Loi de Brandolini
La loi de Brandolini[1], ou principe d'asymétrie des idioties (bullshit asymmetry principle en anglais, langue dans laquelle cette expression est plus connue)[2], est un adage ou aphorisme énonçant que la quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est d'un ordre de grandeur supérieur à celle nécessaire pour les produire. Ce principe critique la technique de propagande (en) consistant en la diffusion de masse d'infox qui exploite la crédulité d'un certain public en faisant appel à son système de pensée rapide, instinctif et émotionnel[3].
Historique[modifier | modifier le code]
Le principe est formulé publiquement pour la première fois en janvier 2013 par le programmeur italien Alberto Brandolini[4], puis rendu célèbre, après la publication d'une photo montrant une diapositive d'une présentation effectuée par Brandolini lors de la conférence XP2014 organisée par l'Agile Alliance, le , sur Twitter[5].
Cette réflexion peut se rapprocher de l'aphorisme cité par Lénine dans sa Lettre aux Camarades[6], à la différence que l'aphorisme porte sur les questions d'un imbécile et non les idioties qu'il peut affirmer :
« Un imbécile peut poser à lui seul dix fois plus de questions que dix sages ensemble ne sauraient en résoudre. »
— Lénine
Une réflexion similaire avait été formulée par le passé, mais elle se concentrait davantage sur la vitesse de propagation que sur l'idiotie, alors que le propos de Brandolini s'intéresse à la difficulté de réfuter[7].
Cette loi expérimentale est à rapprocher de la citation de Benjamin Disraeli qui donne une estimation approchante[8],[9],[10] :
« Les livres sont le fléau de l'humanité. Les neuf dixièmes des livres existants sont des inepties, et les livres intelligents ne sont que la réfutation de ces inepties. »
— Benjamin Disraeli
Intérêt[modifier | modifier le code]
Il ressort de cet adage que la désinformation a un avantage important sur la vérité, car rétablir la vérité est particulièrement coûteux[11].
Ce principe est l'une des raisons pour lesquelles il ne faut pas renverser la charge de la preuve.
Applications[modifier | modifier le code]
Le phénomène est amplifié par le développement des réseaux sociaux. La démarche initiale est le « scoopisme » : « baratins et racontars, souvent alarmistes et complotistes, ont le vent en poupe, à la faveur des médias sociaux qui diffusent avec d'autant plus de célérité les informations que celles-ci paraissent choquantes, ou aller à contre-courant des conventions »[11]. Il touche notamment la communauté scientifique qui n'a pas les moyens de combattre tous « les mensonges et les inexactitudes » diffusées sur le web mais devrait selon le biologiste Phil Williamson, exploiter la puissance d'internet pour créer des systèmes de notation modérée s'appliquant à des sites Web qui prétendent apporter des informations scientifiques[12].
Cette technique de propagande s'apparente au Gish Gallop (en)[13] (du nom des créationnistes Duane Gish (en) et Eugenie Scott), « une technique de débat qui consiste à noyer son adversaire sous un déluge d’arguments inconsistants[2] ».
Elle s'apparente aussi au « millefeuille argumentatif »[14].
Références[modifier | modifier le code]
- (en) « Brandolini’s law », sur Ordre spontané on blogspot (consulté le 1er mars 2015) : « Here is what seems to be the very first appearance of what must, from now on, be known as the Brandolini’s law. »
- Bernard Swynghedauw, « Le principe de Brandolini et les fake news », Medecine sciences: M/S, vol. 36, nos 6-7, , p. 654 (lire en ligne).
- « La « loi de Brandolini » : qu’est-ce que c’est ? », sur laculturegenerale.com, .
- (en) Alberto Brandolini, « Bullshit Asymmetry Principle - Twitter », sur Twitter (consulté le 1er mars 2015).
- (en) Tim Farley, « Bullshit asymmetry principle », sur Twitter (consulté le 1er mars 2015).
- V. I. Oulianov dit Lénine, « Lettre aux Camarades », sur marxistes.org, (consulté le 13 novembre 2020)
- (en) « Brandolini’s law », sur Ordre spontané on blogspot (consulté le 1er mars 2015) : « it’s not that much about the speed of dissemination of bullshit but rather about the inherent difficulty to refute bullshit ».
- Les livres sont le fléau de l'humanité.
- Citation de Benjamin Disraeli
- Les livres sont le fléau de l'humanité
- « La loi de Brandolini ou le principe d'asymétrie du baratin : un défi pour les scientifiques », sur www.echosciences-grenoble.fr (consulté le 31 mai 2020)
- (en) Phil Williamson, « Take the time and effort to correct misinformation », Nature, vol. 540, no 171, (DOI 10.1038/540171a)
- (en) Eugenie Scott, « Debates and the Globetrotters », sur talkorigins.org, .
- « C’est une technique rhétorique qui vise à intimider celui qui y est confronté : il s’agit de le submerger par une série d’arguments empruntés à des champs très diversifiés de la connaissance, pour remplacer la qualité de l’argumentation par la quantité des (fausses) preuves. Histoire, géopolitique, physique, biologie… toutes les sciences sont convoquées – bien entendu, jamais de façon rigoureuse. Il s’agit de créer l’impression que, parmi tous les arguments avancés, "tout ne peut pas être faux", qu’"il n’y a pas de fumée sans feu" ». Cf « On te manipule », sur gouvernement.fr,