Mobilisation allemande de 1914

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Parade de la division wurtembourgeoise (Württembergische Divisionen) devant le Kronprinz, le 9 juillet 1914.

La mobilisation allemande de 1914 désigne le rappel sous les drapeaux en 1914 de théoriquement tous les Allemands aptes au service militaire.

Elle s'est déroulée du 2 au , comprenant le transport, l'habillement, l'équipement et l'armement de plus de trois millions d'hommes sur toute l’étendue de l'Empire allemand, puis leur acheminement par voie ferrée vers les frontières allemandes de l'époque. Cette mobilisation générale, prévue de longue date, permet à l'armée allemande d'atteindre ses effectifs de guerre et d'entrer en campagne.

Cet événement a été précédé par les mobilisations prussiennes de 1859, de 1866 et juillet- et s'est renouvelée en .

Préparation

Parade impériale (Kaiserparade) de 1909 près de Karlsruhe.

La révolution industrielle transforme radicalement l'art de la guerre, non seulement par l'évolution de l'armement et de l'équipement, mais surtout par la capacité donnée aux États d'entretenir des effectifs militaires considérables en cas de guerre : d'armées composées de quelques centaines de milliers, on passe à des millions d'hommes. Comme il est économiquement et socialement impossible de tous les maintenir sous l'uniforme en permanence, ils sont laissés à la vie civile pendant le temps de paix, l'État les mobilisant en cas de conflit.

L'armée allemande est donc, de la fin du XIXe siècle jusqu'à la fin du XXe siècle, une armée de conscription (Wehrpflicht), comme celle de toutes les armées des grandes puissances continentales européennes de l'époque (Empire russe, République française et Empire d'Autriche-Hongrie).

Législation

Richard Knötel, Ulanen-Regiment König Wilhelm I. (2. Württ.) Nr.20[n 1], 1909.

Théoriquement, les obligations militaires des Allemands vont de 17 à 45 ans. Les hommes valides doivent le service militaire à partir de l'année où ils atteignent leurs 20 ans, pour deux ans dans les troupes à pied, pour trois ans dans les troupes montées (cavalerie et artillerie à cheval), ou pour une seule année s'ils sont volontaires et fournissent leur équipement (Einjährig-Freiwilliger). L'incorporation des conscrits au sein de l'armée d'active (essentiellement composée donc de jeunes de 20 à 22 ans) se fait chaque année aux environs du 1er octobre.

Une fois le service accompli, les hommes sont rendus à la vie civile, mais font partie de la Reserve (réserve militaire) durant cinq ans et demi (de 22 à 27 ans) et doivent faire deux périodes de quelques semaines sous l'uniforme. Au 1er avril de l'année de leur 27 ans, ils sont versés dans la Landwehr (« défense du pays ») 1er ban pendant cinq ans (de 27 à 32 ans) avec encore deux périodes sous l'uniforme. Au 1er avril de leur 32 ans, ils passent dans la Landwehr 2e ban (équivalent de la territoriale française) pour encore six ans (de 32 à 38 ans) ; enfin le 1er avril de leur 38 ans, ils entrent dans la Landsturm (« tempête du pays », équivalent de la réserve territoriale chez les Français) 2e ban pour six ans ¾ (de 38 à 45 ans)[1].

La forte croissance de la population allemande (en pleine transition démographique à la fin du XIXe siècle) permet à l'armée d'être exigeante sur l'état physique des conscrits ; mais même ainsi, une partie du contingent annuel n'est même pas incorporée pour des raisons budgétaires. Chaque année du début XXe siècle, environ 100 000 hommes reconnus aptes ne font donc pas leur service : ils sont soit versés dans l'Ersatz-Reserve (« réserve de remplacement ») et ne font que trois périodes d'instruction d'une durée totale de vingt semaines, soit ils ne reçoivent aucune instruction[2]. Tous les exemptés et surnuméraires font théoriquement partie de la Landsturm 1er ban pendant 19 ans ¼ (de 17 à 38 ans).

Les effectifs présents sous l'uniforme dès le temps de paix dépendent du budget alloué aux forces armées ; les deux augmentent en raison de la double menace franco-russe : en 1893 le total passe de 467 000 hommes à 549 000, puis à 607 000 en 1910, 657 000 en 1912 (loi additive du ), pour atteindre 822 000 en 1914 (lois du et du ).

Planification

Les forces armées de l'Empire allemand sont aux ordres du chef suprême qui est l'empereur d'Allemagne (le Kaiser). Comme l'Allemagne est une confédération, il y a quatre ministères de la Guerre, ceux des royaumes de Bavière, de Saxe, du Wurtemberg et de Prusse (ce dernier représentant les trois autres auprès du Reichstag)[3]. Les forces armées allemandes sont réparties entre l'armée allemande (Deutsches Heer, c'est-à-dire les forces terrestres) et la marine impériale (Kaiserliche Marine). Pour aider l'empereur à diriger l'armée et la marine, il est secondé pour chacune d'entre elles par un état-major ; l'état-major général (Generalstab) de l'armée prend le nom en cas de guerre de « commandement supérieur de l'armée » (Oberste Heeresleitung : OHL), avec un chef de l'état-major général à sa tête.

Dès le temps de pays, huit « inspections d'armée » (Armee-Inspektionen (de)) sont créées pour servir d'état-major aux futures armées organisées lors de la mobilisation (Mobilmachung). En 1914 le territoire de l'Empire est subdivisé en 24 « régions de corps d'armée » (Korpsbereiche), qui chacune dispose d'un état-major et des troupes d'active nécessaires pour constituer un corps d'armée (Armeekorps : A.K.), soit un total de 25 corps d'armée en comptant la Garde impériale. Chaque corps d'armée dispose de deux divisions, sauf celui de la Garde qui a en plus une division de cavalerie.

En cas de mobilisation, il est prévu de gonfler les effectifs des unités de temps de paix avec des réservistes, mais aussi de constituer des unités nouvelles :

  • une 3e division de la Garde (formée avec les régiments d'active en excès dans la Garde ainsi que le régiment d'instruction) ;
  • dix divisions de cavalerie (formées avec les brigades de cavalerie retirés aux divisions de temps de paix) ;
  • 31 divisions de réserve, qui permettent de former 14 corps de réserve (Reservekorps : R.K.) tandis que quatre de ces divisions restent autonomes ;
  • 41 brigades de Landwehr (Ldw.-Brig.) (dont deux sont endivisionnées pour former la 35e division de réserve) ;
  • 19 brigades d’Ersatz (dont une sert à la formation de la 30e division de réserve).

Le plan prévoit donc d'aligner 93 divisions, dont 51 d'infanterie, 11 de cavalerie et 31 de réserve (non compris les 60 brigades de Landwehr et d’Ersatz, qui représentent l'équivalent en effectif d'un peu moins de 30 divisions).

Plan Schlieffen

Schéma du plan Schlieffen et de son équivalent français, le plan XVII.
Gott mit Uns : « Dieu avec nous » (devise portée sur les ceinturons des soldats allemands).

L'alliance franco-russe signée en 1892 oblige en cas de guerre l'Allemagne à se battre sur deux fronts, à l'Ouest contre l'armée française et à l'Est contre l'armée russe. Le général Alfred von Schlieffen, chef d'état-major depuis 1891, propose en 1905 de concentrer presque toutes les forces allemandes dès le début de la guerre contre l'adversaire capable de mobiliser le plus vite et qui a le plus petit territoire : la France. Le principe est de détruire l'armée française le plus rapidement possible, avant de déplacer la majorité des forces allemandes contre l'armée russe.

Pour obtenir une victoire rapide à l'Ouest, Schlieffen propose d'éviter les fortifications françaises des places de Verdun, de Toul, d'Épinal et de Belfort qui, une fois renforcées par tout le corps de bataille français, ne peuvent que bloquer une attaque frontale. L'idée est de marcher à travers la Belgique tout en fixant les forces françaises en Alsace-Lorraine, permettant ainsi de les envelopper par un vaste coup de faucille de la part de l'aile droite, celle-ci descendant vers le sud-ouest par Liège, Bruxelles et Lille, prenant Paris lors de la sixième semaine. Pour avoir les troupes nécessaires à un tel déploiement, il est prévu d'engager les unités de réservistes dès les premiers jours en première ligne. Le plan de 1905 prévoit d'affecter 63 divisions d'infanterie (sur un total de 72), 7 de cavalerie (sur 11) et 22 brigades de Landwehr (sur 26) à l'aile marchante ; 9 divisions d'infanterie, 3 de cavalerie et 4 brigades de Landwehr doivent défendre l'Alsace-Lorraine, abandonnant la défense orientale à l'allié autrichien[4].

« Vous ne vouliez pas d'une guerre traînant en longueur jusqu'à ce que les forces des nations se fussent usées les unes contre les autres [...]. Votre but était d'anéantir l'ennemi, [...] votre volonté est celle de vaincre. Cette volonté inflexible, passionnée, est l'héritage que vous avez laissé au grand état-major. »

— Allocution de Molkte le Jeune au comte von Schlieffen en 1906[5].

Schlieffen prend sa retraite en 1906 avant de décéder en 1913. Son successeur comme chef d'état-major est Helmuth von Moltke, dit « Molkte le Jeune » pour le différencier de son oncle Molke l'Ancien, le vainqueur de la guerre franco-allemande de 1870. L'état-major doit désormais compter d'une part sur la modernisation de l'armée russe, qui nécessite que l'Allemagne aide l'Autriche-Hongrie dès l'entrée en campagne, et d'autre part sur le risque d'une invasion du territoire allemand par les Français, qui nécessite la fortification de l'Alsace-Lorraine et le renforcement de l'aile gauche. En conséquence, Molkte réduit l'aile marchante à 52 divisions d'infanterie, 7 de cavalerie et 7 brigades de Landwehr, l'aile gauche statique passe à 16 divisions d'infanterie, 3 de cavalerie et 15 brigades de Landwehr, tandis que la frontière orientale doit être défendue par 10 divisions d'infanterie, une de cavalerie, 10 brigades de Landwehr et deux brigades d'Ersatz.

Déroulement

Déclenchement

Adolf Emil Hering, Wilhelm II, Deutscher Kaiser (Guillaume II, empereur allemand), 1910.

Le Casus belli de l'attentat de Sarajevo déclenche une succession d'ultimatums, de mobilisations et de déclarations de guerre qui s'étend rapidement à l'Allemagne.

Le , le chancelier ordonne d'appliquer des mesures de sécurité concernant les frontières[6]. Le , l'Empire russe et l'Empire d'Autriche-Hongrie ordonnent leur mobilisation, ce qui ne peut pas avoir d'autre conséquence que l'inévitable mobilisation allemande. Le à 12 h, est décrété l'« état de danger de guerre » (Kriegsgefahrzustand)[7], permettant de commencer une partie des réquisitions, la fermeture des frontières, la surveillance des voies de communication et le rappel de certains réservistes.

L'empereur donne l'ordre de mobilisation générale le 1er août[n 2] et déclare la guerre à la Russie. Le au soir, l'Empire allemand déclare la guerre à la République française[9] et le 4 au matin au Royaume de Belgique. Le en soirée, le Royaume-Uni fait de même vis-à-vis de l'Allemagne.

« Sa Majesté l'Empereur, mon Auguste Souverain, au nom de l'Empire, relève le défi et Se considère en état de guerre avec la Russie. »

— Déclaration de l'ambassadeur d'Allemagne à Saint-Pétersbourg Pourtalès au ministre russe des Affaires Étrangères Sazonov[10],[n 3], le à 19 h (heure russe), en français[11].

Appel sous les drapeaux

La mobilisation allemande commence le , mais après des mesures de prémobilisation prises dès juillet, avec notamment le rappel de toutes les unités en déplacement le 29 et le rappel de certains réservistes le 31. La population allemande est forte de 70 millions d'habitants, dont 9 750 000 hommes sont soumis aux obligations militaires (de 17 à 45 ans), parmi lesquels 4 900 000 sont instruits (sans compter ceux de la marine). L'ensemble de la mobilisation en quinze jours fait passer les forces armées allemandes d'un total de temps de paix de 840 000 hommes[n 4],[12] à un total après mobilisation () de 3 750 000 hommes[13].

« Je prends l'univers à témoin que, durant ces dernières années si lourdes de complications de toutes sortes, nous n'avons cessé de nous tenir au premier rang pour épargner aux peuples d'Europe une guerre entre les grandes puissances [...].
Mon noble allié, l'empereur et roi François-Joseph fut forcé de recourir aux armes pour assurer la sécurité de son royaume contre les menées dangereuses d'un État voisin. L'Empire russe s'est alors mis au travers de la monarchie alliée qui poursuivait la revendication de ses intérêts les plus fondés. Ce n'est pas seulement notre devoir de puissance alliée qui nous appelle aux côtés de l'Autriche-Hongrie. À nous échoit aussi la tâche gigantesque de défendre, en même temps que l'ancienne communauté de culture des deux États, notre position dans le monde contre l'assaut des forces hostiles. [...]
Acculés à notre défense légitime, nous tirons l'épée, la conscience pure et les mains pures. »

— Guillaume II, discours au Reichstag le 4 août 1914.

Quelques nouvelles unités sont créées, en plus de celles prévues par le plan : cinq divisions de Landwehr (en regroupant douze brigades), six divisions d’Ersatz (en regroupant 18 brigades) et une division de marine (formée tardivement autour de l'infanterie de marine). Ces rajouts portent les grandes unités organisées en à un total de 105 divisions, dont 51 d'infanterie, 11 de cavalerie, 31 de réserve, une de marine, cinq de Landwehr et six d’Ersatz ; à ces divisions se rajoutent 37 brigades autonomes de Landwehr, l'équivalent en effectif de 18 divisions (ce qui fait un total équivalent à 123)[14].

Pour protéger la mobilisation, les corps d'armée déployés dès le temps de paix le long des frontières sont chargés d'assurer la couverture temporaire dès le  : à l'est les 1er (la partie nord de la Prusse-Orientale), 20e (la partie sud-ouest de la Prusse-Orientale) et 17e corps (en Prusse-Occidentale) ; à l'ouest les 8e (Rhénanie, de Cologne à Trèves), 14e (plaine de Bade), 15e (Haute-Alsace et Vosges), 16e (Thionville et Metz) et 21e (plateau lorrain entre Metz et les Vosges)[15].

Concentration

La concentration aux frontières a été organisée par la section « mobilisation et déploiement » de l'état-major général, cette section étant commandée jusqu'en 1913 par le lieutenant-colonel Ludendorff[16]. Les transports de concentration partent à partir du (5e jour de la mobilisation) pour s'achever le (17e jour de la mobilisation), en commençant par les corps d'armée de l'active (en place dès le 12e jour)[17]. Pour transporter un corps d'armée allemand d'active vers la frontière, il faut 140 trains (85 pour un corps de réserve), soit un total de 6 010 wagons : 170 pour les officiers, 965 pour l'infanterie, 2 090 pour la cavalerie, 1 915 pour l'artillerie et le reste pour les fournitures diverses[18].

Les plans de l'état-major (Instruction pour le déploiement stratégique[19]) prévoient la constitution de huit armées, dont sept à l'ouest et une seule à l'est, la frontière germano-danoise et le littoral étant surveillés par le 9e corps de réserve (IX. Reserve-Korps, composé de deux divisions de réserve). Chaque armée est commandée par un général d'armée (Generaloberst) :

Organisation des armées allemandes le [20]
Commandants et
chefs d'état-major
Têtes de
colonne[n 5]
Composition :
corps et divisions
Missions
1. Armee Kluck
et Kuhl
de Juliers (Jülich) à Bergheim cinq corps (II., III. & IV. A.K. ; III. & IV. R.K. ; 10., 11. & 27. Ldw.-Brig.), soit 10 DI attaquer par Liège, Bruxelles et Mons
2. Armee Bülow
et Lauenstein
d'Aix-la-Chapelle (Aachen) à Malmedy (Malmünd)[n 6] huit corps (G.K. ; VII., IX. & X. A.K. ; II. Kav.K. ; G.R.K. ; VII. & X. R.K. ; 25. & 29. Ldw.-Brig.), soit 14 DI et 3 DC attaquer par Liège et Charleroi
3. Armee Hausen
et Hoeppner
de Saint-Vith (Sankt Vith) à Clervaux (Clerf) cinq corps (XI., XII. & XIX. A.K. ; I. Kav.K. ; XII. R.K. ; 47. Ldw.-Brig.) soit 8 DI et 2 DC attaquer par Dinant
4. Armee duc de Wurtemberg
et Lüttwitz
de Luxembourg (Luxemburg) à Trèves (Trier) six corps (VI., VIII. & XVIII. A.K. ; IV. Kav.K. ; VIII. & XVIII. R.K. ; 49. Ldw.-Brig.) soit 10 DI et 2 DC attaquer par Arlon et Neufchâteau
5. Armee Kronprinz de Prusse et Knobelsdorf de Thionville (Diedenhofen) à Metz cinq corps (V., XIII. & XVI. A.K. ; V. & VI. R.K. ; 13., 43., 45. & 53. Ldw.-Brig. ; 9. bay.Ldw.-Brig.) soit 10 DI attaquer par Longwy, puis investir la place de Verdun
6. Armee Kronprinz de Bavière
et Krafft
de Saint-Avold (Sankt Avold) à Sarrebourg (Saarburg) six corps (I., II. & III. bay.A.K. ; XXI. A.K. ; III. Kav.K. ; I. bay.R.K. ; 5. bay.Ldw.-Brig.) soit 10 DI et 3 DC défendre entre Metz et Vosges, puis attaquer Nancy
7. Armee Heeringen
et Hänisch
de Strasbourg (Straßburg) à Fribourg (Freiburg) trois corps (XIV. & XV. A.K. ; XIV. R.K. ; 55. & 60. Ldw.-Brig. ; 1. & 2. bay.Ldw.-Brig.) soit 6 DI défendre les Vosges et l'Alsace
8. Armee Prittwitz
et Waldersee
autour d'Insterburg, de Gumbinnen, et d'Allenstein six corps (I., XVII. & XX. A.K. ; I. R.K. ; I. & II. Ldw.K.) soit 12 DI et 1 DC défendre la Prusse-Orientale
Concentration et marches des armées allemandes vers l'ouest au 20 août 1914.

L'essentiel du corps de bataille allemand (l'équivalent de 97 divisions sur les 123 disponibles)[14] est concentré le long de la frontière occidentale de l'Empire allemand, face à la France mais aussi face à la Belgique et au Luxembourg. L'aile droite (1re, 2e et 3e armées) a pour mission de traverser la Belgique, malgré les fortifications de Liège et de Namur, pour déboucher dans le Nord de la France ; le plan prévoit l'alignement de l'aile marchante le long de la Somme au 31e jour. Le centre (4e et 5e armées) doit suivre le mouvement en faucille de l'aile marchante en s'alignant sur elle à travers les Ardennes belges et françaises. L'aile gauche (6e et 7e armées) doit rester statique, défendant l'Alsace-Lorraine en s'appuyant sur les fortifications de la Moselstellung (« position de la Moselle », protégeant Thionville et Metz), de la basse-Nied (retranchements de campagne) et de la Basse-Alsace (la place de Strasbourg, la position de la basse-Bruche et le fort de Mutzig). La 8e armée, la seule placée sur le front oriental face à une partie de l'armée russe, a une mission purement défensive et retardatrice en s'appuyant sur les places de Koenigsberg (en Prusse-Orientale, au bord de la Baltique), Graudenz, Thorn (ces deux dernières en Prusse-Occidentale, sur la Vistule), Posen (en Posnanie) et Breslau (en Silésie).

Dès le , la 16e division du 8e corps occupe le Luxembourg. Le , six brigades d'infanterie et le 2e corps de cavalerie se massent en face de Liège. Les premiers combats, entre les troupes de couverture et les avant-gardes, commencent le en Prusse-Orientale, le 6 à Liège (siège de Liège) et le 7 en Haute-Alsace. Les véritables opérations commencent à l'ouest à partir du (entrée des Français en Moselle) et à l'Est à partir du (entrée des Russes en Prusse-Orientale).

Appels ultérieurs

Groupe de soldats du bayerischen Reserve-Infanterie-Regiment Nr. 16[n 7], dont Hitler, affecté à ce régiment à partir du 16 août 1914.

Les douze classes de l'Ersatzreserve sont appelées dans les dépôts dès la fin d', tandis que la vague de patriotisme soulevée par l'entrée en guerre motive environ un million d'hommes à se porter volontaires pour la durée de la guerre (Kriegsfreiwilliger). L'armée allemande forme de nouvelles unités à partir de cette foule de volontaires et de réservistes : les XXII., XXIII., XXIV., XXV., XXVI. et XXVII. R.K. (composés des douze nouvelles divisions de réserve no 43 à 54), ce dernier corps composé de Saxons et de Wurtembourgeois ainsi que la 6e division bavaroise de réserve (6.bay.R.D.). Ces unités, surnommées les « Jeunes régiments » (Junge Regimenter) ou ultérieurement les « divisions d'étudiants », avec presque pas d'instruction militaire, sont envoyées au front à partir du (d'où le mythe de Langemark).

En , les ajournés des classes 1912 et 1913 sont appelés pour recompléter les dépôts (vidés pour remplacer les pertes de l'été) ; la marine de guerre, bloquée dans ses ports, est mise à contribution en formant deux divisions de marine organisées respectivement à la fin d'août et en octobre. L'appel de la classe 1914, théoriquement prévue en , est différée faute de place dans les dépôts et camps : ces 450 000 hommes forment de la fin à huit nouvelles divisions de réserve (no 75 à 82) formant quatre nouveaux corps de réserve (XXXVIII à XLI). L'armée commence à faire ses fonds de tiroir : les derniers hommes du 1er ban de la Landwehr sont incorporés à partir de , intégralement répartis en renfort dans les unités existantes après trois mois d'instruction ; à partir de , c'est au tour des plus jeunes de la Landsturm non instruits (1er ban, de 20 à 38 ans).

Les ressources commencent à se tarir, les effectifs des unités fondent (les divisions passent de quatre à trois régiments). De mai à , c'est par anticipation que sont appelés les hommes de la classe 1915 pour seulement alimenter les dépôts (qui doivent remplacer des pertes). De la mi-septembre à la fin de est appelée la classe 1916, avec une instruction de cinq à six mois. De septembre à , l'armée commence à puiser dans le 2e ban de la Landsturm (de 39 à 45 ans) ; le , un décret ordonne que tous les réformés doivent repasser devant des commissions (on incorpore les petits, les pères de famille, les chemineaux, les postiers, etc.). La classe 1917 est incorporée de mars à (avec trois mois d'instruction). Toujours en 1916 jusqu'en 1918, plusieurs divisions de cavalerie sont démontés pour former des unités de « tirailleurs de cavalerie » (Kavallerie-Schützen). La classe 1918 est convoquée à partir de (ils ont donc 18 ans). Le Reichstag vote le une loi sur le « service auxiliaire patriotique » de 17 à 60 ans (Väterlanddischer Hilfsdienst), appliquant à partir de le travail obligatoire aux hommes jusqu'à la date de naissance du . La classe 1919 est incorporée à partir de  ; la classe 1920 à partir de . L'OHL fait appeler la classe 1921 à partir de (ils ont 17 ans et arrivent sur le front en octobre), tandis que treize divisions sont dissoutes les six premiers mois de 1918, puis 25 d'août à novembre[21].

Notes et références

Notes

  1. Ulanen-Regiment „König Wilhelm I.“ (2. Württembergisches) Nr.20 : 20e régiment d'uhlans « roi Guillaume 1er », second régiment d'uhlans wurtembourgeois.
  2. Selon le principe de l'autonomie de l'armée bavaroise, c'est le roi de Bavière qui ordonne la mobilisation pour son royaume, sur invitation de l'empereur[8].
  3. Un premier projet utilisait la formule : « Sa Majesté l'Empereur, mon Auguste Souverain, au nom de l'Empire, déclare accepter la guerre qui Lui est octroyée ».
  4. Sur les 840 000 hommes que comptent les forces allemandes d'active, 761 000 dépendent de l'armée de terre et 79 000 de la marine. Ne sont pas comptés les troupes coloniales (7 000 hommes).
  5. Les armées sont déployées avec les divisions de cavalerie en tête, les corps d'active juste derrière et les corps de réserve en queue.
  6. Les communes des cantons de l'Est (Eupen, Malmédy et Saint-Vith), belges depuis 1919 (traité de Versailles), font partie de l'Empire allemand en 1914.
  7. Le Königlich bayerischen Reserve-Infanterie-Regiment Nr. 16 fait partie de la 6. Bayerische Reserve-Division formée le 10 septembre 1914 à partir de réservistes exemptés et de volontaires. La division est engagée sur le front à partir du 30 octobre (première bataille d'Ypres).

Références

  1. Laparra 2006, p. 301.
  2. Laparra 2006, p. 65-66.
  3. Laparra 2006, p. 38-39.
  4. Laparra 2006, p. 22.
  5. Jean Étienne Valluy et Pierre Dufourcq, La première guerre mondiale, t. 1, Paris, Larousse, , p. 58.
  6. Laparra 2006, p. 41.
  7. [(de) Déclaration de l'état de danger de guerre], le 31 juillet 1914.
  8. Jean-Claude Laparra et Pascal Hesse, L'envers des parades : le commandement de l'armée allemande, réalités et destins croisés, 1914-1918, Saint-Cloud, Éd. SOTECA 14-18, , 387 p. (ISBN 978-2-916385-77-8), p. 14.
  9. [Déclaration de guerre de l’Allemagne à la France], le 3 août 1914.
  10. Télégramme du secrétaire d'État des Affaires Étrangères Jagow à l'ambassadeur à Pétersbourg, le à 12 h 52, document no 542 publié dans Kautsky 1922, t. 3, p. 55-58.
  11. Télégramme de l'ambassadeur à Saint-Pétersbourg au ministère des Affaires Étrangères, le , document no 588 publié dans Kautsky 1922, t. 3, p. 95.
  12. Laparra 2006, p. 30.
  13. Valluy et Dufourcq 1968, tome 1, p. 74.
  14. a et b Laparra 2006, p. 301.
  15. Laparra 2006, p. 42.
  16. Laparra 2006, p. 19.
  17. Laparra 2006, p. 35.
  18. Raymond et Jean-Pierre Cartier, La première guerre mondiale, vol. 1 : 1914-1915, Paris, Presses de la cité, (ISBN 2-258-01101-9), p. 72.
  19. Laparra 2006, p. 25.
  20. Laparra 2006, p. 44 et 52.
  21. Laparra 2006, p. 98-287.

Voir aussi

Europäischer Dreschplatz (« aire de battage européen » : les armées allemande et autrichienne battant les armées française, britannique et russe).

Bibliographie

  • La mobilisation de l'armée allemande, Paris, L. Baudouin, (BNF 33489750).
  • Les Nouveaux uniformes gris de l'armée allemande, par un capitaine du 20e corps d'armée, Paris, Berger-Levrault, , 20 p., in-8° (BNF 33510179).
  • Ce qu'il faut savoir de l'armée allemande, Paris et Limoges, H. Charles-Lavauzelle, , 130 p., in-16 (BNF 33289394).
  • Karl Kautsky (trad. Camille Jordan), Documents allemands relatifs à l'origine de la guerre : collection complète des documents officiels [« Die deutschen Dokumente zum Kriegsausbruch »], Paris, Alfred Costes, , 4 volumes (BNF 30675245, LCCN a22000350) :
    • Documents allemands..., t. 1 : De l'attentat de Sarajevo à la réception de la réponse serbe, avec quelques documents des semaines qui ont précédé, 381 p. (lire en ligne) ;
    • Documents allemands..., t. 2 : De la réception de la réponse serbe à la nouvelle de la mobilisation générale russe, 265 p. (lire en ligne) ;
    • Documents allemands..., t. 3 : De la nouvelle de la mobilisation générale russe à la déclaration de guerre à la France, 246 p. (lire en ligne) ;
    • Documents allemands..., t. 4 : De la déclaration de guerre à la France à la déclaration de guerre de l'Autriche-Hongrie à la Russie, 280 p. (lire en ligne).
  • (de) Reichsarchiv, Der Weltkrieg 1914 bis 1918 : Die militärischen Operationen zu Lände, Berlin, Ernst Siegfried Mittler und Sohn, 1925-1944, 14 volumes (BNF 33651056, LCCN 25009688).
    • (de) Der Weltkrieg 1914 bis 1918, vol. 1 : Die Grenzschlachten im Westen, , 719 p. (lire en ligne).
    • (de) Der Weltkrieg 1914 bis 1918, vol. 2 : Die Befreiung Ostpreußens, , 430 p. (lire en ligne).
  • (en) F. J. Stephens et Graham Maddocks, Uniformes and Organisation of the Imperial German Army 1900-1918, Londres, Almark Publishing Co. Ltd., (ISBN 0-85524-190-X, OCLC 1528535).
  • (de) Hermann Rahne, Mobilmachung : militärische Mobilmachungsplanung und -technik in Preussen und im Deutschen Reich von Mitte des 19. Jahrhunderts bis zum Zweiten Weltkrieg, Berlin-Est, Militärverlag der Deutschen Demokratischen Republik, , 308 p. (LCCN 83242943).
  • (en) Jeffrey Verhey, The spirit of 1914 : militarism, myth and mobilization in Germany, Cambridge, Cambridge university press, coll. « Studies in the social and cultural history of modern warfare » (no 10), , 268 p. (ISBN 0-521-77137-4).
  • Jean-Claude Laparra, La machine à vaincre, de l'espoir à la désillusion : histoire de l'armée allemande, 1914-1918, Saint-Cloud, 14-18 éditions, , 323 p. (ISBN 2-9519539-8-4).

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