Marie-Thérèse Moreau

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Marie-Thérèse Moreau
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Marie-Thérèse Moreau, née le à Tonnerre (Yonne) et morte le à Paris, est une avocate et militante féministe et politique française. Elle a présidé la section féminine des Jeunesses patriotes, une ligue d'extrême droite de l'entre-deux-guerres.

Biographie[modifier | modifier le code]

Avocate[modifier | modifier le code]

Fille d'un brasseur, Georges Moreau, plus tard professeur à l'école nationale des industries agricoles de Douai, et d'une mère sans profession, elle est étudiante à Paris, licenciée en droit en 1908[1] puis en lettres en 1911[2].

Elle devient avocate « par hasard »[3] - le métier est ouvert aux femmes depuis une loi du 1er décembre 1900[4] - et prête serment en [5], devenant la neuvième avocate du barreau de Paris[6]. Elle s'inscrit au barreau parisien en 1912 (ou 1909 ?) et entre au cabinet de Charles-Célestin Boullay, membre du Conseil du l’Ordre (1910-1914), et y travaille jusqu’en [3].

Elle gagne Douai pour rejoindre sa famille à la fin du mois de . Lorsque la Première Guerre mondiale débute, diplômée de la Croix-Rouge française, elle s'engage avec sa sœur comme infirmière, dans un hôpital de Douai, jusqu'en . Elle entre ensuite au barreau de Douai alors que cette ville est occupée par les Allemands depuis . Le , elle est emmenée en Allemagne comme otage et internée au camp d'internement de Holzminden (Basse-Saxe)[7],[3].

Elle est de retour en France en . Elle rentre à Paris pour exercer à nouveau son métier d'avocate, dès le mois suivant[8]. Elle livre à la presse son témoignage sur Douai occupé et sur son internement[9].

En 1920, le bâtonnier de Paris et le bâtonnier de Douai effectuent une demande d’attribution de la croix de la Légion d’honneur, qui lui est décernée trois ans plus tard[3],[10]. Elle est décorée le  ; l’insigne lui est remis par les anciens combattants du Palais[11]. Elle est la première avocate en exercice à recevoir cette décoration. Ses collègues anciens combattants l’acceptent comme membre de leur association « à l’unanimité » lors de leur dîner de 1932[3],[12].

Elle enseigne également le droit au Collège d’Hulot de Varennes et à l’école technique des sœurs de la Sagesse (avenue Victor Hugo à Paris). Elle se spécialise dans les problèmes de l’enfance et des femmes et siège, d’abord en tant que membre puis en tant que présidente de section, au bureau d’assistance judiciaire près le tribunal[3].

Elle se présente aux élections du Conseil de l'Ordre à plusieurs reprises, avant et après la Seconde Guerre mondiale, à partir de 1931[13],[3], mais sans succès. Elle est secrétaire générale[14] puis vice-présidente de l'Amicale des avocates dans l'entre-deux-guerres[15].

Elle est aussi secrétaire générale de la société de patronage des jeunes détenus et libérés de la Seine, présidée par un autre avocat, Raymond Nolin. Ce patronage gère une maison d'accueil pour des jeunes en liberté surveillée[16].

Catholique, elle est membre de la confrérie de Saint-Louis et Saint-Yves, fondée vers 1935 et rassemblant des membres des diverses professions judiciaires dans un but spirituel[17]. Elle assiste aux congrès de l'Association des jurisconsultes catholiques[18].

Union nationale pour le vote des femmes[modifier | modifier le code]

Elle milite pour le vote des femmes au sein de l'Union française pour le suffrage des femmes[19], puis de l'Union nationale pour le vote des femmes (UNVF)[20] dont elle est membre du comité[21]. Cette organisation fondée en 1920 par Mme Le Vert Chotard[22] et présidée à partir de décembre 1930 par Edmée de La Rochefoucauld est une association catholique, mais pas confessionnelle. C'est aussi une association située à droite de l'échiquier féministe, revendiquant des droits politiques et civiques égaux pour les femmes ainsi que la protection de la famille et de l'enfant. L'autorité du mari n'est pas remise en cause mais l'UNVF réclame que la puissance paternelle soit transformée en puissance parentale[23], ce que Marie-Thérèse Moreau demande lors des états-généraux du féminisme (première manifestation unitaire des différents mouvements féministes[24]) en 1929[25],[26]. Catholique, elle défend les droits des mères[27].

Elle donne des conférences, à Paris et en province, et écrit dans le périodique de l'association, L'Union nationale des femmes, qui parait de 1927 à 1964[28]. La duchesse de La Rochefoucauld et Marie-Thérèse Moreau tiennent des réunions aux côtés d'hommes de droite partisans du vote des femmes[29]. Elle tient un temps une rubrique juridique féministe dans le quotidien conservateur et catholique L'Écho de Paris, dans laquelle elle critique la législation qui traite la femme en mineure[30].

Cette avocate se prononce pour l'accès des femmes à la magistrature[31],[32],[33],[34].

Après la Seconde Guerre mondiale, l'UNVF est renommée Union nationale des femmes, puisque les femmes obtiennent enfin le droit de vote. Marie-Thérèse Moreau seconde toujours la duchesse de La Rochefoucauld, continue d'écrire dans le bulletin de l'association et siège encore à son comité[23].

Elle collabore jusqu'à son décès en 1969 à la Revue de Paris (possédée par Edmée de La Rochefoucauld), assurant sa rubrique juridique féministe.

Elle ne s'est pas mariée.

Jeunesses patriotes[modifier | modifier le code]

Elle préside la section féminine des Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, fondée à l'été 1925, et est membre du comité directeur de cette ligue nationaliste[35],[36]. Elle aurait été frappée par les forces de l'ordre lors de l'émeute parisienne du 6 février 1934 à laquelle ont pris part les JP[37]. Elle prend la parole lors des meetings, écrit dans le périodique de la ligue, l'hebdomadaire Le National, réclame l’égalité civile et politique pour les femmes et encourage leur engagement dans la vie publique[38], [39]. Elle est à la tête des sections féminines, en uniforme bleu foncé, lors du défilé de la ligue à l'occasion de la fête de Jeanne d'Arc, à Paris[40].

Elle est élue en 1932 membre du Conseil national de la Fédération républicaine, parti de la droite conservatrice proche des JP[41], où elle est l'une des rares femmes sinon la seule. Elle revendique le droit de vote pour les femmes lors du congrès de ce parti en 1934[42].

Après la dissolution des JP par le gouvernement du Front populaire en 1936, elle milite au Parti républicain national et social (PRNS)[43] de Taittinger et fait partie de sa commission exécutive, seule femme là encore de cet aréopage masculin[44]. Elle évoque le rôle civique et social des femmes dans ses interventions lors de meetings[45].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Magali Della Sudda, « Gender, Fascism and Right-Wing in France between the wars : the Catholic matrix », in Julie V. Gottlieb (Ed.), “Gender and Fascism”, Totalitarian Movements and Political Religion, vol. 13, issue 2 (Lire en ligne)
  • Kevin Passmore (dir.), Women, Gender, and Fascism in Europe, 1919-45, Manchester University Press, 2003
  • Christine Bard, Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes. 1914-1940, Paris, Fayard, 1995

Liens externes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le Bourguignon, 19 juillet 1908
  2. Le Bourguignon, 19 juillet 1911
  3. a b c d e f et g memoire.avocatparis.org, Notice biographique
  4. Magali Della Sudda, « Gender, Fascism and Right-Wing in France between the wars : the Catholic matrix », in Julie V. Gottlieb (Ed.) “Gender and Fascism”, Totalitarian Movements and Political Religion, vol.13, issue 2, p. 20
  5. La Loi, octobre-novembre 1909, Le Droit, 1-3 novembre 1909, La Petite République, 3 novembre 1909
  6. La Croix, 4 novembre 1909
  7. Le Petit Journal, 4 août 1918
  8. Le Petit Journal, 4 août 1918, Le Figaro, 2 août 1918
  9. « Les impressions de captivité d'un otage », Excelsior, 5 août 1918
  10. Dossier de la Légion d'honneur de M-T Moreau dans la base Léonore
  11. Le Journal, 27 octobre 1923
  12. La France judiciaire, 26 juin 1932
  13. La Liberté, 27 juin 1931, L'Œuvre, 2 juillet 1935, Le Monde, 29 juin 1950, Ibid., 17 juin 1948, Ibid., 1er juillet 1946
  14. BNF/gallica, photographie de 1925
  15. L'Ami du peuple, 25 octobre 1931
  16. La France judiciaire, 12 juillet 1931
  17. Revue catholique des institutions et du droit, 1935
  18. Revue catholique des institutions et du droit, novembre-décembre 1937, Ibid., novembre-décembre 1938
  19. Le Petit Parisien, 9 février 1919
  20. L'Union nationale des femmes, 10 mai 1928, Ibid., 10 janvier 1933 (photographie), Marie-Thérèse Moreau, « A l'Union nationale pour le vote des femmes », Le Petit Parisien, 5 mai 1923, Le Figaro, 9 septembre 1928, Excelsior, 12 décembre 1931 (photographie), Le Petit Journal, 27 janvier 1933, Le Matin, 21 juin 1933, Le Figaro, 2 mars 1934, Le Journal, 8 février 1935 (photographie), La Petite Gironde, 15 février 1936 (photographie)
  21. L'Union nationale des femmes, 10 avril 1928
  22. Yannick Ripa, Les femmes, actrices de l'histoire de France, de 1789 à nos jours, Armand Colon, 2010.
  23. a et b Sylvie Chaperon, Le creux de la vague. Mouvements féminins et féminismes 1945-1970, Thèse de doctorat de l’Institut Universitaire Européen, Florence, 1996, p. 59-60, 753
  24. Collectif, Le siècle des féminismes, Les Éditions de l’Atelier / Éditions Ouvrières, 2004, p. 205
  25. Paris-soir, 16 février 1929, Le mouvement féministe, 1929, p. 50
  26. L'Union nationale des femmes, 10 mars 1929
  27. Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France, XIXe – XXe siècles, Anthropos, coll. Historiques, 1997, Ibid., « Au service de l'Église, de la patrie et de la famille ». Femmes catholiques et maternité sous la IIIe République, Paris, L'Harmattan, 2000
  28. Notice de la BNF
  29. Le Jour, 30 octobre 1934, Excelsior, 30 octobre 1934 (photographie), L'Union nationale des femmes, 10 novembre 1934
  30. L'Echo de Paris, 11 décembre 1929, Ibid., 5 février 1930
  31. L'Intransigeant, 21 mars 1932
  32. L'Union nationale des femmes, 10 février 1931, Ibid., 1er juillet 1945
  33. Anne Boigeol, « De la difficile entrée des femmes dans la magistrature à la féminisation du corps », dans Collectif, Femmes et justice pénale : XIXe – XXe siècles, Presses universitaires de Rennes, 2002
  34. Sara L. Kimble, « No Right to Judge : Feminism and the Judiciary in Third Republic France », in French Historical Studies, janvier 2008
  35. Jean Philippet, Le temps des ligues. Pierre Taittinger et les jeunesses patriotes (1919-1944), Presses uni. du Septentrion, 2001, vol. 1, p. 559
  36. Kevin Passmore (dir.), Women, Gender, and Fascism in Europe, 1919-45, Manchester University Press, 2003, p. 176-178
  37. L'Echo rochelais, 7 février 1934
  38. Magali Della Sudda, « La Ligue féminine d'action catholique et les ligues de droite radicale (1919-1939) », dans Collectif, À droite de la droite: Droites radicales en France et en Grande-Bretagne au XXe siècle, Presses universitaires du Septentrion, 2012 (Lire en ligne)
  39. Kevin Passmore (dir.), op. cit., p. 177
  40. L'Alerte, juin 1935
  41. L'Echo de Paris, 10 novembre 1932
  42. Le Figaro, 2 juin 1934
  43. L'Echo rochelais, 14 août 1936
  44. La Liberté, 9 août 1936, L'Alerte, mai 1937
  45. L'Ami du peuple, 24 août 1936