Milorad Dodik

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Milorad Dodik
Illustration.
Dodik en novembre 2022
Fonctions
Président de la république serbe de Bosnie
En fonction depuis le
(1 an, 3 mois et 27 jours)
Élection 2 octobre 2022
Président du gouvernement Radovan Visković
Haut représentant Christian Schmidt
Prédécesseur Željka Cvijanović

(8 ans et 5 jours)
Élection 3 octobre 2010
Réélection 12 octobre 2014
Président du gouvernement Anton Kasipović
Aleksandar Džombić
Željka Cvijanović
Haut représentant Valentin Inzko
Prédécesseur Rajko Kuzmanović
Successeur Željka Cvijanović
Membre serbe du collège présidentiel de Bosnie-Herzégovine

(3 ans, 11 mois et 26 jours)
Élection 7 octobre 2018
Haut représentant Christian Schmidt
Prédécesseur Mladen Ivanić
Successeur Željka Cvijanović
Président du collège présidentiel de Bosnie-Herzégovine

(8 mois)
Président du Conseil Zoran Tegeltija
Haut représentant Valentin Inzko
Prédécesseur Šefik Džaferović
Successeur Željko Komšić

(8 mois)
Président du Conseil Denis Zvizdić
Haut représentant Valentin Inzko
Prédécesseur Bakir Izetbegović
Successeur Željko Komšić
Président du gouvernement de la république serbe de Bosnie

(4 ans, 8 mois et 18 jours)
Président Milan Jelić
Igor Radojičić (intérim)
Rajko Kuzmanović
Prédécesseur Pero Bukejlović
Successeur Anton Kasipović (intérim)
Aleksandar Džombić

(2 ans, 11 mois et 16 jours)
Président Nikola Poplašen
Mirko Šarović
Prédécesseur Gojko Kličković
Successeur Mladen Ivanić
Biographie
Date de naissance (65 ans)
Lieu de naissance Laktaši, RS de Bosnie-Herzégovine (RFPY)
Nationalité bosnienne
Parti politique SNSD
Diplômé de université de Belgrade

Milorad Dodik Milorad Dodik
Présidents du gouvernement de la république serbe de Bosnie
Présidents de la république serbe de Bosnie
Chefs d'État bosniens


Milorad Dodik (en serbe en écriture cyrillique : Милорад Додик), né le à Laktaši, est un homme politique bosnien, membre et président de l'Alliance des sociaux-démocrates indépendants (SNSD). Il est président de l'entité République serbe de Bosnie de 2010 à 2018 et depuis 2022, ainsi que membre de la présidence de la Bosnie-Herzégovine de 2018 à 2022.

Biographie[modifier | modifier le code]

Il est diplômé de l'institut politique de Belgrade.

Premier ministre de la République serbe de Bosnie[modifier | modifier le code]

Il a été Premier ministre de l'entité république serbe de Bosnie de 1998 à 2001 et de 2006 à 2010. Le , il devient Premier ministre, poste qu'il conserve jusqu'au . La communauté internationale le percevait comme un leader démocrate modéré et, tentant de marginaliser les nationalistes serbes du SDS, le soutenait en promettant une aide financière à l'entité serbe s'il était élu Premier ministre. Aux élections législatives du , le SNSD a remporté 44,95 % des voix et 41 députés sur 83 à l'Assemblée nationale, et Dodik est redevenu Premier ministre. Après la victoire de Dodik aux élections, la Republika Srpska a reçu une aide financière de l'Union européenne et des États-Unis. Une fois Premier ministre, Dodik a changé et est devenu encore plus nationaliste que le SDS, ce qui a conduit l'Occident à le considérer plus tard comme « un nationaliste sans vergogne et la plus grande menace pour la fragile paix multiethnique de la Bosnie-Herzégovine. »[1].

Le , Dodik a déclaré que les juges musulmans ne devraient pas être autorisés à présider des affaires en Republika Srpska, ce qui a été condamné comme une intolérance absolument inacceptable par les institutions internationales, l'ambassade des États-Unis à Sarajevo et d'autres responsables[2].

Le , Dodik et Boris Tadić, le président de la Serbie, ont ouvert une école à Pale (Bosnie-Herzégovine) appelée « Serbie », sans que les membres de la présidence triennale de Bosnie-Herzégovine n'ont pas été consultés au sujet du voyage de Tadić[3].

L'ancienne présidente de la République Srpska, Biljana Plavšić, condamnée à 11 ans de prison pour des crimes commis pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine, a été libérée le après sept ans dans une prison suédoise. Dodik l'a accueilli en héros à Belgrade pour le transporter dans un avion du gouvernement, ce qui a provoqué de vives protestations de la part des membres non serbes de la présidence de la Bosnie-Herzégovine[4].

En Bosnie, où la corruption a infiltré les plus hautes sphères du gouvernement et où le système judiciaire divisé est inefficace, Milorad Dodik, en tant que Premier ministre, a été impliqué dans plusieurs scandales de corruption. Cependant, il n'a jamais été condamné. Lorsqu'il faisait face à des accusations, il a affirmé que le haut représentant et les procureurs internationaux avaient ourdi un complot contre la Republika Srpska, et qu'il existait un parti pris contre les Serbes parmi les procureurs et les juges au niveau central[5],[6].

Président de la République serbe de Bosnie[modifier | modifier le code]

À l'occasion de l'élection présidentielle du , Milorad Dodik est élu président de l'entité république serbe de Bosnie dès le premier tour. Il remporte en effet 50,52 % des voix devant Ognjen Tadić, candidat du Parti démocratique serbe (SDS). Son parti conserve la majorité relative à l'Assemblée, et Il prend ses fonctions le .

En novembre 2010, des responsables diplomatiques américains ont declaré que Dodik avait exprimé son soutien au plan supervisé pour l'indépendance du Kosovo, même s'il s'était publiquement opposé à l'indépendance du Kosovo, tout comme Belgrade[7]. Dodik a annoncé qu'en mai 2011 il envisageait d'organiser un référendum dans l'entité république serbe de Bosnie (RS) sur le rejet des tribunaux de Bosnie-Herzégovine et a critiqué l'ONU qui supervise les institutions du pays[8]. Valentin Inzko a prévenu que le référendum risquait de mettre en péril les accords de Dayton. Le référendum a été annulé peu de temps après[9].

Dans son rapport au Conseil de sécurité des Nations unies du , le Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine Valentin Inzko a cité Dodik comme « le partisan le plus fréquent, mais pas le seul, de la dissolution de l'État bosnien ». Le plus inquiétant est l'initiative de Dodik visant à dissoudre unilatéralement les forces armées de Bosnie-Herzégovine. Vitaly Churkin, représentant de la Russie auprès des Nations unies, a critiqué le rapport d'Inzko et a défendu les Serbes de Bosnie[10].

En 2012 le parquet allemand enquête sur l'implication Dodik et son fils dans une affaire de corruption, de falsification de rapports financiers et commerciaux et de fraude impliquant l' Hypo Alpe Adria Bank International. Le système judiciaire de Bosnie-Herzégovine a d'abord enquêté sur l'affaire, mais la pression politique a rapidement paralysé les organes judiciaires et la police de la république serbe de Bosnie[11].

Le , la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a déclaré illégale la célébration de la "Journée de la Republika Srpska" le 9 janvier[12]. Cette journée, qui représente l'aspiration à l'indépendance de l'entité serbe de Bosnie en 1992, est associée, pour la population non serbe, au début du nettoyage ethnique et des massacres lors de la guerre en Bosnie-Herzégovine[13],[14]. La commémoration, liée à la fête religieuse orthodoxe, viole plusieurs dispositions de la Constitution de Bosnie-Herzégovine qui interdisent la discrimination[15]. Malgré cette décision, Dodik, soutenu par la Serbie, organise chaque année la commémoration de cette journée avec un défilé paramilitaire armé, la présence de nationalistes russes et de l'extrême droite européenne, contestant ainsi le statut d'État de Bosnie-Herzégovine[16]. En dépit des avertissements de la communauté internationale, il menace la paix en Bosnie-Herzégovine, établie par les accords de Dayton, ainsi que la stabilité des Balkans[17],[18].

Le , les États-Unis ont imposé des sanctions à Dodik pour son rôle dans la défiance de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine en violation de l'État de droit, ce qui a activement entravé les accords de Dayton. « En faisant obstacle aux accords de Dayton, Milorad Dodik constitue une menace importante pour la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine », a déclaré John E. Smith, directeur par intérim de l'OFAC. Avec ces sanctions, tous les avoirs de Milorad Dodik aux États-Unis ont été bloqués et les transactions commerciales avec lui ont été interdites[19].

En juillet 2022, à l'occasion des élections générales, Dodik annonce pour la troisième fois sa candidature à la présidence de la république serbe de Bosnie. Après les élections, les partis d'opposition l'ont accusé de fraude électorale, affirmant qu'il avait coordonné le remplissage des urnes avec des milliers de votes illégaux. Néanmoins, il a été élu président de l’Assemblée nationale de la RS le , succédant à Željka Cvijanović[20].

Membre de la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine[modifier | modifier le code]

Le , il est élu représentant serbe à la présidence collégiale de Bosnie-Herzégovine et prend ses fonctions, avec ses collègues bosniaque et croate, le suivant. Il assure les fonctions de président pour les huit premiers mois du mandat de quatre ans et de nouveau de novembre 2020 à juillet 2021[21].

Politique interieure[modifier | modifier le code]

Dès le premier mois de sa présidence, Dodik s'est opposé à d'autres membres de la présidence bosnienne, déclarant qu'il n'assisterait pas à la première session de la présidence sous la nouvelle direction jusqu'à ce que le drapeau de l'entité république serbe de Bosnie soit placé dans son bureau[22]. Finalement, il a cédé et a accepté que la session de la présidence se tienne uniquement avec le drapeau national de la Bosnie-Herzégovine.

Le , la Commission électorale centrale de Bosnie-Herzégovine a inculpé Dodik devant le parquet de Bosnie-Herzégovine pour avoir propagé la haine nationale envers un membre de la Commission électorale centrale qui avait décidé de répéter les élections municipales de 2020 à Doboj et Srebrenica, au cours desquelles le parti de Dodik avait remporté la victoire, en raison d'irrégularités électorales[23].

Dodik a assisté à l'exercice militaire organisé le en Serbie, qu'il a suivi avec Aleksandar Vučić, président de la Serbie[24]. Cependant, en mai 2021, lors d'un exercice militaire conjoint forces armées de Bosnie-Herzégovine et de l’Organisation du traité de l'Atlantique Nord en Bosnie-Herzégovine, auquel des représentants des peuples bosniaque et croate participaient, il a refusé d'y prendre part[25].

Après l'introduction des dispositions de la loi sur les forêts en république serbe de Bosnie selon lesquelles les forêts sur son territoire sont leur propriété, l'Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine a déclaré que « la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a établi que les forêts représentent un bien public appartenant à la propriété de l'État et relèvent de la juridiction exclusive de l'État de Bosnie-Herzégovine. »[26].

Négation des massacres et glorification des criminels[modifier | modifier le code]

Des années après la signature de l'accord de paix en Bosnie, les nationalistes serbes et croates continuent de nier les crimes commis, glorifient les criminels de guerre condamnés et les cachent en refusant de coopérer avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Les crimes confirmés par la Cour internationale, tels que le siège de Sarajevo et le génocide de Srebrenica, sont niés et Dodik les a interdits dans les manuels scolaires de la Republika Srpska[27],[28]. De nombreux dirigeants politiques et militaires serbes de Bosnie qui ont commis des crimes pendant la guerre et ont été punis par le TPIY sont célébrés comme des héros nationaux. Les dirigeants politiques et militaires des Serbes de Bosnie pendant la guerre, Radovan Karadžić et Ratko Mladić, qui ont été reconnus coupables par le Tribunal de La Haye pour le génocide de Srebrenica, sont célébrés comme des héros nationaux. Des panneaux d'affichage glorifiant Mladić sont visibles dans les villes de l'entité serbe en Bosnie et en Serbie, et Dodik ouvre une école appelée Karadžić à Pale[29]. Les Serbes de Bosnie et de Serbie persistent à nier le génocide commis à Srebrenica, malgré sa confirmation par le TPIY et la CIJ. Après que Karadžić et Mladić aient été condamnés à la réclusion à perpétuité par le TPIY pour le génocide de Srebrenica, le Haut Représentant Valentin Inzko a pris la décision d'interdire la négation du génocide[30]. Cette mesure n'a pas été acceptée par les Serbes de Bosnie dirigés par Dodik, même si lui-même avait déjà reconnu le génocide en 2015[31].

Renonciation au pouvoir de l’OHR[modifier | modifier le code]

Après la signature de l'accord de Dayton, le Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine et le Bureau du Haut Représentant (OHR) ont été créés dans le but de superviser la mise en œuvre civile de l'accord, afin de prévenir tout obstacle de la part des politiciens nationalistes locaux. Le Haut Représentant possède le pouvoir d'imposer et de modifier les lois en Bosnie-Herzégovine, en cas de désaccord entre les politiciens locaux sur certaines questions, il peut imposer une solution. Il détient également le pouvoir de révoquer les membres de la présidence de Bosnie-Herzégovine s'il détermine qu'ils ont violé l'accord de paix de Dayton. Le haut représentant international en Bosnie-Herzégovine, en raison de la non-coopération avec le TPIY et de l'obstruction aux accords de Dayton, a limogé à plusieurs reprises de nombreux hommes politiques serbes et croates de Bosnie[32],[33],[34]. Les rapports des hauts responsables mettent en garde depuis des années contre les conséquences négatives des actions des dirigeants nationalistes des Serbes et Croates de Bosnie sur la mise en œuvre de l'accord de Dayton, la stabilité et la paix de la Bosnie dans les Balkans. La plupart des rapports concluent que Dodik et la Republika Srpska sont ceux qui violent le plus les normes de Dayton, entravant ainsi le fonctionnement normal de l'État de Bosnie-Herzégovine[35],[36],[37] Depuis 1995, tous les Hauts Représentants ont été nommés avec le consentement de la communauté internationale, incluant la Russie. Suite aux sanctions de l'Europe à l'encontre de la Russie pour son agression contre l'Ukraine, ses représentants ne soutiennent pas la nomination d'un Haut Représentant. En 2021, la Russie et la Chine ont tenté de l'abolir au Conseil de sécurité de l'ONU avec leur proposition de résolution, mais sans succès[38]. Néanmoins, Dodik, soutenu par la Russie, continue de refuser de reconnaître la légitimité du Haut Représentant, qui entravait les efforts de Dodik pour atteindre l'indépendance qu'il revendique depuis longtemps[39]. Il n'accepte pas l'interdiction de la négation du génocide de Srebrenica imposée par le Valentin Inzko, et il persiste à ne pas reconnaître le nouveau Haut Représentant, Christian Schmidt, qui a abrogé la loi introduite par la Republika Srpska refusant de reconnaître les décisions de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine[40].

Retrait de la compétence de l'État[modifier | modifier le code]

Milorad Dodik, soutenu par la Serbie et la Russie, menace depuis des années d'organiser un référendum sur l'indépendance et la sécession de la république serbe de Bosnie, modifiant ainsi les frontières de l'État de Bosnie-Herzégovine, membre de l'ONU[41]. Il ne reconnaît pas les institutions étatiques de la Bosnie-Herzégovine et annonce la création des institutions judiciaires et militaires parallèles dans l'entité qu'il souhaite séparer en un État distinct. Il estime qu'il peut modifier unilatéralement et "pacifiquement" les frontières d'un État internationalement reconnu, même si la communauté internationale a clairement indiqué que les frontières de la Bosnie sont inviolables. Les puissances occidentales n'approuveront jamais les modifications des frontières internationalement reconnues de la Bosnie-Herzégovine, en particulier des pays qui ont participé à la mise en œuvre de l'accord de paix. L'accord de Dayton n'autorise aucune sécession unilatérale d'aucune entité de la Bosnie-Herzégovine. Toutes les initiatives séparatistes mettent en danger la souveraineté et l’intégrité territoriale de cet État internationalement reconnu, ainsi que de l’entité Republika Srpska, qui n’existe qu’en tant que partie de l’État bosnien[42],[43].

En septembre 2021, Dodik a annoncé que la république serbe de Bosnie (Republika Srpska) retirerait son consentement aux accords sur la formation des Forces armées conjointes de Bosnie-Herzégovine et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire de Bosnie-Herzégovine. Bien qu'il soutienne l'opinion de Dodik sur la loi interdisant la négation du génocide, Mirko Šarović, président du Parti démocratique serbe (SDS), principal parti d'opposition en République Srpska, ne soutient pas le retrait des pouvoirs des forces armées et autres institutions étatiques, estimant qu'il s'agit d'une série d'initiatives qui servent uniquement à la campagne de son parti et aux promotions personnelles. Il déclare que « en raison des initiatives frivoles de Dodik, la Republika Srpska deviendra une cible et nous n'en tirerons aucun avantage »[44], et « la voie choisie par M. Dodik est dangereuse, et que celui qui croit pouvoir faire cela sans la guerre se trompe »[45]. En octobre 2021, l'Assemblée nationale de la Republika Srpska a voté de justesse en faveur de la création de l'Agence des médicaments de l'entité, retirant ainsi son soutien à l'Agence nationale des médicaments de Bosnie. Cette transfert de certaines compétences du niveau de l'État au niveau des entités, sans le consentement du parlement de l'État, « a suscité de vives réactions parmi les responsables internationaux et une partie des responsables locaux »[46]. L'opposition, y compris le SDS et le Parti du progrès démocratique, n'a pas participé au vote en signe de protestation contre Dodik et ses actions[47].

Le , l'Assemblée nationale de la république serbe de Bosnie a adopté un ensemble de lois, dont celle concernant les forces armées, ouvrant la voie au retrait de la juridiction du niveau fédéral et au début d'une sécession[48]. Quelques années plus tôt, en 2018, Dodik avait annoncé l'achat de 2 500 fusils en expliquant qu'il renouvelait les anciens équipements de la police et annonçait également une augmentation du nombre de forces de police de réserve[49]. Lors de la célébration illégale de la Journée de la République serbe de Bosnie, des unités spéciales de la police armée défilent[13],[50]. Le , sur le mont Jahorina au-dessus de Sarajevo, des tirs ont été entendus impliquant des véhicules blindés, deux hélicoptères et des commandos en uniforme équipés de fusils d'assaut. Officiellement, il s'agissait d'un exercice pour la police serbe de Bosnie. Cependant, des doutes subsistent. Tout cela indique que la formation et l'armement des unités spéciales et de l'armée paramilitaire indépendante ont commencé[49],[51].

Politique étrangère[modifier | modifier le code]

Dodik bénéficie du soutien de la Serbie, de la Russie, de la Hongrie et de la Chine. Il se rend régulièrement en Serbie pour des consultations avec Vučić, passant souvent plus de temps là-bas qu'à la présidence de Bosnie, dont il est membre. Encouragé par la Serbie et soutenu par la Russie, il fait obstruction et bloque les institutions de l'État bosnien par tous les moyens possibles, cherchant à démontrer l'impossibilité d'une coexistence harmonieuse de la Bosnie en tant qu'État multiethnique[52],[53].

Depuis la signature de l'accord de Dayton, la Serbie utilise les "relations spéciales" avec l'entité serbe de Bosnie, telles que le permet Dayton, pour renforcer les liens et l'influence sur cette entité bosnienne. Dans le cadre de ces relations spéciales, des accords sont conclus dans les domaines de l'économie, de l'utilisation des ressources naturelles, de la privatisation, de la coopération culturelle et religieuse[54]. Avec l'accession au pouvoir de Aleksandar Vučić en Serbie, qui entretient une proximité douteuse mais rentable avec le président des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik, l'accent est mis sur les secteurs stratégiques de l'énergie et de l'industrie de la défense. « Le 19 septembre 2017, le ministre de la Défense serbe avait rencontré le ministre de l’Industrie de Republika Srpska afin d’élaborer des mécanismes concrets pour aider l'industrie de la défense de la Republika Srpska, ses travailleurs, ses technologies et ses infrastructures à s’intégrer au ministère de la Défense de la République de Serbie.(...) ce qui peut être lu comme une attaque dirigée contre le principe de souveraineté bosnienne. »[55]. Cela nuit à tout progrès possible dans la formulation d’une politique de défense commune.

La Serbie et la Croatie n'ont pas renoncé à leurs prétentions territoriales sur la Bosnie[56],[57],[58]. Bien qu'elles déclarent officiellement respecter l'intégrité de la Bosnie elles œuvrent secrètement à sa division en utilisant des représentants des peuples serbe et croate en Bosnie[59],[60]. Milorad Dodik, en tant que représentant des Serbes de Bosnie, annonce depuis des années la sécession de l'entité serbe de Bosnie et son annexion à la Serbie. Parallèlement, Dragan Čović, le représentant croate de Bosnie, prône la création d'une troisième entité - l'entité croate de Bosnie - qui serait ensuite annexée à la Croatie[61]. Ainsi, Dodik et Čović collaborent étroitement dans des efforts conjoints visant à déstabiliser et désintégrer la Bosnie-Herzégovine, déjà établie par les accords de Dayton comme étant dysfonctionnelle[62],[63],[64]. Bien que la Serbie prétende ne pas être impliquée, tout comme Milošević a nié tout lien avec Karadžić, elle ne s'est jamais officiellement distanciée des déclarations séparatistes de Dodik. Actuellement, elle cherche à atteindre les objectifs de la Grande Serbie par des moyens politiques, notamment la création d'un "monde serbe", englobant la déstabilisation du Monténégro et du Kosovo[65],[66],[67].

Dodik avec Vladimir Poutine, 23 mai 2023

Dodik entretient de bonnes relations avec la Russie. Il a rencontré Vladimir Poutine à plusieurs reprises et est l'un des rares hommes politiques européens à entretenir des contacts étroits avec lui depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, s'opposant également aux sanctions imposées à l'encontre de la Russie[68]. En 2007, l'entité Republika Srpska a cédé son secteur pétrolier à la société russe "NeftegazInKor" . Cette transaction a inclus l'acquisition de la raffinerie de pétrole de Brod, la raffinerie de pétrole de Modriča et le réseau de stations-service "Petrol" dans le cadre d'un accord peu transparent[69]. La Russie a ouvertement soutenu la politique de Milorad Dodik et s'est farouchement opposée à l'intégration euro-atlantique de la Bosnie-Herzégovine. Elle exploite ses liens avec la Serbie[70] et Dodik pour étendre son influence dans les Balkans et déstabiliser la région[71]. Le groupe de motards russes proche de Poutine, les "Night Wolves", entretient également des liens étroits avec Dodik[13]. Ses membres sont présents en République serbe de Bosnie et sont des visiteurs réguliers du défilé de la Journée de la RS, célébrée le 9 janvier, une date déclarée inconstitutionnelle par la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine, des volontaires russes ont combattu aux côtés de l'armée serbe de Bosnie (VRS). En 2015, la Russie a opposé son veto à l'adoption d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le génocide de Srebrenica en juillet 1995[72]. La Russie a souvent contesté les rapports de l'OHR sur la Bosnie-Herzégovine soumis au Conseil de sécurité des Nations unies et s'est opposée à la nomination de Christian Schmidt comme haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine.

Dodik entretient également de bonnes relations avec le président hongrois Viktor Orbán, qui promet d'aider la République serbe de Bosnie. Après l'établissement de sanctions contre Dodik par les États-Unis et le Royaume-Uni, Orbán prévient qu'il opposera son veto si la Communauté européenne tente également d'imposer des sanctions[73].

Les sanctions et l'accusation[modifier | modifier le code]

Les États-Unis ont imposé des sanctions à Milorad Dodik en 2017, et à nouveau en 2022 pour ses « activités corrompues déstabilisatrices et tentatives de démantèlement des accords de paix de Dayton, motivées par ses propres intérêts, menaçant ainsi la stabilité de la Bosnie-Herzégovine et de la région entière »[74],[39]. Le le Royaume-Uni a sanctionné deux dirigeants serbes de Bosnie, Milorad Dodik et Željka Cvijanović, accusés de déstabiliser le pays sous influence russe[75].

En août 2023, Milorad Dodik est mis en examen pour avoir promulgué deux lois défiant le pouvoir du Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine, Christian Schmidt, et de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. Cette mise en examen est validée par la Cour d'État de Bosnie-Herzégovine en septembre 2023[76].

Opinions politiques[modifier | modifier le code]

Il menace régulièrement d'organiser un référendum sur l'indépendance de la république serbe de Bosnie.

Le 14 décembre 2020, Milorad Dodik a offert une icône orthodoxe à Sergueï Lavrov créant un scandale diplomatique entre la Russie, la Bosnie et l'Ukraine, cette derrière estimant que l'icône, qui pourrait provenir de Lougansk, aurait dû lui revenir[77].

Milorad Dodik est un négationiste régulier du massacre de Srebrenica qu'il qualifie de « mythe »[78].

Il est un grand admirateur de Ratko Mladić en qui il voit une « légende »[79].

Il a été témoin de Radovan Karadžić lors de son procès au TPIY. En 2016, il a inauguré un dortoir d'étudiants portant le nom de Radovan Karadžić à Pale, la ville natale de ce dernier[80].

Il a également fait retirer le massacre de Srebrenica des manuels scolaires serbes de Bosnie[81].

Il est proche du premier ministre hongrois Viktor Orbán[82].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Roger D. Petersen, Western Intervention in the Balkans: The Strategic Use of Emotion in Confli, Cambridge University Press, (ISBN 978-1107010666, lire en ligne), p. 305
  2. (en) BIRN, « Bosnian Serb Leader Accused of ‘Intolerance’ »,
  3. (en) « With Pale School Opening, Serb Leader Sends Message To Bosnia »,
  4. (en) « A Land Where War Criminals Are Heroes »,
  5. (en) « Corruption Claims Hold Back Bosnia »,
  6. « Bosnie-Herzégovine: Milorad Dodik accusé d’avoir détourné 74 millions d’euros »,
  7. (en) BIRN, « Bosnian Serb Leader ‘Supported Ahtisaari Plan’ »,
  8. « L’UE qualifie le référendum des Serbes de Bosnie d’ « irresponsable » », .
  9. (en) BBC, « Bosnia tension eases as Serbs cancel referendum »,
  10. (en) « EU says Bosnian Serbs seek to undermine peace deal », Reuters,‎ (lire en ligne)
  11. (en) « German prosecution investigates RS president for corruption »,
  12. « Bosnie-Herzégovine: Republika Srpska, la dérive autoritaire et le spectre de la sécession »
  13. a b et c « En Bosnie, Dodik orchestre une démonstration de force paramilitaire », sur lemonde.fr,
  14. Arnaud Vaulerin, « Le 9 janvier, fête funeste de la sécession en Bosnie-Herzégovine », sur libération.fr,
  15. « En République serbe de Bosnie, une "fête nationale" au parfum de sécessionnisme », sur france24.com,
  16. Elie Guckert, « L'extrême droite française au chevet des séparatistes serbes de Bosnie »,
  17. (en) « US and EU warn Dodik about celebrations on January 9, Orban was honored in Banja Luka and top politicians from Serbia attended »,
  18. « Bruxelles met en garde contre de "graves conséquences" alors que les Serbes de Bosnie célèbrent l'anniversaire de leur séparation », sur euronews.com,
  19. (en) « Treasury Sanctions Republika Srpska Official for Actively Obstructing The Dayton Accords »,
  20. « Bosnie-Herzégovine: «Les démocrates ont été trahis» », sur lepoint.fr, .
  21. « Le nationaliste serbe Milorad Dodik accède à la présidence tournante de la Bosnie », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  22. (bs) « Džaferović nakon Dodikove provokacije: Povreda zastave je povreda države, na to neću pristati », 11 decembre2018
  23. (bs) « CIK prijavio Milorada Dodika Tužilaštvu BiH zbog širenja nacionalne mržnje », 11 decembre2018
  24. (bs) « Dodik oduševljen vojnom vježbom u Srbiji koju je pratio zajedno s Vučićem »,
  25. (bs) « Pogledajte snimak današnje vojne vježbe sniman iz neposredne blizine »,
  26. (bs) « Lekcija OHR-a političarima u RS-u: Šume pripadaju BiH, mora se poštovati odluka Ustavnog suda »,
  27. (en) « Bosnian Serbs to Ban Lessons on Srebrenica Genocide »,
  28. « Balkans: le poison du déni vingt-cinq ans après le massacre de Srebrenica », sur lemonde.fr,
  29. (en) « Vingt ans après la guerre, Karadzic attend le verdict des juges », .
  30. « Le tuteur international de la Bosnie interdit la négation du génocide de Srebrenica », sur lemonde.fr,
  31. (bs) « Dodik: U Srebrenici je bio genocid! », sur YouTube.
  32. « Bosnie : un Croate viré de la présidence par Paddy Ashdown », sur liberation.fr,
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  34. (en) « High Representative Removes Canton 7 MoI Officials for rejecting the Federation constitution »,
  35. « La Bosnie traverse sa plus grave crise depuis 1995, selon l'ONU », sur news.un.org, .
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