Nazca (civilisation)

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Carte du Pérou avec position de la civilisation Nazca en mauve

La civilisation Nazca (ou Nasca) est une culture pré-incaïque du sud du Pérou qui se développa entre -200 et 600 ap.J-C. Elle est surtout connue pour ses géoglyphes, d’immenses lignes et figures tracées dans le désert proche de la ville actuelle de Nazca, ses aqueducs et par ses céramiques polychromes à motifs zoomorphes.

Nazca est dérivé du nom contemporain de la région où existait cette civilisation, une région semi-désertique située entre la Cordillère des Andes et l'océan Pacifique. Le nom que ce peuple se donnait est perdu.

Histoire

La culture Nazca s’est développée à partir de la culture Paracas qui date de l’époque antérieure appelée période Chavín ou Horizon ancien. La zone d’influence nazca s’étendait de la côte du Pacifique jusqu’à Ayacucho à l’est dans les Andes, et de Pisco à Arequipa du nord au sud. La civilisation de Nazca s'est développée parallèlement à la civilisation Mochica, qui occupait elle le nord de l'actuel Pérou.

Depuis les travaux de Dieter Eisleb, on divise habituellement l'histoire de la culture de Nazca en 4 âges[1] :

  • Proto-Nazca (de 200 à 100 avant Jésus-Christ), qui succède à la période Paracas Necropolis
  • Nazca initial (de 100 avant Jésus-Christ à 200)
  • Nazca moyen (de 200 à 300)
  • Nazca tardif (de 300 à 600)

Les Nazcas vivaient de l’agriculture intensive qu’ils pratiquaient dans les étroites vallées des affluents du Rio Grande de Nazca ainsi que dans la vallée d’Ica, Ils avaient fortement développé l’irrigation pour pallier le manque d’eau chronique dans cette région aride en construisant des puits profonds de plusieurs mètres reliés par un réseau d’aqueducs souterrains. Ces aqueducs sont encore utilisés de nos jours.

Ils vivaient dans des huttes recouvertes de chaumes situées à l'extérieur de la zone cultivable, c'est-à-dire à la limite du désert, de manière à maximiser la surface cultivable. Ces huttes étaient regroupées en bourgades autour d'une pyramide en adobe servant de sanctuaire.

Tombe nazca avec des momies.

Le site central était Cahuachi (durant les cinq premiers siècles de l'ère chrétienne), à 6 km de la ville actuelle de Nazca. C’était un centre exclusivement cérémoniel (les fouilles n'ont révélé aucune trace d'activité de vie quotidienne) qui comprenait plus de quarante buttes pyramidales surmontées de structures en adobe. La plus grande de ces pyramides comportait six terrasses superposées dépassant 20 m de hauteur. Lors de cérémonies religieuses, des têtes humaines (d’ennemis) étaient coupées et préparées comme trophées puis enfouies. On a également trouvé des têtes humaines au front percé, permettant ainsi de les suspendre à l'aide d'une corde pourvue d'un nœud, passée dans l'orifice.

Les Nazcas pratiquaient aussi la déformation crânienne. On faisait porter un déformateur en cuir aux nouveau-nés, pendant un an, ce qui contraignait la croissance du crâne vers le haut. Le but était vraisemblablement esthétique.

Puits de l'époque nazca toujours utilisé aujourd'hui.

Après environ six siècles d'existence, la civilisation Nazca décline brutalement vers 350. L'explication semble être une perte de foi due à la conjonction entre une inondation et un séisme. Cette inondation aurait été plus catastrophique que les autres (elles étaient fréquentes) à cause de l'agriculture intensive[2]. Ces événements auraient provoqué une perte de confiance des Nazcas en leurs dieux et donc, en leurs prêtres.

Il est toutefois frappant de constater que le peuple nazca, avant de quitter Cahuachi, a pris la peine d'enfouir rituellement la cité avec beaucoup de soin, en enveloppant d'abord tous les bâtiments dans une couche d'argile. C'est pour cette raison que les ruines de Cahuachi sont aujourd'hui aussi bien conservées, malgré les pillards. Les pilleurs de tombes fouinent dans les chambres funéraires pour dénicher des crânes qu'ils vendront aux touristes.

On trouve encore trace de la civilisation nazca pendant quelques siècles après ces événements, avant qu'ils ne soient assimilés par la culture Huari[3].

Géoglyphes

Géoglyphe nazca connu sous le nom de « Colibri ».

Les Nazcas ont également tracé d’immenses séries de figures géométriques ou d’animaux stylisés dans le sol aride. Ces géoglyphes remplissaient probablement une fonction rituelle, peut-être liée au cycle de l'eau dans une région devenant de plus en plus désertique.

Les milliers de dessins dispersés sur environ 3 900 km2 de désert, dans le sud du Pérou, ont été tracés sur un millénaire. Il s'agit surtout de figures naturalistes. Lignes et trapèzes ont été ajoutés plus tard. On ignore encore leur signification et pourquoi ils ont changé au fil du temps. Mais ils jouaient sans doute un rôle capital dans les rituels pour que la pluie tombe sur les Andes et irrigue les champs.

D'après l'archéologue Giuseppe Orefici, les géoglyphes sont dessinés en grattant le sol, dégageant le sol clair des roches sombres. Le climat sec de la région, la nature du terrain et l'absence de végétation font que ces dessins sont toujours visibles aujourd'hui, après 2000 ans.

Une théorie récente propose que les géoglyphes auraient pu servir de parcours rituel : les fidèles auraient marché le long du tracé, le parcours en lui-même étant une forme de prière.

On a dénombré plus de 350 de ces dessins, qui représentent soit des formes géométriques, comme des lignes droites ou des spirales, soit des animaux du panthéon nazca.

Céramiques et textiles

Céramique en forme de langouste, phases III-IV (300-600), Walters Art Museum

Les céramiques sont parmi les aspects les plus originaux et le mieux connu de la civilisation Nazca, à cause de leur sophistication technique et du symbolisme de ces motifs. Il s’agit surtout de bols, de gobelets, de vases et de récipients à double goulot. Peu colorées durant la période Nazca initiale, elles sont d'une grande richesse polychrome par la suite, durant les périodes Nazca moyen et Nazca tardif. Les couleurs les plus employées sont des teintes chaudes comme le rouge, le marron, le jaune, le violet, ainsi que le noir et le blanc[4].

On peut répartir ces céramiques en 9 phases. La première phase commence vers 200 avant J.-C., à la fin de la période dite Horizon ancien. Les poteries sont inspirées des thèmes mythiques des Paracas, mais avec des sujets naturalistes : fruits, végétaux, personnes, animaux. Le réalisme s’accroît encore avec les phases II, III et IV. Les dessins sont appliqués sur un fond rouge foncé ou blanc. Dans la phase suivante Nazca V, on trouve des thèmes religieux ou mythologiques, avec aussi des démons et des têtes sans corps. Nazca VI et VII sont caractérisés par l’apparition de thèmes militaires et de portraits de personnages importants. On remarque aussi l’influence des Mochicas et de Tiahuanaco. Nazca VIII voit l'introduction de figures complètement disjointes et d’une iconographie plus abstraite qui n’est pas encore bien déchiffrée. La dernière phase Nazca IX est moins riche et s’achève vers l’an 600, bien que les dernières poteries trouvées datent de 755.

Ces phases ont été définies par analyse chrono-stylistique avant l’apparition de la datation au carbone 14 et on a constaté depuis de nombreux chevauchements entre les phases.

Les céramiques trouvées à Cahuachi avaient une fonction exclusivement cérémonielle. Elles suivaient des règles édictées par les prêtres. Par exemple, la régularité des motifs étaient systématiquement brisée par un élément irrégulier.

Il faut attendre la chute de Cahuachi pour voir apparaître des visages et des silhouettes humaines dans les décors des poteries Nazcas.

Les Nazcas sont aussi connus pour leurs magnifiques textiles tissés et brodés. Les thèmes présents sur les céramiques étaient d’abord apparus sur les textiles. La laine tissée était tirée des lamas et des alpagas venant sans doute de la région d’Ayacucho. Les Nazcas utilisaient aussi du coton. On trouve aussi des éléments non textiles, comme des plumes ou des aiguilles de cactus. Le tissu était teint en utilisant diverses teintures d'origine végétales ou animales, comme des chenilles pilées. De l'urine était utilisée pour fixer les pigments.

Beaucoup de ces textiles ont été préservés par le climat aride la région. Il est possible que d’autres civilisations anciennes de la région aient développé un art textile tout aussi riche, mais qui ne soit pas parvenu jusqu’à nous.

En particulier, les Nazcas fabriquaient des ornements tridimensionnels et polychromes pour leur textiles, comme des franges anthropomorphiques pour des tapisseries ou des manteaux, par exemple.

Agriculture, chasse et pêche

Les Nazcas utilisaient des filets pour la pêche et pratiquaient la chasse au phoque.

Les cultures vivrières des Nazcas étaient constituées de haricots, de pommes de terre, de melons, de manioc, d'avocats, d'arachides et de poivre. De plus, les Nazcas cultivaient le coton pour leurs textiles.

Religion

Les motifs des poteries semblent indiquer que les Nazcas adoraient des divinités animales, dont l'aspect était celui d'animaux comme l'épaulard, le lézard, des félins, des oiseaux ou des serpents.

Théories sur la méthode de réalisation des géoglyphes

Théories impliquant l'utilisation de moyens aériens

Les indiens Nazcas réalisèrent des figures visibles depuis le ciel, souvent longues d'une centaine de mètres, en dégageant le sol de ses plus grosses pierres aux endroits du dessin.

Bien que l'aviation n'ait été inventée qu'au tournant du XIXe et du XXe siècle, certains ont avancé l'idée que les Nascas auraient utilisé des ballons à air chaud pour réaliser le traçage de leurs figures terrestres. Si des vestiges de foyer ont permis d'envisager cette hypothèse, aucune preuve archéologique n'a pu en démontrer la validité.

En 1975, l'Américain Jim Woodman et l'Anglais Julian Nott fabriquèrent un ballon à air chaud selon les techniques utilisées par les Nazcas pour la momification des corps, basées sur l'utilisation de bandes de toile et de cordes. Le résultat ne fut concluant qu'en partie : le ballon s'éleva à une hauteur de 90 mètres puis chuta brutalement, risquant de tuer les aérostiers.

Il existe d'autres dessins terrestres aux dimensions impressionnantes, notamment sur les flancs de certaines collines qui bordent le plateau de Nasca. Mais ils furent créés par les Paracas, antérieurement aux Nazcas. Et aucun élément scientifique ne prouve que les Paracas aient utilisé un aérostat.

Théorie par l'utilisation de techniques de dessin

L'archéologue italien Giuseppe Orefici propose une explication beaucoup plus prosaïque : l'utilisation de la technique de mise au carreau ou carroyage, permettant d'agrandir à une grande échelle un dessin de taille modeste. Cette théorie a fait l'objet d'expériences concluantes d'archéologie expérimentale.

Chronologie des recherches sur la civilisation nazca

  • 1901 : L'archéologue Max Uhle découvre la civilisation nazca
  • 1932 : Début des travaux de Maria Reiche
  • 1939 : L'ingénieur en hydraulique Max Kosok remarque le tracé particulier des lignes formant les géoglyphes
  • 1976 : Dieter Eisleb établit une chronologie de la civilisation nazca
  • 1982 : Début des fouilles de Giuseppe Orefici sur le site de Cahuachi
  • 1983 : Parution de Nazca, la clé du mystère, de Henri Stierlin.

Images

Références

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