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Maurice Paléologue

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Maurice Paléologue, né le à Paris où il est mort le [3], est un diplomate, historien et essayiste français.

Ambassadeur de France en Russie de 1914 à 1917, il est l'objet après la guerre de critiques concernant son rôle au moment de la crise diplomatique consécutive à l'attentat de Sarajevo (28 juin 1914) qui aboutit au début d'août à l'entrée en guerre de l'Allemagne contre la Russie (1er août), puis contre la France (3 août), transformant la guerre entre l'Autriche-Hongrie et la Serbie (28 juillet) en une guerre à l'échelle de l'Europe, voire du monde.

Origines familiales et formation

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George Maurice Paléologue est le fils d'Alexandre Paléologue, à la naissance Alexandru Paleologu (1824-1866), issu d'une famille phanariote[4].

Celui-ci, banni[réf. nécessaire] de Bucarest sous l'accusation de complot contre le prince Georges III Bibesco, hospodar de la principauté de Valachie de 1843 à 1848, s'établit à Paris, où, en 1851, il épouse Frédérique de Ridder (morte en 1902), fille de l'ingénieur et entrepreneur belge Gustave De Ridder (1795-1862).

Musicienne de talent[réf. nécessaire], tenant un salon fréquenté notamment par Michelet, Taine, Renan, Saint-Saëns et Fauré, elle encourage les dons intellectuels de son fils, qu’elle emmène en 1867 en Italie[réf. nécessaire].

Après des études secondaires au lycée Henri-IV, puis au lycée Louis-le-Grand, où il est le condisciple de Raymond Poincaré (1860-1934), Maurice fait des études de droit, obtenant une licence.

Carrière de 1880 à 1920

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En 1880, il entre au ministère des Affaires étrangères et est nommé secrétaire d’ambassade, successivement à Tanger, à Pékin et à Rome.

Il occupe ensuite des fonctions à Paris, à la direction politique du ministère, service des affaires réservées (questions confidentielles, analyse et exploitation du chiffre)[réf. nécessaire].

En 1901, il devient ministre plénipotentiaire. Il est ambassadeur de France en Bulgarie de 1907 à 1912 et en Russie de 1914 au mois de mai 1917[5], en pleine révolution russe.

Le 20 janvier 1920, il est nommé secrétaire général du ministère des Affaires étrangères dans le cadre des gouvernements d'Alexandre Millerand, poste qu'il occupe jusqu'au 30 septembre 1920.

Activités littéraires (1880-1944)

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Parallèlement à sa carrière diplomatique, il collabore à la Revue des Deux Mondes et écrit des romans et des essais littéraires.

Il fréquente le salon littéraire de Rosalie von Gutmann où il croise le romancier Paul Bourget, Jules Cambon ou Ernest Seillière.

Il publie plusieurs ouvrages historiques consacrés à la Russie? dans lesquels on trouve un portrait intime[pas clair] de la dernière tsarine, Paléologue ayant assisté à certains de ses entretiens avec Raspoutine, ainsi que des observations de première main sur les événements qui ont secoué le pays à l’orée de la Première Guerre mondiale.

Ses notes sur l’affaire Dreyfus, publiées après sa mort, constituent un témoignage important sur le procès dans lequel il a lui-même déposé.

L’Académie française lui décerne le prix Bordin pour Vauvenargues en 1890 et le prix Narcisse-Michaut en 1905. Le , il est élu à l'Académie française au fauteuil de Charles Jonnart.

Après la carrière diplomatique (1920-1944)

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Il devient membre[Quand ?] du conseil d'administration du Crédit mobilier français.

En novembre 1942, après le débarquement allié en Afrique du Nord et l'occupation de la zone libre par l'armée allemande, à l'instar de l'amiral Lucien Lacaze et de l'ambassadeur Robert de Billy, il incite le général Bernard Serrigny à emmener Philippe Pétain en Afrique du nord pour passer du côté des Anglo-Saxons. Serrigny, qui partage ce point de vue, demande avec insistance à Pétain de partir et lui propose de l'emmener en avion, mais se heurte au refus du maréchal[6].

Mort et funérailles (novembre 1944)

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Maurice Paléologue meurt à son domicile parisien situé rue de Téhéran, peu après la libération de la ville (25 août 1944).

Il est inhumé au cimetière de Passy, dans le 16e arrondissement de Paris. Sa tombe est située près de celle du comte Georges Brassov (1910-1931) et de sa mère, la princesse Natalia Brassova (1880-1952), épouse du grand-duc Michel de Russie (1878-1918).

Mort célibataire, il est l'oncle[réf. nécessaire] de Jean de Paleologu (1855-1942), artiste, et le beau-frère d'André Lebon, d'Arthur Pernollet et de Jules Dietz.

Controverses sur son attitude en Russie en 1914

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Arrivée de Maurice Palélogue à Saint-Pétersbourg (16 février 1914).

La lenteur de Paléologue à relayer des informations importantes alors qu’il était ambassadeur à Saint-Pétersbourg a été critiquée[Par qui ?][7].

Rôle de Paléologue lors de la crise austro-serbe de 1914

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Après la fin de la Première Guerre mondiale, beaucoup de responsables s'interrogent sur ses causes de cet événement exceptionnel. Le traité de Versailles (28 juin 1919) déclare que l’Allemagne impériale a été le responsable principal du conflit : non seulement l'empereur et le gouvernement ont soutenu le point de vue de l'Autriche-Hongrie face à la Serbie en , mais elle a déclaré la guerre à la Russie et à la France, puis envahi la Belgique, dont elle avait pourtant garanti la neutralité.

Cependant on[Qui ?] s'est aussi interrogé sur les responsabilités de la Russie impériale. Lors de son voyage en Russie du 20 au , au cours de la crise austro-serbe, le président Raymond Poincaré aurait incité le gouvernement russe à la fermeté. Quelles instructions verbales Paléologue a-t-il reçues du président ? En 1917, Pourtalès, ancien ambassadeur d’Allemagne en Russie, a affirmé que Maurice Paléologue avait été informé de la déclaration de guerre de l'Allemagne à la Russie avant le ministre de la Guerre, Vladimir Soukhomlinov.

Interprétations

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Traditionnellement, le rôle dévolu à un ambassadeur étant de « suivre les instructions de son gouvernement, mais, en même temps, il l’informe, l’éclaire, l’avertit et quelquefois doit le retenir »[8], il paraît improbable[réf. nécessaire] que Paléologue n’ait pas respecté à la lettre ces consignes à un moment aussi critique de l'histoire de l'Europe.

Quelques historiens l’ont jugé sévèrement, notamment Jules Isaac : il serait en partie responsable du déclenchement de la guerre.

Défense de Paléologue

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Paléologue s’est défendu en invoquant les difficultés de communication. D’une part, étant donné que les Allemands avaient percé le chiffre de l’ambassade de France à Saint-Pétersbourg, les télégrammes devaient être envoyés à Paris par la Scandinavie, ce qui occasionnait 24 heures de retard, auxquelles s’ajoutait une demi-heure pour le déchiffrage[pas clair]. D’autre part, Poincaré et Viviani, toujours en mer pendant leur retour de Russie, ont reçu des informations incomplètes. Par ailleurs, pendant cette semaine fatidique, les dernières nouvelles étaient fournies au Quai d’Orsay par l’ambassadeur d'Allemagne[réf. nécessaire].

Il a aussi publié son journal La Russie des tsars pendant la Grande Guerre (1921-1923)[9].

Dans un entretien avec Sazonov[Qui ?], ayant pris conscience de l'importance « des peuples non russes » dans l'Empire russe, il ajoute qu'ils « souffrent de votre centralisation administrative » et conclut que tôt ou tard, la Russie devra instaurer une autonomie régionale et que si elle ne le fait pas, elle sera confrontée au danger des séparatismes[10].

En 1937, Paléologue, interrogé par Pierre Renouvin, reconnait qu’« il avait jugé la guerre inévitable et nécessaire ».

Conclusions

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Proclamer que Paléologue fut le responsable du déclenchement du conflit, parce qu'il n'aurait pas tenu informé son gouvernement, serait donc une erreur grossière[réf. nécessaire].

L'historien militaire Rémy Porte (né en 1957) rappelle dans un article récent[Quand ?] que la controverse portait non pas sur l'absence d'information, mais sur des comptes-rendus partiaux de l'évolution de la position russe[11].

Il reste qu'en 1914, l'Europe, divisée en deux blocs, courait depuis une dizaine d'années vers un cataclysme. Paléologue fut un acteur de cette tragédie, sans véritable doute, un acteur privilégié compte tenu de ses rapports avec la famille impériale russe.[réf. nécessaire]

Distinctions

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Publications

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Communication secrète du ministère des Affaires étrangères, saisie par la Cour de cassation, qui détaille de 1893 à 1897 les étapes de l’affaire Dreyfus, d’après les informations du diplomate Maurice Paléologue. Archives nationales de France.

Notes et références

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  1. « https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/133paap_cle051eb1__papiers_maurice_paleologue_2_.pdf » (consulté le )
  2. « https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/133paap_cle051eb1__papiers_maurice_paleologue_1_.pdf » (consulté le )
  3. « Actes de décès n°802 (vue 21/31) », sur archives.paris.fr (consulté le )
  4. Sur cette famille, Mihail Dimitri Sturdza a écrit : « Au début du XVIIe siècle le savant allemand Martin Crusius rencontrait des Paléologue au Phanar et les qualifia d'authentiques. Ils portaient ce nom accolé à celui de Guliano, qui paraît avoir été leur véritable nom de famille, et au surnom de muselim, qui était la désignation d'une magistrature turque. Apparentés à plusieurs des grandes maisons phanariotes, leurs descendants finirent par s'établir en Valachie à la fin du XVIIIe siècle, sans qu'ils y fut question de prétentions impériales de la part de ces Paléologue devenus boyards valaques. À la fin du XIXe siècle, ces Paléologue roumains ne subsistaient plus que par une branche bâtarde, laquelle sans doute pour réparer la tache de sa naissance illégitime fit imprimer à Constantinople un arbre généalogique lui attribuant une origine byzantine dont personne n'avait entendu parler auparavant. Ce curieux document est préservé dans ce qui reste des papiers d'Eugène Rizo Rangabé (el) à l'Académie d'Athènes, et mérite d'être cité, car celui en qui s'éteignit cette famille gréco-roumaine ne fut autre que Maurice Paléologue (1859-1944), ambassadeur de France, l'un des grands artisans de l'alliance franco-russe. Ce diplomate fit d'ailleurs insérer dans la Grande Encyclopédie du XIXe siècle une notice le concernant, et où il se donne comme un rejeton de Byzance. Rien n'est moins sûr par conséquent que la légitimité des prétentions impériales des Paléologue vivant sous la domination turque immédiatement après la chute de Constantinople. Depuis, imposteurs, aventuriers de haut vol ou charlatans de bas étage ont abondamment fait usage du nom et du blason de la dernière maison impériale de Byzance. Leurs divertissantes aventures n'ont pas de place ici. Il suffit de rappeler que les derniers descendants authentiques de cette famille s'éteignirent en la personne des marquis de Montferrat, possessionnés en Italie du Nord ». Mihail Dimitri Sturdza, Grandes familles de Grèce, d'Albanie et de Constantinople, Dictionnaire historique et généalogique, Paris, chez l'auteur, 1983, p. 374-375.
  5. Archives du Ministère des Affaires étrangères (A.M.A.E.), Papiers d'Agents, ''Paléologue''
  6. Général Bernard Serrigny, Trente ans avec Pétain, Paris, Plon, , 245 p. (OCLC 418621967), p. 223 et 243.
  7. (en) David Paull Nickles, Under the wire : how the telegraph changed diplomacy, Cambridge, Mass. : Harvard University Press, coll. « Harvard historical studies » (no 144), , 265 p. (ISBN 978-0-674-01035-2, OCLC 469346815, lire en ligne).
  8. Selon Jules Cambon.
  9. - À Sazonov : « Si grave que soit le danger, si faibles que soient encore les chances de salut, nous devons (...) tenter jusqu'à l'impossible pour sauver la paix. Je vous prie de considérer que je suis, moi, dans une position sans précédent pour un ambassadeur. Le chef de l’État et le chef du gouvernement sont en mer ; je ne peux correspondre avec eux que par intermittences et de la façon la plus incertaine ; d'ailleurs, ils ne connaissent qu'imparfaitement la situation, ils ne peuvent m'envoyer aucune instruction. À Paris, le ministère est décapité », en date du mardi 28 juillet 1914.
  10. Michel Heller, Histoire de la Russie et de son empire, Paris, Perrin, (1re éd. 1995) (ISBN 2081235331), p. 1357 et suivantes
  11. Rémy Porte, « Une guerre née de l'engrenage des alliances ? », La Nouvelle Revue d'histoire, no 8, p. 18-21.
  12. « Recherche - Base de données Léonore », sur www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr (consulté le )

Liens externes

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