Ligne verte (Beyrouth)

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La ligne verte en 1982.

La Ligne verte ou ligne de démarcation ou ligne des combats (en arabe, « khoutout al-tamâs », littéralement lignes de contact[1]), située à Beyrouth, la capitale du Liban, était une ligne sans tracé matériel ni officiel durant la guerre du Liban de 1975 à 1990, marquée par les affrontements violents qui s'y déroulaient. Traversant la ville du nord au sud, elle séparait les quartiers de Beyrouth-Ouest, à majorité musulmane, des quartiers de Beyrouth-Est, à majorité chrétienne[2].

Appellations[modifier | modifier le code]

L'appellation « ligne verte » renvoie généralement à la ligne de division de la Palestine en 1949, que l’armée israélienne avait tracée en vert sur ses cartes[3]. Dans le cas de Beyrouth, l'expression se réfère à la couleur de la végétation qui avait prospéré tout le long de la ligne, puisque la zone, dangereuse durant une longue période, était devenue inhabitée[3].

L'appellation « ligne de démarcation » renvoie à la séparation communautaire qui s'est opérée à la suite des combats. Les conflits armés entre factions chrétiennes et musulmanes dans cet espace ont eu pour effet de détruire la coexistence entre personnes de confessions différentes qui y vivaient[3]. Eric Huybrechts, architecte-urbaniste, écrit à ce sujet : « la ligne fut un instrument des acteurs de la guerre qui l’ont fondée comme support de leurs exactions pour diviser la population »[3].

L'appellation « ligne des combats » renvoie aux affrontements entre milices qui s'y déroulaient et aux actions meurtrières des francs-tireurs postés sur les hauts immeubles le long de la ligne[3]. Il fallait autrefois « traverser la ligne », ce qui n'est plus le cas depuis la fin de la guerre[3].

Tracé géographique[modifier | modifier le code]

La ligne part du centre-ville de Beyrouth, tout au nord, et descend sur quelques kilomètres. Elle passe par le Ring Fouad Chehab, pont qui surplombe le centre-ville ; le quartier Sodeco ; le Musée national de Beyrouth ; l’hippodrome de Beyrouth et le Bois des pins ; le rond-point de Tayouné ; l’église St-Michel de Chiyah[3].

« Lieux échafaud» et lieux de mémoire[modifier | modifier le code]

20 000 personnes ont été tuées sur les lignes de démarcation de Beyrouth en quinze ans de guerre, selon la chercheuse spécialiste de l'histoire libanaise Aïda Kanafani-Zahar[1]. Pendant les périodes d'accalmie, les habitants circulaient sur ces lignes, qui étaient alors « ouvertes » (les milices n'y sévissaient pas)[1]. Les premiers signes de détérioration de la situation sécuritaire se manifestaient sur ces lignes qui « fermaient brutalement » ; elles étaient le théâtre d'enlèvements, d'exécutions sommaires, de tirs de francs-tireurs[1].

Symbole de la guerre, la ligne verte est devenue aussi le lieu par excellence où des Libanais ont exprimé le refus de la guerre[1]. Elle était le site de manifestations pour la paix, comme en novembre 1975 où plusieurs dizaines de milliers de citoyens s'y sont donné rendez-vous, les uns venant de Beyrouth Ouest, les autres de Beyrouth Est, pour dire non à la guerre[1]. Aïda Kanafani-Zahar souligne le fait que les anciennes lignes de combats ont été réinvesties comme « lieux de résistance civile »[1]. AInsi, à la suite du conflit libanais de 2008 qui a fait craindre une reprise de la guerre, une marche a été organisée sur la ligne verte pour rappeler le danger lié à des affrontements armés[1]. L'association OffreJoie (en) avait alors déclaré : « nous transformons ces lieux de séparation en ponts, en traits d'union »[1]. La marche avait commencé au sud de Beyrouth, empruntant le carrefour de l'église Mar Mikhael-Chiyah ; le rond-point Tayyouné ; le secteur du Musée national de Beyrouth ; pour parvenir au nord, au centre-ville (place des Martyrs, place Riad el Solh)[1].

Destructions et reconstruction[modifier | modifier le code]

La plupart des bâtiments sur la ligne furent sévèrement endommagés pendant la guerre, comme le musée national de Beyrouth.

Depuis la fin des hostilités, beaucoup d'entre eux ont cependant été reconstruits[2].

Références[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Éric Huybrechts, « L’oubli de la ligne », dans Reconstruction et réconciliation au Liban : Négociation, lieux publics, renouement du lien social, Beyrouth, Presses de l’Ifpo, (ISBN 9782351594315, DOI 10.4000/books.ifpo.4423), p. 209-220.
  • Aïda Kanafani-Zahar (préf. Antoine Garapon), « Les lignes de démarcation : de "lieux échaufaud" à "lieux de  mémoire" », dans Liban, la guerre et la mémoire (bibliographie, glossaire, cartes), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7535-1338-9), p. 119-122.
  • Jihad Farah, « Projets, arrangements et controverses sur la ligne de démarcation à Beyrouth », Hérodote, vol. 3, no 158,‎ , p. 93-111 (DOI 10.3917/her.158.0093).