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Massacre d'Ambiky

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Massacre d'Ambiky
Date -
Lieu Ambiky, Drapeau de Madagascar Madagascar
Victimes Sakalava
Type Embuscade
Morts Plusieurs centaines à 5000 morts (dont le roi Toera)
Blessés 150 (selon Augustin Gérard)
Prisonniers 450 (dont des femmes et des enfants) (selon Augustin Gérard)
Auteurs Drapeau de la France France
Ordonné par Augustin Gérard
Participants 3e régiment de tirailleurs sénégalais
Guerre Expédition de Madagascar

Le massacre d'Ambiky est un massacre qui eut lieu en 1897 sur l'île de Madagascar, pendant l’expédition de Madagascar effectuée par l’armée française. De nombreux chefs Sakalaves sont tués par les troupes françaises. Parmi eux, le roi Toera (ou Touere) avait fait part de son intention de déposer les armes,

Ce massacre met fin au royaume sakalava du Menabe.

Une insurrection générale enflamme le Menabe jusqu’en 1902.

Déroulement

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Le massacre a lieu le 29 août 1897, lors d’une « campagne de pacification » de Madagascar[1]. Le commandant Gérard fait attaquer par surprise le village d’Ambiky, alors que le roi avait fait part de son intention de déposer les armes et d'entamer des négociations[1],[2].

Version de Paul Vigné d'Octon à la Chambre des Députés

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Paul Vigné d'Octon dénonce le massacre à la Chambre des Députés le 24 novembre 1900[3]. Son discours désigne le commandant Augustin Gérard comme l'organisateur du massacre.

Selon Paul Vigné, au mois d'août 1897, le général Joseph Gallieni débute en Imerina une grande opération ; il envoie une colonne sous les ordres de son chef d'état-major, le commandant Gérard, pour pacifier le Menabe. La canonnière la Surprise attend sur la côte l'arrivée de cette colonne. Léo-Philippe Samat, un agent des Français implanté à Madagascar depuis des années, se rend à Ambike. L'enseigne de vaisseau Etienne Blot et quelques marins de la Surprise s'y rendent en même temps par la Tsiribihine. Le roi Toera leur offre l'hospitalité. Ayant confiance en Samat, le roi prépare avec lui une réception triomphale au commandant Gérard, dont l'approche est annoncée. Il appelle à Ambike tous les notables des districts et ses voisins les plus importants. Ils viennent avec leurs étendards et de nombreux musiciens, jouant de la valihe et du tambour.

Le matin du 29 août, l'enseigne de vaisseau Blot et Samat apprennent que la colonne française n'est plus qu'à deux heures de distance de Ambike ; ils se rendent à son campement, rencontrent le commandant Gérard, lui décrivent les dispositions favorables du roi. Le commandant prévient l'enseigne qu'il aurait, le lendemain, avec ses marins, à prendre part à l'attaque. Blot et Samat se récrient. Le commandant réitére son ordre, et, même, les consigne au camp. Le roi Toera vient en personne présenter ses hommages au commandant Gérard. Gérard refuse de le recevoir et lui fait répondre : « Je porterai moi-même mes ordres au chef-lieu. »

Au milieu de la nuit, le 3e régiment de tirailleurs sénégalais se met en marche, cachés par les bois et les taillis qui entourent la ville d'Ambike. L'artillerie occupe une position haute. Au point du jour, par six côtés à la fois, les troupes entrent dans la ville. Les tirailleurs sénégalais se ruent dans les maisons ; la population est passée au fil de la baïonnette. Ceux qui ne sont pas tués du premier coup sont traqués et massacrés. Le roi Toera, les personnages de marque, tous les habitants meurent. Les tirailleurs n'ont reçu l'ordre que de tuer les hommes, mais ils n'épargnent personne : les domestiques et les porteurs indigènes de Samat, confondus avec les habitants, sont tués. Au matin, la ville est un charnier[4].

Réponse de Louis André, ministre de la Guerre

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Le 1er décembre 1900, Louis André, ministre de la Guerre, lui répond.

Il indique que les rapports officiels présentent la région du Menabe comme le refuge des Sakalaves, un obstacle à la sécurité des routes, une menace pour le Betsileos et pour l'Imerina ; aucune troupe Hova n'avait pu y pénétrer.

Il résulte de tous les documents officiels parvenus à l'administration, que les soldats français étaient constamment attirés dans des pièges, qu'ils étaient reçus partout à coups de fusil, et que, notamment, le commandant Gérard avait perdu un quart de son effectif dans une embuscade.

Le général Joseph Galliéni pensa que le moment était venu de réduire ces peuplades et de pacifier cette zone.

Le conseil de guerre est composé du commandant Augustin Gérard, le chef de l'expédition, du capitaine Détrie et de deux civils : Émile-Félix Gautier, directeur de l'enseignement primaire à Madagascar, adjoint comme interprète à la colonne, et Léo-Philippe Samat.

Dans le rapport de Galliéni, dans celui du capitaine Détrie, daté d'Ambiky, le soir même du combat, et dans un télégramme envoyé à Galliéni, de Majunga, par le commandant de la Surprise, il apparaît que le nombre des Sakalaves tués est de 97, parmi lesquels on ne compte ni femme ni enfant. Les mêmes sources rapportent que, le soir de la prise d'Ambiky, les esclaves ramassés depuis plusieurs années par les Sakalaves sont rendus solennellement à la liberté et à leurs villages d'origine.

Le ministre cite le rapport du capitaine de vaisseau Augustin Le Dô, qui commandait la station navale de l'océan Indien :

« En 1897, la Surprise mouillée devant la Tsiribihina depuis le 23 août s'était mise en communication avec l'intérieur par l'intermédiaire de M. Samat, le correspondant de la résidence générale. C'est M. l'enseigne de vaisseau Blot qui a été chargé de reconnaître l'embouchure du fleuve et de se porter au devant de la colonne. Dès le 25 août, le bruit de l'approche de nos soldats se répand dans le pays. Le commandant de la Surprise n'hésite pas à envoyer aussitôt M. Blot, avec la vedette et le youyou portant, des vivres et du charbon pour remonter le fleuve jusqu'à Ambiky afin de prendre contact avec le commandant Gérard et en même temps escorter M. Samat le long du fleuve. Ce petit détachement part le 26, mais ce n'est que le 29 et après une marche de plus de six heures à travers le pays que M. Blot rencontre enfin la Colonne. Elle avait été inquiétée fréquemment pendant sa marche par les gens de Toëra. Le commandant Gérard, sûr de l'hostilité, des menées sourdes de ce chef indigène, craignant d'autre part la fuite des guerriers et la disparition des armes, brusque l'attaque d'Ambiky qui est pris le 30 au matin et inflige à notre ennemi surpris des pertes considérables. M. Blot et ses hommes ont pris part à cette affaire. Quatre-vingt sept morts et plus de cent cinquante blessés restent sur le terrain, de nombreux prisonniers et une grande quantité d'armes tombent entre nos mains. »

et plus loin :

« Toëra, son ministre Vougorango et d'autres chefs sont parmi les morts. De notre côté, deux blessés dont un grièvement... Cette rude attaque a un grand retentissement. Toera était un chef redouté. Son territoire était considéré comme le refuge de tous les « malfaiteurs de la contrée. »

Dans le récit de Paul Vigné d'Octon, l'exagération est relevée par Ghensi, journaliste dans Le Gaulois du 19 mai 1900 : « le nombre des victimes, évalués à 5 000 par les uns, fut de 2 500 pour les autres »[5].

Les écrits militaires confirment, dans les grandes lignes, le récit de Paul Vigné d'Octon : la mort du roi Toera, de son ministre Vougorango, et d'autres chefs Sakalaves.

Le rapport de Gérard indique « 97 Sakalava tués sur le terrain » et « au moins 150 blessés (…) laissés dans les bois aux abords de la position. En outre, 450 prisonniers (dont deux tiers de femmes et d’enfants) sont restés entre nos mains ».

Le nombre de victimes reste incertain.

Bernard Schlemmer, dans son livre Le Manabe : histoire d'une colonisation conclut que « le silence officiel voua cet épisode à l'oubli »[6].

Suite à ce massacre, le Menabe se révolte. La révolte est commandée par Ingereza, frère et successeur de Toera. Les Sakalava résisteront à l’armée française de 1897 à 1902[2].

Le crâne du roi Toera a pu être prélevé, envoyé au muséum d'histoire naturelle, stocké à partir de 1899. Il est longtemps réclamé par ses descendants[2]. En 2025, sa restitution fait l'objet de conflits entre ces derniers et le gouvernement malgache, du fait de la non prise en compte, selon eux, de leurs conditions pour réaliser ladite restitution[7].

La France restitue à Madagascar, le 26 août 2025, trois crânes humains, conservés dans les réserves du musée de l’Homme, une section du musée d'Histoire naturelle, à Paris. L’un de ces crânes est attribué au roi Toera, les deux autres à des guerriers tués à ses côtés, lors de la conquête coloniale de l’ouest de Madagascar, à la fin du XIXe siècle[8].

Notes et références

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  1. a et b Laurence Caramel, « A Madagascar, le retour du crâne présumé d’un roi décapité ravive les blessures enfouies de la colonisation », sur Le Monde,
  2. a b et c Klara Boyer-Rossol, « Le Muséum d'histoire naturelle abrite-t-il le crâne d’un roi malgache tué par la France au XIXe siècle ? », sur Le Monde,
  3. Journal officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso. 24 novembre 1900.
  4. Un certain nombre d'entre eux se sentaient étouffés de honte ; c'étaient les marins de la Surprise, coauteurs malgré eux du meurtre de leurs hôtes de la veille, et quelques officiers et soldats des troupes blanches.
  5. P.B. Ghensi, Le Gaulois, 19 mai 1900.
  6. Bernard Schlemmer, Le Manabe : histoire d'une colonisation, 1983
  7. « A Madagascar, la restitution par la France du crâne d’un roi décapité provoque une crise dynastique », sur Le Monde, (consulté le )
  8. Pauline Rouqette, « La France rend à Madagascar les crânes sakalava, première application de la loi de 2023 », sur france24.com, (consulté le ).

Bibliographie

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  • Jean Grave, La colonisation, suivi de Paul Vigné d'Octon, Le Massacre d’Ambiky, Éditions du Sextant, 2019, 60 pp.
  • Bernard Schlemmer, Le Manabe : histoire d'une colonisation, 1983 [1]
  • Paul Vigné d'Octon, La Gloire du Sabre. Flammarion, 1900.

Articles connexes

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Liens externes

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