Manifestations de 2024-2025 en Serbie
À partir de , une série de manifestations de masse ont lieu en Serbie, d'abord à Novi Sad puis à Belgrade et dans le reste du pays. En janvier 2025, le mouvement est toujours en cours et réunit des dizaines de milliers de participants, en particulier des étudiants.
Les revendications des manifestants, qui réclament initialement justice après l'effondrement de l'auvent de la gare de Novi Sad, s'étendent ensuite à la dénonciation de la corruption présente dans le pays et à un appel à la libération des militants arrêtés.
Le , au lendemain d'une journée de mobilisation massive, le président du gouvernement Miloš Vučević annonce sa démission. En parallèle, le président Aleksandar Vučić ouvre la voie à la reconnaissance de certaines des revendications du mouvement, mais cela ne suffit pas à y mettre fin.
Contexte et naissance du mouvement
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Le , l'auvent de la gare de Novi Sad s'effondre, tuant 15 personnes. L'accident est lié, aux yeux d'une partie de la population, à la corruption présente en Serbie, notamment au sein du gouvernement d'Aleksandar Vučić, réélu en 2024. Ils accusent les autorités de négligence dans l'entretien des infrastructures de la gare, rénovées peu de temps auparavant par des entreprises chinoise, française et hongroise[1],[2].
Une enquête est finalement ouverte et aboutit à l'inculpation, entre autres, du ministre des Transports Goran Vesic[1].
Revendications
[modifier | modifier le code]Les manifestants portent des revendications multiples. Initialement, seul l'accident de la gare de Novi Sad est évoqué : la population souhaite la publication des contrats de rénovation de la gare et de documents. Par la suite, avec la montée en puissance de la répression contre le mouvement, d'autres revendications viennent s'ajouter, dont la libération des jeunes militants arrêtés et l'abandon des poursuites contre eux, l'ouverture d'enquêtes contre les personnes ayant commis des violences à l'encontre des manifestants. Par la suite, les personnes présentes réclament également une hausse du budget de l'enseignement supérieur[1].
Les manifestants sont également mécontents du régime incarné par le président Aleksandar Vučić et réclament plus d'État de droit. Selon l'avocat Čedomir Stojković, l'ampleur des manifestations montre qu'elles ne sont « pas seulement alimentées par le dégoût face à la corruption [...] mais sont également un moyen pour les citoyens d’exprimer leur mécontentement face au régime de plus en plus autoritaire de leur président nationaliste »[3].
La jeunesse serbe connaît un sentiment de mécontentement croissant et, selon The Guardian, les jeunes militants, qui ont grandi sous le régime de Vučić, « ont de plus en plus de sentiment qu'il n'y a pas grand-chose à perdre » à protester et exiger des changements importants, allant au-delà des revendications initiales[3].
Déroulement
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Des manifestations de masse sont organisées, d'abord à Novi Sad puis à Belgrade. Elles ont lieu au cours du mois de novembre, puis de décembre, et se poursuivent en janvier. À Belgrade, certains rassemblements réunissent jusqu'à 50 000 personnes. Les manifestants ont pour habitude d'observer 15 minutes de silence en hommage aux victimes de l'effondrement[1].
Les étudiants sont nombreux à se joindre au mouvement depuis les campus de leurs universités ; ils sont aidés par l'usage des canaux de communication numériques qui permettent de « contourner les médias contrôlés par l'État »[3]. Le , ils organisent le blocage d'un nœud d'autoroute majeur de Belgrade pendant 24 heures. Des agriculteurs, des motards et d'autres catégories de population les rejoignent dans la rue[1]. Dans tout le pays, plus de 130 villes rejoignent le mouvement ce jour-là[4].
Au cours du mouvement, des militants, principalement des étudiants, sont blessés à plusieurs reprises, notamment par des automobilistes forçant les cordons de protection qui entourent les cortèges[1]. Des affrontements ont également lieu entre des jeunes militants et des partisans du Parti progressiste serbe, parti du président au pouvoir[5], et une forte répression vise les jeunes manifestants. Pour y faire face, ils s'organisent collectivement, sans qu'il y ait de chef identifiable au sein du mouvement[3].
Les concessions obtenues fin janvier ne suffisent pas à mettre fin au mouvement. Le , les étudiants entament une marche de 80 km de Belgrade à Novi Sad, qui doit durer plusieurs jours, afin de commémorer les trois mois de l'effondrement. Sur place, leur but est de bloquer tous les ponts de la ville pendant 24 h[6]. Sur le chemin, ils sont salués par des klaxons et les habitants leur offrent à boire ou à manger. D'autres personnes suivent à vélo ou en moto, tandis que les chauffeurs de taxis de Belgrade proposent leur aide pour ramener les manifestants dans la capitale[2]. Le , les manifestants partis de Belgrade ou s'étant intégrés au cortège en chemin rejoignent ceux de Novi Sad. Le , des dizaines de milliers de personnes sont réunies dans les rues de la capitale de Voïvodine et bloquent les trois ponts principaux de la ville. Un des points de blocage est censé rester en place pendant plusieurs jours ; des étudiants contrôlent l'accès aux ponts pour assurer la sécurité des manifestants et des installations. Des tracteurs agricoles sont également mobilisés et les militants portent des drapeaux serbes et des banderoles rendant hommage aux victimes ou réclamant plus de liberté[2].
Dans le reste du pays, des rassemblements de soutien ont également lieu, avec quelques incidents impliquant des automobilistes[2]. À la fin janvier, le mouvement s'est étendu à 100 autres villes se Serbie, de toutes tailles[3].
Réactions
[modifier | modifier le code]Réactions politiques en Serbie
[modifier | modifier le code]La réaction politique « [oscille] entre appels au dialogue et accusations d’ingérence étrangère » contre les personnes mobilisées[2], les autorités affirmant parfois que les étudiants ont reçu de l'argent en échange de leur participation[5]. Les étudiants refusent d'abord de rencontrer le président tant que leurs revendications ne sont pas satisfaites, affirmant que « le président [n'est] pas autorisé par la constitution à discuter avec eux »[4].
Le , le président du gouvernement Miloš Vučević démissionne après les blocages de la veille, déclarant avoir pris cette décision « Afin d’éviter de nouvelles complications et de ne pas augmenter davantage les tensions dans la société », elle est aussi liée à l'attaque par des partisans du parti au pouvoir de rassemblements militants. Le maire de Novi Sad, Milan Durić, doit aussi démissionner, et un large remaniement gouvernemental est annoncé par le président serbe Aleksandar Vučić[5].
Ces changements s'accompagnent d'appels à la discussion émis par les autorités vis-à-vis des protestataires[5]. Le président ouvre également la porte à certaines des revendications des manifestants, en déclarant être « prêt à gracier ceux qui voulaient éviter des poursuites pénales », en annonçant l'ouverture d'enquêtes contre ceux s'étant rendus coupables de violences à l'encontre des manifestants. Il affirme également que « tous les documents relatifs à la récente reconstruction de la gare principale de Novi Sad ont été publiés »[4]. Le Parti au pouvoir déclare qu'ils « répondront à toutes les demandes des étudiants »[3].
Cependant, les concessions faites ne satisfont pas les membres du mouvement[6], la marche vers Novi Sad et les blocages ne sont pas annulés. Se présentant comme ouvert au dialogue, le président affirme toutefois qu'« à la seconde où quelqu'un pense utiliser la violence pour s'emparer du pouvoir, l'État agira comme un État, comme partout ailleurs dans le monde »[2]. Il déclare également : « Notre pays est attaqué, de l'étranger et de l'intérieur », accusant à nouveau les manifestants d'être au service de puissances étrangères[3].
Soutien aux manifestants
[modifier | modifier le code]Le , la dramaturge Sinisa Kovacevic annonce que « les étudiants serbes » ont été sélectionnés parmi les nommés pour le prix Nobel de la paix 2025[7].
Les étudiants sont soutenus par la chanteuse Madonna qui promeut « l'un des plus grands mouvements d'étudiants de la région depuis 1968 »[8]. Le joueur de tennis serbe Novak Djokovic exprime également son soutien aux manifestants, en portant un sweat sur lequel est marqué « Students are Champions »[9].
De nombreuses manifestations de soutien sont organisées par la diaspora serbe, notamment à Malte, Francfort, New York, etc.[10].
Références
[modifier | modifier le code]- « En Serbie, des milliers d’étudiants entament vingt-quatre heures de blocage à Belgrade pour dénoncer la corruption », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- (en) « Students lead Danube bridge blockade in protest over Serbia's leadership », sur France 24, (consulté le )
- (en) Helena Smith, « Major anti-corruption protests in Serbia add to pressure on President Vučić », The Guardian, (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
- « Manisfestations étudiantes en Serbie : le Premier ministre contraint à la démission », sur Yahoo News, (consulté le )
- « Serbie : après trois mois de manifestations contre la corruption, le premier ministre, Milos Vucevic, démissionne », Le Monde, (lire en ligne, consulté le )
- « Serbie : les étudiants en marche pour défier le pouvoir », sur euronews, (consulté le )
- ↑ (en) « Kovacevic: Serbian students officially nominated for Nobel Peace Prize », sur N1 Belgrade, (consulté le )
- ↑ (en) Antonije Kovačević, « MADONNA SUPPORTED SERBIAN STUDENTS: “The media doesn’t show you the largest-led student movement since 1968!” », sur serbiantimes.info, (consulté le )
- ↑ (en) S. Shahi, « Novak Djokovic shows support for student protestors in Serbia with clear message on his hoodie at Belgrade basketball derby », sur sportskeeda.com, (consulté le )
- ↑ (en) « DIASPORA STANDS WITH STUDENTS: Support rallies for protests in Serbia from New York to Frankfurt to Malta! », sur serbiantimes.info, (consulté le )