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Le Dictionnaire khazar

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Le Dictionnaire khazar
Roman-lexique en 100 000 mots
Auteur Milorad Pavić
Genre Roman
Version originale
Langue Serbe
Titre Hazarski rečnik
Хазарски речник
Date de parution 1984
Version française
Traducteur Maria Bejanovska
Éditeur Éditions Belfond (1re édition)
Le Nouvel Attila (réédition)
Editions Flora (réédition 2024)
Date de parution 1988 (1re édition)
2015 (réédition Atilla)
2024 (réédition Flora)
Nombre de pages 311 (réédition 2024)
ISBN 9798869987167

Le Dictionnaire khazar (en serbo-croate : Hazarski rečnik, en serbe en écriture cyrillique : Хазарски речник) est un roman de l'écrivain serbe Milorad Pavić publié en 1984 et traduit en français en 1988 par Maria Bejanovska aux éditions Belfond.

Depuis sa parution, Le Dictionnaire Khazar a été traduit en 28 langues[1].

Genre : un roman-lexique

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[2]Le Dictionnaire Khazar est un "roman-lexique" qui peut être lu dans n'importe quel sens, ou au hasard, comme un dictionnaire. C'est une forme "d’œuvre ouverte"[3]puisque de n'importe quel endroit d'où le lecteur commence, il peut comprendre le récit — ou du moins une signification possible du récit.

Il a été également qualifié d'hypertexte par les critiques[4].

Il s'agit d'un dictionnaire fictif ou plutôt de trois dictionnaires fictifs réunis en un puisque le texte se partage en un "Livre Rouge" qui présente les sources chrétiennes, un "Livre Vert" les sources musulmanes et un "Livre Jaune", les sources juives[5].

A la parution il a existé deux versions du Dictionnaire de Pavić, l’une dite « masculine » et l’autre «féminine », qui ont été finalement réunies dans une version dite « androgyne »[3] lors de sa réédition française en 2002 aux éditions La mémoire du livre[6]. La seule différence entre l'exemplaire masculin et l'exemplaire féminin ne consiste qu'en un seul petit paragraphe d'une vingtaine de lignes page 219 (de l'un et l'autre ouvrage). Cet élément minime qui justifie deux éditions d'un même livre met en avant l'importance de la surface et du paratexte dans la lecture, surtout d'une œuvre ouverte[7].

Le Dictionnaire Khazar est souvent qualifié de "borgésien" au nom de sa construction foisonnante et de sa tonalité entre le merveilleux et l'absurde[8]. On le rapproche aussi de l'écriture de Gabriel Garcia Marquez, en particulier au nom du rapport au temps dans Cent ans de Solitude[9].

Son écriture est considérée comme tout à la fois comme baroque et postmoderniste, en ligne directe avec deux traditions orales : la rhétorique byzantine et la littérature serbe orale[10].

Thème de l'ouvrage

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Le Dictionnaire khazar retrace, à travers les principaux mots de son histoire, la naissance et la disparition des Khazars, peuple nomade et guerrier fixé au VIIe siècle entre la mer Noire et la mer Caspienne[11].

Plus particulièrement le livre s'intéresse à un événement qui serait lié à la disparition soudaine des Khazar : ce que l’on appelle la "polémique Kazhar". "Le chef khazar, le khagan, aurait, à la suite d’un rêve, demandé à ce que des savants des trois religions monothéistes principales, viennent interpréter celui-ci. Le plus juste verrait alors la conversion du peuple khazar à son culte."[12]

Au-delà de cette intrigue principale, le livre questionne "la douce illusion" du réel et de la vérité, la frontière entre la réalité et le rêve, l'histoire et la légende[13].

Par sa forme d’œuvre ouverte, le livre est perçu comme un outil de spatialisation du temps, propre aux cultures du mythe[14],[15].

Les Chasseurs de rêve

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Les Chasseurs de rêve traversent le Dictionnaire Khazar. Il s'agit d'une secte protégée par la princesse Ateh, elle-même présentée dans le roman comme la première autrice (fictive) du Dictionnaire Khazar (fictif). Ils savent "lire les rêves d'autrui, y élire domicile et, [...] y chasser le gibier qu'on leur assignait - homme, objet ou bête."[16]

"Leur but est de « se plonger dans les rêves et le sommeil d'autrui et d'en extraire de petits fragments de l'être d'Adam le précurseur, les composant en un tout, dans ce qu'on appelle des dictionnaires khazars, afin que tous ces livres rassemblés incarnent sur terre l'immense corps d'Adam Ruhani – un Adam reconstitué pourrait bien se révéler, hélas, être un monstre"[17].

Certains considèrent que le lecteur du Dictionnaire, en prise avec l’œuvre ouverte et poétique, devient lui-même un chasseur de rêves[18].

Controverse et oubli du livre

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L’engouement premier et quasi unanime de la critique à la sortie du livre a été suivi d’un oubli rapide de Milorad Pavić lié aux positions pro-serbes virulentes de l’auteur pendant la guerre en Yougoslavie[3].

Récompenses

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La source principale, directe ou indirecte, du thème, est le Kitâb al-hujja wa-l-dalîl fî nusr al-dîn al-dhalîl, "Livre de la réfutation et de la preuve concernant la religion méprisée", ou Kitâb al-Khazari, "Livre du khazar", ou en hébreu Sefer al-Khazari (Kuzari), de Juda Halevi (1075-1141), un des grands poètes de l'âge d'or andalou.

Ce Kuzari, œuvre de fiction, est lui-même inspiré du Tahafut al-Falasifa de Al-Ghazâlî (1058-1111), et a inspiré d'autres œuvres, dont Le Livre du gentil et des trois sages de Raymond Lulle (1232-1315).

A propos des Khazars

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Les Khazars étaient un peuple turcique semi-nomade d’Asie centrale ; leur existence est attestée entre les VIe et XIIIe siècles. Le nom « Khazar » semble dériver d'un mot turc signifiant errant, nomade (gezer en turc moderne). Au VIIe siècle les Khazars s'établirent en Ciscaucasie aux abords de la mer Caspienne où ils fondèrent leur Khaganat. À leur apogée, les Khazars, ainsi que leurs vassaux, contrôlaient un vaste territoire qui pourrait correspondre à ce que sont aujourd'hui le sud de la Russie, le Kazakhstan occidental, l'Ukraine orientale, la Crimée, l'est des Carpates, ainsi que plusieurs autres régions de Transcaucasie telles que l'Azerbaïdjan et la Géorgie.

Les Khazars remportèrent plusieurs séries de succès militaires sur les Sassanides, puis sur le califat, établi en deçà de la Cicscaucasie, empêchant ainsi toute invasion arabo-islamique du sud de la Russie. Ils s'allièrent à l'Empire byzantin contre les Sassanides et le Rus' de Kiev. Lorsque le Khaganat devint une des principales puissances régionales, les Byzantins rompirent leur alliance et se rallièrent aux Rus' et Petchénègues contre les Khazars. Vers la fin du Xe siècle, l'Empire khazar s'éteignit progressivement et devint l'un des sujets de la Rus' de Kiev.

Au VIIIe siècle, pris en tenaille entre les Orthodoxes et les Musulmans, les Khazars invitèrent un moine, un derviche et un rabbin à débattre des mérites de chaque religion. À la suite de cette polémique, selon une tradition historiquement contestée, le roi et une partie de la noblesse des Khazars se seraient convertis au judaïsme[20].

Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Le dictionnaire khazar ; roman-lexique - Pavic-M - Memoire Du Livre - Grand format - Librairie Gallimard Paris (lire en ligne)
  2. « Un monde de livres », sur www.ecriture-art.com (consulté le )
  3. a b et c Mathias Verger, « Le Dictionnaire khazar : de la crise de l’original à la crise de la langue originale », TRANS-. Revue de littérature générale et comparée,‎ (ISSN 1778-3887, DOI 10.4000/trans.1640, lire en ligne, consulté le )
  4. Tatjana Aleksić, « National Definition Through Postmodern Fragmentation: Milorad Pavić's Dictionary of the Khazars », The Slavic and East European Journal, vol. 53, no 1,‎ , p. 86–104 (ISSN 0037-6752, lire en ligne, consulté le )
  5. Posté par Hugues, « Note de lecture : « Le dictionnaire khazar » (Milorad Pavić) », sur Charybde 27 : le Blog, (consulté le )
  6. « Le dictionnaire khazar », sur Tiandi, (consulté le )
  7. (en-US) « Cover to Cover: Paratextual play in Milorad Pavic’s Dictionary of the Khazars », Electronic Book Review,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Posté par Hugues, « Note de lecture : « Le dictionnaire khazar » (Milorad Pavić) », sur Charybde 27 : le Blog, (consulté le )
  9. (en) Ksenija Vulović, « Male or Female Time? Milorad Pavić’s Dictionary of the Khazars and Gabriel García Márquez’s One Hundred Years of Solitude », European Review, vol. 23, no 3,‎ , p. 396–405 (ISSN 1062-7987 et 1474-0575, DOI 10.1017/S1062798715000149, lire en ligne, consulté le )
  10. « Le Dictionnaire khazar / Hazarski rečnik de Milorad Pavić (par Boris Lazić) », sur serbica.u-bordeaux-montaigne.fr (consulté le )
  11. SensCritique, « Le Dictionnaire khazar Milorad Pavić », sur SensCritique (consulté le )
  12. Aurore, « Milorad Pavic – Le dictionnaire Khazar », sur Un dernier livre avant la fin du monde, (consulté le )
  13. Maria Béjanovska, « Le Dictionnaire Khazar de Milora Pavic », La Matricule des Anges, no 167,‎ , p. 39 (lire en ligne [PDF])
  14. Sanja Bošković, « Les éléments du folklore slave dans la littérature contemporaine serbe : Milorad Pavić, le Dictionnaire khazar », Revue des Études Slaves, vol. 74, no 2,‎ , p. 353–362 (DOI 10.3406/slave.2002.6804, lire en ligne, consulté le )
  15. « Colloque - Sanja Bošković : "Le dictionnaire khazar" ou l’iconographie éclectique de Pavić », sur serbica.u-bordeaux-montaigne.fr (consulté le )
  16. Milorad Pavic, Le Dictionnaire Khazar, Paris, Le Nouvel Attila, 2015 [ed. or. 1984], 281 p. (ISBN 9782371000148), p. 63-64
  17. « NYTimes », sur archive.nytimes.com (consulté le )
  18. (en-US) Nasrullah Mambrol, « Analysis of Milorad Pavić’s Dictionary of the Khazars », sur Literary Theory and Criticism, (consulté le )
  19. Ambassade de France en Serbie, « Le Dictionnaire Khazar lauréat du prix "La Nuit du Livre 2016", catégorie littérature. », sur https://rs.ambafrance.org, 2016 - mise à jour 01/03/2023 (consulté le )
  20. Anne Coldefy-Faucard, Histoire de la Russie et de son empire, Flammarion, impr. 2009 (ISBN 978-2-08-123533-5 et 2-08-123533-1, OCLC 690495281, lire en ligne)