Ludovic Joubert

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Ludovic Joubert
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Ludovic Joubert, appelé officiellement à l'état-civil Léopold-Louis Joubert, né le à Saint-Herblon (Loire-Inférieure) et décédé le à Moba (future Baudouinville), est un militaire français qui se mit à partir de 1890 au service de l'État indépendant du Congo, dont le souverain était Léopold II de Belgique, et qui fut également auxiliaire des missions et catéchiste avant et après cette date.

Après de brèves études de 1854 à 1858 au collège d'Ancenis puis à celui de Combrée de 1858 à 1860, il sentit fort jeune la vocation pour le métier des armes et s'engagea à dix-huit ans dans le corps des Tirailleurs pontificaux[1].

Carrière militaire[modifier | modifier le code]

Guerres d'Italie[modifier | modifier le code]

Il combattit jusqu'à la chute de Rome pour la défense des États du Pape.

C'est ainsi qu'on le voit intégrer le bataillon des volontaires franco-belges qui se couvrira de gloire sous le nom de Zouaves pontificaux.

Blessé lors du désastre de la papauté à la bataille de Castelfidardo du , il est fait prisonnier et, considéré comme français, il est renvoyé en France.

Guéri de ses blessures, il reprend un nouvel engagement dans l'armée pontificale en et gravit rapidement les échelons, sergent (1862), lieutenant (1866), capitaine (1867).

Il eut ainsi l'occasion de combattre jusqu'à la fin et de vivre la chute de Rome devant l'assaut des patriotes italiens le .

Guerre franco-prussienne[modifier | modifier le code]

De retour en France le corps des ex-zouaves pontificaux parvint à négocier avec le gouvernement français son intégration dans l'armée française en tant que Corps des Volontaires de l'Ouest placé sous les ordres de l'ex-général des zouaves Athanase de Charette de La Contrie.

Il participa ainsi au conflit franco-prussien et vécu cette fois-ci la chute de Sedan le et la défaite française.

L'Afrique[modifier | modifier le code]

Au service des missions[modifier | modifier le code]

Après une longue parenthèse où on le vit s'adonner à l'agriculture en France, il devint en 1880 ce qu'on appellerait de nos jours « membre des services de protection » des Pères blancs (fondés par Mgr Lavigerie) dont les caravanes et les missions près des Grands Lacs étaient menacées par des bandes armées esclavagistes[2], menées entre autres par le redouté Tippo Tip et inféodées aux divers chefs arabisés soutenus par le sultanat de Zanzibar, et qui avaient eux aussi commencé leur avancée sur le continent africain oriental. Il constate ces méfaits des esclavagistes lors de l'expédition qu'il entreprend au départ de Zanzibar pour parvenir 14 mois plus tard sur les rives du lac Tanganyika.

Il rentre d'Afrique en 1885 pour se soigner en France d'une morsure venimeuse de cobra, mais il est bientôt rappelé par le supérieur général, car la situation empire dans la région des Grands Lacs. Il envoie une lettre offrant de nouveau ses services le , ce que Mgr Lavigerie lui accorde fin janvier suivant. Il embarque de Marseille le à destination de Zanzibar et arrive avec une caravane dans les Grands Lacs en novembre, après une marche de cinquante-sept jours. Le futur vicaire apostolique, le père Charbonnier, le garde à la mission de Karemba plusieurs mois, tant la situation est difficile. Ensuite, il traverse le lac Tanganyika pour porter assistance au poste de Mpala tenu, depuis le départ du capitaine Storms, par le père Isaac Moinet et un autre missionnaire, qui avait formé un corps de police commandé par un guerrier Rouga-Rouga.

Mpala en 1892.

Vingt mille habitants habitent dans un rayon de trois jours de marche à pied. Des bandes armées sévissent régulièrement le long de la côte est du lac Tanganyika pour chasser les esclaves dans la région du Marungu. C'est alors qu'un métis à la solde de Zanzibar, Mohamadi, débarque au début de l'année avec cinq pirogues et des hommes armés au sud de Mpala et incendie un village, il y retourne trois mois plus tard avec une centaine d'hommes qui enlèvent onze villageois pour les emmener. Le capitaine part donc cette fois-ci avec trente hommes armés afin de poursuivre la bande de Mohamadi, en [3]. Le combat s'engage le avec pour résultat trois morts du côté de Mohamadi et un blessé du côté de Joubert. En , c'est cette fois à Rukuku (déjà battu en 1885) qu'il s'affronte, ses hommes rebroussent chemin après deux tentatives d'attaque. L'attaque la plus importante a lieu en 1888, lorsqu'une bande de quatre-vingts esclavagistes vient attaquer la mission. Ils laissent huit hommes sur le terrain.

François Coulbois, nouveau pro-vicaire apostolique du Haut-Congo, s'oppose à Joubert, car il craint les représailles des bandes armées. Les deux hommes font appel à l'arbitrage du cardinal Lavigerie qui répond par lettre en octobre: « Les missionnaires... ne doivent jamais, ni directement, ni indirectement entrer dans les affaires militaires des chefs, soit européens soit indigènes, qui se trouveraient auprès d'eux, même pour protéger la mission. » C'est clair, Joubert n'a aucun ordre à recevoir des missionnaires sur place. Il s'installe donc à quelques kilomètres de la mission.

La situation devient dramatique en au moment de la révolte des tribus de Bushere contre l'administration coloniale allemande à Bagamoyo. Les Pères blancs sont coupés du monde pendant de longs mois. Le chef Rumaliza multiplie les razzias dans la région des Grands Lacs. Le , Joubert marche avec une vingtaine d'hommes contre Katélé qui, lui, dispose de 800 hommes, armés de fusils. Il parvint, grâce à sa ténacité, à les vaincre, délivrant plus de 200 esclaves[4].

Une mission de secours, commandée par le capitaine Jacques est envoyée par Léopold II. Elle arrive en . Ce n'est qu'en 1893 que les razzias cessent. Désormais Joubert va entamer une autre carrière.

Au service de la colonie[modifier | modifier le code]

Entretemps en 1890, Joubert devient « sujet » de l'État indépendant du Congo, dont la souveraineté appartenait d'abord officiellement à l'Association internationale du Congo et dont Léopold II avait pris le le titre de souverain. Joubert eut alors la déconvenue d'apprendre que Tippo Tip avait été nommé par le roi gouverneur d'un district de ce nouvel État africain prétendument indépendant.

Joubert, à la tête d'une troupe quadrillée par d'anciens zouaves pontificaux et d'autres rescapés de divers conflits européens, recommence ainsi une nouvelle carrière belliqueuse au service des Pères blancs dont il assure la sécurité, mais cette-fois ci dans le cadre colonial.

Il fonde divers établissements militaro-religieux dont la mission-forteresse de Kibanga (Lavigerieville) et Saint-Louis de Mrumbi[5].

Il doit lutter non seulement contre l'avancée des « esclavagistes arabisés » (de fait moins nombreux), mais également contre les tentatives d'indépendance de certains indigènes qui ne supportaient plus le travail forcé pour un colonisateur dit « anti-esclavagiste ». Il est confronté en 1898 à la mutinerie de masse de la Force publique de l'État indépendant du Congo, où l'on vit deux mille rebelles sous le commandement de Mulamba essayer de briser le joug de l'étranger et constituer une menace pour les missions et les convertis.

Affaibli par un accident de construction et à demi aveugle des suites d'une ophtalmie due au venin d'un serpent, il meurt à Baudoinville, âgé de 85 ans, le et est enterré dans le chœur de la cathédrale de Baudouinville. Ses funérailles sont célébrées par Mgr Roelens.

Il s'était marié en 1888 avec une Africaine de la région, fille de Kalembe, Agnès Atakao, née à Mpala, dont il eut dix enfants (deux filles et huit garçons) et parmi eux deux prêtres catholiques (Jean[6] et Albert[7]).

Distinctions[modifier | modifier le code]

Chevalier de l'ordre de l'Étoile africaine (en 1910).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Charles A. Coulombe, The Pope’s Legion: The Multinational Fighting Force that Defended the Vatican, New York, Palgrave MacMillan, 2008, p. 212-213.
  • « Joubert (Léopold Louis) », dans : Biographie coloniale belge, tome II, 1951, col. 517-521.
  • Aylward Shorter, Les Pères Blancs au temps de la conquête coloniale, Karthala, 2011, ISBN / 978-2-8111-0575-4, p. 96 (sur Joubert).
  • Hervé Benoît, Le Chouan du Tanganyika, Presse de la Délivrance, 2015 [présentation en ligne]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Roger Laberchere, Les Tirailleurs Pontificaux, Alger, Imprimerie Baconnier, 1960.
  2. Aylward Shorter, Les Pères Blancs au temps de la conquête Coloniale, Karthala, 2011 ISBN / 978-2-8111-0575-4, p. 98 : "Pour les missionnaires, les termes « rebelles » et « esclavagistes » couvraient une même réalité".
  3. Jacques Casier, M. Afr., Le Royaume chrétien de Mpala, Bruxelles, 1987
  4. Bernard Le Nail, L'Almanach de la Bretagne, Jacques Marseille - Larousse, (ISBN 2-03-575106-3)
  5. Plus tard abandonnée à cause de la maladie du sommeil
  6. Ordonné en 1938, mort en décembre 1953
  7. Ordonné en 1935, tué par les rebelles à Fizi le 28 novembre 1960

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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