).
- ↑ Arsène Houssaye, Les Confessions : souvenirs d’un demi-siècle 1830-1880, t. 5, Paris, Édouard Dentu, , 411 p., 6 vol. : portr., fig. (OCLC 1404735278, lire en ligne sur Gallica), p. 364-5.
- Pierre Dufay, « Chez Nina de Villard », Mercure de France, Paris, t. 196, no 695, , p. 330 (ISSN 1770-6211, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- Jules-Camille de Polignac, « Immortelles », Le Cri du peuple, Paris, vol. 2, no 272, , p. 2 (ISSN 0070-1483, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- Marie de Grandfort, « Nina de Villard », Le Progrès artistique, Paris, vol. 7, no 326, , p. 1 (ISSN 2644-8157, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- ↑ Anne Borrel, Femmes de Mallarmé, Montreuil-sous-Bois, Lienart, , 119 p., 24 cm (ISBN 978-2-35906-054-6, OCLC 711039306, lire en ligne), p. 26.
- ↑ Musée d’Orsay (Paris, Musée d'Orsay, 17 avril-16 juillet), La Dame aux éventails : Nina de Callias, modèle de Manet, Paris, Réunion des musées nationaux, , 143 p., in-8º (ISBN 978-2-71184-071-7, OCLC 702882759, lire en ligne).
- ↑ André Gill, Bertrand Tillier, Correspondance et mémoires d'un caricaturiste. 1840-1885, Champ Vallon, 2006, p. 379
- ↑ Camille d’Ivry, « Nina de Callias », La Vogue parisienne, Paris, vol. 4, no 17, , p. 2 (ISSN 2966-8530, lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
- ↑ Collection d'autographes formée par Félix et Paul Nadar, t. 5, Paris (lire en ligne sur Gallica), p. 84.
Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Albert de Bersaucourt, Au temps des Parnassiens : Nina de Villard et ses amis, Paris, La Renaissance du livre, , 190 p., in-16 (OCLC 6552673, lire en ligne), p. 34.
- Edmond Lepelletier, Paul Verlaine. Sa Vie — Son Œuvre, Paris, Mercure de France, (lire en ligne), p. 170-207
- Nina de Villard (Bibliotheca Augustana)
Liens externes
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- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :