Malédiction des ressources naturelles

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La « malédiction des ressources naturelles », parfois appelée malédiction des matières premières, est une situation économique paradoxale, caractérisée par la difficulté que rencontrent les nations possédant des ressources naturelles en abondance, en particulier le pétrole. Elle a été décrite la première fois en 1990, dans le livre de Richard Auty[1]. La croissance et le développement économiques des pays pétroliers est inférieure à celle d’autres pays naturellement moins riches en pétrole. Il semble exister un lien négatif entre la proportion des exportations de matières premières dans le produit intérieur brut et le taux de croissance de pays tels que l'Algérie, le Nigeria, le Congo (RD) ou l’Angola.

Théorie[modifier | modifier le code]

La corrélation négative entre taux de croissance et ressources naturelles a donné lieu à de nombreuses explications économiques et politiques. L’abondance de ressources naturelles ne semble pas être la cause directe de ce lien négatif[2]. On peut même penser que, comme au XIXe siècle, les ressources naturelles devraient être une chance plutôt qu’une malédiction.

Explications[modifier | modifier le code]

La captation de la rente générée par la vente des matières premières conduirait à des luttes de pouvoir qui déstabilisent l’activité économique des pays riches en ressources naturelles[3].

La volatilité des prix des matières premières est une deuxième cause de la faible croissance car elle entraîne des incertitudes et des risques[4]. Selon van der Ploeg et Poelhekke[5], c’est la raison principale de la malédiction des ressources naturelles.

L’exportation de matières premières conduit à une hausse du taux de change réel qui détériore la compétitivité du secteur manufacturier et conduit à une désindustrialisation du pays[6]. On parle de la maladie hollandaise car dans les années 1960, l’exploitation de gisements de gaz avait conduit à une appréciation du florin et à un déclin du secteur manufacturier.

Vérification empirique[modifier | modifier le code]

Sachs et Warner[7] ont vérifié des régressions du taux de croissance de 95 pays par rapport à la proportion des exportations de ressources naturelles dans le produit intérieur produit et en tenant compte d’autres variables pouvant influencer la croissance (la protection juridique des entreprises, l’investissement ou le degré d’ouverture d’une économie nationale). Dans toutes ces régressions, la proportion des exportations de ressources naturelles a un effet négatif (environ deux points de pourcentage) sur le taux de croissance des pays.

Les estimations de Sala-i-Martin et Subramanian[8] montrent que la malédiction des ressources naturelles est due à leurs effets sur les institutions politiques du pays. L’abondance de ressources naturelles crée des conditions propices à la corruption[9] et aux gaspillages. Ce sont ces dernières qui causent un effet négatif sur la croissance et non pas les ressources naturelles en tant que telles.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Richard Auty, Resource-Based Industrialization: Sowing the Oil in Eight Developing Countries, Clarendon Press, Oxford, 1990
  2. Brunnschweiler C. and E.H. Bulte, "The natural resource curse revisited and revised: A tale of paradoxes and red herrings", Journal of Environmental Economics and Management, 2008, pp. 248-264
  3. A. Tornell et P. Lane, « Voracity and Growth », American Economic Review, 1999, pp. 22-46
  4. T. Cavalcanti et al, Commodity Price Volatility and the Sources of Growth, Working Paper, University of Cambridge, 2012
  5. F. van der Ploeg et S. Poelhekke, « Volatility and the Natural Resource Curse », in OxCare Research Paper, University of Oxford, 2008
  6. W. M. Corden et J.P. Neary, « Booming Sector and De-Industrialisation in Small Open Economy », in Economic Journal, 1982, pp. 825-848
  7. Sacks J.D. and A.M. Warner, "Natural Resource Abundance and Economic Growth", NBER, Cambridge, 1999
  8. Sala-i-Martin X. and A. Subramanian, "Addressing the Natural Resource Curse: An Illustration from Nigeria", NBER Working Paper, 2003
  9. Mauro P., "Corruption and Growth", Quarterly Journal of Economics, 1995, pp. 681-712

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Article connexe[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Alain Gelb, Oil Booms : Windfalls or curse?, Oxford University Press, 1988
  • (en)J. Sachs, M. Humphreys and J.E. Stiglitz, Escaping the Resource Curse, Columbia University Press, New York, 2007
  • (en) J. Sachs et A. Warner, European Economic Review, volume 45, , « The Curse of Natural Resources », p. 827–838
  • (en) P. Stevens, Journal of Energy Literature, « Resource Impact : Curse or Blessing? A Literature Survey », 2003, p. 3–42
  • Thierry Michel, Elikia M'Bokolo, Katanga business : un livre, Luc Pire, 2009
  • (en) Vahabi, M., Public Choice, volume 175, 2018, "The resource curse literature as seen through the appropriability lens: a critical survey", p. 393-428.