Marcien
Pour les articles homonymes, voir Marcien (homonymie).
Marcien | |
Empereur byzantin | |
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![]() Solidus à l'effigie de Marcien célébrant ses victoires. | |
Règne | |
- janvier 457 (~7 ans) | |
Période | Théodosienne |
Précédé par | Théodose II |
Suivi de | Léon Ier |
Biographie | |
Nom de naissance | Flavius Marcianus |
Naissance | 392-396 - Thrace/Illyrie |
Décès | (~ 61-65 ans) |
Épouse | Pulchérie |
Descendance | Marcia Euphemia |
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Marcien (en latin : Flavius Marcianus Augustus), né en Thrace ou en Illyrie en 392 ou en 396 et mort en janvier 457, est un empereur byzantin de 450 à 457. Ses origines sont assez mal connues. Son père est militaire et, très jeune, perpétuant la tradition familiale, Marcien s'engage dans l'armée. Il sert comme lieutenant (domesticus) auprès des généraux Ardabur et Aspar durant près de quinze ans. Après la mort de Théodose II le 28 juillet 450, il est le candidat d'Aspar pour le trône impérial. Le général barbare détient alors une grande influence politique et, après un mois de négociations, parvient à imposer Marcien à la tête de l'Empire. Celui-ci épouse Pulchérie, la soeur de Théodose et l'influent Flavius Zénon pourrait avoir été impliqué dans les négociations. Le 25 août 450, Marcien est proclamé empereur d'Orient.
Il revient sur un certain nombre de décisions de Théodose II, notamment dans les relations avec Attila ou en matière religieuse. Il révoque les concessions faites aux Huns, notamment le paiement du tribut et, en 452, Attila pille l'Italie alors que l'Empire romain d'Occident est en pleine déliquescence. Marcien réagit par l'envoi de troupes au-delà du Danube, battant les Huns sur leurs propres terres. Attila, dont les troupes souffrent de la famine, doit se retirer d'Italie en échange d'un important tribut par l'Empire d'Occident.
Après la mort d'Attila en 453, Marcien profite de la dislocation de l'Empire hunnique pour en faire des alliés des Romains, au travers d'un foedus. En matière religieuse, il convoque le concile de Chalcédoine qui réaffirme la double nature de Jésus Christ alors que de nombreuses controverses agitent le monde chrétien à ce sujet. Dans les provinces orientales, le monophysisme s'oppose à cette conception, ce qui affaiblit l'unité de l'Empire. Marcien meurt le 27 janvier 457 et laisse l'Empire dans une bonne situation financière qui contraste avec les grandes difficiltés économiques que connaît l'Empire d'Occident. Après sa mort, Aspar fait nommer comme empereur Léon Ier au détriment de fils de Marcien, Anthémius.
Origines[modifier | modifier le code]
Marcien est né vers 392, soit en Thrace[1], soit en Illyrie. Le chroniqueur Jean Malalas le décrit comme grand et boîteux mais peu de choses sont connues de ses premières de vie[2]. Son père sert dans l'armée et Marcien s'enrole très jeune à Philippopolis, en Thrace. Au moment de la brève guerre contre les Sassanides, entre 421 et 422, Marcien atteint probablement le grade de tribun militaire et l'historien Théophane le Confesseur note qu'il dirige une unité militaire. Néanmoins, tombant malade en Lycie, il ne prend pas part aux combats. Il est pris en charge par deux frères, Ilius et Tatianus, qui sont ensuite de solides appuis sous son règne, devenant respectivement préfet du prétoire d'Illyrie et praefectus urbi (préfet de Constantinople)[3],[4],[5],[6]. Marcien atteint le rang de domesticus (aide de camp) d'Aspar, le magister militum (général en chef) de l'Empire d'Orient. En dépit de ses orignes barbares, Aspar détient une grande influence politique et c'est probablement le facteur décisif de l'ascension de Marcien[7],[5],[8]. Au début des années 430, Marcien l'accompagne dans une campagne en Afrique mais est fait prisonnier par les Vandales. Évagre le Scolastique, ainsi que Procope de Césarée le font alors rencontrer leur roi, Genséric, qui lui aurait prédit une destinée impériale mais ce récit est une invention destinée à le légitimer a posteriori. Après sa capture, Marcien n'est plus mentionné dans les sources jusqu'à la mort de Théodose II.
Contexte[modifier | modifier le code]
Règne de Théodose II[modifier | modifier le code]
Dès son apparition en 395 à la suite de la partition de l'Empire romain en deux parties, l'Empire d'Orient est confronté à une multitude de menaces, même si celles-ci fragilisent surtout celui d'Occident. Ainsi, en 429, les Vandales envahissent l'Afrique romaine et menacent Carthage. Théodose réagit par l'envoi d'une expédition dirigée par Aspar, dès l'été 431. Au Nord, les Huns sont la principale menace et profitent du moindre moment de faiblesse pour attaquer. En 431, ils envoient des ambassadeurs réclamer un tribut. Théosoe accepte de payer un montant de 160 kilos d'or chaque année. En 434, les armées de l'Empire d'Orient sont toujours aux prises avec les Vandales mais ont subi des défaites et le retrait des troupes d'Occident. Les Huns en profitent pour demander un doublement du tribut, ce que Théodose accepte pour prévenir une offensive dans les Balkans. Finalement, il rappelle ses troupes présentes en Afrique pour mieux protéger ses frontières. Il décide alors de mettre fin au paiement du tribut aux Huns, jusqu'en 439[9].
Le 19 octobre 439, les Vandales défont les maigres troupes laissées par l'Empire d'Orient et prennent Carthage. Les deux empires romains montent une contre-offensive, aux dépens de la protection des Balkans. Au cours de l'automne 440, une flotte de plus de 1 000 navires fait voile depuis Constantinople pour l'Afrique, ce qui représente un gros risque pour Théodose. Il espère alors que le limes danubien est suffisamment fortifié pour soutenir une offensive hunnique, le temps d'envoyer des renforts. Jusqu'en 442, le pari semble fonctionner mais l'évêque de la ville de Margus prend alors l'initiative d'un raid sur le territoire des Huns, qui commet le sacrilège de s'en prendre à leurs tombes royales. Attila exige la pendaison de l'évêque et celui-ci parvient à négocier la reddition de Margus en échange de sa vie. Cela confère à Attila une tête de pont sur la rive sud du Danube qu'il peut exploiter pour mener des actions contre les cités voisines de Viminacium, Singidunum et Sirmium. Théodose doit alors rappeler Aspar et contre-attaquer mais il subit une lourde défaite lors de la bataille de l'Utus (447). Sans solution, l'empereur revient au paiement d'un tribut annuel, jusqu'à sa mort en 450[10].
Accession au trône[modifier | modifier le code]
En 450, Théodose meurt brutalement d'une chute de cheval, sans héritier désigné. L'Empire d'Orient connaît alors sa première crise de succession. Certaines sources ultérieures affirment qu'il a nommé Marcien comme successeur sur son lit de mort mais ce récit vise probablement à conforter la légitimité de Marcien. Celui-ci vient alors de servir loyalement Aspar et son fils, Ardabur, durant près de quinze ans. C'est donc un homme de confiance qu'Aspar peut promouvoir dans l'espoir de servir ses intérêts. Pour cela, il négocie avec les hauts dignitaires impériaux pour imposer son choix. Pendant un mois, aucun empereur n'est désigné, avant qu'Aspar n'obtienne gain de cause et que Pulchérie accepte d'épouser Marcien. Elle n'aurait eu comme seule exigence qu'il abandonne la politique religieuse de son frère et convoque un concile. En effet, elle se caractérise par une profonde dévotion religieuse et un fort rejet du monophysisme. Dans tous les cas, cette union permet à Marcien d'être associé à la lignée de Théodose et de consolider sa prétention au trône. En revanche, Pulchérie, qui a fait voeu de chasteté à l'âge de quatorze ans, refuse de revenir dessus.
L'historien Doug Lee a émis l'hypothèse que les négociations auraient été menées entre Aspar et Flavius Zénon, autre haut dignitaire de l'Empire. A l'arrivée de Marcien sur le trône, il se voit conférer la dignité de patrice, ce qui suggèrerait qu'il ait joué un rôle important, en renonçant possiblement au trône pour lui-même. Quoi qu'il en soit, il meurt l'année qui suit. Quant à Ardabur, il devient le maître des milices de l'armée de la préfecture du prétoire d'Orient.
Proclamé empereur le 25 août, Marcien prend le nom de règne suivant : Imperator Caesar Flavius Marcianus Augustus. Rapidement, la composition de la cour impériale évolue. L'eunuque Chrysaphios, spathaire de Théodose II auprès duquel il a exercé une grande influence, est assassiné ou exécuté. Tant Pulchérie que Zénon sont alors ses adversaires. Marcien revient aussi rapidement sur les concessions aux Huns et s'ingère plus fortement dans les affaires religieuses. Si Constance Head estime qu'il agit de son propre chef et que Lee affirme qu'il est bien plus en capacité de s'imposer que d'autres empereurs de la même époque, il estime néanmoins que les premières décisions de Marcien font entrevoir l'influence de Zénon et de Pulchérie.
Règne[modifier | modifier le code]
Politique étrangère[modifier | modifier le code]
La révocation presque immédiate du traité avec les Huns a des conséquences rapides. Si Marcien affirme qu'il est prêt à envoyer des cadeaux à Attila si celui-ci se montre amical, il n'exclut pas des représailles en cas d'attaques. Or, Attila est en plein préparatifs, prétendument pour une campagne de soutien à Valentinien III contre les Wisigoths. Attila réagit vivement aux décisions de Marcien mais il ne renonce pas à ses plans d'invasion en Occident, dont les défenses sont alors très fragiles. Depuis la Pannonie, il pénètre en terres impériales au printemps 451. Aetius, généralissime des armées d'Occident, tente d'organiser la défense et fait appel aux Wisigoths, aux Alains, aux Saxons et aux Celtarmoricains pour le soutenir. De son côté, Attila compte dans son armée des Gépides, des Alains, des Skires, des Hérules et des Ruges, complétés de contingents francs, burgondes et ostrogoths[11].
Attila met d'abord à sac la ville de Metz et tente d'assiéger Orléans, avant de se confronter aux troupes coalisées lors de la bataille des Champs catalauniques. Cette grande bataille oppose deux armées largement composées de troupes barbares et les deux camps souffrent de pertes importantes, qui contraignent Attila à se replier. Quant à Aetius, il dissout la coalition montée hâtivement et les différents peuples germaniques se dispersent. Lors du printemps 452, Attila lance un nouveau raid contre l'Italie, laissée sans défenses. Il cherche certainement à se venger et à accumuler du butin, vital pour la survie de son Empire nomade. Il prend la ville d'Aquilée après un long siège et la met à sac[12]. Il pille ensuite le nord de la péninsule, s'emparant de Mediolanum et d'autres cités. Les Romains craignent qu'il ne s'en prenne à Rome, dont les murailles sont peu dissuasives et qui a déjà subi des sacs. Dénué de troupes suffisantes, Aetius ne peut faire mieux que de harceler les lignes de communication de son adversaire[13].
Malgré ses succès, Attila est dans une situation précaire, du fait de l'alliance entre Rome et Constantinople. Il manque d'argent pour poursuivre son action car il ne reçoit plus les tributs des deux Empires depuis deux ans, alors même que son effort de guerre est de plus en plus coûteux. En outre, il est menacé sur ses arrières par l'Empire d'Orient qui mène un raid punitif dans les plaines hongroises vers la mi-452[13]. C'est plus précisément les Ostrogoths et les Gépides qui sont touchés, deux peuples inféodés aux Huns mais prêts à se révolter[14]. Plus encore, cette région sert à l'approvisionnement des troupes d'Attila, qui commencent à manquer de vivres, d'autant que l'Italie elle-même est frappée par la famine. L'Empire d'Occident peut alors l'inciter à se retirer en échange d'une importante quantité d'or. Une fois revenu en Pannonie, Attila envisage de s'en prendre à l'Empire d'Orient en 453, projetant de s'en emparer mais Marcien et Aspar ignorent la menace. Ils savent que même la promesse d'une grande quantité d'or ne peut les préserver de raids à venir car Attila a déjà rompu plusieurs traités. Ils préfèrent donc utiliser cette manne pour renforcer l'appareil militaire impérial, d'autant que les provinces les plus riches, en Asie et en Afrique, sont peu exposées aux assauts des Huns. Finalement, la mort d'Attila met un terme à son projet car son Empire se dissout rapidement, notamment à la suite de la rébellion des Ostrogoths[15],[16].
Cette dilution de la menace hunnique permet à l'Empire d'Orient de profiter de la division des peuples germaniques pour les opposer les uns aux autres et éviter qu'une puissance trop importante n'émerge. Le roi gépide Ardaric trouve un accord avec Marcien alors qu'il vient de se coaliser avec les Ruges, les Skires et les Hérules pour combattre ce qu'il reste de la confédération hunnique. Allié avec les Ostrogoths Théodemir, Valamir et Vidémir, il vainc les forces du fils d'Attila, Ellac, lors de la bataille de la Nedao en 455. Les Huns sont alors réduits à un rôle bien moindre dans la géopolitique régionale. Marcien doit désormais composer avec les Ostrogoths installés dans les anciennes provinces de Pannonie Prima et de Pannonie Valéria. Il les reconnaît comme Fédérés, acceptant par-là l'abandon de la frontière danubienne. Les Ostrogoths remplacent peu à peu les Lètes, groupes barbares chargés de la défense de cette frontière mais intégrés au sein de l'Empire. Le statut de Fédéré, plus souple, n'entraîne qu'une subordination nominale au pouvoir romain qui cède ses provinces les plus exposées. Pour l'Empire d'Orient, c'est un moyen de garder une influence dans les rivalités entre différents peuples et de bénéficier d'alliés mobilisables en cas de guerres. Quoi qu'il en soit, la mort d'Attila ramène la paix sur le front danubien de l'Empire et Marcien ne mène plus que des batailles mineures contre des incursions arabes en Syrie ou des Blemmyes en Egypte.
En Orient, Vardan II Mamikonian, qui mène une rébellion contre les Sassanides, envoie une ambassade à Constantinople en 450, comprenant plusieurs dignitaires arméniens, peu avant la mort de Théodose II. Ce dernier a répondu favorablement à l'appui demandé par les Arméniens mais sa mort change la donne. Marcien, conseillé par le diplomate Anatolius et le patrice Florentius décide de se tenir à l'écart d'un risque de guerre ouverte avec les Sassanides, dont le coût pourrait être exorbitant. Il décide donc de ne pas intervenir aux côtés des Arméniens.
Toujours dans le Caucase, le roi Gubazès Ier de Lazique, vassal des Byzantins, tente de s'allier aux Sassanides pour se libérer de la tutelle impériale en 456. Marcien réagit par l'envoi d'une armée qui envahit la Lazique et restaure la suzeraineté byzantine. En 455, Marcien fait interdire l'exportation d'armes aux peuples barbares, ainsi que de tout outil qui permettrait d'en créer.
Politique intérieure[modifier | modifier le code]
Cette politique peu belliciste, et une sage politique fiscale (annulation de dettes) et budgétaire, permettent à Marcien de laisser un trésor en excédent assez large à sa mort. Il lutte aussi contre la corruption et en particulier contre l'achat des fonctions administratives. Le fait que l'un de ses successeurs, Anastase Ier, adopte la même politique montre à quel point le problème est endémique.
Marcien annule aussi une disposition remontant à Auguste et confirmée par Constantin Ier qui interdisait à un membre de la classe sénatoriale d’épouser une femme libre d'une catégorie sociale modeste. Cette disposition est par la suite confirmée en 520 par Justin Ier, probablement pour favoriser le mariage de son neveu Justinien avec Théodora.
Sous Marcien, le préfet de Constantinople Tatianus fait ériger une colonne dédiée à l'empereur, vers 450 ou 452. Toujours présente dans les rues d'Istanbul, elle se situe près de la branche nord de la Mésè, l'antique voie principale à Constantinople. Seule la statue de Marcien la couronnant a disparu. Une autre statue à son effigie figure sur le forum d'Arcadius, aux côtés d'autres représentations de ses prédécesseurs et Marcien pourrait être à l'origine du chrysotriklinos (sorte de salle de réception) au sein du Grand Palais. C'est l'affirmation du Patria de Constantinople mais la Souda, vaste encyclopédie du Xe siècle, l'attribue plutôt à Justin II, ce que la plupart des historiens modernes retiennent. Pour Jean Zonaras, Justin II aurait restauré une construction plus âgée, peut-être l'hall Heptaconque de Justinien.
Entourage[modifier | modifier le code]
Quand Marcien devient empereur, il a dans son entourage Flavius Zénon, Pulchérie et Aspar qui jouent les premiers rôles au sein de la cour impériale. Rapidement, Flavius Zénon meurt, ainsi que Pulchérie en juillet 453. Aspar a alors la haute main sur l’entourage direct de l’empereur, d’autant que son fils est promu comme maître des milices d’Orient. En dépit leur position de force, Aspar et Ardabur se gardent d’être trop visibles pour ne pas s’aliéner les élites de la capitale. De ce fait, il est difficile de connaître leur degré d’influence sur Marcien. En effet, les élites romaines gardent une certaine hostilité à l’égard des peuples germaniques et apprécient peu leur prépondérance à certaines fonctions. Les autres conseillers de Marcien sont Euphémius, le maître des offices, Palladius et le patriarche Anatolius de Constantinople. En 453, il organise le mariage de sa fille, Marcia Euphémia avec Anthémius, un général important au sein de l’Empire.
Législation et action économique[modifier | modifier le code]
Au début du règne de Marcien, la situation économique de l'Empire est très fragile, en raison des tributs exorbitants payés à Attila. Marcien renverse cette tendance en évitant de lever de nouvelles taxes mais en réduisant les dépenses. A son arrivée sur le trône, il annule toutes les dettes de l'Etat et il tente d'améliorer l'efficacité de celui-ci de différentes manières. Il édicte plusieurs novelle ou codes de lois dont l'objectif est de combattre la corruption et les abus des fonctionnaires, fréquents sous Théodose. Cinq de ces textes nous sont parvenus[17].
Marcien impose que l'office de préteur ne soit décerné qu'à des sénateurs qui résident à Constantinople, pour éviter que cette charge ne soit vendue au plus offrant et il fait des consuls les responsables de l'entretien des aqueducs de la capitale. Il abroge le follis, une taxe sur les propriétés des sénateurs et retire aux consuls et préteurs leurs fonctions financières, qui leur servent surtout à financer des jeux et à octroyer divers cadeaux à la population. Il revient en partie sur une loi de Constantin Ier qui dispose qu'un homme de rang sénatorial ne peut épouser une esclave, une affranchie, une actrice ou une femme sans statut social particulier (humiliores), dont l'objectif est de préserver la pureté des lignées sénatoriales. Marcien précise qu'une telle disposition ne peut exclure une femme de bon caractère, peu importe sa situation sociale. Enfin, en évitant les guerres de grande envergure, Marcien contribue aussi à laisser un trésor excédentaire à sa mort, pour un total de 45 tonnes d'or.
Politique religieuse[modifier | modifier le code]
Au cours du Ve siècle, les questions religieuses sont de plus en plus clivantes au sein de la chrétienté, plus particulièrement autour de la nature du Christ. Dès le siècle précédent, l'émergence de l'arianisme crée des divisions et le développement de l'école théologique d'Alexandrie, qui met l'accent sur la nature divine du Christ, engendre de nouvelles controverses. L'école théologique d'Antioche, représentée par des théologiens comme Théodore de Mopsueste, est aussi influente et appuie au contraire sur la nature humaine du Christ.
En 449, le deuxième concile d'Éphèse affirme que le Christ a une nature unique et qu'elle est divine, ce qui soulève de nombreuses controverses car tout un pan de la chrétienté n'est pas représenté. Tant le pape que le patriarche de Constantinople s'opposent à cette conclusion et condamnent le miaphysisme prôné par ce concile.
Dès son arrivée au pouvoir, Marcien se montre opposé aux conclusions du concile d'Ephèse et décide d'en convoquer un nouveau, pour clarifier le dogme universel. Pulchérie pourrait l'avoir influencé car c'est elle est très versée dans la théologie. Il serait même possible qu'elle l'ait posé en exigence pour son mariage. Dès 451, un concile est convoqué à Chalcédoine, proche de Constantinople et facilitant donc l'intervention impériale. Dans un premier temps, la ville de Nicée a aussi été envisagée car elle revêt une grande importance religieuse, en raison du concile de Nicée I tenu en 325. Néanmoins, Marcien a poussé en faveur de Chalcédoine, plus proche de la capitale, ce qui lui permet aussi de ne pas s'éloigner trop de la frontière danubienne alors menacée. Près de 500 évêques participent au concile, principalement issus de l'Empire d'Orient même si deux légats y représentent le pape Léon Ier. Le concile condamne les conclusions d'Ephèse et s'accorde pour affirmer que le Christ possède une double nature, divine et humaine, unie dans une même personne (union hypostatique), sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, ce qui constitue le symbole de Chalcédoine.
Le concile condamne aussi le patriarche d'Alexandrie, Dioscore Ier d'Alexandrie, qui a dirigé le concile d'Ephèse. Il en profite aussi pour réhabiliter Ibas d'Édesse et Théodoret et réaffirme le fait que le patriarcat de Constantinople arrive juste après Rome dans la hiérarchie ecclésiastique, avec la capacité de nommer les évêques de l'Empire d'Orient malgré l'objection papale. Alexandrie s'oppose aussi à cette hiérarchie. Le concile se termine en novembre, après que Marcien a publié plusieurs édits confirmant les décisions conciliaires. Cette nécessité d'une sanction impériale souligne les difficultés du seul concile à imposer une théologie encore largement débattue. Ainsi, l'un des édits condamne les eutychianistes, c'est-à-dire ceux qui ne croient pas en l'union hypostatique des deux natures du Christ. Ils ne peuvent occuper des fonctions publiques ni critiquer le concile de Chalcédoine, tandis que leurs écrits sont voués à être brûlés, tout comme ceux du nestorianisme.
Les décisions de Chalcédoine ont un impact immédiat dans les provinces orientales de l'Empire, plus ou moins acquises à la cause du monophysisme. Plusieurs révoltes interviennent et sont réprimées dans le sang à Jérusalem, Antioche ou Alexandrie. Des soldats s'en prennent parfois à des communautés monastiques et tout un déploiement de troupes est nécessaire quand Protérius est installé comme nouveau patriarche à Alexandrie, à la suite de la déposition de Dioscore. Selon Alexandre Vassiliev, un profond ressentiment s'installe dans les communautés monophysites et nestoriennes, dans le contexte de provinces orientales parfois rebelles au pouvoir de Constantinople. Pour l'historien, c'est même une des premières étapes vers l'éloignement de plus en plus grand de ces régions envers l'Empire, jusqu'aux invasions musulmanes du VIIe siècle qui détachent définitivement la Palestine, la Syrie et l'Egypte du monde romano-byzantin. Cette interprétation, en partie contestée depuis lors, n'en garde pas moins une part de vérité quand elle souligne la discorde du monde chrétien d'alors. En outre, beaucoup de nestoriens trouvent refuge chez les Sassanides qui, s'ils n'ont pas adopté le christianisme, sont prêts à offrir l'asile à des adversaires potentiels de leur rival romain. Quoi qu'il en soit, durant plusieurs décennies, l'Empire d'Orient est confronté au défi de son unité religieuse, oscillant entre phases de répressions et essais de tolérances.
Le soutien à des constructions d'église ou de bâtiments religieux est un autre aspect de la politique religieuse de Marcien, en bonne partie influencé par Pulchérie. L'Empereur aurait patronné la construction de l'Église Sainte-Marie-des-Blachernes et le monastère de la Panaghia Hodegetria.
De plus, l'empereur Marcien entretient d'excellentes relations avec le pape Léon Ier. Ainsi, dès 452, il promulgue des édits interdisant de discuter les canons du concile qui vient de s'achever[18]. Cette disposition dresse contre sa politique la ville d’Alexandrie et même la province d'Égypte, où se déroulent alors plusieurs révoltes, mais sont toutes heureusement réprimées par les troupes[18].
Relations avec l'Empire d'Occident[modifier | modifier le code]
Au moment de son intronisation, c’est Valentinien III qui gouverne l’empire d’Occident mais qui n’a pas été consulté, ce qui atteste d’une séparation accrue entre les deux entités romaines. Malgré tout, Valentinien reconnaît son accession au trône, sans que la date en soit connue. Pour Lee, elle intervient en mars 452 mais Timothy Gregory évoque plutôt le mois de mars 452. Selon Jean d’Antioche, il pourrait même avoir voulu déposer Marcien mais Aetius s’y serait opposé. En outre, l’Empereur d’Occident ne reconnaît pas les consuls d’Orient pour 451 et 452.
Les relations se distendent un peu plus quand Marcien cède une partie de la Pannonie aux Ostrogoths et la région de Tisza aux Gépides. Il est alors accusé d'empiéter sur les frontières de l'Empire d'Occident. Dans l'ensemble, Marcien évite de s'impliquer dans les affaires de ce dernier. Quand les Vandales mettent Rome à sac en 455 à la suite de la rupture d'un accord et de l'assassinat de Valentinien III par Pétrone Maxime, Marcien reste à l'écart, peut-être sous l'influence d'Aspar. Il envoie simplement un ambassadeur auprès des Vandales pour réclamer la libération de l'impératrice douairière Licinia Eudoxia et de ses filles, emmenées comme otages en Afrique.
Après le renversement violent de Valentinien par Pétrone Maxime, Marcien ne reconnaît plus aucun empereur d'Occident, que ce soit Maxime ou Avitus, qui tous deux ont sollicité son assentiment. Selon Hydatius de Gangres, l'ambassadeur auprès de Marcien aurait demandé que Marcien et Avitus exercent le pouvoir romain en concorde. L'usage de ce dernier terme n'est pas très clair. Certains historiens estiment que c'est une preuve de reconnaissance. D'autres considèrent qu'il s'agit d'un élément de propagande au sein de l'Empire d'Occident ou bien une simple marque de cordialité de Marcien envers Avitus. Ainsi, Courtenay Edward Stevens y voit un geste diplomatique, sans impact juridique sur la relation entre les deux Empires.
Mort et succession[modifier | modifier le code]
Marcien meurt le 27 janvier 457, à l'âge de 65 ans. La cause en serait la gangrène. Selon Théophane le Confesseur et Théodore le Lecteur, il s'éteint au terme d'une longue procession religieuse qui va du Grand Palais à l'Hebdomon. Il aurait fait le chemin à pieds alors même qu'il pouvait à peine marcher en raison du mal qui l'atteignait et qui pourrait être la goutte. Il est enterré dans l'église des Saints-Apôtres de Constantinople, aux côtés de Pulchérie, dans un sarcophage en porphyre décrit par Constantin VII au Xe siècle. A sa mort, la situation économique de l'Empire est plutôt prospère car il aurait laissé le trésor impérial avec un excédent de sept millions de solidus, alors même que l'Empire ressent encore les effets des pillages des Huns et des tributs payés à leur égard, au coût parfois exorbitant.
Divers[modifier | modifier le code]
Homonymie[modifier | modifier le code]
Marcien est aussi le nom de l'un des gendres de l'empereur Léon Ier et de l'impératrice Vérine impliqué dans une tentative de révolte contre son beau-frère l'empereur Zénon en 471.
Un certain moine Marcien, auteur de quelques opuscules conservés principalement en syriaque (Clavis Patrum Græcorum), a vécu près de Cyr en Euphratése.
Filmographie[modifier | modifier le code]
Le péplum américain Le Signe du païen (1954) met en scène un centurion romain nommé Marcian, au destin librement inspiré de celui de Marcien.
Notes et références[modifier | modifier le code]
- Vassiliev 1980, p. 104.
- (en) Barry Baldwin, « Some Addenda to the Prosopography of the Later Roman Empire », Historia: Zeitschrift für Alte Geschichte, vol. 31, , p. 97-111.
- Martindale 1980, p. 714-715.
- Fryell et Williams 2005, p. 84.
- Lee 2013, p. 96.
- Puech 2022, p. 29-30.
- Fryell et Williams 2005, p. 45, 75, 84.
- Puech 2022, p. 25.
- Thompson 1950, p. 60-65.
- Rouche 2009, p. 174.
- Friell et Williams 2005, p. 85.
- Friell et Williams 2005, p. 86.
- Friell et Williams 2005, p. 87.
- Escher et Lebedynsky 2007, p. 158.
- Morrisson, p.322.
- Friell et Williams 2005, p. 88.
- Jones 1986, p. 217.
- Morrisson, p.70.
Voir aussi[modifier | modifier le code]
Bibliographie[modifier | modifier le code]
- (en) John B. Bury, History of the Later Roman Empire, volume II, Macmillan & Co, (lire en ligne)
- (en) Hugh Elton, The Roman Empire in Late Antiquity: A Political and Military History, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-108-45631-9)
- (en) Gerard Friell et Stephen Williams, The Rome that Did Not Fall - The Survival of the East in the Fifth Century, Taylor & Francis, (ISBN 9781134735464)
- (en) Kenneth Holum, Theodosian Empresses: Women and Imperial Dominion in Late Antiquity, Oakland, California: University of California Press, (ISBN 978-0-520-06801-8)
- (en) Arnold H.M. Jones, The Later Roman Empire, 284-602: A Social Economic and Administrative Survey. Vol. 1st, Baltimore, Maryland: Johns Hopkins University Press, (ISBN 978-0-8018-3353-3)
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- (en) Christopher Kelly, The End of Empire: Attila the Hun & the Fall of Rome, New York: W. W. Norton & Company, (ISBN 978-0-393-07266-2)
- (en) A.D. Lee, « The Eastern Empire: Theodosius to Anastasius », dans The Cambridge Ancient History, Volume 14, Cambridge University Press, (ISBN 978-0-5213-2591-2, lire en ligne)
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- Cécile Morrisson (dir.), Le Monde byzantin, vol. 1 : L'Empire romain d'Orient (330-641), Paris, Presses universitaires de France, coll. « L’histoire et ses problèmes », (ISBN 2-13-052006-5)
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