Manasse ben Israël

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Manasse ben Israël
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Grand-rabbin
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Isaac Uziel (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Signature

Manassé ben Israël ou Manassé ben Yossef ben Yisrael, parfois abrégé MB"Y, né sous le nom de Manuel Dias Soeiro à La Rochelle[a],[b] en 1604 et mort le à Middelbourg, est un rabbin, kabbaliste, écrivain, érudit, diplomate, imprimeur et éditeur sépharade portugais.

Fondateur de la première maison de presse hébraïque, appelée Emeth Meerets Titsma`h, à Amsterdam en 1626, il fut l'ami de Rembrandt.

Biographie[modifier | modifier le code]

Né un an après que ses parents, conversos depuis trois générations, ont été contraints de quitter le Portugal, transitant brièvement par La Rochelle (voir Histoire des Juifs dits portugais en France) avant d'arriver à Amsterdam, où ils « tombent le masque », Manuel Dias Soeiro est élevé dans le judaïsme et devient, dès 1610, élève du rabbin Isaac Uziel dans la toute fraîche yeshivah d'Amsterdam.

Très versé dans les sciences séculières comme dans la tradition juive, se prenant de passion pour l'imprimerie, il écrit de nombreux ouvrages répondant aux critiques venant de l'intérieur comme de l'extérieur du judaïsme et défend les articles maïmonidiens de la foi, tels que la résurrection des morts ou la nature et l'origine divine de l'âme, dans son Nishmat Haïm.

À partir de 1639, il est classé dernier dans la hiérarchie des rabbins, ce qui ne l'empêche pas de connaître un certain succès dans la maison d’édition qu’il a fondée. Selon Maxime Rovère, c’est grâce à ce type d’entreprise qu’Amsterdam devient alors (vers les années 1640) le centre du monde juif lettré[5].

Portrait de Manasse ben Israël par Rembrandt, 1636.

Touché par les idées d'Isaac La Peyrère, autre cabaliste converso, il est convaincu de la venue imminente du Messie, prenant notamment très au sérieux l'ascendance davidique des Abravanel, dont il est parent.

Cependant, le Messie ne viendra que lorsque les Juifs peupleront l'ensemble des pays du monde : or il se trouve que l'Angleterre leur est fermée depuis leur expulsion sous le règne d'Édouard Ier d'Angleterre, en 1290, soit 350 ans plus tôt.

Il se rend donc en Angleterre afin de convaincre Cromwell, rédigeant pour l'occasion une « humble adresse » qui est une véritable apologie des Juifs, où il présente les nombreux cas, d'Antipater (prince iduméen converti à l'époque des hasmonéens, et ayant manœuvré pour amener Rome en Judée) à Juan Hanassi Mendès (également connu sous le nom de Joseph Nasi, lui aussi ancien converso portugais devenu duc de Naxos), où les Juifs ont été utiles aux princes. De plus, les Juifs étant dépourvus de pays, ils contribuent à enrichir leur terre d'accueil.

Bien que Cromwell ait été favorablement impressionné par les conversos plus ou moins discrets installés en Angleterre, Manassé ben Israël rentre bredouille de sa mission et meurt ruiné. Cependant, son intervention provoque aux Pays-Bas une politique d'intégration rapide des Juifs, et, en 1656, Cromwell accepte de facto les crypto-Juifs sur son territoire.

L'élévation par Theophilus Spizelii du récit de Monteziniana sur les tribus israélites découvertes en Amérique ; et la discussion des arguments pour l'origine des nations israélites américaines par Menasseh ben Israeldans [Me-koah Yiśra'el] ou l'espoir des conquérants d'Israël ; Avec une lettre à Theophilus Spizelius de l'homme le plus célèbre John Buxtorfius à propos de cette tentative juive (1661)(cliquer pour feuilleter)

Le peintre Rembrandt consulte ben Israel pour les détails de son tableau La Fête de Balthazar, exécute le portrait de son ami et illustre l'un de ses ouvrages[6].

Manassé ben Israël est l'auteur d'El Conciliador en 1632, qui obtient une réputation immédiate, d'Esperança de Israel en 1650 et de Piedra gloriosa, o de la Estatua de Nebuchadnesar, en 1655.

L'Espérance d'Israël porte sur la question du Messie et connaît un grand succès en Angleterre : l'ouvrage vise à réfuter l'idée que les Indiens seraient issus des dix tribus perdues d'Israël. Les protestants anglais accréditeront ce récit, se considérant eux-mêmes comme un second Israël. Sans céder aux thèses protestantes, Manassé ben Israël pense tout de même que la venue du Messie est pour bientôt. En témoignent les événements qui marquent son époque : les prophéties catastrophiques annoncent la réalisation de prophéties consolatrices.

La Pierre glorieuse, publiée en 1655, est dédiée à Isaac Vossius. Il y est question de la prophétie de Daniel, en particulier de l'image des quatre empires développée dans le 7e chapitre du Livre de Daniel. La question est de savoir quel est le cinquième empire censé se substituer aux quatre premiers, à savoir, aux Babyloniens, aux Perses, aux Grecs et aux Romains. Manassé réfute l'idée que ce cinquième empire soit celui des chrétiens, mais plaide pour l'idée qu'il s'agit des Juifs. Il parvient toutefois à ne pas s'aliéner le monde chrétien et refuse — contrairement à Abravanel — de voir dans le pape le signe du démon (la dixième corne), mais assigne ce rôle à l'Empire ottoman. D'autres prophètes de l'Ancien Testament sont également étudiés dans ce livre.

Vers la fin de sa vie, pendant un voyage en Angleterre, Manassé perd son fils Samuel, qui tombe malade et meurt subitement, le . Manassé avait déjà perdu son premier fils, Joseph, mort à l’âge de vingt ans dans un naufrage. Rovère nous raconte que, juste après l’enterrement de son fils Samuel, Manassé tombe malade à son tour, et meurt le [7].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Bethencourt (1904)[1] se base sur les Archives de la ville d'Amsterdam, où est déposé l'acte de mariage de Menasseh ben Israël du 15 août 1623 (D. T. en B. 669, t° 95 vo). Il sert de source à la Jewish Encyclopedia[2] et à d'autres (Levy (1924), p. 136 ; Solomon (1983), p. 65 ; Meinsma (2006)[réf. incomplète]. La notice du catalogue de la BnF choisit elle aussi La Rochelle comme lieu de naissance.
  2. Ou Lisbonne[3] ou Madère[4].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Cardozo de Bethencourt, « Lettres de Menasseh ben Israël à Isaac Vossius (1651-1655) », Revue des études juives, nos 49-97,‎ , p. 98 (lire en ligne).
  2. (en) Joseph Jacobs, « Menasseh ben Israel », sur Jewish Encyclopedia (consulté le ).
  3. (nl) Notice sur le Biografisch Portaal van Nederland ; (de) Notice sur la Deutsche Biographie ; (en) Notice sur Encyclopædia Britannica.
  4. (de) Notice sur Brockhaus Enzyklopädie ; (fr) Notice sur le catalogue de la BnF.
  5. Rovère 2017, p. 129.
  6. Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison : Joie et tristesse, le cerveau des émotions, Odile Jacob, , 344 p. (ISBN 978-2-7381-8607-2, lire en ligne), p. 239.
  7. Rovère 2017, p. 208.

Annexes[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Œuvres principales en français[modifier | modifier le code]

  • Trente problèmes sur la Création de Manassé ben Israël, De Creatione Problemata XXX Amsterdam (1635), traduit par Yannik Pisanne et Walter Hilliger, Guadeloupe (2023), (ISBN 978-2494509023).

Liens externes[modifier | modifier le code]

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