Méthodologie audio-orale

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La méthodologie audio-orale, méthodologie militaire, ou MAO, est une méthode utilisée dans l’apprentissage d’une langue étrangère.

Elle est basée sur la théorie du comportementalisme, démontrant que certains traits des êtres vivants, dans le cas suivant des êtres humains, peuvent être entraînés grâce à un système de renforcement. L’utilisation positive d’une capacité sera récompensée alors qu’une mauvaise utilisation d’une capacité entraînera un retour négatif.

Explication[modifier | modifier le code]

Cette approche de l’enseignement du langage est similaire à une précédente méthode appelée la méthode directe. Tout comme la méthode directe, la méthode audio-orale suggère un apprentissage directe de la langue cible, c’est-à-dire sans recours à la langue maternelle, afin que les étudiants puissent assimiler le vocabulaire ou la grammaire propre à celle-ci. Mais contrairement à la méthode directe, la méthode audio-orale ne se limitait pas à l’apprentissage du vocabulaire. L’enseignant entraînait les étudiants de préférence à l’utilisation de la grammaire.

La méthode audio-orale est appliquée à l’instruction d’une langue étrangère, souvent dans le contexte de laboratoire de langues, ce qui signifie que l’instructeur présentait un modèle de phrase correcte que les étudiants devaient répéter. L’enseignant poursuivait par la présentation de mots nouveaux à utiliser dans une même structure de phrase. En audio-orale, il n’y a pas d’explication concernant la grammaire — tout est simplement mémorisé tel quel. L’idée consiste à faire en sorte que les étudiants se réfèrent une construction particulière afin d’aboutir à une utilisation spontanée. Les leçons sont donc élaborées autour d’exercices de répétition continu, les étudiants n’ont alors que très peu, voire aucun contrôle de leurs résultats. L’enseignant demande une réponse précise et ne laisse passer aucune erreur de la part des étudiants. Ce type d’activité dans l’apprentissage des langues est en opposition directe à l’enseignement communicatif des langues.

Charles C. Fries (directeur de l’institut de la langue anglaise à l’Université du Michigan) fût, parmi ses confrères aux États-Unis, le premier à croire que l’apprentissage de la structure ou de la grammaire d’une langue était le point de départ des étudiants. En d’autres termes, c’était aux étudiants de réciter oralement les modèles et les structures grammaticales de phrases simples. On fournissait aux étudiants « suffisamment de vocabulaire pour rendre de tels exercices possibles »[1]. Fries a plus tard inclus certains principes du comportementalisme, tels ceux développés dans la méthode de Burrhus Frederic Skinner.

Exercices oraux[modifier | modifier le code]

Les exercices et les pratiques types sont propres à la méthode audio-oral[1]. Ils prennent en compte :

  • Les répétitions : l’étudiant répète l’énonciation qu’il entend ;
  • Les flexions : le mot d’une phrase apparaît dans une autre sous une autre forme lorsqu’il est répété ;
  • Les remplacements : lorsqu’un mot est remplacé par un autre ;
  • Les reformulations : l’étudiant reformule une énonciation.

Exemples[modifier | modifier le code]

  • Flexion

Enseignant : j’ai mangé le sandwich; étudiants : j’ai mangé les sandwiches

  • Remplacement

Enseignant : il a acheté la voiture à moitié prix ; étudiants : il l’a achetée à moitié prix.

  • Reformulation

Enseignant : Dites-moi de ne pas fumer autant ; étudiants : Ne fume pas autant !

Les exemples suivants illustrent la façon dans laquelle plusieurs exercices peuvent être mis en pratique lors d’une session d’entraînement :

  • Enseignant : il y a une tasse sur la table… répétez; étudiants : il y a une tasse sur la table.
  • Enseignant : cuillère ; étudiants : il y a une cuillère sur la table.
  • Enseignant :livre ; étudiants : il y a un livre sur la table.
  • Enseignant : sur la chaise ; étudiants : il y a un livre sur la chaise.

Origines historiques[modifier | modifier le code]

La méthode audio-orale est le produit de trois circonstances historiques. Côté langage, l’audio-orale trouve son point de départ dans les travaux de linguistes américains tel Leonard Bloomfield. La principale préoccupation des linguistes américains au début du XXe siècle fût la documentation des langues indigènes parlées aux États-Unis. Cependant, à cause du manque d’enseignants natifs pouvant délivrer une description théorique de leurs langues d’origines, les linguistes devaient s’appuyer sur l’observation. C’est pour la même raison que l’on développa une attention particulière au langage oral. De plus, les psychologues comportementalistes tel que Burrhus Frederic Skinner étaient formés sur le principe que tout comportement (y compris le langage) était assimilé par un phénomène de répétition et de renforcement positif ou négatif. Le troisième facteur responsable de la création de la méthode audio-orale fût l’apparition de la Seconde Guerre mondiale, qui créa un réel besoin de militaires américains dans le monde entier.

Il était donc nécessaire de fournir à ces soldats des compétences de communication verbale de base. La nouvelle méthode était, sans surprise, fondée sur les méthodes scientifiques de l’époque, c’est-à-dire l’observation et la répétition, qui convenaient admirablement bien pour l’apprentissage « en masse ». C’est à cause de l’influence miliaire que les premières formes de l’audio-orale furent appelés « méthodologie militaire ».

En pratique[modifier | modifier le code]

Comme mentionné, les leçons en classe se focalisaient sur l’imitation correcte de l’enseignant. On n’attendait pas seulement une réponse correcte de la part des étudiants mais également une prononciation irréprochable. Bien que l’on s’attende à une grammaire correcte, aucune explication n’était donnée. Pour finir, seule la langue cible était utilisée dans la salle de classe. Les méthodes modernes sont plus permissives sur ce dernier point.

Perte de popularité[modifier | modifier le code]

À la fin des années 1950, les soutiens théoriques de la méthode ont été mis en doute par des linguistes comme Noam Chomsky, qui pointa les limites du structures linguistiques. Chomsky remet également en question l’intérêt de la psychologie comportementaliste en matière d’apprentissage de langues dans sa critique du Verbal Behavior de Burrhus Frederic Skinner en 1959. La méthode audio-orale a été ainsi privée de sa crédibilité scientifique et ce fût qu’une question de temps avant que l'efficacité de la méthode elle-même ne soit remise en question.

En 1964, Wilga Rivers critique la méthodologie dans son livre The Psychologist and the Foreign Language Teacher. Les recherches ultérieures inspirées par ce livre ont produit des résultats démontrant de façon explicite que l’instruction de la grammaire dans la langue maternelle des étudiants était plus productive. Ces développements, additionnés à l’émergence de la pédagogie humaniste a engendré un rapide déclin de la popularité de l’audio-orale.

Les études du linguiste Philip Smith de 1965-1969, nommées « Pennsylvania Project », prouvèrent que méthode audio-orale était moins efficace qu’une approche cognitive plus traditionnelle impliquant la langue maternelle de l’étudiant.

De nos jours[modifier | modifier le code]

Bien que cette méthode ait été discréditée en 1970, elle continue d’être utilisées de nos jours, non pas en tant que base pour des enseignements linguistiques mais plutôt lors de cours individuels. Comme elle continue à être utilisée, elle continue également à être critiquée, comme le dit Jeremy Harmer : « La méthodologie audio-orale semble bannir toutes sortes de traitements du langage aidant les étudiants à trier des informations dans leurs propres esprits ». Ce type d’enseignement étant très centré autour de l’enseignant, c’est une méthodologie très populaire auprès des étudiants et des professeurs. Le succès de cette méthode est dû à plusieurs raisons. Mais l’une des plus importantes d’entre elles demeure la restriction des échanges : les deux parties savent à quoi s’attendre. Certaines approches hybrides ont été développées comme on peut le voir dans le manuel Japanese: The Spoken Language (1987–1990), qui utilise de nombreuses répétitions et exercices, mais qui les complète avec des explications grammaticales détaillées en anglais.

Butzkamm & Caldwell ont essayé de relancer la pratique du modèle traditionnel sous forme d'exercices semi-communicatifs bilingues. Pour eux, les bases théoriques et la justification suffisante des modèles d’exercices se réfèrent au système génératif, c’est-à-dire à la capacité humaine de générer un nombre infini de phrases à partir d’une compétence grammaticale limitée.

Dans la culture populaire[modifier | modifier le code]

Le fait que la méthode audio-orale continue de se manifester dans les salles de classe se reflète dans la culture populaire. Les films dépeignent souvent l’un des aspects le plus connus de l’audio-oral : l’exercice de répétition. Dans la série South Park Épisode #172, Eric Cartman applique l’exercice de répétition lorsqu’il donne cours à une classe de lycéens. Dans Mad Max : Au-delà du dôme du tonnerre, un enregistrement français apprend à deux enfants à « répéter » de courtes phrases en français puis en anglais.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Richards, J.C. et-al. 1986.