Controverse fabriquée

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La controverse fabriquée, controverse préfabriquée, controverse artificielle ou fausse controverse est une technique utilisée par certains groupes de pression et leurs officines pour confondre l'opinion publique, en lui faisant croire qu'il existe une controverse sur un sujet, alors que celui-ci fait l'objet d'un consensus scientifique[1],[2],[3],[4].

Elle peut par exemple consister dans le financement et la publication d'un petit nombre d'études scientifiques contredisant les résultats obtenus dans la majorité des études existantes. Créée par l'industrie du tabac dans les années 1950[4], cette technique est notamment utilisée par l'industrie de la pétrochimie et les secteurs agrochimique et agroalimentaire et concerne entre autres le tabac[5], les pesticides, les perturbateurs endocriniens[6],[5], le changement climatique[5], le sucre ajouté[5], les matières grasses[5] et les produits transformés[7].

L'expression manufacture du doute est également utilisée pour désigner cette technique dont le recours est généralement motivé par une idéologie et/ou le profit.

Mécanismes de fonctionnement[modifier | modifier le code]

La controverse fabriquée est un ensemble de tactiques utilisées par certains lobbies ou certaines entreprises dans le but de « neutraliser l'influence du discours scientifique » au sein de la fabrication de l'opinion publique ou de l'élaboration de politiques publiques[8]. Ainsi, le picorage (« cherry picking ») de données favorables, l'utilisation d'experts partiaux, l'exagération d'incertitudes inhérentes à certains modèles théoriques ainsi que le faux équilibre médiatique sont autant de méthodes contribuant à créer une controverse fabriquée.

« La recette est d'amplifier les incertitudes, de sélectionner soigneusement les experts, d'attaquer personnellement des scientifiques ciblés, de marginaliser le rôle des institutions scientifiques reconnues et d'amener les médias à présenter « les deux facettes » de la controverse ainsi fabriquée[trad 1]. »

— Alan D. Attie, The Republican war on science[8]

Les « fabricants de controverse » qualifient parfois de science poubelle les résultats de la recherche scientifique crédible et utilisent des « tactiques de ralentissement » pour freiner la diffusion d'informations scientifiques crédibles[9],[10]. Ils promeuvent la carrière de chercheurs dont les travaux servent leurs intérêts et favorisent la visibilité de ceux-ci (subventions, prix scientifiques (en), financements pour publier dans des revues en accès ouvert)[11].

Effets ou impacts légaux[modifier | modifier le code]

Exemples[modifier | modifier le code]

Quelques exemples de controverses étiquetées comme étant des controverses fabriquées :

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. (en) « The formula is to amplify uncertainties, cherry-pick experts, attack individual scientists, marginalize the traditional role of distinguished scientific bodies and get the media to report "both sides" of a manufactured controversy. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Paul McFedries (en), « Manufactroversy: A contrived or non-existent controversy, manufactured by political ideologues or interest groups who use deception and specious arguments to make their case », sur Wordspy.com (en),
  2. (en) Leah Ceccarelli, « Manufactroversy: The Art of Creating Controversy Where None Existed », Science Progress (en), Center for American Progress,
  3. Stéphane Foucart, « Bisphénol A, les dessous d'un scandale sanitaire », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b « Les perturbateurs endocriniens, cas d’école de la «manufacture du doute» - Journal de l'environnement », sur journaldelenvironnement.net (consulté le )
  5. a b c d et e Stéphane HOREL, Intoxication : Perturbateurs endocriniens, lobbyistes et eurocrates : une bataille d'influence contre la santé, La Découverte, , 334 p. (ISBN 978-2-7071-8869-4, lire en ligne), p. 60
  6. Collectif, « Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science », Le Monde.fr,‎ (ISSN 1950-6244, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Ian Darnton-Hill et Mickey Chopra, « Tobacco and obesity epidemics: not so different after all? », BMJ, vol. 328, no 7455,‎ , p. 1558–1560 (ISSN 1468-5833 et 0959-8138, PMID 15217877, DOI 10.1136/bmj.328.7455.1558, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b (en) Alan D. Attie, « The Republican war on science », The Journal of Clinical Investigation,‎ (DOI 10.1172/JCI28068, lire en ligne, consulté le )
  9. (en) D. Michaels, « Scientific evidence and public policy », Am J Public Health, vol. 95 Suppl 1,‎ , S5–7 (PMID 16030339, DOI 10.2105/AJPH.2005.065599)
  10. (en) D. Michaels et C. Monforton, « Manufacturing uncertainty: contested science and the protection of the public's health and environment », Am J Public Health, vol. 95, no Suppl 1,‎ , S39–48 (PMID 16030337, DOI 10.2105/AJPH.2004.043059)
  11. Lucile Desmoulins, « Faire et contrefaire des discours scientifiques : une forme “normale” de communication stratégique ? », in V. Carayol, V. Lépine & L. Morillon (dir.), Actes du colloque international Org&Co : Le côté obscur de la communication des organisations, 2019.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]