Le Diable au corps (Radiguet)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 1 octobre 2019 à 16:21 et modifiée en dernier par Alphabeta (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Le Diable au corps
Format
Langue
Auteur
Genres
Fiction romantique (d)
Fiction militaire (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Sujets
Première Guerre mondiale, L'Amour (d), La Liberté (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Date de parution
Pays
Nombre de pages
137Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvre dérivée
L'auteur, Raymond Radiguet.

Le Diable au corps est un roman de Raymond Radiguet paru en 1923.

C'est le récit d'une histoire d'amour entre un jeune garçon et une femme tandis que le mari de cette dernière se bat sur le front durant la Première Guerre mondiale. Cette œuvre marque les esprits par l'extraordinaire sens de la formule de son auteur, et surtout le mythe qui l'entoure (Radiguet est mort à l'âge de 20 ans). Des thèmes tels que l'adolescence, la trahison, le scandale, la parentalité, l'adultère, les doutes amoureux sont magistralement abordés dans cet ouvrage.

Synopsis

Lire Le Diable au corps sur Wikisource.

Alors que la Première Guerre mondiale bat son plein, Marthe (18 ans), mariée à un soldat (Jacques), entretient une relation sexuelle avec le narrateur, jeune garçon désœuvré de 15 ans, donc trop jeune pour être mobilisé et qui l'a séduite par provocation.

Il s'ensuit une idylle entre les deux personnages, perturbée par l'entourage et le comportement lunatique et possessif de l'adolescent, beaucoup trop jeune pour entrer dans la logique d'une liaison suivie[1].

Analyse

Autour de cette intrigue, l'auteur a voulu peindre le cycle de la vie dans ces bornes que sont l'enfance et la maturité. On peut cependant y voir également l'expression du risque que court la société en se livrant à toutes sortes de calculs à des fins proprement égoïstes. Voilà une adolescence meurtrie par l'ennui provoqué par quatre années de guerre. On assiste à la désorganisation de la cellule familiale, à la déstabilisation des institutions et surtout[2] à la négation de la valeur intrinsèque de l'homme, qui semble désormais être ravalé à l'état de machine dont le fonctionnement reste conditionné par des forces extérieures.

Le ton désabusé et cynique de Radiguet n'est pas sans rappeler un certain « gidisme », présent notamment dans L'Immoraliste. La lucidité et la justesse de l'analyse rapprochent encore ce roman de la grande tradition moraliste (Stendhal ou Madame de La Fayette).

C'est un premier roman de Raymond Radiguet (1903-1923), publié l'année même de sa mort. L'auteur, qui insistait sur le caractère délibérément fictif de toute entreprise romanesque réussie, a toujours nié que le roman eût une quelconque dimension autobiographique. Toutefois, l'auteur a entretenu à l'âge de 14 ans une liaison avec Alice Serrier, une voisine de ses parents dont le mari était parti au front, liaison dont il s'est inspiré pour son roman.

Le style et l'écriture simples de ce texte consolident le refus de l'auteur de tout ce qui se complexifie d'une manière ou d'une autre.

Le narrateur ne porte pas de nom dans le roman, Radiguet envisageait de l'appeler François selon ses brouillons. C'est le prénom qu'il portera dans l'adaptation cinématographique de 1947 : Le diable au corps.

Deux villes sont désignées par J… et F… dans le roman. Il s'agit probablement de Joinville-le-Pont et Saint-Maur-des-Fossés. Le narrateur habitait F… (Radiguet était né à Saint-Maur-des-Fossés), et Marthe habitait J… "Nous habitions à F…, au bord de la Marne."..."Marthe habitait J… ; sa rue descendait jusqu’à la Marne." Et la ligne de la Bastille est mentionnée.

Réception

Dès l'introduction du roman (ci-dessous), les « quatre ans de grandes vacances » suscitent une levée de bouclier de la part des anciens combattants tout puissants dans l'opinion de l'époque, moins de cinq ans après l'armistice.

 « Je vais encourir bien des reproches. Mais qu’y puis-je ? Est-ce ma faute si j’eus douze ans quelques mois avant la déclaration de la guerre ? Sans doute, les troubles qui me vinrent de cette période extraordinaire furent d’une sorte qu’on n’éprouve jamais à cet âge ; mais comme il n’existe rien d’assez fort pour nous vieillir malgré les apparences, c’est en enfant que je devais me conduire dans une aventure où déjà un homme eût éprouvé de l’embarras. Je ne suis pas le seul. Et mes camarades garderont de cette époque un souvenir qui n’est pas celui de leurs aînés. Que ceux qui déjà m’en veulent se représentent ce que fut la guerre pour tant de très jeunes garçons : quatre ans de grandes vacances. »

La publication du Diable au corps provoqua un grand scandale, car il postulait la guerre comme condition même du bonheur des amants et portait atteinte au respect sacré dû au soldat. La mort prématurée de l'auteur à l’âge de 20 ans contribua probablement à l'élaboration d'un mythe jamais démenti autour de ce roman. L'éditeur Grasset, qui orchestra savamment le lancement de ce qu'il annonçait comme un chef-d'œuvre d'un très jeune auteur (notamment une bande-annonce projetée lors des actualités cinématographiques s'ouvrant sur la phrase « Le plus jeune romancier de France » et montrant l'auteur signant son contrat pour son premier roman[3]), reçut la faveur du public sur fond de ce scandale, la presse n'hésitant pas à donner à Radiguet le sobriquet de « Bébé Cadum de la littérature »[1].

Le caractère très libre et sulfureux du film Le Diable au corps de Claude Autant-Lara, en 1947, avec Gérard Philipe et Micheline Presle, provoqua également un scandale, lors de sa sortie.

En 1986 est sorti Diavolo in corpo, de Marco Bellocchio.

Notes et références

  1. a et b « Radiguet, le Diable au corps », documentaire d’Anaïs Kien dans l'émission La Fabrique de l'histoire sur France Culture, 12 février 2013, [lire en ligne]
  2. Raymond Radiguet, Le Diable au Corps, omnibus "Œuvres complètes", page 523, - "... à la fin de novembre, un mois après avoir reçu une lettre de faire-part de son mariage, je trouvai, en rentrant chez nous, une invitation de Marthe qui commençait par ces lignes : "je ne comprends rien à votre silence. Pourquoi ne venez-vous pas me voir..."" - "Une vieille femme ouvrit la porte : je lui demandai où demeurait Mme Lacombe (tel était le nouveau nom de Marthe)..."
  3. Élisabeth Philippe, « Rentrée littéraire : les petites recettes des gros succès »], Vanity Fair n°15, septembre 2014, pages 86-90.

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

Liens externes