La Ruche (école)

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L'équipe des adultes.
L'atelier de reliure.
La salle d'études.
Départ pour les champs. Au fond : le bâtiment principal.
L'atelier de menuiserie.
Apprentissage de couture et repassage.
La Ruche un jour de fête.

La Ruche est une école libertaire et un espace de vie communautaire fonctionnant selon le concept de coopérative intégrale.

Fondée en 1904, à Rambouillet (Yvelines), par Sébastien Faure, elle disparait durant l'hiver 1917 à la suite des restrictions imposées par la Première Guerre mondiale.

La Ruche s'inspire d'autres expériences d'éducation libertaire comme l'Orphelinat de Cempuis animé par Paul Robin de 1880 à 1894, et l'École moderne fondée en 1901 à Barcelone par Francisco Ferrer.

Projet pédagogique[modifier | modifier le code]

Selon Sébastien Faure, « La Ruche est une œuvre de solidarité et d'éducation. Par la vie au grand air, par un régime régulier, l'hygiène, la propreté, la promenade, les sports et le mouvement, nous formons des êtres sains, vigoureux et beaux. » [1].

Il oppose la méthode traditionnelle de la pédagogie, qualifiée de déductive et qui consiste à expliquer les concepts aux élèves qui doivent les assimiler, à une pédagogie dite inductive par laquelle il laisse l'élève faire le gros du travail d'apprentissage par lui-même : « Qui cherche, fait l'effort. »

La pédagogie vise le développement des capacités intellectuelles, physiques et morales. Pour Sébastien Faure, « Le rôle de l'éducation, c'est de porter au maximum le développement de toutes les facultés de l'enfant : physiques, intellectuelles et morales. Le devoir de l'éducateur, c'est de favoriser le plein épanouissement de cet ensemble d'énergies et d'aptitudes qu'on rencontre chez tous. » On parle alors d'éducation intégrale, le but étant de former des adultes accomplis[2].

Une expérience précédente, menée par Paul Robin[3], à l'orphelinat Prévost de Cempuis dans l'Oise, vient de se terminer en 1894. Sébastien Faure en rachète une partie du matériel d'imprimerie.

Dans un contexte de guerre scolaire, entre l'État et l'Église catholique, l'engagement politique libertaire de l'école est affirmée par Sébastien Faure, dans ses « Écrits pédagogiques : « L'école chrétienne, c'est l'école du passé, organisée par l'Église et pour elle ; l'école laïque, c'est l'école du présent, organisée par l'État, et pour lui ; La Ruche, c'est l'école de l'avenir, l'école tout court, organisée pour l'enfant afin que, cessant d'être le bien, la chose, la propriété de la religion ou de l'État, il s'appartienne à lui-même et trouve à l'école le pain, le savoir et la tendresse dont ont besoin son corps, son cerveau et son cœur. »[4],[5]

Auto-financement[modifier | modifier le code]

Quand il fonde la Ruche en 1904, Faure ne veut ni dépendre de l'État, ni fonctionner comme une école privée[6].

La Ruche est une institution qui accueille gratuitement les enfants : seuls quelques parents qui le peuvent, contribuent à leur entretien. Les tournées de conférences de Sébastien Faure[4] et les spectacles organisés par les enfants assurent les dépenses[7]

L'école comporte des ateliers qui sont autant de centres d'apprentissage. Sur le modèle d'une coopérative, elle s'autofinance en partie : elle produit du miel, des produits laitiers, des légumes et adhère à la bourse de coopératives de production locale. Son imprimerie réalise des travaux de commande pour des éditions syndicalistes et libertaires. En outre, elle édite des cartes postales vendues lors d'une grande fête annuelle[8].

Une fois par an, les enfants de 10 à 15 ans voyagent en France, ou même en Algérie, en . Logés dans des familles, ils donnent spectacles ou concerts payants, qui contribuent aux recettes de la Ruche. C'est ainsi que dans un budget de 21 726 F, le poste Fêtes à la Ruche et en voyage avec les enfants en dégage 3 857 (budget du au ).

La vie à l'école[modifier | modifier le code]

L'école accueille une quarantaine d'enfants venant de familles pauvres ou orphelins[9].

D'après le règlement de la Ruche, trois conditions doivent être remplies pour être admissible à l'école : être en bonne santé et âgé lors de l'admission entre 6 et 10 ans et que la famille prenne l'engagement de laisser l'enfant jusqu'à ses 16 ans[10].

Les professeurs sont tous des bénévoles. Leurs cours s’appuient sur un travail basé sur l'autonomie des enfants, une utilisation de la méthode positive, l'absence de classement.

Les élèves sont répartis en trois groupes, selon leur âge : les petits, les moyens et les grands. Sébastien Faure résume ainsi leur emploi du temps : « Jusqu'à l'âge de douze ou treize ans, ils ne font qu'aller en classe ; de douze, treize ans jusqu'à quinze ans, ils vont : une partie de la journée en classe, l'autre partie à l'atelier ou aux champs ; et, à partir de quinze ans, ils cessent d'aller en classe et ne vont qu'à l'atelier ou aux champs. Néanmoins, le soir venu, comme les grands ne vont se coucher que vers dix heures, ils lisent, suivent les cours supplémentaires que nos professeurs leur font, travaillent avec ceux-ci, causent, interrogent, échangent des idées et complètent, ainsi, leur petit bagage de connaissances générales. »[11]

La fin de la Ruche[modifier | modifier le code]

Cette expérimentation pédagogique prend fin en . L'école est fermée et ses derniers élèves dispersés[12].

Sébastien Faure en parle en ces termes : « La guerre maudite est venue, soumettant "la Ruche" à la plus rude des épreuves. La mobilisation l'a privée brutalement de la presque totalité de ses collaborateurs ; nos modestes ateliers (...) ont été fermés et le sont restés depuis août 1914. Le droit de réunion étant supprimé, j'ai dû renoncer à mes conférences dont le produit constituait 75 % environ des recettes qui alimentaient la caisse... En février 1917 "la Ruche" mourut victime comme tant d'autres œuvres amoureusement édifiées, de la guerre à jamais abhorrée. »[13].

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sébastien Faure.
  • Sébastien Faure, La Ruche, une œuvre de Solidarité, un essai d'éducation, dix années d'existence, Rambouillet, 1914.
  • Écrits pédagogiques de Sébastien Faure, Paris, Éditions du Monde libertaire, 1992, BNF & texte intégral Gallica.
  • Roland Lewin, Sébastien Faure et La Ruche ou l'éducation libertaire, Cahiers de l'Institut d'histoire des pédagogies libertaires, Éditions Ivan Davy, 1989, notice critique[14].
  • Édouard Stéphan, La Ruche, une école libertaire au Pâtis à Rambouillet, 1905-1917, Éditions Société historique et archéologique de Rambouillet et de l'Yveline, 91 pages, 2000, notice.
  • François-Gérard Roche, La vallée de Chevreuse et la forêt de Rambouillet en 1900... à travers la carte postale : L'école de la Ruche à Rambouillet, le comte Potocki, grange Colombe, la croix St Jacques, la duchesse d'Uzés, l'étang de la Tour, Vieille Église, la Villeneuve, Éditeur Arbre aux Papiers, 154 pages, 2000, (ISBN 2951483279), notice Sudoc et notice.
  • Jean Bourrieau, L'éducation populaire réinterrogée, L'Harmattan, 348 pages, 2001, (ISBN 2-7475-1710-1), notice éditeur.
  • Liste des cartes postales éditées par La Ruche (167 recensées au ), visibles sur Cartoliste.

Travaux universitaires[modifier | modifier le code]

Articles[modifier | modifier le code]

Sources[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Communauté libertaire.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Sébastien Faure : texte imprimé au dos d'une carte postale éditée par la Ruche en 1907.
  2. Jean Bourrieau, L'éducation populaire réinterrogée, L'Harmattan, 2001, page 143.
  3. Christiane Demeulenaere-Douyère, Un précurseur de la mixité : Paul Robin et la coéducation des sexes, in Coéducation et mixité, CLIO, Histoire, Femmes et Sociétés, 2003, 18, p. 125-132 texte intégral.
  4. a et b Michel Ragon, Dictionnaire de l'anarchie, Albin Michel, 2008, en ligne.
  5. Marc Angenot, Josiane Boulad-Ayoub, Former un nouveau peuple ? : pouvoir, éducation, révolution, préface de Michel Vovelle, Éditions L'Harmattan, 344 pages, 1996, (ISBN 2-7384-4086-X), page 115.
  6. Annick Ohayon, Dominique Ottavi, Antoine Savoye, L'Éducation nouvelle, histoire, présence et devenir, Peter Lang, coll. « Exploration », vol. 131, 2007 (ISBN 978-3-0352-0159-8) p. 70.
  7. Marc Angenot, Josiane Boulad-Ayoub, Former un nouveau peuple ? : pouvoir, éducation, révolution, Éditions L'Harmattan, 1996, page 108.
  8. Collection complète dans François-Gérard Roche, La vallée de Chevreuse et la forêt de Rambouillet en 1900... à travers la carte postale, Éditeur Arbre aux Papiers, 2000.
  9. « Des familles ouvrières, nombreuses ou peu fortunées, le plus souvent désorganisées par la disparition du père ou de la mère ont été heureuses de me confier leurs enfants », lettre du Sébastien Faure adressée à l'Inspection Académique de Versailles le 13 octobre 1913.
  10. « On nous a confié l'enfant en nous disant : "Faites qu'en quittant ce port, La Ruche, il soit capable d'affronter la vague furieuse!". Nous avons accepté. Eh bien ! Nous exigeons qu'on nous laisse l'enfant jusqu'à ce qu'il soit en état de braver l'ouragan. N'est-ce pas raisonnable ? », Écrits pédagogiques de Sébastien Faure, Paris, Éditions du Monde libertaire, 1992.
  11. Sébastien Faure, La Ruche, article dans l'Encyclopedie anarchiste, texte intégral
  12. La Guerre a tué « la Ruche » - La Guerre, la Guerre infâme et maudite a tué « la Ruche » (elle a tué tant de gens et tant de choses !) Seul, le produit de mes conférences la faisait vivre et, durant les hostilités, il était ordonné aux uns de tuer ou de se faire tuer et interdit aux autres de parler. Aussi longtemps que nous l'avons pu, nous avons, mes collaborateurs, nos enfants et moi, prolongé l'existence de « la Ruche », bien que cette existence soit devenue de jour en jour plus difficile et plus précaire. Mais, dès le commencement de l’hiver 1916-1917, il parut certain que, de cette lutte obstinée, nous sortirions définitivement vaincus. Sébastien Faure, La Ruche, article dans l'Encyclopedie anarchiste, texte intégral
  13. Ce qu'il faut dire, 3 mars 1917, reproduit dans le livre de Roland Lewin (voir en bibliographie).
  14. Christiane Demeulenaere-Douyère. Roland Lewin, Histoire de l'éducation, 1992, vol. 53, no 1, p. 93-96, texte intégral.