Musicothérapie

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Le pouvoir de la musique, tableau de Louis Gallait (1810–1887).

La musicothérapie est l'utilisation de la musique, du son dans une démarche de soin. C'est une thérapie à support non verbal utilisant le sonore, le musical. La musique est le médiateur dans la relation soignant/soigné. La musicothérapie s'inscrit dans le champ des thérapies de soutien, d'aide au patient atteint de pathologie.

Trois dimensions de la musicothérapie sont décrites : la musicothérapie active, réceptive et la détente psychomusicale.

Le musicothérapeute est un professionnel qui exerce une pratique soignante fondée sur l'utilisation thérapeutique de la musique, du son. Il souhaite ainsi favoriser l'expression, le mieux-être des personnes avec lesquelles il travaille.

Loin de certaines idées reçues qui lui attribueraient un caractère “artistique”, la musicothérapie se préoccupe du potentiel et de l’évolution de la communication thérapeutique en travaillant avec la fonctionnalité sonore et psycho-sonore du sujet. Elle lui propose ainsi un “objet intermédiaire sonore et/ou psycho-musical” dans l’objectif de tisser puis de pérenniser le lien thérapeutique, donnant toute légitimité via le thérapeute au concept même d’une thérapie.

Origines[modifier | modifier le code]

Les premières attestations professionnelles dans ce domaine, à l'état expérimental, datent du XXe siècle, notamment au Canada et aux États-Unis.

Antiquité[modifier | modifier le code]

Chez les Grecs[modifier | modifier le code]

La musique était étudiée chez les Grecs comme une science associée aux mathématiques, à la physique, à la médecine.

Hippocrate, (Ve siècle av. J.-C.), était un médecin qui a effectué la première synthèse des connaissances de son temps. Les traités qui composent le Corpus hippocratique ne sont pas toujours rédigés par ce que nous appellerions un médecin. Aristote en Politique, III, 11, 11, reconnaît ainsi trois catégories de personnes habilitées à parler de médecine : le praticien (δημιουργός / dêmiourgós), le professeur de médecine ou médecin savant (ἀρχιτεκτονικός / arkhitektonikós) et l'homme cultivé qui a étudié la médecine au cours de son cursus général. Les sophistes prétendent également pouvoir enseigner, entre autres disciplines, la médecine.

Chez les Grecs, il existait déjà des « musicothérapeutes » qui influençaient « l'humeur et les humeurs en utilisant divers instruments, rythmes et sons. [...] Selon le mal, ils choisissaient l'aulos au jeu extatique et émouvant ou celui doux et harmonieux de la lyre[1] ».

Parmi les auteurs grecs antiques, il y a aussi, par exemple, Pythagore :

Pythagore et ses disciples considéraient que toute chose se compose de nombres et de figures mathématiques y compris la musique. Pour eux, les mouvements des planètes généraient une musique des sphères, ils ont alors contribué à l'élaboration d'une "musicothérapie" pythagoricienne afin de mettre en symbiose l'humanité et les sphères célestes.

Les Grecs attribuaient toutes sortes de vertus à la musique, un pouvoir merveilleux sur les âmes. Leurs philosophes avaient défini très minutieusement l'expression ou le caractère moral (êthos) de chaque mode. Le dorien était austère, l’hypodorien fier et joyeux, l’ionien voluptueux, le phrygien bachique, etc.

Telle musique disposait au courage, à l'action ; telle autre, à la sobriété, à la retenue ; telle autre, à la mollesse, au plaisir. Dans l'éducation des enfants et des jeunes gens, la musique a eu une place de première importance, et elle était considérée comme indispensable pour former le caractère.

Platon et Aristote ont longuement développé la théorie de l'influence de la musique sur les passions et sur la moralité. Ils ont soigneusement distingué la musique qui relâche les mœurs de celle qui tend l'âme vers le bien de l'individu et vers celui de la Cité.

Ils ont fait même de l'éducation musicale une question d'État à proprement parler, et, en cela, ils étaient absolument d'accord avec leurs contemporains. L'État a le devoir de veiller au maintien de la morale, et, pour cela, de règlementer l'usage de la musique. Platon propose, à cet égard, l'Égypte pour modèle : il voudrait que fussent fixés par des lois les chants qui sont absolument beaux et que ceux-là seuls fussent appris à la jeunesse. Les anciens Grecs n'avaient-ils pas appelé les mélodies de leurs chants des lois (nomoi), indiquant par là que c'étaient des formules-types, des formules consacrées, auxquelles il était interdit de rien changer. Et nous voyons ainsi combien cet art musical de l'antiquité restait encore voisin des pratiques religieuses avec lesquelles il avait été d'abord intimement uni et même confondu.

Chez les Hébreux[modifier | modifier le code]

Les Hébreux (du latin Hebraei, du grec ancien Ἑϐραῖοι / Hebraioi, lui-même issu de l'hébreu Ivri עברי) sont un ancien peuple sémitique du Proche-Orient.

Les Hébreux apportent une conception religieuse monothéiste, s'inscrivant contre le polythéisme et la magie.

La musicothérapie apparaît parmi les traitements ainsi David joue de la harpe à Saül agité :

David fut envoyé à Saül pour lui jouer de la cithare quand l'esprit de ce dernier le troublait et il gagna ainsi la bienveillance du roi. Après un certain temps, il regagna la maison paternelle et reprit son travail de berger pendant quelques années. Les Philistins envahirent une fois de plus le pays et s'installèrent entre Soko et Azéqa, à Éphès-Dammim. Saül, Abner, son général et ses hommes partirent les affronter et David se joignit à son armée. C'est à cet endroit que David terrassa Goliath, le champion des Philistins, un exploit qui fit fuir l'ennemi et assura la victoire aux hommes de Saül. Le roi prit David à son service mais en devint jaloux. Il développa pour le nouveau héros une animosité qui l'incita plusieurs fois à tenter de le tuer, sans toutefois accomplir le geste.

Avec le temps, les Hébreux se teintent de culture grecque au cours des siècles ; ils en assurent le maintien et la transmission aux Arabes.

En Chine[modifier | modifier le code]

Les Chinois avaient déjà répertorié une centaine de sortes de musicothérapies cinq siècles av. J.-C. D’après François Picard[2], ethnomusicologue analytique :

« la substance de la musique réside pour les Chinois dans le son … elle équivaut à une résonance, réponse spontanée, mise en mouvement de l’air, des souffles … elle est aussi le lien établissant l’harmonie de l’homme entre le ciel et la terre ».

Les sages déclaraient que chaque organe interne de notre corps a son propre rythme et par conséquent vibrerait à un son qui lui est propre. À ces différents organes correspondaient les six sons suivants : Chui, Hu, Xi, Ke, Xu, Xia.

Plus tard sous la dynastie Tang (618-907) la théorie des cinq éléments fait son apparition.

Tableau des Cinq éléments
- Bois Feu Terre Métal Eau
Note de musique chinoise
(système pentatonique)
Júe 角 (mi) Zhǐ 徵 (sol) Gōng 宫 (do) Shāng 商 (ré) Yù 羽 (la)

Ces cinq éléments, le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau, étaient associés aux cinq sons précédents. Puis ces sons furent aussi associés aux saisons, aux organes Yin et organes Yang. Par exemple la note musicale Do correspond aux organes cœurs et intestin grêle ainsi qu’à l’élément feu et à la saison été. Cette correspondance n’est pas le fruit du hasard, mais choisie en fonction des sons de la nature. Ainsi, les coups de tonnerre en automne correspondent à la note Shang et à la saison automne.

Ce n’est pas le nom de la note qui détermine la correspondance mais son timbre, ou plutôt la fréquence qui fait réagir tel ou tel organe. Les sons graves résonnent dans la région de l’abdomen ainsi que dans les organes qui lui correspondent tandis que les sons aigus résonnent au niveau de la tête.

L'influence islamique[modifier | modifier le code]

Plusieurs savants et médecins, comme Zekeriya Er-Razi (854-932), Al-Farabi (870-950) et Avicenne (980-1037) ont appliqué la musique au traitement des maladies.

Al-Farabi classe les différentes makams de la musique turque selon les effets qu'ils ont sur l'âme de la personne[3] :

  1. Rast : donne le confort.
  2. Saba : donne le courage.
  3. Hicaz : suscite l'humilité.
  4. Neva : donne le contentement.
  5. Uşşak : suscite le rire.
  6. Hüseyni : donne la quiétude.
  7. Buselik : donne la force.
  8. Isfahan : donne la confiance et la capacité d'agir.
  9. Rehavi : provoque une sensation d'éternité.
  10. Kuçek : donne la tristesse.
  11. Büzürk : donne la peur.
  12. Zirgüle : donne le sommeil.

Le son est un élément indispensable pour notre présence dit Avicenne. Chaque son, mélodie composée d'une disposition harmonieuse a un effet profond sur l'âme de chaque personne. L'effet du son s'enrichit par l'art de l'homme. Pour conclure, durant la civilisation islamique les savants et les médecins ont utilisé la musicothérapie pour le traitement des troubles psychologiques, jusqu'au XVIIIe siècle par les médecins ottomans et seldjoukides.

Moyen Âge et Renaissance[modifier | modifier le code]

Le musicien et théoricien Johannes Tinctoris écrit Efectum Musices, ouvrage dans lequel il décrit les effets de la musique sur les personnes. Le peintre Hugo van der Goes est soigné par la musique[4].

Au Maroc[modifier | modifier le code]

En Europe[modifier | modifier le code]

Par la suite, des recherches approfondies ont été réalisées dans différents instituts, en France comme à l'étranger. Tels l'institut Karajan[5] à Salzbourg qui étudie le pouvoir physiologique de la musique, ou encore l’ARATP (Association de Recherche et d’Application des Techniques Psychomusicales) de Paris,[réf. nécessaire]. l'institut Émile Jaques-Dalcroze à Genève, créé en 1915.

En France[modifier | modifier le code]

En France, c'est un ingénieur du son, Jacques Jost qui fait office de pionnier dès 1954 et pose l'hypothèse qu'on peut soigner avec la musique. Il s'appuie sur une base clinique avec l'aide du Laboratoire d'Encéphalographie de la Clinique des Maladies Mentales et de l'Encéphale, à la Faculté de Médecine de Paris. Il effectue des recherches sur les émotions et la musique. Il rencontre un directeur de Radio France et valide ses recherches à l'aide d'un programme d'écoutes musicales sur la radio. Pendant dix-huit ans, il a poursuivi l'étude et l'application des techniques psychomusicales en psychiatrie, en collaboration avec les docteurs Guilhot et Garnier. Il met en place un test de réceptivité musicale qui peut être utilisé avec des patients en séance de musicothérapie. Ce test est disponible au CIM. Le premier congrès mondial de musicothérapie a eu lieu en France en 1974 à l'Hôpital de la Salpêtrière[6].

En réalité de nombreux pionniers de la musicothérapie préexistent en France, avec le compositeur Hervé, Louis-Auguste-Florimond Ronger (1825-1892), ou encore l’adepte de la mélothérapie et neuropédagogue Georges Quertant (1894-1964).

En 2020 la violoncelliste Claire Oppert publie un récit Le Pansement Schubert où elle montre les effets positifs de la musicothérapie avec des enfants autistes, des patients âgés en EHPAD et des malades en fin de vie[7],[8].

Musique et psychothérapie[modifier | modifier le code]

Mnémothérapie musicale[modifier | modifier le code]

La mnémothérapie musicale est une approche thérapeutique des symptômes de la maladie d'Alzheimer qui consiste à éveiller et faire s'épanouir de façon reproductible la reviviscence des mémoires rétrogrades par stimulation musicale indicée c'est-à-dire connecté à un réseau mémoriel ancien[réf. nécessaire].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Patrick l'Echevin, Musique et Médecine, Stock Musique, 1981.
  2. HAL, « CV HAL : François Picard, ethnomusicologue », sur cv.archives-ouvertes.fr (consulté le )
  3. Gill 2017, p. 160-161.
  4. Ernest Dupré, Pathologie de l'imagination et de l'émotivité, Payot, 1925, p. 301
  5. « Karajan Institute », sur karajan-institut.org (consulté le )
  6. La musique : un support thérapeutique en psychiatrie
  7. « La violoncelliste Claire Oppert au diapason des patients », sur Le Monde,
  8. « Quand le violoncelle atténue la douleur liée aux soins », sur L'Express,

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • David Christoffel, La musique vous veut du bien, Presses Universitaires de France, 2018
  • Bernard Auriol, La Clef des sons, préface du Pr. Jean-Claude Risset, Eres, 1994 (lire en ligne)
  • B. Auriol,Le Son au subjectif présent, préface du Pr. Jean-Marie Pradier, éditions du Non-verbal-AMBX, Parempuyre, 1996
  • L. Bence L. et M. Méreaux, La Musique pour guérir, éd.Van de Velde, 1988
  • R. Benenzon, Théorie de la musicothérapie à partir du concept de l'Iso, éditions du Non-verbal-AMBX, 1992
  • F. Cassiers, Musicothérapie et autisme, ed du Non-verbal, Bordeaux, 2002)
  • G. Ducourneau, Éléments de musicothérapie, éd. Dunod, 2002, 169 p.
  • R. Forestier, Tout savoir sur la musicothérapie, Paris, éd. Favre, 2011
  • E. Lecourt, L'Expérience musicale, résonance psychanalytique, Paris, éd. L'Harmattan, 1994
  • J. Verdeau-Pailles, Le Bilan psychomusical, éd. Fuzeau, 1988
  • J. Verdeau-Pailles et M. KIieffer, Expression corporelle, musique et thérapie, éd. Fuzeau, 1994
  • Dominique Ferraro, Les Sons thérapeutiques, le Courrier du livre, 2002.
  • Claire Oppert, Le Pansement Schubert, Denoël, 2020 (ISBN 9782207159811)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]