Madame Nhu

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Madame Ngo Dinh Nhu
Madame Nhu dans les années 1950.
Madame Nhu dans les années 1950.
Biographie
Nom de naissance Trần Lệ Xuân
Date de naissance
Lieu de naissance Hanoï (Indochine française)
Date de décès (à 87 ans)
Lieu de décès Rome (Italie)
Conjoint Ngô Ðình Nhu frère de Ngô Đình Diệm

Tran Lê Xuân (du vietnamien Trần Lệ Xuân), appelée communément Madame Nhu, née le à Hanoï en Indochine française, et morte le à Rome en Italie[1], est l'épouse de Ngô Dinh Nhu et la belle-sœur du président de la République du Viêt Nam Ngô Dinh Diêm (de 1955 à 1963), qui était célibataire. Elle tint de facto, pendant cette période, le rôle de Première dame du Sud Viêt Nam.

La période de 1955 à 1963 est liée à la guerre au Viêt Nam, après la défaite française de la bataille de Diên Biên Phu et les accords de Genève mais avant les incidents du golfe du Tonkin et la résolution du golfe du Tonkin.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines, enfance, études et mariage[modifier | modifier le code]

Tran Lê Xuân est issue d'une riche famille aristocratique. Son grand-père paternel était proche des autorités françaises et son père, Trần Văn Chương, partit étudier le droit en métropole, avant d'épouser un membre de la famille impériale du Viêtnam et de devenir ambassadeur du Sud-Viêt Nam aux États-Unis[2]. La mère de Tran Lê Xuân, Thân Thị Nam Trân alias Nam Tran Chuong[2], cousine de l'empereur Bao Dai et petite-fille de l'empereur Dong Khanh, servit comme représentant permanent de la république du Viêt Nam aux Nations unies[3].

Élève plutôt médiocre, Tran Lê Xuân abandonne le prestigieux lycée Albert-Sarraut de Hanoï avant le baccalauréat. Elle ne parle que français en famille et est incapable d'écrire en vietnamien. Elle a alors la réputation d'être un garçon manqué. Elle apprécie cependant la danse et le piano, allant jusqu'à danser seule sur la scène du théâtre national de Hanoï.

Elle refuse tout mariage de convenance[2] et se convertit au catholicisme, pour se marier en 1943 avec Ngô Dinh Nhu, son aîné de quinze ans. Ils ont quatre enfants : deux filles et deux garçons[2].

Arrivée au pouvoir[modifier | modifier le code]

Madame Nhu et le vice-président des États-Unis, Lyndon B. Johnson, en mai 1961.

En décembre 1946, après un soulèvement Viêt Minh au début de la guerre d'Indochine, Madame Nhu est faite prisonnière avec sa fille aînée et sa belle-mère[2]. Elles sont retenues dans un village pendant quelques mois avant d'être libérées par les forces du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO). Son mari est renvoyé de son poste de la bibliothèque nationale par les autorités françaises, à cause de l'implication de son beau-frère Ngô Dinh Diêm dans les mouvements nationalistes. Ils vivent donc ensuite quelques années paisibles à Dalat où naissent leurs trois derniers enfants[2].

Cependant, l'armée française est défaite à la bataille de Điện Biên Phủ et l'empereur Bao Dai appelle Ngô Dinh Diêm au poste de Premier ministre. S'ensuivront la fin de la monarchie et le référendum truqué par Nhu d' qui porte son frère Diêm à la présidence de la république du Sud-Vietnam dont la capitale est Saïgon (renommée officiellement Hô-Chi-Minh-Ville en 1976).

Diem, irrité par Madame Nhu, l'exile dans un couvent à Hong Kong avant de changer d'avis[2]. Elle s'installe alors au palais présidentiel en tant qu'épouse de Ngô Dinh Nhu, dont le pouvoir grandit au sein de l'entourage du président. Elle est ainsi considérée comme la Première dame du pays, de 1955 à 1963.

Les historiens et experts prêtent à cette femme sophistiquée maniant la controverse, l'influence politique et les déclarations fracassantes une influence énorme sur le président Diem. Elle impose notamment l'adoption d'un code de la famille faisant des femmes les égales des hommes, et bannissant la polygamie, rendant plus difficiles le divorce et l'adultère[4].

Chute du pouvoir[modifier | modifier le code]

En , elle survit à une tentative d'assassinat du président Diem par bombardement aérien du palais présidentiel, tombant de deux étages par un trou créé par les bombes[5].

En 1963, la doctrine des États-Unis évolue pour arrêter de soutenir le gouvernement en place, avec un changement d'ambassadeur en septembre de la même année[6].

Lors de la révolte bouddhiste et l’immolation publique par le feu des bonzes en juin 1963, la catholique Madame Nhu prend le parti des catholiques contre les bouddhistes sans être suffisamment conciliatrice[6]. L'impopularité de Diệm éclate au grand jour et s’amplifie dans le monde, surtout lorsque Madame Nhu parle avec désinvolture de « barbecue », proposant même de fournir elle-même les allumettes aux autres moines qui voudraient suivre leur exemple[7]. Le scandale est fatal pour toute la famille Ngô.

Le président Diem ordonne des perquisitions dans certaines pagodes. On y trouve des armes. Finalement, 12 pagodes sur 4000 seront fermées[8]

Sur les ordres du président américain John Kennedy, l’ambassadeur à Saïgon Henry Cabot Lodge refuse de rencontrer Diệm afin de ne pas l'avertir d’un coup d’État préparé par ses généraux sous la conduite du général Dương Văn Minh (dit « Big Minh » pour sa taille), celui-là même que Nguyễn Văn Thiệu proposera comme interlocuteur valable et acceptable pour signer la capitulation inconditionnelle des forces sud-vietnamiennes le , qui met fin à la Guerre du Việt Nam.

L'arrestation et l'assassinat de Ngô Đình Diệm, alors président de la République du Việt Nam, marque l'apogée d'un coup d'État mené par le général Dương Văn Minh, en novembre 1963. Le au matin, alors qu'ils ont obtenu la promesse d'avoir la vie sauve, Diem et son frère Ngo Dinh Nhu sortent de l'église Saint-François-Xavier où ils se sont réfugiés. Ils montent alors dans un blindé de l'Armée de la République du Viêt Nam (ARVN), à bord duquel ils sont aussitôt exécutés. Le coup d'État marque la fin de ce régime de neuf ans.

Fin de vie[modifier | modifier le code]

Elle rejoint son beau-frère, l'archevêque Ngo Dinh Thuc (1897-1984), à Rome, avec son fils Ngô Đinh Trác et sa fille Ngô Đinh Lê Quyên. Elle y vit retirée de la vie publique, ne donnant que quelques rares interviews (voir liens externes) et écrivant ses mémoires.

En 1986, son frère Khiem est accusé du meurtre de leurs parents dans leur maison de Washington. Il est libéré en 1993 après sept ans d'internement dans un hôpital psychiatrique[2].

Début , elle est emmenée à l'hôpital, où elle meurt trois semaines plus tard, le 24[9],[10].

Citations[modifier | modifier le code]

  • « Let them burn and we shall clap our hands. »[11]
    • « Laissez-les brûler et nous applaudirons » (en référence à l'immolation de moines bouddhistes en 1963, dont Thích Quảng Đức).
  • « I believe all the devils in hell are against us but we will triumph eventually because we have the Devil on our side. »
    • « Je crois que tous les démons de l'enfer sont contre nous, mais à la fin nous triompherons car le Diable est de notre côté » (après l'assassinat de son mari Nhu et de son beau-frère Diệm lors du coup d'État de 1963).
  • « Whoever has the Americans as allies does not need enemies »[12].
    • « Quiconque a les Américains pour alliés n'a pas besoin d'ennemis. »
  • « Power is wonderful. Total power is totally wonderful »[2].
    • « Le pouvoir est merveilleux. Le pouvoir absolu est absolument merveilleux. »

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (vi) Annonce du décès sur le site du journal Nguoi Viet Daily News
  2. a b c d e f g h et i (en) « Dragon Lady of Southeast Asia », South China Morning Post, vol. 67, no 116,‎ , A16
  3. (en) Margie Mason, « Ngo Dinh Nhu, Former First Lady of South Vietnam dies in Rome at 86 », (consulté le )
  4. « "Mme Nhu", ex-Première dame du Sud-Vietnam, est décédée »
  5. (en) Elizabeth Fitzgerald, « South Viet Nam: Joan or Lucrezia », Time,‎ (lire en ligne)
  6. a et b Bernard Hamel, « Washington en quête d'une solution pour le problème vietnamien », Combat : organe du Mouvement de libération française,‎ (lire en ligne).
  7. Vietnam (2/9) - Insurrection, Arte, août 2012.
  8. Ngo-Dinh Quynh, Ngo-Dinh Le Quyen, Jacqueline Willemetz, La République du Viet-Nam et les Ngo-Dinh, Paris 2013, p. 62 à 69.
  9. (en) Robert Templer, « Madame Nhu obituary », The Guardian,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « Vietnam : décès de l'ex-Première dame », Le Figaro, 27 avril 2011.
  11. (en)Langguth, A. J. (2000). Our Vietnam: the war, 1954–1975 p. 216.
  12. (en) Howard Jones, Death of a Generation, Oxford University Press, New York City, New York, (ISBN 0-19-505286-2), p. 407.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]