L'état social de la France

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L'état social de la France et de ses régions 2013.
Rapport France 2004.
Rapport dirigé par Jean-François Chantaraud[1].
Rapport 2012.

L'État social de la France était un rapport publié par l'Observatoire du dialogue et de l'intelligence sociale (Odis) et présentant une mise en perspective socio-historique et géopolitique de la société française à travers les modèles de l'intelligence sociale[2].

Première édition, 2004[modifier | modifier le code]

La première édition[3], préfacée en 2004 par Nicolas Sarkozy, identifie des signaux d'affaissement de la démocratie en France et dans les sociétés occidentales. Elle est structurée en cinq parties : cartographie des 26 régions françaises, la France vue par les citoyens, quatre monographies (les sapeurs pompiers, les infirmières, le harcèlement moral, l'actionnariat salarié), la France vue par les grands acteurs et observateurs, les meilleures pratiques de dialogue et d'engagement citoyen.

Rapport 2010[modifier | modifier le code]

Contenu[modifier | modifier le code]

L'édition 2010 contient trois parties qui tendent à démontrer la nécessité d'activer un « nouveau paradigme politique, économique et social ».

Classements statistiques : pays de l'Union européenne ; régions françaises.[modifier | modifier le code]

Ce rapport fait la démonstration de la corrélation lien social/performance[4] : deux agrégats d'indicateurs publics classent les régions françaises et les pays de l'Union européenne en matière de lien social et de performances. Le croisement des deux classements fait apparaître une corrélation étroite entre les deux dimensions. L'analyse qualitative du positionnement de chaque territoire révèle que la qualité du Lien social et le niveau de Performances ont pour racine commune le niveau de « mutualisation de l'information », qui organise et produit le niveau de « respect des personnes, des faits, des idées ». Au plan macro-social et sur la durée, l'ouvrage indique que c'est dans les mécanismes de gouvernance d'un corps social que réside le principal vecteur d'émission et de réception de signaux d'alerte, d'approfondissement et de partage des diagnostics, de l'appropriation par le plus grand nombre de solutions innovantes, et donc de capacité des décideurs à prendre et faire appliquer des décisions courageuses.

Étude de l'identité collective des sociétés : mondiale, post-industrielles, française[modifier | modifier le code]

Après avoir proposé une grille d'analyse de l'identité collective, « lien à l'espace, codes relationnels, mémoire collective, projet commun », l'auteur présente d'abord les phénomènes qui travaillent la société mondiale dans son ensemble, puis ceux dans lesquels sont engagées les sociétés dont la majeure partie des activités ne se déploient plus dans l'industrie mais dans le secteur tertiaire, pour enfin cerner ceux qui sont à l’œuvre dans la société française. Cette mise à plat selon un processus en gigogne permet de présenter des scénarios optimistes et pessimistes et d'identifier les nœuds et marges de manœuvre spécifiques des différents acteurs de chaque territoire.

L’ethos français[modifier | modifier le code]

Jean-François Chantaraud fait remonter à la spécificité presque exclusivement française du sacre des souverains, datant de Pépin le Bref, les racines de l'ethos français, qui repose sur la délégation consentie par les citoyens de leur responsabilité au chef de l'exécutif, lequel occupe à lui seul les deux sièges des pouvoirs temporel et spirituel, soit la capacité d'affirmation, mais aussi d'activation d'un système de valeurs. Après le sacre, la canonisation : le second acte de la fusion des deux pouvoirs est la transformation de Louis IX en Saint-Louis vingt-cinq ans après sa mort. Après la canonisation, l’absorption du pouvoir spirituel par Philippe IV de France constitue la clé de voûte de la fusion française temporel-spirituel. La partie d'échecs remportée par le roi de fer contre le pape se lit en quelques coups : canonisation de son grand-père Louis IX ; création du Tiers-État de toutes pièces pour prendre le Clergé en étau et imposer la Décime sur les dons et legs aux abbayes ; désignation d'un pape français ; saisie-arrêt du « Trésor » des templiers ; transfert de la papauté en Avignon, où tous les papes résidents seront français jusqu'à la fin du XIVe siècle. Après Philippe le Bel, le chef de l'exécutif détient le monopole de la capacité à dire le juste : s'opposer au roi revient à risquer sa carrière, voire ses biens et sa vie. Enfin, avec la phrase qui lui est prêtée « L'État, c'est moi », Louis XIV achève la concentration des pouvoirs sur la personne royale, mais surtout il prend acte du fait que le chef d’État est le seul à détenir la capacité à énoncer et défendre l'intérêt général, à l'encontre de toutes les autres parties prenantes qu'il confine a priori dans la défense de leurs intérêts particuliers. Ainsi, en quatre actes, l’État est le producteur des justifications sur lesquelles il fait reposer ses propres décisions et détient seul la légitimité de s'évaluer. Formuler des contre propositions revient ainsi à s'opposer à l'architecture intellectuelle des pouvoirs en place. Fondée historiquement sur une posture dogmatique d’État, la France centralisée dégrade les contre pouvoirs, et le débat public français laisse peu de place à la dialectique. En imposant la Terreur, les révolutionnaires français reproduisent le même schéma. Par la laïcité radicalisée, la philanthropie régulée, les grands acteurs économiques étroitement liés à l’État, la République française est le produit de cette histoire.

Introduction de nouveaux concepts[modifier | modifier le code]

Cet ouvrage introduit un nouveau regard sur la société actuelle, sur l'histoire de la France et du monde, mais aussi de nouveaux concepts, comme la sémiocratie et la démocraticité.

Conclusion : nécessité de préciser les mécanismes opérationnels de la démocratie[modifier | modifier le code]

Confrontés à la montée des « savoirs » et de la complexité, les systèmes républicains s'avérant ensevelis sous la société de consommation, il est alors proposé de « passer de la démocratie d'opinion à la sémiocratie ». Cela suppose d'inventer une méthode de dialectique sociale qui permette à la société de faire coproduire par ses citoyens son système de valeurs, à travers des méthodes participatives favorisant l'exercice de la responsabilité intellectuelle. La sémiocratie est alors définie comme « un mode de gouvernance qui permet de définir ensemble le sens de l'action à long terme, en associant les experts mais sans tomber dans l'écueil insurmontable de tenter de transformer chaque personne en expert sur tous les sujets ».

Un processus interactif[modifier | modifier le code]

Mode d'élaboration : Forums citoyens, monographies, confrontations pluridisciplinaires[modifier | modifier le code]

Ce rapport, dont le titre est réducteur puisqu'il ne traite pas seulement de la dimension sociale ni exclusivement de la France, est rédigé en collaboration étroite avec l'Odissée, association reconnue d'intérêt général présidée par Jean-Pierre Revoil, qui regroupe de nombreux décideurs et personnalités de toutes les sphères. Son élaboration est le fruit de l'animation, selon les modèles de l'intelligence sociale spécifiques à l'Odis, d'une grande quantité d'auditions de grands acteurs et observateurs[5] de forums, groupes de travail, tables rondes et travaux thématiques et transversaux. Pour avoir noué une proximité intellectuelle et une amitié avec l'auteur, Mohammed Arkoun a accompagné la progression de ses analyses.

Mode de diffusion : mise en débat et approfondissement des analyses[modifier | modifier le code]

La publication de ce rapport a fait l'objet de nombreuses présentations et débats au sein de grandes entreprises, syndicats, fédérations professionnelles, grandes écoles et organismes publics tels que la Banque mondiale[6], la Commission européenne[7], le Conseil économique, social et environnemental[8],[9], et en France dans la plupart des régions, au sein du conseil régional et du Conseil économique, social et environnemental régional.

Émergence d'une nouvelle rupture idéologique[modifier | modifier le code]

Jean-Pierre Revoil, et avec lui le Conseil d'administration de l'Odissée[10], concluent la préface du rapport 2010 par « Que le lecteur, stimulé pas ces pages, vienne contribuer à la création d'un nouvel essor des pratiques citoyennes ». Chaque interaction avec les publics tend à confirmer la démonstration présentée dans ce rapport : une nouvelle grille de lecture de la société se fait jour, remplaçant la ligne de fracture gauche/droite actuelle reposant sur les débats capital/travail, socialisme/libéralisme, et donc liée à l'ère industrielle dans laquelle entrent à présent les pays émergents, par deux postures intellectuelles s'opposant l'une à l'autre et toutes deux liées au « niveau de respect accordé à la diversité des personnes, des faits, des savoirs et des idées » :

  • d'un côté, ceux qui jugent que le citoyen n'est pas en mesure de se saisir de la montée de la complexité et de l'immédiateté et qu'il faut donc procéder à la concentration des pouvoirs pour éviter l'impuissance démocratique : ainsi, « élitisme et populisme se rejoignent sur la solution du chef éclairé et charismatique » ;
  • de l'autre, ceux qui estiment que « le vivre ensemble et l'agir ensemble proviennent de la capacité à penser ensemble et à réfléchir ensemble », et qu'il est donc nécessaire de mieux associer chaque personne à la définition et la construction de l'intérêt général afin de construire ensemble une cité meilleure.

Avec ce rapport, Jean-François Chantaraud pose plus qu'un diagnostic approfondi, il appelle le projet de « sortir de la dictature de l'opinion » et « bâtir un nouvel étage à la démocratie, qui permettra au plus grand nombre d'entrer dans la complexité »[11].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]