Mario Vargas Llosa
Nom de naissance | Jorge Mario Pedro Vargas Llosa |
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Naissance |
Arequipa, province d'Arequipa Pérou |
Activité principale | |
Distinctions |
Langue d’écriture | Espagnol |
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Mouvement |
Réalisme magique Boom latino-américain Libéralisme |
Genres |
Œuvres principales
Compléments
- Candidat à la Présidence de la République du Pérou pour le Front démocratique en 1990
Mario Vargas Llosa [ˈmaɾjo ˈβarɣas ˈʎosa][1], premier marquis de Vargas Llosa[2], né le à Arequipa, région d'Arequipa, au Pérou, est un écrivain péruvien naturalisé espagnol, auteur de romans et d'essais politiques. Il est notamment lauréat du prix Nobel de littérature 2010 « pour sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées de la résistance de l'individu, de sa révolte et de son échec[3] ».
Comme beaucoup d'auteurs hispano-américains, Mario Vargas Llosa s'est engagé en politique tout au long de sa vie. Ses opinions se sont progressivement déplacées du communisme au libéralisme. Il soutient initialement le gouvernement révolutionnaire de Fidel Castro, mais est rapidement déçu. En 1990, il est candidat à l'élection présidentielle péruvienne à la tête d'une coalition, le Front démocratique (Fredemo), qui perd face à Alberto Fujimori.
Biographie
Mario Vargas Llosa est issu de la classe moyenne péruvienne[4]. Il est le fils unique d'Ernesto Vargas Maldonado et de Dora Llosa Ureta. Ses parents se séparent quelques mois après sa naissance à la suite de la révélation, par son père, d'une liaison avec une femme allemande qui donnera deux demi-frères au jeune Mario : Ernesto et Enrique Vargas[5],[6]. Élevé par sa famille maternelle, Mario Vargas Llosa passe du Pérou à la Bolivie où son grand-père tient une plantation de coton[7]. Sous le gouvernement de José Luis Bustamante y Rivero, l'aïeul se voit offrir un poste diplomatique à Piura[8]. Cet épisode marque le retour des Llosa au Pérou. En 1946, à l'âge de 10 ans, Mario part vivre à Lima où il rencontre son père pour la première fois alors qu'il l'avait longtemps cru mort[9]. Ses parents se remettent ensemble et déménagent à Magdalena del Mar, une banlieue aisée de la capitale[10]. Il est admis à l'école élémentaire catholique Colegio La Salle[11]
À l'âge de 14 ans, il est envoyé en internat à l'Académie militaire de Lima par son père qui ne voit pas d'un bon œil sa vocation poétique naissante[9]. Cet épisode lui laisse un sinistre souvenir et la matière de son livre La Ville et les Chiens[8].
Il étudie ensuite la littérature et le droit à l'Université San Marcos, une faculté publique[9], exerçant en parallèle différentes professions : correcteur littéraire puis collaborateur aux rubriques cinéma de la revue Literatura (1957-1958) et du journal El Comercio[8]. Durant ses études, il découvre l'œuvre de Jean-Paul Sartre et le marxisme qui le marquent durablement[9]. Il combat également la dictature militaire du général Manuel Odría[9]. Pendant une brève période, il s'implique dans une branche étudiante du Parti communiste péruvien qu'il abandonne en protestation de la ligne stalinienne du mouvement sur l'art et la littérature[9]. La révolution cubaine fait un temps revivre ses espoirs d'une révolution progressiste[9].
Grâce à une bourse d'étude, il poursuit son cursus universitaire à l'Université centrale de Madrid où il soutient, en 1958, une thèse de doctorat sur Rubén Darío. Après avoir écrit un recueil de nouvelles remarqué, Les Caïds (Los Jefes, 1959), œuvre qui obtient le Prix Leopoldo Alas, il épouse la belle-sœur de son oncle maternel : sa tante par alliance Julia Urquidi, de dix ans son aînée. Cette relation lui inspire des années plus tard le roman La Tía Julia y el escribidor (La Tante Julia et le scribouillard). En 1964, il se sépare de Julia Urquidi et se remarie avec sa cousine Patricia Llosa, avec qui il aura trois fils et dont il divorcera cinquante ans plus tard en 2015. Depuis 2015, il est en couple avec Isabel Preysler, mère des enfants de Julio Iglesias et trois fois divorcée. Avec sa première épouse, il s'installe à Paris en 1959 dans l'espoir de recevoir une bourse pour reprendre des études, mais sa demande est rejetée[12]. Le couple reste malgré tout dans la capitale française et Vargas Llosa y travaille en tant que professeur d'espagnol à l'école Berlitz, puis journaliste pour l'Agence France-Presse et la télévision[8]. Il se passionne pour la littérature du pays, suit avec intérêt la querelle opposant Sartre à Albert Camus et écrit de manière prolifique[12],[9]. Il part ensuite pour Londres et Barcelone où il côtoie les grandes figures de la Gauche divine[9]. Pendant son séjour en Europe, il se lie d'amitié avec d'autres jeunes auteurs, futurs piliers du boom latino-américain : l'Argentin Julio Cortázar, le Mexicain Carlos Fuentes et le Colombien Gabriel García Márquez[9]. Il retourne à Lima en 1974 et est élu à l'Académie péruvienne un an plus tard[8].
L'écrivain
Boom latino-américain
Avec Julio Cortázar, Carlos Fuentes, Juan Rulfo, Gabriel García Márquez, Juan Carlos Onetti et José Donoso, Mario Vargas Llosa est considéré comme l'un des grands noms du boom de la littérature latino-américaine des années 1960[13],[14]. À des degrés divers, tous ces auteurs prennent leurs distances avec la narration traditionnelle et revendiquent l'influence des courants littéraires moderniste et postmoderne européens ou nord-américains auxquels ils empruntent des procédés novateurs (détournement des codes fictionnels, multiplicité des points de vue, polyphonie, morcellement de la chronologie, monologue intérieur ou encore flux de conscience sur l'exemple de James Joyce et William Faulkner)[13],[14],[15],[16]. Leur style visionnaire, foisonnant et luxuriant a révélé au monde entier la complexité artistique, idéologique et politique du continent sud-américain qu'ils peignent comme une entité pittoresque, morcelée et paradoxale[17],[13],[14].
Style
Dès la parution de son premier roman, Vargas Llosa devient un écrivain reconnu, régulièrement invité dans les universités du monde entier pour y donner des cours et des conférences. À la fois chroniqueur et pourfendeur de l'Amérique latine, il est considéré par une partie de la critique comme le maître du « bouillonnement romanesque »[18]. Contrairement à ses collègues du boom, Vargas Llosa s'écarte totalement du réalisme magique en vigueur[13],[14]. Mais ses récits gardent la spécificité latino-américaine de changer régulièrement de voix pour passer du général au particulier en opposition aux littératures européenne et anglo-saxonne qui ont tendance à partir d'un caractère particulier pour dériver vers le général[14]. Le romancier cherche également à rompre avec la veine indigéniste, dominante dans les lettres sud-américaines[19] visant avant tout à atteindre l'universel dans l'écriture.
Techniques et influences
Les ouvrages de Vargas Llosa trahissent l'influence de Faulkner pour les recherches stylistiques et Balzac pour la densité de l'observation psychologique et sociale[20]. Ils se démarquent par un style polyphonique, une ironie mordante et une tonalité dramatico-bouffonne dans l'évocation des mythes et des aspirations des peuples latino-américains écrasés par les dictatures[18],[13]. Ses récits sont identifiables par une fragmentation de la chronologie et la pluralité de narrateurs[14]. Par ailleurs, ses personnages sont inséparables du climat et du cadre culturel, historique et géographique dont ils sont issus. L'action de ses romans débute sur une acmé qui installe une atmosphère oppressante, enfermant les protagonistes dans un engrenage implacable[21]. Par le biais d'une écriture épique, apparemment sans effets, Vargas Llosa retranscrit les mutations brutales d'une civilisation marquée par la violence et le sexe[14]. Dans ses fictions, les pouvoirs politiques (notamment le caudillisme) apparaissent comme le symbole du pourrissement moral de la société[14]. Au fil de son travail romanesque, Vargas Llosa dessine une cartographie métissée et cosmopolite issue de ses voyages et de ses expériences personnelles[22], le Pérou étant néanmoins un invariant thématique dans ses romans.
La Ville et les Chiens
Vargas Llosa rédige La Ville et les Chiens à Paris en 1963, ouvrage qui fait de lui un auteur de renom (prix Biblioteca Breve du roman et prix de la Critique espagnole). Son roman est traduit presque aussitôt dans une vingtaine de langues et se voit salué par la presse étrangère pour son originalité[9]. Vargas Llosa y juxtapose une tradition romanesque classique à des recherches d'écriture novatrices sur le plan narratif et formel[23]. Dans cette œuvre, un réalisme folklorique lié au costumbrismo se mêle à des envolées poétiques proches du symbolisme. Le romancier décrit alors la vie menée par les cadets (les chiens) et met en contraste l'oppression de la discipline, la violence et les brimades subies par les jeunes gens avec le vent de liberté qui souffle sur la ville[13]. L'auteur est vivement critiqué dans son pays pour s'être attaqué à l'institution militaire[9]. On l'accuse d'être stipendié par l'Équateur pour déstabiliser l'armée péruvienne et cent exemplaires du roman sont brûlés lors d'une cérémonie expiatoire dans la cour du collège militaire de Lima[9]. Cependant, le livre n'est pas interdit à la vente et connaît un grand succès public au Pérou[9].
La Maison verte
Dans La Maison verte (1966), l'auteur évoque, avec un grand souci du détail et un impressionnant souffle narratif, la vie dans la lointaine forêt péruvienne et la zone urbaine de Piura. Il y met en scène une maison close dans laquelle se croisent divers personnages[19]. Ce roman lui vaut à nouveau le prix de la Critique, puis le prix international de littérature Rómulo Gallegos en 1967[19]. Vargas Llosa y approfondit sa technique expérimentale de « narrations télescopiques » et de « vases communicants », selon ses propres termes, qu'il tire de Faulkner[9]. Ce procédé consiste à entrecroiser simultanément plusieurs histoires se déroulant en divers lieux et époques[9].
Les fresques
Parmi les autres romans de Vargas Llosa, on retient Conversation à la Cathédrale (1969), variation kaléidoscopique sur la figure du père et portrait corrosif des dirigeants péruviens dans un récit qui emprunte sa structure au roman policier. Comme conteur expérimenté, l'auteur continue d'entrelacer histoires, situations, temporalités, personnages et décors de manière vertigineuse[20]. Il s'agit de l'ouvrage qui lui demande le plus de travail et qu'il sauverait s'il fallait n'en garder qu'un[9]. Pantaléon et les visiteuses (1973) se conçoit comme une satire paillarde, burlesque et subversive du fanatisme militaire et religieux au Pérou[24]. La Guerre de la fin du monde (1982), qui traite de la politique brésilienne au XIXe siècle et de la guerre de Canudos, rencontre un immense succès critique et public, marquant le sommet de sa carrière de romancier[9]. Qui a tué Palomino Molero ? (1986) est un roman consacré aux violences politiques péruviennes. Dans cette œuvre, Vargas Llosa donne un court « roman policier dans lequel deux flics très pittoresques, le lieutenant de gendarmerie Silva et son aide, le sergent Lituma, mènent l'enquête à la suite de la découverte du cadavre de Molero, un jeune métis qui effectuait son service militaire. »[25].
Le registre intimiste et La Fête au bouc
En dehors des grandes fresques, Vargas Llosa s'essaie à un registre intimiste et semi-autobiographique avec La Tante Julia et le Scribouillard (1977) et Éloge de la marâtre (1990). La Fête au bouc (2000), qui évoque les derniers jours du dictateur dominicain Rafael Leonidas Trujillo, revient à la polyphonie, au genre épico-politique et à la peinture romanesque du pouvoir dans le pur esprit ibéro-américain. En effet, l'ouvrage est caractéristique du roman du dictateur, représenté entre autres par Miguel Ángel Asturias (El señor Presidente), Augusto Roa Bastos (Moi, le Suprême) et Gabriel García Márquez (L'Automne du patriarche)[9]. Le héros discret (2013) fonde la chronique du Pérou actuel, de sa grande bourgeoisie à ses classes les plus défavorisées, et brosse un portrait au vitriol d'une société gangrénée par la corruption, la pauvreté, les inégalités sociales et la culture de masse[26],[27].
Essais
Vargas Llosa a également écrit des pièces de théâtre et des essais littéraires comme L'Orgie perpétuelle (1975) et La Tentation de l'impossible (2008), consacrés respectivement à Gustave Flaubert et Victor Hugo. Il a, de plus, publié des mémoires (Contre vents et marées, Le Poisson dans l'eau) et des réflexions politiques sur l'Amérique latine (La Voie de la liberté)[28]. En 2012, il signe un essai intitulé La civilización del espectáculo dans lequel il fustige la société de divertissement contemporaine et le dépérissement des arts.
Politique et polémiques
Vargas Llosa est d'abord tenté par le communisme et déclare son soutien à la guérilla péruvienne, considérant la lutte armée « seul recours » pour changer les choses au Pérou. Mais la révolution cubaine, qu'il soutient ardemment au départ, le déçoit à tel point qu'il se tourne directement vers le libéralisme. Le Printemps de Prague en 1968 et ses lectures d'Alexandre Soljenitsyne, Raymond Aron et Jean-François Revel le confortent dans son changement brutal d'opinion, l'éloignant encore un peu plus de l'idéal révolutionnaire[9]. Dès lors, il ne manifeste aucune retenue dans sa virulente critique du castrisme ou encore de la Révolution sandiniste au Nicaragua. Son positionnement est qualifié d'« ultra libéral » par l'universitaire Serge Audier (Paris IV)[29]. Son parcours intellectuel est influencé par quatre auteurs : Adam Smith, Karl Popper, Friedrich Hayek et Isaiah Berlin[16],[30]. Il lit également avec avidité les ouvrages d'économie de Milton Friedman et apporte son soutien aux politiques austéritaires de Ronald Reagan et Margaret Thatcher[9]. Au Pérou, il fonde le mouvement de droite libérale Libertad.
Candidat libéral à l'élection présidentielle péruvienne de 1990, il est sévèrement battu au second tour, contre toute attente car il a l'appui des médias et des élites (sa campagne électorale est la plus chère de l'histoire du Pérou[31]), par un inconnu d'origine japonaise, Alberto Fujimori contre lequel ses partisans tentent, malgré lui, de monter la population péruvienne en stigmatisant la communauté asiatique[32]. À la suite de cette défaite, il quitte le Pérou pour s'établir en Espagne, à Madrid. Vargas Llosa, qui a demandé et obtenu la nationalité espagnole en 1993 du gouvernement de Felipe González, reconnaît qu'il se sent espagnol, autant que péruvien. Cette obtention d'une deuxième nationalité, trois ans seulement après avoir été candidat à l'élection présidentielle de son pays, provoque des réactions très critiques au Pérou[33]. Ainsi, dans la conférence du en tant que lauréat du prix Nobel, il déclare : « J’aime l’Espagne autant que le Pérou et ma dette envers elle est aussi grande que l’est ma gratitude. Sans l’Espagne je ne me trouverais pas aujourd’hui à cette tribune »[34]. Devant l'Académie de Stockholm, il déclare également, à propos de ses positions : « Je déteste toute forme de nationalisme, d’idéologie – ou plutôt de religion – provinciale, aux idées courtes et exclusives, qui rogne l’horizon intellectuel et dissimule en son sein des préjugés ethniques et racistes, car elle transforme en valeur suprême, en privilège moral et ontologique, la circonstance fortuite du lieu de naissance. »[9].
Partageant sa vie entre l'Europe et l'Amérique du Sud, il continue de soutenir la politique de rigueur des gouvernements conservateurs occidentaux, notamment de José María Aznar en Espagne et Silvio Berlusconi en Italie[9]. Il se tourne vers des positions néo-conservatrices sur les questions internationales, justifiant l'invasion de l'Irak en 2003 et le coup d’État militaire en 2009 contre le gouvernement de gauche de Manuel Zelaya au Honduras[35].
En 2007, Vargas Llosa est membre fondateur du parti espagnol UPyD (Union, progrès et démocratie) qui s'auto-définit comme progressiste.
En , lors des élections présidentielles péruviennes, il appuie le vote du candidat nationaliste Ollanta Humala, contre la candidate Keiko Fujimori, fille de l'ancien président Alberto Fujimori (condamné pour corruption), son adversaire durant les présidentielles de 1990.
En , son nom, ainsi que celui de son ex-épouse Patricia Llosa Urquidi[36], figurent dans les documents du cabinet panaméen Mossack Fonseca dans l'affaire des Panama Papers[37].
Dans le cadre des troubles politiques qui suivent le référendum de 2017 sur l'indépendance de la Catalogne, il se positionne contre l'indépendance en prenant la parole à la fin d'une manifestation[38]. En il démissionne du PEN Club international, à la suite de la prise de position de cette organisation d'écrivains en faveur de la mise en liberté immédiate des indépendantistes Jordi Sànchez et Jordi Cuixart[39].
En 2017, il s'oppose à la grâce d' Alberto Fujimori accordée par le président Pedro Pablo Kuczynski[40] (qui quitte le pouvoir en pour corruption).
Distinctions
Mario Vargas Llosa est membre de l'Académie royale espagnole. Il a reçu les récompenses les plus prestigieuses de la littérature hispanophone et mondiale, notamment le prix Rómulo Gallegos en 1967, le prix Cervantes en 1994, le prix Jérusalem en 1995 et, en 2005, le Irving Kristol Award de l'American Enterprise Institute. Il prononce alors un discours remarqué, Confessions d'un libéral (Confessions of a Liberal)[41].
Vargas Llosa est titulaire de quarante doctorats honoris causa à travers le monde, parmi lesquels celui de l'université nationale majeure de San Marcos (son alma mater), de l'université Rennes 2 Haute Bretagne, de l'université de Reims Champagne-Ardenne depuis le [42] ou encore de l'université de Bordeaux 3 depuis le [43].
Le , il reçoit le prix Nobel de littérature pour « sa cartographie des structures du pouvoir et ses images aiguisées des résistances, révoltes, et défaites des individus. », selon l'explication de l'Académie suédoise[3].
La même année, il est titré marquis de Vargas Llosa par le roi d'Espagne, Juan Carlos Ier.
En 2016, il devient le premier auteur de langue étrangère à entrer de son vivant dans la Bibliothèque de la Pléiade[16],[44],[45].
Après Milan Kundera et Michel Houellebecq, Vargas Llosa reçoit, le , le grand prix littéraire Château La Tour Carnet, distinction prestigieuse et généreusement dotée, créée par le mécène Bernard Magrez, propriétaire de grands crus[46].
Le défenseur de la corrida
Grand aficionado, Mario Vargas Llosa a pris la tête d'un mouvement de défense de la corrida qu'il considère comme une culture de masse, et une culture à protéger. Pour cela, il a publié un manifeste dans lequel il déclare :
« Les corridas constituent un spectacle de masse qui ne provoque pas de manifestations de violence ni d’actes de vandalisme et d’agressivité dans et hors des arènes… Elles stimulent aussi des valeurs et des aptitudes humaines comme la bravoure, l’héroïsme, le dépassement de soi, entre beaucoup d’autres[47]. »
L’écrivain Bryce Echenique, le poète Antonio Cisneros se sont associés à lui. Il a aussi recueilli l'appui d'un nombre de personnalités du monde de la culture qui ont signé ce manifeste, d'un groupe d'intellectuels, d'artistes[48]. Il a reçu également l'appui du juriste Diego García Sayán[49], vice-président de la Cour interaméricaine des droits de l'homme[50] lors de ses déclarations au Pérou[51]. Enfin il ne perd jamais une occasion de rédiger des articles de soutien à la corrida dans plusieurs journaux[52],[53].
L'amitié brisée avec Gabriel García Márquez
Après avoir fait l'éloge de Cent ans de solitude, qualifié de « grand roman de chevalerie » d'Amérique latine, Vargas Llosa se lie d'amitié avec Gabriel García Márquez lorsqu'il le rencontre à l'aéroport de Caracas le [54]. Les deux auteurs participent alors au 13e congrès international de littérature ibéro-américaine et le Péruvien reçoit le Prix Rómulo Gallegos pour La Maison verte, récompense que le Colombien obtient cinq ans plus tard pour Cent ans de solitude[54]. Toutefois, Vargas Llosa refuse de reverser l'argent de la distinction au régime castriste comme il y est incité alors que García Márquez financera un mouvement révolutionnaire vénézuélien grâce au prix[54].
En 1971, Vargas Llosa publie García Márquez : Histoire d’un déicide, livre critique dans lequel il fait part de son admiration pour son aîné[54]. Les deux complices sont par ailleurs un temps voisins à Barcelone. Cette relation amicale très forte s'achève brutalement le lorsqu'à la première des Survivants des Andes, García Márquez reçoit un coup de poing en plein visage de la part de Vargas Llosa dans le hall d'un cinéma de Mexico[54],[55]. Les motifs de cette querelle restent flous mais seraient d'ordre privé : soit il s'agirait de la relation difficile, en raison d'infidélités répétées, entre l'écrivain péruvien et sa seconde épouse Patricia Llosa dont García Márquez aurait pris la défense, soit d'une liaison qu'aurait eue l'auteur colombien avec elle[54],[55]. D'autres raisons moins triviales, notamment la divergence de points de vue politiques, sont évoquées[54].
Les deux anciens amis, qui ne se reverront plus, refusent de révéler la moindre information sur le sujet[55]. Durant 35 ans, Vargas Llosa fait interdire toute nouvelle publication de son livre sur García Márquez[54]. Après la mort de ce dernier en 2014, le Péruvien affirme avoir noué un pacte avec lui pour garder à jamais le silence sur la cause de cette amitié brisée[55]. Reconnaissant à son ex-complice d'avoir tenu sa promesse jusqu'à la fin, il affirme vouloir en faire autant et laisser les historiens et biographes faire la vérité sur cette affaire[55].
Œuvres
Romans et nouvelles
- Los jefes, 1959 (Les Caïds, in Les Chiots, suivi de Les Caïds, Paris, Gallimard, 1974).
- La ciudad y los perros, 1963, prix Biblioteca Breve du roman, prix espagnol de la critique, un des cent meilleurs romans en espagnol du XXe siècle, (La Ville et les Chiens, Paris, Gallimard, 1966).
- La casa verde, 1965, prix Rómulo Gallegos, prix espagnol de la critique, (La Maison verte, Paris, Gallimard)
- Los cachorros, 1967, (Les Chiots, in Les Chiots, suivi de Les Caïds, Paris, Gallimard, 1974).
- Conversación en La Catedral, 1969, un des cent meilleurs romans en espagnol du XXe siècle, (Conversation à la Cathédrale, Paris, Gallimard, 1973 ; nouvelle traduction, Paris, Gallimard, 2015).
- Pantaleón y las visitadoras, 1973, (Pantaleón et les visiteuses, Paris, Gallimard, 1975).
- La tía Julia y el escribidor, 1977, (La Tante Julia et le Scribouillard, Paris, Gallimard, 1980), Prix du Meilleur livre étranger (France).
- La guerra del fin del mundo, 1981, (La Guerre de la fin du monde, Paris, Gallimard, 1983).
- Historia de Mayta, 1984, (Histoire de Mayta, Paris, Gallimard, 1986).
- ¿Quién mató a Palomino Molero?, 1986, (Qui a tué Palomino Molero ?, Paris, Gallimard, 1987).
- El hablador, 1987, (L'Homme qui parle, Paris, Gallimard, 1989).
- Elogio de la madrastra, 1988, (L'Éloge de la marâtre, Paris, Gallimard, 1990).
- Lituma en los Andes, 1993, prix Planeta, un des cent meilleurs romans en espagnol du XXe siècle, (Lituma dans les Andes, Paris, Gallimard, 1996).
- Los cuadernos de don Rigoberto, 1997, (Les Cahiers de Don Rigoberto, Paris, Gallimard, 1998).
- La Fiesta del chivo, 2000, (La Fête au bouc, Paris, Gallimard, 2002).
- El paraíso en la otra esquina, 2003, (Le Paradis un peu plus loin, Paris, Gallimard, 2003).
- Travesuras de la niña mala, 2006, (Tours et détours de la vilaine fille, Paris, Gallimard, 2006).
- Un Rasta à Berlin, Paris, L'Herne, 2009.
- Comment j'ai vaincu ma peur de l'avion, Paris, L'Herne, 2009.
- El sueño del celta (es), 2010, (Le Rêve du Celte, Paris, Gallimard, 2011). Inspiré par la vie de Roger Casement, prix Critiques Libres 2014 dans la catégorie Roman traduit.
- El héroe discreto (es), 2013, (Le Héros discret, Paris, Gallimard, 2015).
- Cinco Esquinas (es), 2016, (Aux Cinq Rues, Lima, Paris, Gallimard, 2017).
Théâtre
- La señorita de Tacna, 1981
- Kathie y el hipopótamo, 1983 (Kathie et l'Hippopotame, in Kathie et l'Hippopotame, suivi de La Chunga, 1988)
- La Chunga (La Chunga, in Kathie et l'Hippopotame, suivi de La Chunga, 1988)
- El loco de los balcones, 1993 (Le Fou des balcons, 1993)
Autobiographie
- El pez en el agua, 1993 (Le Poisson dans l'eau, 1995)
- La llamada de la tribu, 2018 (L'Appel de la tribu, 2020) (ISBN 978-8420431994)
Essais
- La orgía perpetua: Flaubert y "Madame Bovary", 1975, (L'Orgie perpétuelle : Flaubert et Madame Bovary, Paris, Gallimard, 1978).
- La vérité par le mensonge, Paris, Gallimard, 1992
- Un Barbare chez les civilisés, Paris, Gallimard, 1998
- Cartas a un joven novelista, 1997, (Lettres à un jeune romancier, Paris, Gallimard, 2000).
- El lenguaje de la pasión, 2001, (Le Langage de la passion. Chroniques de la fin du siècle, Paris, Gallimard, 2005).
- Un demi-siècle avec Borges, Paris, L'Herne, 2004, coll. "Essais Philosophie".
- Carnets, Paris, L'Herne, 2010, (publication originale en français).
- Dictionnaire amoureux de l’Amérique latine, Paris, Plon, 2005, (publication originale en français). Publication en espagnol : Diccionario del amante de América Latina (es), Paidos, 2006.
- La tentación de lo imposible, 2004, (La Tentation de l'impossible. Victor Hugo et 'Les Misérables', Paris, Gallimard, 2008)
- El viaje a la ficción, ensayo sobre Juan Carlos Onetti , 2008 (Voyage vers la fiction : le monde de Juan Carlos Onetti, Paris, Gallimard, 2009).
- De Sabres et d'utopies : visions d'Amérique latine, Paris, Gallimard, 2011, coll. "Arcades".
- La civilización del espectáculo, Alfaguara, 2012, (La Civilisation du spectacle, Paris, Gallimard, 2015)
- Mi trayectoria intelectual (My Intellectual Journey. Mon itinéraire intellectuel), Montréal, Institut économique de Montréal, 2014.
Discours, hommages
- « Une idée de l'Europe (hommage à Georges Steiner) », sur Le Grand Continent, (consulté le ).
Notes et références
- Prononciation en espagnol d'Amérique retranscrite selon la norme API.
- (es) Boletín Oficial del Estado (Bulletin officiel de l'État), « Real Decreto 134/2011 (Décret Royal 134/2011) », sur Madrid, (consulté le )
- Personnel de rédaction, « The Nobel Prize in Litterature 2010 », Fondation Nobel, (consulté le )
- Williams 2001, p. 15–16
- Williams 2001, p. 17
- Morote 1998, p. 14
- Morote 1998, p. 6–7
- Notice bibliographique consacrée à Mario Vargas Llosa sur le site de l'Académie suédoise.
- « Mario Vargas Llosa, l’écrivain et son double », Le Spectacle du Monde, (lire en ligne)
- Williams 2001, p. 31
- Williams 2001, p. 32
- Williams 2001, p. 45
- (fr) L'Express.fr, « Mario Vargas Llosa, un Nobel amplement mérité », consulté le 14 octobre 2010.
- (fr) Rue 89, « Mario Vargas Llosa, un prix Nobel de littérature très politique », consulté le 23 juillet 2011.
- (es) Biographie de Mario Vargas Llosa sur biografiacortade.com, consulté le 17 juin 2016.
- Maria Contreras, « Vargas Llosa, premier écrivain vivant étranger entrant dans La Pléiade », France Inter, (lire en ligne)
- Article Universalis sur Mario Vargas Llosa
- Le Monde.fr, « Mario Vargas Llosa, maître du bouillonnement romanesque », consulté le 14 octobre 2010.
- « Les dimensions du désir chez Vargas Llosa » par Bernard Sesé sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 18 novembre 2013.
- « De la réalité sociale à la réalité verbale chez Vargas Llosa » par Bernard Sesé sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 18 novembre 2013.
- « Un goût précoce pour l'écriture chez Vargas Llosa » par Bernard Sesé sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 18 novembre 2013.
- Nataly Villena Vega, Mario Vargas Llosa, intellectuel cosmopolite, Madrid, Euroeditions, , 184 p. (ISBN 9788493625740, lire en ligne)
- « Violence et contestation chez Vargas Llosa » par Bernard Sesé sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 18 novembre 2013.
- « Cycle de l'ironie chez Vargas Llosa » par Bernard Sesé sur le site de l'encyclopædia Universalis, consulté le 18 novembre 2013.
- Claude Mesplède, Dictionnaire des littératures policières, tome 2, p. 944.
- Franck Colombani, « À 79 ans, Mario Vargas Llosa rejoint la Pléiade », Le Monde, (lire en ligne)
- Gilles Heuré, « Le Héros discret de Mario Vargas Llosa », Télérama, (lire en ligne)
- (fr), Le Point.fr, « Le Nobel à Mario Vargas Llosa », consulté le 14 octobre 2010.
- Serge Audier, La gauche réformiste et le libéralisme in L'Économie politique no 40, . Serge Audier est maître de conférences en philosophie morale et politique à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV) et membre de l'Institut universitaire de France.
- Mario Vargas Llosa, Les Enjeux de la liberté, p. 139
- Maurice Lemoine, Les enfants cachés du général Pinochet. Précis de coups d’Etat modernes et autres tentatives de déstabilisation, Don Quichotte, , p. 178
- 'Indio', 'china', 'gringo', 'cholo': el racismo sale a la luz en las elecciones de Perú sur elmundo.es
- (es) « Reacción crítica en Perú a la nacionalización de Vargas Llosa », EL PAÍS, (lire en ligne)
- Mario Vargas Llosa : Éloge de la lecture et de la fiction - Conférence Nobel, le 7 décembre 2010
- « Les deux Mario Vargas Llosa », Le Monde diplomatique, (lire en ligne)
- Fille de Luis Llosa Ureta, oncle de l'écrivain, et d'Olga Urquidi Illanes, elle est donc à la fois son épouse et sa cousine.
- Quentin Vasseur, « "Panama papers" : l’écrivain Mario Vargas Llosa, compte offshore un jour, prix Nobel le lendemain », Le Monde, (lire en ligne)
- Patrick Bèle, « Les anti-indépendantistes veulent se faire entendre », Le Figaro, samedi 7 / dimanche 8 octobre 2017, page 8.
- Vargas Llosa deja el Pen Club, El Mundo, 22 janvier 2019
- « Grâce de Fujimori : Vargas Llosa et plus de 230 auteurs péruviens indignés », L'Orient-Le Jour, (lire en ligne, consulté le )
- (en) Confessions of a Liberal, Mario Vargas Llosa, .
- Matin plus, .
- « Mario Vargas Llosa », sur Université Bordeaux Montaigne, (consulté le )
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- Gilles Biassette, « Mario Vargas Llosa, Péruvien francophile », La Croix, (lire en ligne).
- Isabelle Bunisset, « Pour Mario Vargas Llosa, « le vin, c'est de la civilisation » », Les Échos, (lire en ligne).
- la corrida est une culture
- le manifeste de Vargas Llosa en faveur de la corrida
- Diego García Sayán
- IDH
- soutien à la corrida au Pérou
- Vargas Llosa dans La Republica
- pour la corrida au Pérou
- Philippe Lançon, « García Márquez, le temps de la solitude », Libération, (lire en ligne, consulté le )
- « Le pacte secret de Garcia Marquez et Vargas Llosa », France TV Info, (lire en ligne)
Annexes
Bibliographie
- (es) Raymond L. Williams, Vargas Llosa: otra historia de un deicidio, Mexico, Taurus, (ISBN 968-19-0814-7).
- (es) Herbert Morote, Vargas Llosa, tal cual, Lima, Jaime Campodónico,
- Nataly Villena, Vargas Llosa, intellectuel cosmopolite, Madrid, Euroeditions, (ISBN 978-84-936257-5-7)
- (es) Christiane Alvarez, « Mario Vargas Llosa “matando al chivo” », Neruda, 9e année, n°28, , Editores John & Cie, pp.14-17.
- Albert Bensoussan, Claude Couffon, Dodik Jegou, Entretien avec Mario Vargas Llosa, suivi de Ma parente d'Arequipa (nouvelle inédite), Éditions Terre de Brume, Collection « Caravelles », 2003, 78 p. (ISBN 2-84362-197-6).
- Claude Mesplède (dir.), Dictionnaire des littératures policières, vol. 2 : J - Z, Nantes, Joseph K, coll. « Temps noir », , 1086 p. (ISBN 978-2-910-68645-1, OCLC 315873361), p. 944.
Articles connexes
Liens externes
- (en) Biographie sur le site de la fondation Nobel (le bandeau sur la page comprend plusieurs liens relatifs à la remise du prix, dont un document rédigé par la personne lauréate — le Nobel Lecture — qui détaille ses apports)
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
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