Le Portement de Croix (Bosch, Gand)

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Le Portement de Croix
Artiste
Date
Entre et ou entre et Voir et modifier les données sur Wikidata
Type
Matériau
huile sur panneau de bois (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Dimensions (H × L)
76,7 × 83,5 cmVoir et modifier les données sur Wikidata
Mouvements
No d’inventaire
1902-HVoir et modifier les données sur Wikidata
Localisation

Le Portement de Croix est un tableau du début du XVIe siècle attribué à Jérôme Bosch et conservé au Musée des beaux-arts de Gand (MSK). Le même thème néotestamentaire a été illustré par Bosch dans Le Portement de Croix de Vienne, Le Portement de Croix de L'Escurial et au revers des volets latéraux du Triptyque de saint Antoine de Lisbonne.

Description[modifier | modifier le code]

Détail du groupe du mauvais larron.
Détail montrant Véronique et deux badauds.

Peint à l'huile, le panneau est constitué de quatre planches assemblées verticalement. Il mesure 76,7 cm de haut sur 83,5 cm de large, pour 0,9 cm d'épaisseur.

Sur un fond sombre, 17 personnages représentés de buste entourent le Christ portant sa croix ou forment de petits groupes organisés par des jeux de regards. Leurs mains sont quelquefois visibles, mais le peintre s'est surtout appliqué à représenter leurs expressions faciales et leurs physionomies souvent caricaturales, qui occupent presque tout l'espace du tableau.

Outre le Christ couronné d'épines et nimbé d'une gloire dorée, on reconnaît sainte Véronique (en bas à gauche) tenant le voile sur lequel la Sainte Face de Jésus s'est miraculeusement imprimée, ainsi que les deux larrons (à droite). Le bon larron est celui dont les traits sont les moins difformes (en haut à droite) mais dont le teint livide trahit sans doute la crainte de la damnation. Il est en effet pris à partie par un moine édenté qui semble le menacer des flammes de l'Enfer. Bien plus hideux que son comparse, le mauvais larron se contente quant à lui de répondre par une grimace haineuse aux deux badauds non moins grotesques qui l'invectivent. Un emplâtre collé à son crâne renforce sa laideur. Entre le mauvais larron et ses agresseurs, au sommet de la composition pyramidale de groupe, un homme est coiffé d'un chapeau pointu qui présente un étrange dégradé de couleurs. D'autres personnages portent des coiffes plus ou moins fantaisistes et certains d'entre-eux arborent des bijoux corporels à l'oreille, au menton ou autour de la bouche.

Les traits fins, l'expression sereine ainsi que les yeux clos du Christ et de Véronique contrastent fortement avec l'exagération des passions lisibles sur les trognes monstrueuses et ridicules des autres personnages.

Historique[modifier | modifier le code]

Le cartel du MSK rejoint l'avis de la plupart des historiens de l'art, qui datent le tableau de la dernière phase de Bosch, vers 1510-1516. D'autres auteurs l'estiment plus ancien. Frédéric Elsig propose par exemple de le rattacher à un ensemble de commandes bruxelloises incluant les triptyques du Jugement dernier de Vienne et du Jardin des délices, qu'il date des années 1505-1510[1].

Au XIXe siècle, le panneau fait partie de la collection Nicholson de Londres avant de passer dans celle de M. Hemmé à Bruxelles. En 1902, il est acquis auprès de F. Kennis par la Société des Amis du Musée de Gand[2] à l'initiative de l'historien de l'art Georges Hulin de Loo. La même année, il est présenté au public belge dans le cadre de l'Exposition des primitifs flamands à Bruges (no 285 du catalogue)[3]. Il a été restauré en 1956-1957[4] sous le contrôle d'une commission internationale d'experts.

Attribution à Bosch[modifier | modifier le code]

Lors de sa présentation au public en 1902, le tableau est salué par Hulin de Loo comme l'« une des œuvres les plus importantes du maître hors d'Espagne »[5]. Son caractère autographe, également reconnu par Fourcaud[6], Tolnay[7], Combe[8], Linfert[9], Cinotti[10], Bosing, Larsen[11] et Elsig, est cependant remis en cause par d'autres auteurs tels que Leonard J. Slatkes[12], qui le considère comme « une copie d'atelier ou une variante d'atelier » d'un original perdu[13], et Bernard Vermet, qui l'attribue à un suiveur des années 1520-1530[14].

Conservateur du musée de Gand au début du XXe siècle, Louis Maeterlinck a proposé d'insérer le Portement de Croix dans un corpus de scènes de la Passion avec de grandes figures à mi-corps comprenant notamment le Couronnement d'épines de L'Escurial, le triptyque de la Passion du musée de Valence (dont le panneau central est presque identique au tableau précédent) et le Christ devant Pilate de Princeton[15]. Or, ces trois dernières peintures, que Maeterlinck comptait « parmi les œuvres de Bosch appartenant à sa dernière manière »[15], sont aujourd'hui attribuées à des suiveurs anversois de Bosch ayant travaillé dans la veine de Quentin Metsys entre les années 1520 et 1540.

En , l'équipe du Bosch Research and Conservation Project (BRCP), dirigée par Jos Koldeweij, annonce que l’œuvre ne serait pas de Bosch mais « d’un peintre phénoménal au nom toujours inconnu qui l’aurait peinte en 1520 »[13].

En désaccord avec les conclusions du BRCP, le MSK a décidé de maintenir le nom de Bosch sur le cartel du tableau. Il est conforté dans ce choix par un groupe d'experts incluant notamment Maximiliaan Martens, de l'Université de Gand. Ce dernier justifie l'attribution à Bosch en soulignant les analogies du Portement de Croix de Gand avec le Couronnement d'épines de Londres, dont le caractère autographe ne fait pas débat[16].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Elsig, p. 89.
  2. Catalogue du Musée des beaux-arts, Gand, 1937, p. 28.
  3. Exposition des Primitifs flamands et d'art ancien. Première section : tableaux. Catalogue, Desclée de Brouwer, Bruges, 1902, p. 108.
  4. Elsig, p. 88.
  5. Materlinck, p. 299.
  6. Louis de Fourcaud, « Hieronymus van Aken, dit Jérôme Bosch », Revue de l'art ancien et moderne, t. XXXI, 1912, p. 161-176.
  7. Charles de Tolnay, Hieronymus Bosch, Bâle, 1937, cat. 36.
  8. J. Combe, Jérôme Bosch, Paris, 1946, p. 15 et 40.
  9. C. Linfert, Hieronymus Bosch. Die Gemälde, Cologne/Londres, 1959, p. 23-117.
  10. M. Cinotti, L'Opera completa di Bosch, Milan, 1966, cat. 70.
  11. E. Larsen, Bosch. Catalogo completo, Florence, 1998, cat. 30.
  12. Leonard J. Slatkes, « Hieronymus Bosch and Italy », The Art Bulletin, LVII, 1975, p. 335-345.
  13. a et b Guy Duplat, « Bosch n'aurait pas peint le Portement de Croix », lalibre.be, 31 octobre 2015 (consulté le 22 avril 2016).
  14. Jos Koldeweij, Paul Vandenbroeck et Bernard Vermet, Jérôme Bosch. L’œuvre complet, Gand/Paris, 2001, p. 97.
  15. a et b Maeterlinck, p. 302 et 307.
  16. Guy Duplat, « Le Portement de Croix est quand même un vrai Bosch », lalibre.be, 17 février 2016 (consulté le 22 avril 2016).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Walter Bosing, Jérôme Bosch (environ 1450-1516). Entre le ciel et l'enfer (Tout l’œuvre peint de Bosch), Cologne, Benedikt Taschen, 1994, p. 76-78.
  • Frédéric Elsig, Jheronimus Bosch : la question de la chronologie, Genève, Droz, 2004, p. 88-92 et 136-138.
  • Matthijs Ilsink, Jos Koldeweij et Charles de Mooij, Jérôme Bosch - Visions de génie (catalogue de l'exposition du Noordbrabants Museum de Bois-le-Duc), Bruxelles, Fonds Mercator, 2016, p. 65.
  • Louis Maeterlinck, « À propos d'une œuvre de Bosch au musée de Gand », La Revue de l'art ancien et moderne, t. XX, no 112, , p. 299-307.
  • Roger van Schoute, « Le Portement de croix de Jérôme Bosch au Musée de Gand : considération sur l'exécution picturale », Bulletin de l'Institut Royal du Patrimoine Artistique, vol. 2, 1959, p. 47-58.

Liens externes[modifier | modifier le code]